Le Cérémé a donc proposé un scénario alternatif fondé sur
le retour à une grande ambition industrielle dans le nucléaire civil.
Une
décarbonation réussie et un scenario ambitieux de réindustrialisation (836
TW.h), du nucléaire et peu d’éolien.
Un scenario
de réindustrialisation : Le Cérémé fait l’hypothèse d’une forte
réindustrialisation du pays (à 13 % du PIB) ainsi que d’un niveau élevé de
décarbonation de l’économie, menant à un niveau de consommation électrique de 836 TWh.
Pour rappel, le scénario de référence de RTE, dans ses
Futurs énergétiques 2050, prévoit une consommation de 645 TWh (avec deux variantes, l’une de sobriété à 555 TWh et l’autre
de réindustrialisation à 755 TWh), tandis que le scénario S4 de l’Ademe aux
paris technologiques les plus poussés table sur une consommation de 839 TWh. Si la demande devait être plus
faible que celle projetée, un tel plan permettrait à la France de conserver son
statut de grand exportateur d’électricité décarbonée,
Un
mix nucléaire : Le Cereme propose donc un mix alternatif reposant sur un rôle plus
important du nucléaire qui remédie aux points faibles des scénarios présentés
par RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050
Il est basé sur l'hypothèse de la
mise en oeuvre d'un programme électronucléaire français permettant d'atteindre 98,6 GW de capacité nucléaire installée
en 2050 et reposant sur deux hypothèses fortes :
- la prolongation du parc nucléaire
historique jusqu'à 70 ans ; soit
59 GW, avec une hypothèse de disponibilité de 75 %,
- la construction de 24 nouveaux réacteurs de type EPR 2 d'ici
2050, soit 39,6 GW d’ici à 2050 (avec un taux de disponibilité
de 85 %). Ces nouveaux réacteurs seraient construits sur un rythme de deux par
an à compter de 2028, « à mettre en relation avec le rythme de mise en
service du parc historique, de quatre à six réacteurs par an, dans les années
soixante-dix et quatre-vingts »
Ces moyens nucléaires sont complétés par les moyens
hydrauliques existants et projetés par RTE dans son rapport Futurs Energétiques
2050 ainsi que par une part plus faible d'EnRi
(49,6 GW).
En effet, ce mix fait l'hypothèse de l'arrêt du développement et du non-renouvellement des capacités
renouvelables centralisées. En 2050, le parc EnRi est alors constitué
principalement de capacités solaires
diffuses (48,7 GW) en autoconsommation dont le développement dépend plus
marginalement des pouvoirs publics. Les
capacités éoliennes sont progressivement retirées du fait de leur
vieillissement (durée de vie estimée à 20 ans pour l'éolien offshore, 25 ans
pour l'onshore).
Enfin, le mix intègre des capacités thermiques (22,6 GW)
visant à assurer le bouclage de la demande en pointe et à garantir la sécurité
d'approvisionnement du pays. Ces capacités prendront le relais des importations
(capacité d'interconnexion maintenue à son niveau actuel de 15 GW) en cas
d'indisponibilité d'énergie décarbonée ou compétitive sur le marché européen
lors des pointes de demande.
Ce mix permet d’assurer :
- la sécurité d'approvisionnement en permettant de disposer de 146,1
GW à la pointe en 2050 en conditions défavorables, dépassant ainsi la demande
maximale assortie d'une marge de sécurité de 10% et garantissant ainsi la
sécurité d'approvisionnement du pays.
(NB C’est notamment grâce au gaz et biogaz (20 GW) et en
partie grâce aux importations (15 GW) que le scénario du Cérémé entend passer
la pointe électrique (qu’il estime à 132 GW), en disposant d’une capacité de
146 GW à la pointe en 2050, en conditions météorologiques défavorables. Cependant,
"en attendant la montée en puissance du nouveau nucléaire, des capacités
de pointe devront être mises en place autour de 2035")
RTE étudie dans
ses scénarios une pointe de 120 GW, résolue en partie par 39 GW d’importations
via les interconnexions avec les pays frontaliers.
