Pages

samedi 14 octobre 2023

Materials and Resource Requirements for the Energy Transition- (Energy Transitions Commission , July 2023)

 Objet de l’étude et hypothèses :

Ce rapport s’appuie sur la bibliographie existante et existants et évalue :

• S’il existe suffisamment de ressources en matières premières pour soutenir la transition énergétique.

• Si l’offre peut croître assez rapidement pour répondre à la demande.

• Les impacts environnementaux mondiaux et locaux de l’augmentation de l’exploitation minière et du raffinage des métaux.

• Les mesures qui peuvent être prises pour assurer un approvisionnement adéquat et sûr et pour réduire les incidences négatives sur l’environnement.

Les hypothèses 2050 :

- Une augmentation spectaculaire de la consommation mondiale d’électricité, passant de 28 000 TWh en 2022 à 110 000 TWh d’ici 2 050. Plus de 75% de cette somme serait fournie par l’éolien et le solaire, nécessitant environ 26 à 34 TW d’énergie solaire et 14 à 15 TW d’énergie éolienne, contre environ 1,2 TW et 1 TW, respectivement, aujourd’hui. Le reste sera fourni par un mélange de sources nucléaires, hydroélectriques et autres sources zéro carbone, ainsi que par des batteries et d’autres stockages pour répondre à environ 5% des besoins quotidiens en production.

- Une expansion majeure des réseaux électriques, passant de 75 millions de km actuellement de transport et de distribution à plus de 200 millions de km d’ici 2050.

- Un rôle majeur pour l’hydrogène à faible teneur en carbone, avec une utilisation totale d’hydrogène passant de 90 à 100 Mt aujourd’hui (dont seulement environ 1 Mt est à faible teneur en carbone) à 500-800 millions de tonnes par an, dont la forte majorité (par exemple, 85%) est susceptible d’être de l’hydrogène « vert » fabriqué par électrolyse alimenté par de l’électricité à faible teneur en carbone. Cela nécessite une capacité d’électrolyseur allant jusqu’à 7 000 GW en 2050.

- La décarbonisation quasi totale du parc mondial de véhicules de tourisme d’ici 2050, nécessitant plus de 1,5 milliard de voitures électriques et ~200 millions de camions et bus électriques. Cela nécessite une capacité totale de la batterie allant jusqu’à 150 TWh.

- Capacité de captage, d’utilisation et de stockage du carbone d’environ 7 à 10 GtCO2 par an, afin de compenser l’utilisation restante de combustibles fossiles et de traiter les émissions dans des applications spécifiques et d’éliminer le carbone.

Moyennant ces hypothèses j’ai rassemblé un certain nombre de courbes qui font la richesse de ce document.

Conclusion 2050 :  à condition d’un développement massif de nouvelles mines et industries de transformation, les ressources en matériaux prévisible pour 2050 peuvent permettre le succès de la transition énergétique. Pour que celle-ci s’accompagne du moins de dégâts environnementaux possibles et d’une moindre dépendance étrangère  il convient de privilégier les technologies les plus économes en matériaux et métaux critiques,  donc le nucléaire et de déprioritiser les plus consommatrices, donc l’éolien offshore.

 Conclusion 2030 : la demande en matériaux critiques pour 2030 excède les possibilités de production pour le cuivre, le nickel, le néodyme, le lithium, le cobalt, le lithium et le graphite.

Il est donc nécessaire de privilégier les techniques de production les plus économes en ces matériaux, et donc d’éviter les plus gourmandes- laquelle est clairement l’éolien offshore. Une urgence : déprioriser l’éolien offshore !

 On rappellera la conclusion du Directeur du BRGM : en 2030, il faudra choisir entre l’éolien, le téléphone portable et le développement d’internet en Afrique. (cf sur ce blog https://vivrelarecherche.blogspot.com/2023/05/les-limites-physiques-du-developpement.html)

Graphique 1) Les matériaux et métaux importants pour 2050

Graphique 2)  Augmentation des besoins en métaux et matériaux critiques pour 2050


Graphique 3) Les besoins en métaux et matériaux critiques par technologie

Conclusion : explique les tensions sur le cuivre et l’acier, montre que le nucléaire, avec l’hydroélectricité est le plus économe en matériaux.



