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lundi 6 novembre 2017

Energie : Le paquet hiver de de la Commission jette un sérieux froid !

Le paquet Monstre : 5000 pages pour plus de libéralisation, moins de sécurité, moins d’égalité

La commission européenne a livré dernièrement son 4ème paquet ( le Winter Package !) de recommandations et directives  intitulé « une énergie propre pour tous les européens ». Ces textes ont vocation à devenir – après vote du parlement européen, puis du conseil, des règlements d’application immédiate dans tous les secteurs concernés ou des directives à transposer en droit français avant mise en œuvre.
L’Europe de l’Energie (après celle de la métallurgie et du charbon !) s’est mise en route au début des années 1990. Le premier paquet concerna la libéralisation du marché de l’énergie ; le deuxième paquet (2003 ) a organisé un accès régulé des tiers au marché et la libéralisation pour tous les particuliers. Le troisième paquet (2009) a imposé l’indépendance des GRT (réseaux de transport) et un réseau européen de  gestionnaires de réseaux de transport, l’ENTSOs.  Le quatrième paquet affiche des  ambitions de réduction des émissions de CO2, d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétiques (traduisez un  consommer moins).
Des ambitions nobles mais dans la pratique, ouverture des marchés et libre circulation de l’énergie se sont concrétisées par des transformations brutales de nos entreprises et sont loin d’avoir tenu des promesses faisandées dès le départ.  : l’accès des tiers au réseau, séparation d’EDF en deux, ouverture des marchés … Au final des entreprises fragilisées, et  des consommateurs qui voient leurs factures augmenter. Des ENR certes en progression, mais à quel prix ?
Ce paquet énergie, c’est 5000 pages porteuses d’éléments à forts impacts pour l’avenir des salariés, des entreprises, des clients, qui vont encore plus dans le sens de la libéralisation du marché de l’énergie et de la dérèglementation, au point de mettre en péril l’accès égal de tous à l’énergie, et d’ailleurs l’accès à l’énergie tout court.   Or  parmi les rapporteurs des textes au parlement européen, il n’y a aucun parlementaire français, et  selon la pratique européenne, Il ne faut pas compter sur des marges de manœuvre possibles lors de la déclinaison !!! au parlement français – il sera alors trop tard. Et le calendrier politique en France ne facilite pas l’implication des hommes politiques français- à l’exception notable des Sénateurs de l »’Ancien Monde » ( c’est-à-dire pas des beni oui oui du libéralisme d’En Marche) qui à travers un rapport sénatorial très fourni ont publié une très sévère et inquiète mise en garde : cf. Rapport n°435 de la Commission des Affaires économiques, 22 février 2017, L. Poniatowski, J. Bizet et M. Delebarre)

Les points problématiques : décarbonation, tarifs régulés, stabilité du réseau, égalité tarifaire, perte de contrôle du réseau à l’échelle nationale

Un objectif de - 40% d’émission de C02 en 2030  par la commission… mais une impasse majeure dans les textes sur la contribution du nucléaire en tant qu’énergie décarbonée, alors que celui-ci reste un atout majeur pour la décarbonation de l’énergie. Sans nucléaire, l’objectif de rester à moins de 2° d’augmentation de la température sera enfoncé.

La suppression des tarifs régulés, tel que les tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité
Les textes demandent un arrêt immédiat des tarifs particulier réglementés de l’électricité et du gaz. Outre les pertes de part de marché attendues pour les entreprises et l’impact sur les emplois commerciaux du segment particulier, la mesure est sans justification dès lors que ces tarifs sont contestables par les fournisseurs alternatifs. Leur suppression expose le consommateur d’autant plus   que d’autre mesures rendent obligatoires de proposer au consommateur une tarification dynamique (indexée sur le prix marché) et qu’une autre prévoit le déplafonnement total des prix de gros de l’électricité et l’interdiction d’un prix plancher…
Une tarification dynamique qu’es aco ? une étude de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) montre qu’un pic extrême aboutirait à multiplier par 1000 la valeur du prix horaire, soit en une heure l’équivalent d’une semaine ou un mois de consommation. C’est lorsque vous aurez vraiment besoin de chauffage que vous le paierez très très cher !!!!

