Pages

vendredi 25 septembre 2015

Expertise et démocratie : vivre au grand jour !


Chercheurs et lobbys
 
Le toujours intéressant Stéphane Foucart, l’un des plus pertinents journalistes à traiter d’écologie et de science  a été récemment réduit à la portion congrue d’une tribune toutes les deux semaines, une sorte de demi-tribune qui ne devrait pas le conduire à écrire des demi- vérités. Or, dans le Monde du 15 septembre 2015, sous le titre « Dis moi qui te paie », et sous-titrés : « Des mails divulgués dans la presse révèlent les liens incestueux entre chercheurs et firmes chimiques », il rapporte une enquête du New-York Times du 5 Septembre où l’on voit effectivement « des biologistes intervenant comme scientifiques indépendant dans le débat public, écoutés comme tels par les responsables politiques et les médias, agir en lobbyistes et en conseillers en relations publiques au service des industriels, devisant avec eux sur les meilleures stratégies de communication à adopter pour défendre leurs intérêts ».
L’enquête a été menée par une organisation  civique (US right to know) qui a demandé à 43 universités publiques, selon une procédure permise par la loi américaine, la publication de tous documents, mels compris , contenant les termes Monsanto, cultures OGM, Ketchum etc. Un cas emblématique est Kelvin Folta biologiste de l’Université de Floride ; l’enquête le montre très mobilisé à lutter contre la volonté de certains états de promouvoir une législation visant à imposer l’étiquetage des OGM. Recevant de Monsanto 25.000 dollars pour son travail de lobbyiste, il remercie en promettant « un solide retour sur investissement ». M. Folta a répondu  en affirmant que sa défense des biotechnologies végétales est antérieure à tout contact avec l’industrie, et qu’il « n’a jamais rien dit ou écrit qui ne soit fondé sur des preuves scientifiques ».
Bon, un chercheur croit en l’utilité des OGM, même ceux de Monsanto, et fait partager sa conviction.  OK, le fait qu’il ait reçu de l’argent de Monsanto devait être mentionné ! Mais qu’on me permette de dire que ce que je trouve le plus scandaleux est .. la faiblesse de ce qu’il a reçu. A côté de ce que demande une agence de communication !
M. Chassy, professeur de nutrition à l’Université d’Illinois disposait d’une subvention de Monsanto  pour promouvoir les biotechnologies végétales. Il réagit ainsi dans Le Monde du 9 septembre, dans un excellent article consacré à l‘affaire… par le même Stéphane Foucart : « ils explorent nos relations avec les industriels, car ils ne peuvent pas contester la vériét de nos arguments » Estimant que ce type d’enquête est un dévoiement de la procédure américaine,  il dit dans le cas présent, c’est le soutien  de l’industrie à mon université qui m’a permis d’exprimer ma vérité académique ».
Et il a sans doute raison…et beaucoup d’autres chercheurs, dans beaucoup d’autres domaines pourraient dire la même chose.
Lobbies biotechno contre lobbies bio
Et ce que révèle Stéphane Foucart dans son article  du 9 septembre, mais qu’il ne reprend pas dans sa chronique  bimensuelle, c’est que US right to know est un lobby financé par l’industrie de l’agriculture biologique ! Alors évidemment, l’association dénonciatrice ne s’est pas intéressée aux potentiels conflits d’intérêts entre chercheurs et lobbys agrobiologiques. Qu’à cela ne tienne, le New-York times, qui donne une belle leçon de journalisme, l’a fait dans le même article où il publiait l’enquête de US right to know, et il est aussi tombé sur quelques cas intéressants, par exemple un agronome de l’Université de l’Etat de Washington, M. Benbrook, qui a plaidé auprès des décideurs et du public pour l’étiquetage des OGM et pour l’interdiction de cultures transgéniques résistantes à des herbicides sans mentionner ses liens avec les industriels de l’agriculture biologiques. Même si leurs dépenses de lobbying ne représentent qu’une faible partie de celles des firmes de biotechnologies, le problème existe aussi.
Et M. Foucart aurait du y être d’autant plus sensible que nous avons connu en France l‘emblématique affaire Séralini et ses photos en gros plans de rats rendus difformes par de gigantesques tumeurs, prétendument provoquées par le maïs transgénique résistant au round-up – glyphosate – en réalité un vieillissement habituel chez cette souche. 3 millions d’euros dépensés en vain dans une étude mal conçue dès le départ et qui n’a apporté, et ne pouvait apporter aucun résultat scientifiquement fondé. Mais il fallait que Carrefour, Auchan, Biocoop, Naturalia et le CRIIGEN de Corinne Lepage en aient pour leur argent et l’aveu final de Séralini (Marianne, 9 février 2013): « Aucune équipe de biologistes ne peut dépenser autant que nous… Nous devions absolument publier, sous peine de devoir rembourser les crédits alloués par nos partenaires »
Veut-on que les firmes se privent de l’expertise des universitaires et chercheurs publics ? Que ceux-ci se maintiennent à l’écart des problèmes rencontrés dans leurs domaines ? Que les experts ne connaissent rien aux applications de leurs sciences ? Qu’ils n’aient pas droit de faire part au public et aux décideurs de leurs savoirs et de leurs convictions ?
 