Graphique 4) Les performances CO2 de diverses technologies

Conclusion : excellente performance du nucléaire dès aujourd’hui. Pour le reste les performances CO2 sont pour les meilleures techniques prévisibles en 2050. Le rôle de l’hydrogène parait surestimé selon des projections plus récentes. Pour les auteurs du rapport, la conclusion est optimiste : selon leur prévision, la décarbonation massive peut réussir !



Graphique 5) Criticité des besoins en métaux et matériaux critiques en 2050

Conclusion : Le cuivre, le nickel, le cobalt et l’argent sont en risque de pénurie, la demande excédant les réserves. Par contre, elle n’excéde pas les ressources connues. La transition apparait donc soutenable, à condition d’ouvrir suffisamment de nouvelles mines et usines de traitement rapidement.


Graphique 6 et 7)  Avec un effort considérable de recherche et développement, le recyclage pourra apporter une contribution significative à la demande de métaux et matériaux critiques d’ici 2050


Graphique 8 et 9 )  Même avec un recyclage important, la réussite de la transition en 2050 exigera l’ouverture d’un nombre important de nouvelles mines avant 2030, en particulier pour le cuivre, le nickel et l’argent 



Graphiques 10 et 11) : la possibilité de la transition énergétique en 2050 est conditionnée par un raccourcissement important des durées d’ouverture de nouvelles mines et par des investissement très conséquents dès la prochaine décennie (1,7 trillions de dollars d’ici 2050)

L’augmentation de l’offre primaire sera cruciale pour répondre à la croissance rapide de la demande. Pour y parvenir, quatre défis majeurs doivent être surmontés : les difficultés à prévoir la demande future, les longs délais d’extraction, le manque d’investissements et les défis liés à l’augmentation de la production minière actuelle. Une action concertée des décideurs, des mineurs et des investisseurs sera nécessaire pour créer une certitude quant à la demande future, accélérer les délais de développement minier, augmenter les dépenses en capital actuelles de 45 milliards de dollars par an à 70 milliards de dollars jusqu’en 2030 et accroître la productivité minière.



Graphiques 12 , 13,  14) : la nécessité d’exploitation intensive de nouvelles mines entrainera une forte augmentation de a consommation en eau pour l’activité minière, multipliée par 4 . C’est particulièrement le cas pour le cuivre, qui est aussi très polluant et les ouvertures de mines peuvent faire l’objet de forte oppositions.

Même après 2050, il importera donc aussi pour des raisons environnementales de limiter le recours aux techniques de production les plus gourmandes en ces matériaux, - laquelle est clairement l’éolien offshore. Une urgence : déprioriser l’éolien offshore !



Graphique 15 : Il vaut mieux investir dans le nucléaire que dans les énergies variables intermittentes

La production d’énergie nucléaire a une intensité matérielle bien inférieure à celle de énergies solaire et éolienne, ainsi que des exigences beaucoup plus faibles en matière d’utilisation des terres (tant pour l’extraction des matériaux que pour l’exploitation).

L’expansion de la capacité nucléaire pourrait être une option pour réduire les besoins en terres et en matières premières.

NB les coûts indiqués pour le nucléaire et l’éolien sont des comparaisons de coûts de production ( LCOE) et non pas comme ce devrait être, de comparaisons de coût des systèmes complets intégrant les besoins de stockage et de services systèmes ( fréquence, inertie…) au réseau et d’extensions du réseau lui-même. Les études de RTE d’une part et de la NEA d’autre part montrent un coût bien supérieur de l’éolien, en particulier off shore lorsque ces coûts totaux sont pris en compte ( typiquement pour la France,  plus de 20 milliards par an pour des systèmes à forte proportion d’ENR contre des systèmes plus nucléarisés . En particulier pour l’éolien offshore, les coûts sont plutôt de 150/200 eur le Mwh contre 60- 70 pour le nucléaire.

Graphique 16 : investir dans des technologies de production d’électricités gourmandes en métaux et matériaux critiques renchérira leur coût et retardera la transition vers les véhicules électriques avec des conséquences importantes pour les émissions carbone.

Graphique 17) les goulots d’étranglement en métaux critiques d’ici 2030 

Graphique 18: la demande en matériaux critiques pour 2030 excède les possibilités de production

Conclusion : ça ne passe pas pour le cuivre, le nickel, le néodyme, le lithium, le cobalt, le lithium et le graphite.

Il, est donc nécessaire de privilégier les techniques de production les plus économes en ces matériaux, et donc d’éviter les plus gourmandes- laquelle est clairement l’éolien offshore. Une urgence : déprioriser l’éolien offshore !