Les Mécanismes de capacité remis en cause et les contrat long terme non confortés… Vers le black out !
Les mécanismes de capacité (ils sont indispensables pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique aux périodes de pointe de consommation), dans un contexte durablement marqué par l’essor de la production d’électricité intermittente  devraient se trouver confortés. Pourtant il n’en est rien : conditionnés à la réalisation d’une étude à l’échelle européenne, révisés annuellement  et qui plus est sans  cadre de réciprocité entre états membres, comment pourraient-ils conforter les investissements et mener une politique de long terme ?
De manière assez étrange, les mécanismes de capacité allemands reposant sur des centrales à charbon se trouvent confortés tandis que ceux d’EDF seraient invalidés. Comme quoi le lobbying européen est important et certains le pratiquent mieux que d‘autres.

Droit des « communautés d’énergies renouvelables » de produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie… mais aucune étude sur la stabilité du réseau et la fin de l’égalité tarifaire
Avec le développement des ENR et leurs intégrations  le droit des « communautés d’énergies renouvelables » de produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie est affirmé (ainsi que le  droit à l’autoconsommation d’ENR individuelle et collective et à la vente des surplus d’électricité). L’encadrement de ces nouveaux modèles énergétiques plus décentralisés est absolument nécessaire pour préserver la solidarité entre les territoires et la péréquation tarifaire. Aucune des conséquences possibles et gravissimes sur l’optimisation des réseaux et la sécurité même de l’approvisionnement ne sont envisagées, non plus que sur la robustesse du mode de financement des réseaux. Fort légitimement, le Sénat s’est intéressé aux effets néfastes attendus sur l’égalité entre les territoires et la péréquation et a publié un rapport très critique sur la quatrième paquet.

un transfert de souveraineté des États vers l’Europe en matière de sécurité d’approvisionnement par la création de centres opérationnels régionaux, les fameux « ROC » (regional operational centers). Véritables entités supranationales, ceux-ci accapareraient les pouvoirs dévolus au gestionnaire de réseau de transport, notamment RTE, avec une perte de maîtrise de nos conditions d’approvisionnement.
Réactions syndicales et sénatoriales

Plusieurs syndicats, dont CFE-CGC énergie, FO énergie, CGT énergie se sont montrés très critiques et inquiets vis-à-vis du Paquet Monstre de la Commission européenne. Parmi leurs principales recommandations :le traitement de la question de fond en matière climatique de la contribution de l’énergie nucléaire en tant qu’énergie décarbonée ainsi que la mise en place d’une tarification forte du carbone à l’échelle européenne et donc la réforme déterminée du système d’échange des quotas (ETS) ; l’’opposition à la suppression des tarifs régulés de l’électricité  ainsi que celle de faire obligation aux fournisseurs de proposer une offre de tarification dynamique ; l’’encadrement des nouveaux modèles énergétiques plus décentralisés  pour préserver la solidarité entre les territoires (et la péréquation tarifaire), l’optimisation des réseaux ainsi que la robustesse de leur mode de financement ;,un cadre sûr pour les contrats longs termes  et les mécanismes de capacité pérennes en tant que levier de l’investissement et la sécurité d’approvisionnement électrique.

Quelques commentaires du rapport sénatorial (Rapport n°435 de la Commission des Affaires économiques)

« Le dogme selon lequel le marché pur serait gage d’harmonie absolue pour tous les consommateurs, les producteurs et les territoires inspire largement les textes. Le passage de compétences en principe partagées entre l’état et l’UE à une compétence européenne quasi exclusive se fait sentir sur un certain nombre de points. L’utilisation excessive des normes et règlements au détriment d’une ambition politique est évidente. »

« On regrettera cependant qu’un tel volume (5000 pages), en partie justifié par la technicité des sujets abordés, rende malgré tout difficile son appropriation par les citoyens. J’ajoute que cela fait déjà presque trois mois que les textes ont été présentés et que de nombreux volets ne sont pour autant toujours pas traduits en français !
L’électricité est un bien de première nécessité, ce que la Commission européenne semble oublier… »

« En matière de compétence européenne sur l’énergie, nous sommes passés d’une compétence partagée à une compétence imposée ! »

« Toute évaluation de la politique européenne, et en particulier, un bilan indépendant de la Commission des étapes précédentes de la politique de libéralisation de l’énergie s’avère impossible à obtenir : « Mon intention était que la Commission européenne nous fournisse un rapport avec des chiffres sur longue période, couvrant l’ensemble de l’Europe, pour comparer les objectifs initiaux et les résultats de la construction du marché intérieur de l’électricité. » (Amendement de M. F. Montaugé considéré comme impossible à réaliser)

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Paquet Hiver Energie, ou comment une fois de plus la Commission Européenne se rend détestable !

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