Curieusement, Stéphane Foucart rappelle le problème de la démocratie et de l’expertise n’est pas nouveau, et que la démocratie athénienne du III ème siècle avait son corps d’experts, qui étaient des esclaves au service de la cité. Merci pour les chercheurs ! On peut penser que leur intervention dans les problèmes industriels et dans le débat public est utile et légitime, à condition que la liberté d’expression, de discussion, d’appréciation soit totale. Mais la crédibilité des chercheurs et de la science sera de plus en plus atteinte en absence de transparence sur leurs intérêts et collaborations ; les lois, règlements et pratiques existantes sont sans doute insuffisantes.  Pour le dire autrement, pour un positiviste, les chercheurs et experts exercent une forme de pouvoir spirituel et doivent donc se plier à l’injonction d’Auguste Comte : « Vivre au grand jour »- au moins professionnellement.


jeudi 24 septembre 2015

What scientists fear


"Now, we are all sons of whores", such has been the reaction of the American physicist Kenneth Bainbridge attending the first nuclear firing. On the occasion of the 70th anniversary of Hiroshima, Le Monde (7 August 2015) has asked researchers from different disciplines: "in your discipline, do you feel that researchers might have the same feeling?”

Robots killers and crash of cybersecurity

This theme is the order of the day in robotics with an open letter signed by 18000 researchers requesting the ban on autonomous weapons capable to select and combat targets without human intervention.  It was one of the signatories of this petition, the Nobel Laureate Frank Wilczek who replied and confirmed his fear of killer robots: "We are at a time where we are witnessing a convergence of different technologies : big data, machine learning, robotics and the internet". He  considers that the application of these technologies to war could lead to weapons  capable of reacting independently much faster that any human could, and  trigger a new weapon race and an uncontrollable situation: "when arrays of machines will obey to secret algorithms, no one can predict the outcome of a conflict and the impact on the civilian world.

Yes, but oddly, it seems to me that there is also in this a campaign promoting roboticians: "We are the most dangerous”. However, this threat has long been identified since it was theme of the famous Kubrick movie  Dr. Strangelove ; the disaster occurs because the Russians have adopted an automatic response system (the Infernal Machine) - a scenario inspired by the mathematicians working on the theory of games, particularly Von Neumann.

Michele Mosca (cryptographer) points the danger of cyber attacks of a new genre that would be allowed by the capabilities of code-breakers quantum computers. «Not only a vast amount of private information (health, financial situation) would lose their confidentiality, but global and critical systems would be annihilated: the global financial system could be paralyzed, energy infrastructures would become vulnerable, one could imagine air and rail crashes...» In cybersecurity circles, , people say that there will be a cyberequivalent of Pearl Harbor. "These dangers are preventable, said Mrs Mosca, but it is essential that individuals express their desire for cybersecurity and compel Governments, public bodies and private organisations to worry.

Editions of gene, screening and Super-viruses

Curiously, biologists, for the most part, seems optimistic and without much fear for their disciplines. Dr. François Jacquemard, who directs the Center for prenatal diagnosis of the American Hospital in Paris, claims that the DNA technology advances allow much safer prenatal diagnostics, make them available much more widely for the benefit of patients and the disappointment of the Cassandras. «We should  not restrict access to new opportunities to improve health, our common good»,. Simply health authorities have to do their job of evaluation and resist pressure from industrialists to put everything to market as fast as possible. We can  «bet on intelligence and humanism and free initiative».

 Emmanuelle Charpentier co-decouvreuse of a highly promising, precise and efficient  gene edition technique ( sounds better than genetic modification !) (CRISPR-Cas9) merely stated that "new discoveries are always accompanied by new responsibilities", but that the benefits of the edition of genes for scientific research and human health are extremely important. However, using clinical manipulation of the germinal line in humans (i.e. cloning to treat, or hereditary improve an individual's genome) "could be very problematic, and this issue is currently at the centre of an ethical debate”. No cloning panic, then ! Only the virologist Wayne Hobson expressed a real fear: that genetic engineering is used to make microbes or viruses, most dangerous, most deadly or more transferable: "the world of microbes is sufficiently dangerous. There is need to add. In some laboratories, these handling were made, with success, to make e.g. transmissible to humans a virus of avian flu". The scientific community has responded by asking that such research should not be published and subject of a moratorium or even a ban.