Graphique 19)  le recyclage n’apportera pas de solution possible d’ici 2030 mais pourra contribuer significativement à partir de 2040

NB c’est évident, pour recycler, il faut qu’il y ait déjà suffisamment à recycler ! Et 2que les techniques aient été développées de manière à devenir soutenables économiquement

Graphique 20)  D’ici 2030,  la demande en cobalt, cuivre, graphite pour anodes, lithium et néodyme excédera les possibilités de production.

L’utilisation des technologies les plus gourmandes en ces métaux et matériaux, tel
l’éolien offshore devra être limité



Graphique 21) D’ici 2030,  la production en cobalt, cuivre, graphite pour anodes, lithium , nickel, platine, métaux rares est extrêmement concentrée et nous expose à des risques géopolitiques majeurs.

NB ce n’est pas le cas de la demande en uranium, très diversifiée

D’ici 2030, l’utilisation des technologies les plus gourmandes en ces métaux et matériaux, tel l’éolien offshore devra donc être limité


vendredi 13 octobre 2023

Patrimoine National et Climat sur le bilan prévisionnel 2035 de RTE

 1) Un tabou tombe : «Pour éviter ruine ou black-out, nous allons hélas devoir construire des centrales à gaz»

Patrimoine Nucléaire et Climat a pris une position courageuse mais que beaucoup d’experts réclamaient sans trop oser le dire. Il va falloir relancer la construction de centrales à gaz !

Tribune Figaro Vox, https://www.lefigaro.fr/vox/societe/pour-eviter-ruine-ou-black-out-nous-allons-helas-devoir-construire-des-centrales-a-gaz-20230927

Dans l'attente d'une reprise du nucléaire, il faut trouver une solution pour couvrir les besoins énergétiques de la France, plaident l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer, et les anciens ministres Jean-Pierre Chevènement et François Goulard.

« Pour avoir délibérément sous-estimé l'évolution de sa consommation et avoir décidé en dix ans la fermeture de plus de 10 GWe de capacité de production électrique, la France se trouve aujourd'hui face à un « mur énergétique », selon l'expression de la ministre en charge de la transition énergétique, qu'il s'agisse du court, moyen ou long terme. La situation est grave, car nous manquons de moyens de production pilotables, et les conséquences industrielles, économiques, sociales et politiques, déjà lourdes, ne peuvent que s'aggraver. »

« La relance de la filière nucléaire, essentielle et réclamée dans le rapport d'Escatha-Billon d'il y a 5 ans, ne pourra raisonnablement pas répondre à ces besoins avant 2035-2040. »

« RTE, CRE, comme la DGEC restent obstinément dans le déni face aux besoins en électricité pilotable »

« Il faut être réalistes et ne pas se cacher derrière des scénarios évolutifs et autres planifications complexes, qui restent des exercices théoriques technocratiques, entachés de biais multiples… Ces centrales de pointe, dont le coût d'investissement est modéré, ne seraient appelées qu'en cas de nécessité lors des pointes de consommation et pour compenser l'indisponibilité de l'éolien et du solaire. Leurs émissions de GES seraient donc modestes et largement compensées par les économies globales d'émissions obtenues grâce à l'électrification de notre économie et de notre patrimoine industriel. Elles nous protégeraient d'importations ruineuses d'une électricité hyper-carbonée, de la fragilisation de notre industrie face à une production hachée par les effacements et du risque de black-out. Nous serions robustes quelle que soit la météo ! »

2) Positifs et negatifs du bilan bilan prévisionnel 2035 de RTE

 PNC se félicite par ailleurs des évolutions récentes de RTE :

« -La perspective inéluctable d’une croissance forte des besoins en électricité est actée ;

- les scénarios à objectif 100 % renouvelables, très présents dans le document « 2050 »de 2021, semblent tombés dans l’oubli, même dans les questions en conférence de presse ;

- le nucléaire est clairement rentré en grâce.

Et de la fin de quelques illusions (mais pas de toutes …) :

- La flexibilité de la demande et les batteries ne résolvent pas tout

- Révision à la baisse des puits de carbone et du volume de biomasse disponible ;

- Doutes sur les smart grids

- Prudence sur la flexibilité des électrolyseurs…mais RTE la considère comme indispensable, ce qui n’est pas acquis, sauf à accepter des pertes de rendement. Par  ailleurs, la filière hydrogène n’est pas présentée en tant que « stockage d’électricité ».

