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samedi 16 août 2014

Les Penseurs du réel




La réalité n’existe pas : c’est le titre accrocheur pour (un de plus) très bon numéro de La Recherche (Juillet-aout 2014) avec comme sujet le concept de réalité dans les sciences, avec entre autre un point sur la vision actuelle des paradoxes de la physique quantique, mais aussi des interventions de psychologues et neurobiologistes (interview de Max Tegmark : l’essence du monde est mathématique, articles de Bernard Romney, Matteo Smerlak, Giacomo  Mauro d’Ariano, Olivier Houdé, Serge Tisseron, Oliver Sacks et al)

Dans mon combat pour le refus de la séparation de la culture en deux (scientifique et littéraire), je ne résiste pas au plaisir de reprendre une de leurs infographies où La Recherche résume les diverses conceptions du réel et de la science, avec tout de même un oubli qui me semble important.(ci-joint, uniquement le texte)

Héraclite (VIème-Véme av. J.C.) : Le réel est un mouvement perpétuel : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Héraclite décrit un univers chaotique dominé par l’élément du feu.

Pythagore (Vième siécle av J.C.) : L’essence de la réalité se trouve dans les nombres, ils définissent l’ordre du monde.

Parménide (Vème siécle av J.C.) : Derrière l’apparence des choses, l’expérience des choses qui est singulière, il existe un Tout universel « Rien ne change, tout est permanent »

Platon (Vème-IVéme av. J.C) : Le monde matériel est comme une caverne sombre où nous ne voyons que des ombres projetées sur un mur. Pour accéder au monde des idées qui constituent l’essence du réel,  les homes doivent sortir de la caverne. Les idées sont parfaites. Le monde sensible change et se dégrade. Le monde intelligible est permanent et idéal.

Démocrite (IVème siècle av J.C ?) : l’être est la matière. Tout est constitué d’atomes ordonnés, y compris l’âme

Pierre Abélard (1079-1142) : Le réel s’appréhende par la raison, mais le raisonnement dépend du langage (nominalisme)

Guillaume d’Occam (1285-1349) : La manière la plus appropriée d’expliquer le réel est toujours la plus simple. « les hypothèses suffisantes les plus simples sont les plus vraisemblables »

Galilée ( 1564-1642) : La nature s’écrit en langage mathématique. La science permet de décrire le réel et les mathématiques fournissent les outils pour le faire

Bacon (1561-1626) : Pour connaitre la véritable nature des choses, l’homme doit se libérer de tous les préjugés, obstacle à une vision objective. Il doit observer les faits, émettre une hypothèse par induction, et vérifier l’hypothèse expérimentalement

Descartes (1596-1650) : Cogito, ergo sum. C’est grâce au doute que surgit la vérité première. La réalité se définit grâce à une réflexion méthodique. Elle n’est pas relative à l’ëtre, mais dépend de l’esprit pensant.

 Newton  (1642-1727) : De grandes lois universelles, comme la loi de la gravitation, régissent le monde réel.

Leibnitz ( 1646-1716) : Le réel, c’est l’indivisible, et comme les corps sont divisibles, ils ne sont pas vraiment réels. Il existe une unité essentielle, la monade, qui se compose d’un principe actif spirituel, et d’un principe passif matériel.

Berkeley (1685-1703) : Aucune matière perceptible par les sens n’existe hors d’un esprit pour la percevoir. La matière est bien réelle, mais c’est l’esprit qui lui donne sa réalité ; en soi, la matière n’existe pas.

Hume (1711-1776) : La science expérimentale est principalement inductive. Elle doit se limiter à la découverte de lois, de relations constantes. Et si notre raison ne peut accéder à leur nature ultime, elle peut tenter de les dégager des faits par l’examen de ceux-ci.

Kant (1724-1804) : C’est le sujet qui façonne la réalité qui l’entoure. Il construit son propre réel par l’expérience mais une part de ce dernier lui échappe toujours (idéalisme transcendantal)

Hegel (1770-1831) : il refuse toute dissociation entre la pensée et la réalité : « tout ce qui est rationnel est réel ; tout ce qui est réel est rationnel »

Heidegger (1889-1976) : La science ne donne pas accès au réel. Seule une pensée plus méditative et contemplative permet de l’approcher.

Le cercle de Vienne (début XXème siècle) : Le réel est défini par les sciences. La philosophie est une élucidation des  propositions scientifiques par l’analyse logique ; elle se réduit à une théorie de la connaissance. Cette conception suit la thèse principale de Ludwig Wittgenstein : la plupart des énoncés métaphysiques seraient dénués de sens , et, lorsqu’ils ne le sont pas, ils ne portent pas sur le monde, mais sur le langage.

Et maintenant, à mon goût le grand manquant :

Auguste Comte (1798-1857) : Il est possible d’arriver à une connaissance « positive » du monde, c’est-à-dire certaine, précise, relative ( ie, qui relie les phénomènes entre eux mais s’interdit la considération des causes premières ou des fins dernières), organisatrice ( qui s’organise en un système cohérent). Toutes nos  conceptions passent d’abord par un stade théologique, puis métaphysique, puis positif. Les sciences  sont passées à l’état positif dans l’ordre suivant : mathématique-astronomie, physique, chimie, biologie, sociologie. Ceci dit, la science reste une « synthèse subjective », c’est le monde vu par l’homme.

Et, ceci dit, il me paraissait un peu rude de présenter le Cercle de Vienne sans mentionner sa filiation comtienne (il se réclame d’un positivisme logique) et sans avoir auparavant mentionné le positivisme de Comte

 Depuis les Grecs, la science et l’interrogation philosophique sur le réel marchent ensemble…
 

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