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lundi 30 mars 2015

Une diplomatie scientifique pour la France


Il s’agit d’un rapport écrit en 2013 pour un ministre des affaires étrangères  plutôt actif et qui se soucie de renouveler et étendre l’action de son ministère ; bravo, et l’on est flatté que le quai d’Orsay réalise qu’il y a autre chose à promouvoir en France que le tourisme et la gastronomie, ou  même, la littérature. Le rapport dégage trois missions principales : soutenir la place de nos chercheurs et de nos entreprises dans la compétition internationale, associer plus étroitement le monde scientifique aux enjeux de politique étrangère, intéresser les chercheurs aux enjeux de développement, par la formation et la valorisation des capacités scientifiques des pays du Sud. Résumé et remarques :
Le rapport signale tout d’abord la place de la recherche française (5ème  au monde en 2009 en termes de dépenses (42,7 milliards d’euros, soit 2,26% du PIB – NB l’agenda de Lisbonne pour l’Europe de la Connaissance et de l’Innovation prévoyait 3% minimum) et 6e en termes de publications, mais avec seulement 4.1% des publications mondiales ; et également la « percée» des brics (Brésil, Inde, Russie, Chine) et des Civets ( Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie)
Remarque : Complètement à rebours des préoccupations sur la valorisation de la recherche, le rapport ne cite pas une fois, pas une seule fois, le mot brevet, et ne donne aucune indication sur la position de la France et le contexte international. Pourtant, pour qui consulte les bases de brevet, depuis que la Chine est rentrée dans le système international… c’est une explosion de brevets chinois, aux standards internationaux, qui indique une stratégie impressionnante.
Action des pouvoirs publics : « Alors que la croissance économique des États se fonde de plus en plus sur la construction de sociétés de la connaissance, l'appui des pouvoirs publics à l'internationalisation de la recherche française et au renforcement de l'attractivité du territoire et des institutions de recherche nationaux auprès des chercheurs étrangers est crucial. En liaison directe avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), le ministère des Affaires étrangères (MAE) participe, par la mobilisation de son réseau, au déploiement à l’international de la Stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) tant dans ses priorités thématiques (santé et biotechnologies, urgence environnementale et écotechnologies, sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC) et nanotechnologies) que géographiques (BRIC, Japon, Corée du Sud) ». Pour cela, le ministère s’appuie sur les services scientifiques des ambassades, notamment : 255 personnels expatriés (conseillers, attachés, scientifiques, volontaires internationaux), et 27 instituts français de recherche en sciences humaines et sociales regroupant 146 chercheurs.
Remarque : Santé biotechnologie, environnement, STIC, physique théorique et nucléaire (le rapport cite brièvement le CEN et ITER ) ??? Oui, mais le seul encart du rapport et la plus grande partie du texte concerne… la recherche archéologique. Instrument important certes, prestigieux, historique pour le rayonnement culturel de la France - le rapport mentionne qu’elle sert aussi  « au maintien des relations entre États quand la diplomatie traditionnelle trouve ses limites », et cite expressément la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), seule institution archéologique internationale permanente dans ce pays. La diplomatie scientifique archéologique est un point fort de la diplomatie et de l’influence française, et compte-tenu des menaces islamistes sur un patrimoine, non seulement des pays concernés, mais de toute l’humanité, il doit être évidemment maintenu et cultivé. Mais on souhaiterait que le Ministère s’intéresse au moins autant aux secteurs scientifiques d’avenir…
Le rapport insiste justement sur l’établissement de liens avec l' étranger. « La mise en place d’un titre de séjour scientifique rénové en 2008, délivré sur la foi d’une convention d’accueil signée par l’établissement ou l’organisme de recherche de destination, a visé à simplifier l’accueil de chercheurs étrangers en France. Au total, plus de 48 000 chercheurs étrangers sont annuellement employés en France, dont environ 25 000 doctorants. »