- Prudence sur la rénovation thermique des logements, ce qui oriente vers le  changement d’énergie vers les sources décarbonées, essentiellement l’électricité et les PAC.

Sur un plan général, il est frappant de constater que ce bilan donne très peu d’indications sur  les prévisions 2030, bien que les engagements de la France vis-à-vis des directives et recommandations européennes soient à cette date. Cette remarque porte à penser que RTE  estime les objectifs 2030 largement inatteignables et reporte aux 5 années suivantes l’essentiel des développements,

RTE présente des développements larges hors du champ d’expertise de RTE et limités sur son  cœur de mission. A titre d’exemple : l’analyse technico économique de la compétitivité de  l’hydrogène décarboné produit en France ou importé, suivant l’usage (RTE a eu cependant  des échanges importants avec GRTgaz sur le sujet et se doit d’étudier l’impact de l’émergence  de l’hydrogène).

Par contre, les questions concernant le réseau électrique et l’équilibre instantané production consommation ne sont en large partie que survolées. »

3) Encore un gros déni de RTE : l’ingérabilité de  l’intermittence avec la montée en puissance des ENR

On ne peut qu’être surpris de la légèreté de la présentation faite de la gestion de  l’intermittence. La gestion quotidienne des pics de production solaire (ou de leur  absence) est abordée (très modestement) par les § 19 (P. 54) et 21 (P.60), avec recours  à la flexibilité, à la modulation des pilotables et à l’écrêtement des ENRi. En effet,  une  simple extrapolation à 2035 des productions actuelles aux capacités indiquées (122 GWe intermittents) montre la difficulté de la tâche, sauf à modifier très profondément les  conditions d’acceptation de ces productions sur les réseaux (des écrêtements massifs  seront indispensables, ce qui changera la rentabilité de ces sources et les règles de  marché).

Il est aisé, sur la base des données RTE téléchargeables sur le site Eco2mix,  d’extrapoler les productions intermittentes en 2035 en tenant compte des croissances  prévues des capacités de chaque source en supposant, ce qui est raisonnable, des  données climatiques similaires aux actuelles.


- En conditions hivernales la fluctuation de puissance sur une journée pourra atteindre  une cinquantaine de GWe et on pourra avoir sur des périodes de 2 à 3 semaines des  taux de charge extrêmement faibles, oscillant entre 3 et 10 % seulement de la  capacité installée. L’importance des déficits de puissance dépasse de loin les  projections, optimistes, d’efficacité et de flexibilité



- En conditions estivales les fluctuations de puissance des intermittentes varieront de  2 à 57 GWe avec des écarts matin et soir de 40 à 50 GWe, leur apport étant souvent  proche de la puissance appelée en milieu de journée, mais très faible la nuit (de 2 à  10 GWe malgré 118 GWe installés). L’écart entre la consommation et la production  évoluera chaque nuit entre 35 et 54 GWe.

L’impact quotidien sur le fonctionnement  des capacités pilotables ne sera pas gérable, bien au-delà de ce qu’on pourra attendre  de leur suivi de charge et des flexibilités ou effacements. Il faudra écrêter (à quelles  conditions ?), exporter à bas prix le jour (les pays voisins seront confrontés aux  mêmes excès) et importer si notre capacité pilotable n’est pas restaurée

 

La gestion des gradients de puissance des ENRi et de la capacité pour les pilotables  de les accommoder n’est pas abordée si ce n’est pour nier la responsabilité des ENRi,  en usant d’un sophisme étonnant (page 45) « L’augmentation de la part des énergies  renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2030-2035 ne conduira pas  nécessairement le parc nucléaire à moduler davantage qu’aujourd’hui, mais la part  de modulation liée au manque de débouchés économiques augmentera » (un non dit : à cause du suréquipement en ENRi.)

Par exemple, en été l’analyse des variations de puissance horaire des capacités  intermittentes montre qu’elles atteindront 10 à 14 GWe en une heure, deux fois par  jour à la hausse puis à la baisse, alors que la consommation est faible.


C’est toute l’organisation de l’accès au marché de l’électricité des moyens intermittents (qui  devraient supporter les inconvénients de leur variabilité) et des moyens pilotables  (dont l’économie doit être impérativement préservée) qui devra être profondément  repensée, et ceci dès les prochaines années.

mercredi 11 octobre 2023

Le mythe de l’énergie verte à bon marché, c’est terminé !