(NB : sauf que tous les pays d’Europe diminuent
dangereusement leurs capacités pilotables, cf. note de France Stratégie https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/02/note-de-france-strategie-quelle.html)
- la performance climatique :
les moyens thermiques installés seraient utilisés presque exclusivement
pour servir une demande en pointe et n'entraîneraient alors des émissions de
CO2 qu'à hauteur de 2,8 millions de tonnes (dans le cas d'une production au
gaz). Ces émissions, en baisse de plus
de 80% par rapport à 2019, seraient à des niveaux comparables avec celles
estimées par Roland Berger pour le scénario N03 de RTE et sont par ailleurs
potentiellement évitables par un recours au biogaz, dont le potentiel national
apparaît suffisant en 2050 (demande du système électrique équivalente à 5% du
potentiel de biogaz total estimé).
- à un coût optimal : le mix Cérémé offrirait aux
consommateurs français une électricité plus compétitive que les scénarios
officiels, notamment en raison d'investissements plus faibles pour des coûts
fixes d'exploitation comparables, et un moindre risque lié aux coûts variables
(gaz et CO2).
Les investissements requis sur la période 2019 – 2050 par le mix Cérémé
seraient de 591 milliards d'euros contre respectivement 745 et 912
milliards d'euros pour les mix N03 et Belfort. Ceci s’explique parce que le
caractère intermittent de la production des EnRi conduit en effet les scénarios
RTE N03 et Belfort à installer des capacités plus importantes pour obtenir du
disponible comparable, entrainant également des investissements supérieurs dans
le réseau (raccordement et renforcement).
(NB : le scenario admet une hypothèse de coût du capital de 4 % pour le
nucléaire, comme RTE)
Le scénario du Cérémé "permet de résoudre les
faiblesses des scénarios de RTE à la pointe", estime le consultant
Emmanuel Fages, pour le cabinet Roland Berger, Avec une part de 80 % de
nucléaire en 2050, qui suppose la construction de 24 EPR et le prolongement du
parc actuel jusqu’à 70 ans, et sans éoliennes, le mix électrique proposé par le
Cérémé "semble à même de sécuriser l’approvisionnement à des coûts et
émissions de CO2 faibles.
24
EPR, c’est possible ! :Interrogé sur la capacité de la filière à
construire plus que 14 EPR d’ici 2050, limite des capacités de la filière
envisagée par RTE, Emmanuel Fages "ne voit pas pourquoi il y aurait un mur
du son à 14 EPR". "On a le temps d’adapter les compétences dans les
quinze ans qui viennent". Cela demandera certainement un travail important
sur l’organisation industrielle actuelle de la filière, afin d’améliorer sa
capacité à relever les défis techniques et managériaux d’une telle politique.
Construire du nouveau nucléaire sera un immense défi
industriel mais la France a les moyens de le faire. Si demain, le nucléaire est
érigé au rang de priorité nationale, il y aura comme un effet boule de
neige", (Xavier Moreno,président du Cérémé)
NB : Dans la présentation de son rapport Futurs
énergétiques 2050, RTE précise pour le nucléaire : « 50GW ( donc 14 EPR), ce n’est pas une
limitation technique, ce n’est pas gravé dans le marbre, c’est juste la
photographie à date de ce qui représente déjà un véritable défi industriel ». Dans
le corps du document RTE précise : « Cette projection pourra être amenée à
évoluer avec le temps : sans réinvestissement dans la filière, sa capacité
projetée à long terme continuera de diminuer, tandis qu’une décision rapide de
relance pourrait conduire, ultérieurement, à revoir à la hausse ses
perspectives »(Chap 4 p.112)
Le
cabinet Roland Berger estime "sans regret" la décision de lancer un
nouveau programme nucléaire et appelle l’exécutif à se décider "au plus
vite".
Il est à noter que ce scénario ne comporte plus (ou
presque) de capacités éoliennes (ni terrestre, ni en mer) en 2050, qui ont été
progressivement débranchées à l’issue d’une durée de vie estimée autour de 25
ans, et n’ont pas été renouvelées.
"Nous voyons bien que l’on passe très bien la pointe
sans éolien, alors que nous avons été bombardés par l’idée que l’éolien était
notre sauveur", commente le président du Cérémé, Xavier Moreno. "L’intérêt général et la sécurité d’approvisionnement
électrique n’exigent pas cette prolifération d’éoliennes." '
3) Autres
mesures préconisées par le Cereme- les décisions immédiates sur l’éolien.