Remarque : oui, mais. Pour les post doc, ils ont en général choisi leur laboratoire d’accueil sur un thème assez précis, ils savent (à peu près) où ils vont, pas de problèmes, sinon des tracas administratifs parfois trop lourds et à simplifier. Mais avant ? L’accueil des étudiants étrangers est assez souvent catastrophique, et il faudrait vraiment veiller à ce que seules les équipes et formations qui les encadrent et les suivent correctement soient habilités à en recevoir. C’est l’image de la France qui est en cause lorsqu’on expédie telle étudiante chinoise (du sud) à Nancy en plein hiver, dans une formation littéraire alors que sa connaissance de la langue française est plutôt rudimentaire, et sans aucun guide dans le maquis universitaire local. Ou lorsque dans certaines écoles (de commerce notamment), les étudiants (les Chinois là encore font de bonnes victimes…) peuvent acheter leurs diplômes. Le Ministère des Affaires étrangères et celui de l’Enseignement supérieur doivent travailler ensemble pour que les étudiants étrangers soient traités dignement. Et l’obligation de suivi pourra éviter ce qui est parfois mis en cause, des étudiants fantômes qui ne cherchent en réalité qu’une filière d’immigration.

Renforcer la lisibilité de la recherche française à l’étranger : « la prépondérance des organismes de recherche dans la recherche publique française constitue une spécificité qu’il convient d’expliquer à nos partenaires…Par ailleurs, les organismes de recherche français (CNRS, IRD, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), École française d’Extrême-Orient (EFEO), etc.) disposent de nombreux bureaux de représentation à l’étranger qui ne sont pas mutualisés et donnent une image fragmentée de notre dispositif, malgré le travail de coordination entrepris par nos postes. La mise en place de plateformes communes, voire d’un point d’entrée et d’orientation unifié, pourrait être étudiée. Les actions de communication des services scientifiques des ambassades méritent par ailleurs d’être renforcées et encouragées.

Remarque : Oui, et ce n’est rien à  côté des Classes préparatoires et des Grandes Ecoles, scientifiques ou littéraires, qui n’ont que peu d’équivalents à l’étranger et dont la particularité peut être difficile à expliquer… et mérite pourtant de l’être. Or la formation pluridisciplinaire et de haut niveau théorique des « ingénieurs à la française » suscite, lorsqu’elle est connue, un réel intérêt dans bien des pays qui ne considèrent pas forcément le système américain comme un modèle universel et efficace (Chine, Inde, Russie, Amérique Latine, Pays Arabes…)

Il faut ici signaler l’action remarquable de l’ancien proviseur de Louis Le Grand, M. Joël Vallat, et de quelques-uns de ses collègues qui depuis plus de quinze ans organisent des examens en Inde, en Chine, au Maghreb pour recruter des étudiants au niveau des classes préparatoires – Louis Le Grand accueillait 150 étudiants étrangers sur 900 et était renommé pour sa « classe orientale ». Volontaire et optimiste, M. Vallat considérait que « nous sommes trop autocritiques sur la lisibilité du système français ! Nous avons tous les atouts pour attirer les étudiants étrangers. Il faut prendre le temps d’expliquer notre système et surtout apprendre à le vendre ». Il serait souhaitable que de telles initiatives soient continuées, soutenues, encouragées ; ce peut être un atout formidable pour la France.


« Assurer la promotion de l’image d’excellence scientifique et technologique de notre pays,  contribuer à son attractivité auprès des chercheurs étrangers ; Renforcer l'image scientifique et technologique de la France auprès du grand public, grâce à la diffusion de la culture scientifique et technique : les moyens dédiés à la diffusion de la culture scientifique et technique se voient considérablement renforcés à la faveur de la dévolution à l'Institut français de cette mission (création de nouveaux instruments : appel à projets, plans d'aide à la publication et à la traduction d'ouvrages français de vulgarisation scientifique, programme d'invitation à l'étranger de grands chercheurs français) »

Remarque : oui, mais le rapport ne dit rien de l’histoire scientifique de la France, un atout formidable. En 1816, rendant visite à Laplace, Berthollet et les savants français groupés autour d’eux, la physicienne anglaise Mary Sommerville constatait : « j’avais un peu de mal à suivre la conversation générale, mais lorsqu’on parlait de science, c’était beaucoup plus facile, car tous mes livres de science étaient en français ». Tout le monde connait les grands poètes, écrivains, artistes français, mais peu connaissent les grands scientifiques français, pourtant nombreux. J’ai été très heureux que grâce à un conseiller culturel dynamique,  mon ouvrage Histoire des grands scientifiques français ait été traduit en tchèque et fasse ainsi mieux connaître Paré, Viète, Descartes (l’œuvre scientifique), Fermat, Laplace, Cuvier, Arago, Cauchy, Ampère, Poincaré etc. Un exemple à suivre ? D'autre part, les ressources muséographiques scientifiques sont aussi importantes.
 
 

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