 Quand les mensonges et les illusions se heurtent à la réalité

https://www.telegraph.co.uk/news/2023/10/10/green-energy-plans-wind-solar-power-myth/

Selon le récit omniprésent sur  l'éolien en mer ces dernières années, l'énergie éolienne est bon marché et les coûts sont en baisse  Mais grattez sous la surface et vous verrez que la situation n’est pas si rose ! En fait, les fabricants de turbines ont perdu énormément d’argent ces dernières années. Au cours des cinq dernières années, les quatre premiers producteurs de turbines  (Chine exceptée) ont perdu près de 7 milliards de dollars – et plus de 5 milliards de dollars en 2022. L'année dernière, le directeur général de la turbine Vestas a déclaré que la société avait perdu 8 % sur chaque turbine vendue.

 

Certaines de ces pertes sont dues à des problèmes de garantie, ce qui signifie que les turbines n'ont pas fonctionné comme prévu, ce qui oblige les fabricants à indemniser les développeurs de parcs éoliens et à remédier aux problèmes.  Il semble aussi que  soit en cause la pression pour fabriquer  des éoliennes de plus en plus puissantes et hautes, dont la fabrication est plus problématique. Les spécialistes pensent que l’on est arrivé à une limite de puissance, au moins pour le moment.

 

Mais les pertes ont également été  provoquées par  la pression sur les prix pour gagner des parts de marché, et des promoteurs agressifs de parcs agricoles qui poussent à la baisse, alors qu’ils empochent des milliards de subventions. Le marché a commencé à ressembler, sinon à une pyramide de Ponzi, du moins à un château de cartes construit sur les fondations très peu sûres. . Les producteurs de turbines cherchent très activement à renégocier des contrats et à obtenir de meilleures conditions pour endiguer leurs pertes, faute de quoi ils se déplaceront simplement vers d'autres activités, plus rentables. Cela exerce une pression sur les promoteurs éoliens offshore qui  se retournent maintenant vers les gouvernements, en exigeant plus de subventions et de plus d'allégements fiscaux,  lesquels seront payés par les contribuables ou les consommateurs.

 

Pour lutter contre la menace croissante des fabricants chinois de turbines, l'UE envisage d'ouvrir une enquête sur l'utilisation par la Chine de subventions pour promouvoir ses fabricants de turbines. L'UE a déjà imposé des droits de douane sur les  fibres de verre, qui sont utilisés dans les pales d'éoliennes. Didier Reynders, commissaire à la concurrence de l'UE, a déclaré que les importations chinoises à bas prix pourraient menacer les entreprises européennes. Une décision sur cette enquête est attendue à la fin de ce mois, malgré une réaction  négative de Pékin à propos d'une mesure similaire sur les véhicules électriques.

 

Appels d’offres non souscrits, annulations en série

 

Les projets éoliens offshore se sont rares dans le monde entier.  En 2022, il n'y a pas eu d'investissements dans l'énergie éolienne en mer dans l'UE, si ce n'est une poignée de petits projets flottants.  Les décisions finales en matière d'investissement ont été retardées en raison de l'inflation, des baisses boursières et des incertitudes quant aux recettes futures. Dans l'ensemble, l'UE n'a enregistré que 9 gigawatts de nouvelles commandes de turbines en 2022, soit une baisse de 47 % par rapport à 2021.

 

Les développeurs  se plaignent de l'augmentation des coûts de la chaîne d'approvisionnement, mais bien que ces coûts aient effectivement augmenté, ils  n’ont  fait qu’aggraver les pertes subies par les fabricants. Ces pertes  existaient déjà avant que la guerre en Ukraine n'ait déclenché une hausse des prix mondiaux.

 

En fait, les gouvernements pensent qu'ils subventionnent une technologie immature qui finira par être auto-entretenue. Mais après un quart de siècle de subventions, ce marché n'est plus immature. Et il restera économiquement non soutenable tant que les gens ne se rendront pas compte que, bien qu'ayant des coûts d'exploitation proches de zéro, les parcs éoliens doivent gagner beaucoup d'argent pour rembourser leurs coûts d'investissement très élevés, quelque chose que les décideurs politiques hésitent à admettre parce que cela signifierait abandonner la rhétorique des « énergies bon marché » et admettre que les énergies renouvelables sont en fait très chères.


Et la réalité commence à s’imposer : les entreprises hésitent maintenant à se lancer dans la construction de parcs éoliens. Le mois dernier, le dernier appel d’offre d’offre pour l’éolien off shore au Royaume-Uni n’a suscité…aucune candidature. Vattenfall, a arrêté les travaux sur son parc éolien de Norfolk Boreas en juillet, invoquant des coûts en hausse. Un appel d'offres récent en Allemagne a été sous-souscrit – bien que le volume cible ait été diminué  de  moitié au cours du processus, les offres ont encore été inférieures à la capacité offerte.

 

Aux États-Unis, malgré le soutien massif offert par l'Inflation Reduction Act, les projets de parcs éoliens sont également en difficulté. Orsted, le leader mondial de l’éolien en mer, a indiqué qu’il pourrait annuler plus de 2 milliards de dollars de coûts liés à trois projets basés aux États-Unis – Ocean Wind 2 au large du New Jersey, Revolution Wind off Connecticut et Rhode Island, et Sunrise Wind au large de New York – qui n’ont pas encore commencé la construction, affirmant qu’il pourrait se retirer des trois s’il ne trouve pas un moyen de les rendre économiquement viables.

 

En août, le gouvernement américain a organisé une enchère pour des zones éoliennes en mer dans le golfe du Mexique, qui n'a suscité pratiquement aucun intérêt de la part des promoteurs. Une société, RWE, a fait une offre pour l'un des trois domaines proposé et a gagné…sans concurrent. Il n'y a pas eu d'offres du tout dans les deux autres zones. Les analystes ont déclaré que les entreprises étaient réticentes à soumissionner parce que les États riverains du Golfe n'ont pas besoin d'acheter de l'électricité dans les parcs éoliens offshore.

 

Pendant ce temps, les projets au large de New York demandent une augmentation moyenne de 48 % des prix garantis qui pourraient ajouter 880 milliards de dollars par an aux prix de l'électricité dans l'État. Les contrats d'électricité à long terme pour l'électricité produite par les parcs éoliens en mer ont été annulés, les promoteurs de parcs éoliens payant des pénalités sévères. Le développeur Avangrid, une filiale du géant espagnol Iberdrola, a annulé ses contrats pour la production de la société Park City de 804 mégawatts et des projets de 1,2 gigawatts du Commonwealth Wind. Il prévoit de resoumissionner pour  ces projets lors de futures ventes aux enchères, mais pour l'instant ils sont arrêtés. Shell, Equinor et Orsted ont également cherché à annuler ou à renégocier des contrats similaires, tandis que le projet Ocean Winds-Shell, SouthCoast Wind, a accepté de payer 60 millions de dollars pour annuler des contrats avec les services publics du Massachusetts.

 

En Caroline du Nord, Duke Energy a complètement abandonné l’éolien en mer de son dernier plan énergétique à long terme, en faveur de l’énergie nucléaire, solaire et  éolien terrestre.

Tout cela met en péril les ambitions du président Joe Biden de construire 30 gigawatts d’éoliennes en mer le long de la côte américaine d’ici 2030, de nombreux analystes estimant que ces objectifs ne seront tout simplement pas atteints. Les objectifs ont été guidés en partie par le désir des États du Nord-Est de s’éloigner des combustibles fossiles – New York, par exemple, a pour objectif d’alimenter son réseau avec 70 % d’énergie renouvelable d’ici 2030.

 

Malgré les incitations offertes par la loi sur la réduction de l'inflation (IRA), les promoteurs d'éoliennes en mer ont déclaré que les subventions de l'IRA étaient insuffisantes dans l'environnement actuel, et font pression pour obtenir des concessions supplémentaires.

La litanie des problèmes auxquels est confronté l'éolien en mer devrait inciter les décideurs à réévaluer leurs hypothèses sur ce marché. La production d'énergie renouvelable a sans aucun doute un rôle à jouer dans la transition énergétique, mais continuer à croire qu'elle est bon marché malgré toutes ces preuves du contraire est irresponsable. Sans parler de l'illusion.




samedi 7 octobre 2023

Eolien offshore sur la côte est des USA : la débâcle !

 https://www.manhattancontrarian.com/blog/2023-10-5-update-on-offshore-wind-projects-off-the-mid-atlantic-and-new-england

Elève modèle du volet ENR de l’Inflation Reduction Act (IRA) de l’administration Biden (lequel comporte aussi un fort volet nucléaire), l’Etat de New-York a décidé de se lancer massivement dans l’éolien offshore et de lancer des appels d’offres pour une série de projets. Le plan prévoit quelque 9 000 MW d’éolien offshore pour New York seulement, dont quelques 4 300 mégawatts sont en cours de « développement actif ». Enfin, pas si actifs que cela !

Car en fait, sur les 4 300 MW dont NYSERDA (New York State Energy Research and Development Authority en charge du développement éolien) se vantait, les développeurs d’au moins 3 300 MW sont sur le point de se retirer s’ils n’obtiennent pas une augmentation significative  du prix de vente de l’électricité qu’ils avait accepté

Les projets concernés sont le projet Sunrise Wind de 924 MW d’Orsted et d’Eversource, ainsi que les projets Empire Wind 1 de 816 MW d’Equinor et BP de 816 MW, Empire Wind 2 de 1260 MW et Beacon Wind de 1230 MW. Sunrise Wind avait précédemment convenu d’un prix de 110,37 $ par MWh, et cherche maintenant un prix de 139,99 $ à la place, soit une augmentation de 27%, selon NYSERDA. Empire Wind 1 a demandé d’augmenter son prix d’exercice de 118,38 $ à 159,64 $, soit une augmentation de 35 %, tandis qu’Empire Wind 2 a demandé que son prix initial de 107,50 $ soit augmenté à 177,84 $, soit une augmentation de 66 %. ( le record !). Beacon Wind veut que son prix de 118,00 $ précédemment convenu passe à 190,82 $, soit 62% de plus. Les trois projets Equinor et BP combinés ont une hausse moyenne des prix de 55%.

NB cela fait l’éolien off shore vers 170 €/MW.h

Cela ne va pas beaucoup mieux plus au Nord, le long de la côte de Nouvelle Angleterre où se succède une longue litanie d’annonces d’abandons avec des développeurs qui préfèrent payer des frais d’annulation massifs pour se retirer finalement de la quasi-totalité des contrats existants pour le développement éolien offshore en Nouvelle-Angleterre : Le dernier en date est Avangrid, filiale de la compagnie espagnole Iberdrola,  qui a annoncé abandonner le projet Park City Wind de 804 mégawatts au large du Connecticut. En août, Shell et Ocean Winds North America ont accepté de payer 60 millions de dollars pour annuler les contrats de vente d’électricité au Massachusetts à partir du projet éolien SouthCoast de 2 400 mégawatts. En juillet, Avangrid a accepté de payer 48 millions de dollars pour annuler son contrat avec le Massachusetts pour la vente d’électricité du projet éolien Commonwealth de 1 200 mégawatts. Toujours en juillet, Rhode Island Energy a annoncé qu’elle annulait un accord d’achat d’électricité avec Ørsted et Eversource sur le projet Revolution Wind de 884 mégawatts.

Une bonne nouvelle pour les contribuables, les oiseaux, les chauves-souris, les paysages, les points de vue et la baleine noire de l’Atlantique Nord, en danger critique d’extinction.



Et pendant ce temps -là en France ? Ben,  accord avec les producteurs éoliens pour renégocier les contrats, abandon des pénalités en cas de non réalisation. Et en avant toute vers les 40 GW offshore ( 50 zones industrielles éoliennes le long des côtes) !

Colloque National Eolien, 5 octobre 2035 : beau cadeau de l’Etat pour les promoteurs éoliens !

 Le Colloque National éolien 2023 organisé par France Renouvelable (le lobby français de l'éolien, anciennement France Energie Eolienne, mais qui n'ose apparemment plus se réclamer ouvertement de l'éolien !) a été l'occasion d'un beau cadeau de l'Etat. Face à la dérive des coûts (encore plus prononcé pour l'éolien off shore) et à leurs mensonges sur ces coûts, ils ont obtenu de pouvoir refaire leurs copies avec toutes les garanties et sans pénalités.

Agnès Panier Runacher : "J'ai décidé d'une mesure générale de recandidature dans les appels d'offres à venir pour les projets n'ayant plus la rentabilité suffisante. Ils pourront se représenter "sans pénalité et sans prélèvement »

Pour débloquer les projets de parcs éoliens déjà lauréats d'appels d'offres mais piégés par un tarif apparaissant aujourd'hui trop bas, Agnès Pannier-Runacher leur a donc cédé sur toute la ligne et accordé tout ce qu'ils demandaient : possibilité de candidater de nouveau et de façon sécurisée, par exemple lors de la prochaine session en décembre ou même à l'occasion de l'appel d'offres technologiquement neutre de la semaine prochaine.

Entre 1 et 1,4 GW seraient concernés. Les développeurs éoliens souhaitent de la part de la ministre de la Transition énergétique un feu vert réglementaire assurant notamment que les pénalités financières pour non construction ne seront pas appelées par les préfectures. Certains espèrent aussi pouvoir présenter à nouveau des dossiers de parcs déjà en construction.

Il faut interdire les colloques national éolien, année après année, ils nous coûtent trop cher…



vendredi 6 octobre 2023

Arrêt Combray : la prise en compte du patrimoine immatériel dans les autorisations de parcs éolien

 Dans une décision rendue le 4 octobre 2023, le Conseil d’État retoque définitivement  un projet de parc éolien situé près d’Illiers-Combray, commune décrite dans les œuvres de Marcel Proust.

C’est une décision majeure qui autorise la prise en compte du patrimoine immatériel dans les autorisations de parcs éolien :   les atteintes portées au sol, à la faune et à la flore, ne sont désormais plus les seuls critères à examiner avant d’autoriser l’installation d’un parc éolien.

Les atteintes à des paysages liés au patrimoine immatériel breton comme les sites remarquables de Bell-Île, Quiberon, Groix,  Erdeven sont donc évidemment concernés.

Un point intéressant est que le rapporteur cite explicitement  des patrimoines marins comme Etretat ou le chateau d’If comme possédant des caractéristiques intrinsèques de beauté exceptionnelle ou de valeur patrimoniale historique suffisant à justifier la préservation

L’affaire a commencé au mois d’octobre 2020, année durant laquelle la préfète d’Eure-et-Loir de l’époque, notamment soutenue par la société des amis de Marcel Proust et des amis de Combray, refuse de délivrer l’autorisation environnementale pour lancer le projet éolien.

Extraits significatifs

Définition du paysage : « l’article L. 350-1 A du code de l’environnement définit le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques. » Cette définition reprend celle de la convention européenne du paysage signée sous l’égide du Conseil de l’Europe à Florence le 20 octobre 2000 et dont l’article 5 définit le paysage comme « composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité (…) »

Protection du paysage et patrimoine immatériel : « Les prescriptions du code de l’environnement autorisent l’administration à prendre en compte, pour apprécier l’importance des « dangers et des inconvénients » pour « la protection des paysages » et des « sites », l’inscription de ces sites et paysages dans un contexte historique ou culturel particulier »

« La prise en compte de la composante littéraire du paysage ne méconnaît pas le principe selon lequel la notion de paysage au sens de l’article L. 511-1 s’entend d’un paysage matérialisé, avec une consistance physique : il s’agit bien en effet toujours de préserver un paysage réel, mais dont l’intérêt réside dans la correspondance qu’il entretient avec le paysage, imaginaire, de l’œuvre »

Les conditions d’applications : « trois facteurs paraissent devoir être réunis pour justifier un refus d’autorisation sur le fondement de l’article L. 511-1 : d’abord, la renommée de l’oeuvre ou sa place particulière dans l’histoire de l’art ; ensuite, l’existence d’une relation si étroite entre et l’oeuvre et un paysage inscrit dans un lieu précis que le second apparaisse immédiatement et indissociablement lié à la première ; enfin, un état de conservation des lieux suffisant, au regard de la description qui en est faite dans l’oeuvre, pour que la correspondance de l’un à l’autre présente encore un enjeu »

Par cette décision, le Conseil d'Etat ouvre un champ nouveau de réflexion sur les compromis à trouver entre choix de nature et choix de culture d’une société. Cela laisse aussi entendre que les atteintes portées au sol, à la faune et à la flore, ne sont désormais plus les seuls critères à examiner avant d’autoriser l’installation d’un parc éolien »

Même en l’absence d’œuvre, la beauté exceptionnelle des lieux ou leur valeur patrimoniale suffit :«  Le motif tiré de la composante artistique ou littéraire ne devrait être mobilisé que de manière tout à fait exceptionnelle. Dans bien des cas, ce sont les caractéristiques intrinsèques des lieux, leur beauté exceptionnelle ou leur valeur patrimoniale historique qui suffiront à justifier la préservation des paysages et des sites, que l’on pense à la Montagne Sainte-Victoire peinte par Cézanne, au site d’Etretat évoqué par Maurice Leblanc ou au château d’If du Comte de Monte-Christo. »