1. L’abrogation du décret du 21 avril 2020 portant Programmation
Pluriannuelle du l’Energie, obsolète
2. La suspension temporaire des autorisations et instructions de nouveaux
projets éoliens, de manière à prendre le temps et la réflexion nécessaires pour
réviser les règles applicables.
Avant la fin 2022, l’adoption d’une loi de réorientation des priorités
Energie-Climat qui viserait à :
- Recentrer les objectifs stratégiques de l’énergie sur des choix
techniques permettant à la France de tenir ses engagements, notamment en
rétablissant la priorité à donner à la relance du nucléaire.
- Accompagner cette réorientation par 4 mesures portant sur les projets
éoliens :
1. Modifier la distance minimale entre les éoliennes et les habitations
2. Reconnaître le droit pour l’ensemble des communes affectées par un
projet de le refuser
3. Rétablir le Code de la santé publique en matière de bruit éolien
4. Supprimer la garantie de recettes pour les projets non encore autorisés
Plus
spécifiquement, concernant l’éolien en mer, le Cereme rappelle la résolution du
Parlement européen sur la pêche :
« Pour ce qui est des enjeux, tant pour les impacts sur les milieux
marins que pour la protection des activités halieutiques, il faut rappeler la
résolution du Parlement européen prise quasi à l’unanimité le 7 juillet 2021
https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-07-07_FR.html#sdocta12.
Extraits :
« 45. souligne que les parcs éoliens en mer ne devraient être construits
que si l’absence d’incidences négatives, sur les plans environnemental et
écologique ainsi que sur les plans économique, socio-économique et
socioculturel, sur les pêcheurs et les producteurs aquacoles, est garantie,
conformément aux objectifs de l’économie bleue et du pacte vert pour l’Europe ;
46. invite instamment les États membres à prendre en considération
l’incidence des énergies marines renouvelables sur l’écosystème marin et les
pêcheries lors du choix de leur bouquet énergétique ;
47. invite instamment les États membres à également continuer à travailler
sur le développement et l’utilisation d’autres formes d’énergie renouvelable ;
48. invite la Commission à réaliser une
analyse d’impact portant sur les incidences économiques, sociales et environnementales
attendues de la construction de parcs éoliens en mer, dans les zones où ceux-ci
sont susceptibles d’entrer en conflit avec le secteur de la pêche et d’avoir
des répercussions sur la pérennité de la vie marine ;
54. insiste sur le fait que le principe de précaution,
prévu à l’article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne, doit s’appliquer si des décisions doivent être prises avant que les
connaissances ou les informations requises ne soient disponibles. »
Et propose les mesures suivantes :
« I.- Pour les installations de production d'énergie renouvelable en mer et
leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d'électricité, sont
applicables les dispositions suivantes :
1° L'étude d'impact doit être réalisée puis mise à la disposition des
maîtres d'ouvrage et rendue publique par les voies appropriées par le ministre
chargé de l'énergie ;
2° Les autorisations suivantes fixent les caractéristiques définitives pour
ces projets d'installation, étant fixé que toute évolution des prescriptions
postérieure à la délivrance de l'autorisation nécessite la réalisation d’une
nouvelle enquête publique annulant l’enquête publique initiale :
a) L'autorisation unique prévue à l'article 20 de l'ordonnance n° 2016-1687
du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté
ou de la juridiction de la République française ; b) La concession
d'utilisation du domaine public maritime prévue à l'article L. 2124-3 du code général
de la propriété des personnes publiques ;
c) L'autorisation environnementale prévue au présent chapitre ;
d)L'autorisation d'exploiter prévue à la section 2 du chapitre Ier du titre
Ier du livre III du code de l'énergie ;
4) Code
de l’environnement : le Cereme propose un nouvel article
Il convient donc de créer par la création d’un article L 130 nouveau dans
le code de l’urbanisme les conditions juridiques pour retrouver un lien logique
dans ces textes au bénéfice des intérêts supérieurs de l’environnement tels
que les décrit la Charte de l’Environnement :
« PROCLAME :
Article 1er. Chacun a le droit de vivre dans un
environnement équilibré et respectueux de la santé.
Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à
la préservation et à l'amélioration de l'environnement.
Article 3. Toute personne doit, dans les conditions
définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à
l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
Article 4. Toute personne doit contribuer à la
réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions
définies par la loi.
Article 5. Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des
connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible
l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe
de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de
procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et
proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage