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vendredi 19 août 2011

Fusion nucléaire : arrêter ITER ?

Faut-il arrêter ITER- Plutôt oui !

Un programme mal géré

La revue La Recherche a publié en 2010 un article fort documenté sur le programme ITER (construction d’un prototype de réacteur à  fusion nucléaire deuterium_tritium). Le budget estimé de ce projet, piloté par l’Union Européenne, qui en est le partenaire majoritaire avec 45% des parts (le reste comprenant notamment les USA, la Russie, la Chine, le Japon…) est passé de 6 milliards d’euros estimé en 2006 à 14 milliards en 2010, et ceci avant même que la première pierre ne soit posée. C’est une dérive inouïe, ahurissante ! (pour mémoire, le surcoût du grand collisionneur de hadrons (LHC), au CERN, n’a été finalement que de 22% pour un budget initial de 1.6 millliards…mais là ce n’était pas géré par l’Union Européenne). Les réponses de Bruxelles aux questions du journaliste de La Recherche sont proprement ahurissantes.  Les responsables européens de l’organisation ITER commencent par mettre en cause l’augmentation du coût du béton et de l’acier, avant de se rétracter, puis de parler du dispositif anti-sismique, puis finissant par avouer qu’ils ne contrôlent rien… pas même le coût de leur propre organisation, qui augmente aussi dans des proportions himalayennes.

De fortes incertitudes techniques

Il faudrait d’ailleurs vraiment se pencher sur la pertinence du programme ITER et probablement décréter d’urgence un moratoire. Premièrement, le réacteur doit lui-même produire le tritium utilisé dans la fusion et pour cela capturer efficacement des neutrons. Or, le prix Nobel de physique japonais Masatoshi Koshiba explique : «Dans ITER, la réaction de fusion produit des neutrons de grande énergie, de 14 MeV, niveau jamais atteint encore. ..Si les scientifiques ont déjà fait l'expérience de la manipulation de neutrons de faible énergie, ces neutrons de 14 MeV sont tout à fait nouveaux et personne à l'heure actuelle ne sait comment les manipuler ». Deuxièmement, la température à l'intérieur du tokamak ITER sera de 150 millions de degrés, soit dix fois celle qui règne au cœur du Soleil  Les chercheurs n’ont tout simplement aucune idée sur la façon d’obtenir un matériau résistant à 100 millions de degrés (!), pourtant indispensable au projet.  Le breakeven,  qui correspond au moment où un plasma libère au moins autant d'énergie n'a jamais été atteint dans aucun dispositif expérimental - le record actuel est détenu par le JET, qui est parvenu à restituer sous forme d'énergie 70 % de la puissance qui lui avait été apportée. Iter nécessite 400 tonnes d’un matériel supraconducteur à base de Nobium, dont la production  mondiale annuelle n’est que de quinze tonnes par an…etc
Et tout ça pour maintenir une réaction de fusion dans un plasma pendant 16 minutes et produire 500 MW pendant 6 minutes et 40 secondes !

Le soleil plutôt qu’ITER !

Les problèmes techniques sont tels que de nombreux physiciens doutent de la faisabilité du projet. Pierre-Gilles de Gennes affirmait que le changement d’échelle entre les prototypes existants et ITER n’est pas maîtrisé et qu’on n’a aucune preuve qu’il pourra même fournir de l’énergie : « connaissant assez bien les métaux supraconducteurs, je sais qu’ils sont extraordinairement fragiles. Alors, croire que des bobinages supraconducteurs servant à confiner le plasma, soumis à des flux de neutrons rapides comparables à une bombe H, auront la capacité de résister pendant toute la durée de vie d’un tel réacteur (dix à vingt ans), me paraît fou ». Sébastien Balibar, de l'École normale supérieure a résumé : «  On nous annonce que l'on va mettre le Soleil en boîte. La formule est jolie. Le problème, c'est que l'on ne sait pas fabriquer la boîte ».
La fusion qui permet théoriquement de produire de l’énergie à partir d’une matière première inépuisable- l’hydrogène- fait certainement rêver. Mais nous sommes tellement loinde l’objectif en termes de connaissances fondamentales et techniques que le programme ITER paraît à beaucoup démentiel. Les deux Prix Nobel De Gennes et Charpak pensaient qu’il valait mieux relancer les recherches sur la surrégénération en partant des acquis du programme Superphénix. Et les technologies solaires- après tout aussi de une énergie de fusion nucléaire – progressent à grands pas et il est très nécessaire et prioritaire d’investir dans la recherche en ce domaine.
Ceux qui comparent le projet ITER à la mise au point de la bombe atomique ou à l’exploration lunaire trompent ou se trompent : lorsque ces projets ont été lancés, il n’y avait aucune barrière technologique importante non résolue. En tout état de cause, les instances européennes font preuve d’une incapacité évidente à gérer ce projet et d’un dilettantisme monstrueux, voire d’un cynisme scandaleux : alors qu’ITER en dérive pompera l’essentiel du budget européen de recherche, la Commission affirme « prélèvement ou pas, le budget de la recherche continuera d’augmenter chaque année » !

Réévaluer ITER, éventuellement l’arrêter

Nous ne pouvons plus nous permettre un tel gaspillage qui paraît injustifié. Il faut réévaluer sérieusement le problème ITER, identifier les barrières technologiques à franchir, estimer sérieusement les chances de succès. L ’Académie des Sciences, comme elle l’a fait sur le réchauffement climatique, devrait organiser un débat – qui pourrait d’ailleurs s’étendre aux priorités à établir dans la recherche énergétique -, tenter d’arriver à un consensus et en présenter les éléments à l’opinion publique et au pouvoir politique. Rapidement ! Chaque seconde du programme ITER coûte très cher, au détriment d’autres priorités !



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