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samedi 9 mai 2015

Les allergies_ épidémie en vue, recherche indispensable


 Une extension épidémique
Dans le Livre noir des allergies ( l’Archipel), l’allergologue Pierrick Hordé parle  d’une épidémie en explosion. L’OMS prévoit que la moitié de la population occidentale sera en 2050 victime d’allergies de toutes natures (respiratoires, alimentaires, professionnelles). Il y aurait aujourd’hui en Europe 150 millions d’allergiques.  De plus, les symptômes (rhinites, conjonctivites, exémas) ne sont pas forcément bien pris en compte et les rhinites allergiques évoluent près d’une fois sur deux vers l’asthme, encore trop souvent sous-diagnostiqué.  Or, rappelle M. Hordé, dans les années 1970, on parlait assez peu d’allergies. C’est devenu un phénomène de civilisation  et une telle explosion ne peut s’expliquer que par l’intervention de facteurs environnementaux et les modifications de modes de vie.
La pollution de l’air joue un rôle important, notamment dans l’allergie aux pollens où pollens et particules fines forment ce que M. Hordé appelle un « cocktail explosif ». Les particules fines accentuent l‘irritabilité des muqueuses ; de plus elles se fixent sur les pollens et les font éclater, facilitant ainsi leur pénétration plus profonde dans les bronches et le relargage d’allergènes. Souvent négligée, la pollution intérieure est cinq à sept fois supérieure à la pollution extérieure et représente un véritable fléau en matière de santé publique ; l’ANSES parle de 2.000 décès en France et l’OMS de 4,3 millions de décès annuels contre 3,7 à la pollution atmosphérique. Les polluants impliques sont les composés organiques volatiles, particulièrement le formaldéhyde et autres aldéhydes, présents dans les peintures, colles, bois agglomérés, détergents etc. , les acariens et très souvent, les résidus de tabac_ l’interdiction de fumer en voiture est une bonne décision. Le Dr Hordé appelle aussi à se méfier des produits et plantes censés purifiés l’air qui, souvent empirent la situation : bougies, encens, huiles essentielles, aérosols contiennent aussi souvent des composés organiques volatiles nocifs et il dénonce un manque de réglementation et des indications souvent trompeuses.  La seule et vraie mesure efficace consiste dans l’aération journalière des habitations. Les cosmétiques doivent aussi être surveillés, et la mention cosmétique bio n’apportent aucune garantie quant aux allergies. Les méthodes de stérilisation UHT, préférables,  se développent. Les écoles sont un point évidemment important, critique et inquiétant. L’Inserm a mené une étude sur la qualité de l'air à l'intérieur de 108 écoles primaires réparties dans 6 villes :  30% des élèves sont exposés à des niveaux des principaux polluants atmosphériques supérieurs aux valeurs guides recommandées par l'OMS et l'ANSES (et cette exposition est associée à une augmentation de l'asthme et des rhinites) chez les enfants scolarisés. De nombreuses améliorations sont possibles sur le cadre de vie. Reste qu’il faudra  prendre la mesure de la gravité de l’épidémie allergique et que c’est un domaine un peu négligé, peut-être parce que très compliqué,  en matière de recherche.
Immunologistes et allergologues_ prendre l’allergie au sérieux
Un point est assez symbolique : en France, l’allergologie n’est pas une spécialité médicale reconnue et enseignée en tant que telle, contrairement à la plupart des pays européens ; au contraire, l’immunologie ( remarquer la différence allergologue/immunologiste, le iste fait tout de suite plus sérieux que le logue) qui est en quelque sorte sa base scientifique est bien reconnue – et il faut dire que depuis Pasteur, la France a une belle et forte tradition en ce domaine. L’immunologie s’occupe de problèmes très sérieux : les vaccins, les rejets de greffe, les maladies auto-immunes, l’arthrite rhumatoïde. Dans tous ces domaines, des progrès immenses ont été accomplis-  dans le dernier, des médicaments plus efficaces et mieux tolérés que les anticorps, comme le filgotinib de Galapagos sont en développement. Par contre, l’allergologie s’occuperait de petits bobos, mal définis, qui touchent des organes très différents, souvent en relations avec l’environnement, ce qui ne simplifie rien ; elle est éclatée ente pneumologues, pédiatres, dermatologues,   l'oto-rhino-laryngologues…).
Sauf que les allergies s’aggravent en gravité et en nombre de personnes concernées, au point de devenir l’épidémie menaçante dont je parlais au début de ce blog. L’immunologie s’appuie sur une recherche fondamentale forte, l’allergologie semble être le domaine de pratiques empiriques plus ou moins évaluées.   Alors, il est temps  que l’allergologie devienne une discipline reconnue pouvant s’appuyer sur une recherche fondamentale puissante, de faire mieux  travailler ensemble immunologistes et allergologues et de se donner les moyens de combattre sérieusement  l’extension de l’épidémie d’ allergie annoncée et de mieux soigner les nombreux allergiques.
D’autant que nous ne comprenons pas bien les liens entre immunologie et allergie. En dehors de l’environnement, le développement de l’hygiène qui entraine dans la prime enfance un contact moindre avec de nombreux allergènes, à un moment où le système immunitaire s’éduque semble jouer un rôle important dans l’épidémie d’allergie. Cela était déjà suggéré par des études montrant que des enfants élevés dans des fermes au contact d’animaux deviendraient ensuite moins  allergiques. Une étude récente sur 650 enfant suivis de leur naissance à cinq ans  (Du Toit et al. New England Journal of Medicine, 372, 803, 2015) montre que même dans le cas d’allergènes très puissants comme la cacahuète, une exposition précoce entre quatre et  onze mois permet de diminuer significativement le nombre des allergiques ; et ceci même lorsque les nourrissons semblent sensibilisés à l’arachide. Il existerait donc une fenêtre d’âge durant laquelle diversifier l’alimentation et les contacts  permet une désensibilisation naturelle.

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