Memory manipulation

In short, a very good idea as this survey of Le Monde, and as now, too often in the press, a very good idea spolied by haste and lack of resources. It deserved much better than these few platitudes, more in-depth discussions, more stakeholders, exchanges, reflections, more space and time  - a missed opportunity for scientists to interact with the public and to publicize their hopes and their concerns.

To conclude, my own fear: manipulation of memory. We know now to identify the memory trace in the brain left by an event, and can manipulate this memory. Thus, at the MIT, Tonegawa et al., awakening the memory of a painful stimulus tied to a specific place through an optical fiber, have managed to link it to another location; the mice  then manifested their fear when placed in a neutral or even nice location, where they had suffered no pain.. In  CNRS, Benchenane et al. have managed to block the registration of a painful memory and, at the same time stimulating a brain region linked pleasure, have changed the memory associated with the place: instead of avoiding the place wehre they had received painful stimuli,  the mice preferred to go there ! Technically, no big gap between mouse and man...

Last note: for a positivist, any change is not a progress. It is a progress only if is the development of the order (Auguste Comte) , i.e. if it comforts natural evolution.  If it allows an increase of knowledge, leads towards a more efficient, intelligent and moral world, if it confirms the evolution of our societies out  of the theological and metaphysical stages (military and revolutionary) towards a positive, industrious, peaceful age, if it helps the evolution towards  better and more extensive cooperation on a human scale, in connection with greater specialization of functions.  Obviously, research on super contagious and more deadly viruses does not meet this condition.


mercredi 16 septembre 2015

La laïcité, la liberté et le goût en questions

Laïcité et repas de substitution

Article remarquable dans Marianne du 28 aout d’Eric Conan sur la laïcité. A propos des repas dits de substitution, il se réfère à la mise au point  de François Barouin et d’André Laignel, respectivement PS et UMP : « C’est aux familles de s’adapter aux règles de l’Ecole républicaine et non l’inverse, le double choix à la cantine n’étant pas une obligation, mais une latitude. Il rappelle aussi les directives ministérielles précisant que lorsque le repas annoncé à l’avance ne convient pas, l’enfant est autorisé à apporter son panier repas. Le repas de substitution n’est donc pas une obligation, mais une possibilité. Le problème est que cette possibilité est de plus en plus revendiquée agressivement, qu’elle est de plus revendiquée gratuitement – très peu de mairies ont mis en place la tarification spéciale prévue par le ministère pour le surcoût des menus de remplacement et le font supporter à l’ensemble des usager- et qu’elle est une étape vers d’autres revendications religieuses, telles la viande halal (revendication jugée pas extravagante par le Conseil Français du culte musulman), ou l’existence de tables communautaires dans les cantines…Il cite également Marcel Gauchet «  les municipalités s’empêtrent dans toutes sortes d’ « accommodements raisonnables » avec des groupes qui affirment chacun le droit d’imposer leur mode de vie. Ce qui, pratiquement, fait une coquille vide la laïcité, qui était la prévalence des valeurs et des mœurs communes sur les particularités ». Il se fait aussi l’écho des producteurs de porcs. En effet, cantines crèches et centre sociaux vont de plus en plus au plus simple et suppriment le porc de leur menu. Ainsi, les jeunes français se voient privés de ce qui constituait un fleuron du goût français, la charcuterie : « Nous sommes extrêmement préoccupés de l‘exclusion de plus en plus fréquente de viande de porc et des produits de charcuterie des cantines françaises…Le goût se forme dès l’enfance, et le respect de chacun ne devrait pas nuire à la possibilité d’avoir accès à toute la richesse gastronomique de notre pays et à son patrimoine culinaire ».

La « laïcité positive »

Sous ce terme de « laïcité positive », certains essaient de faire passer d’étranges ragoûts. L’un de leur principal support intellectuel, M. Jean Bauberot, auteur de la « laïcité falsifiée » présente ainsi la laïcité comme liberté de penser et de croire ». Le bon apôtre et la bonne laïcité que voilà ; non la laïcité n’est pas la liberté de croire que les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes, ni encore de croire que l’apostasie est un crime, ni la liberté de leur imposer de porter un voile,  ni qu’il est obligatoire de manger la viande d’animaux égorgés vivants, ni qu’il est interdit de se mêler à ceux qui ne mangent pas halal, ni que les mariages forcés sont légaux… Dixit Bauberot : «  La laïcité signifie trois choses : L'État est sécularisé, la liberté de croyance et de culte est entière, enfin les croyances (religieuses ou non) sont égales entre elles. Ainsi la laïcité signifie la neutralité de l'État, au service des droits de l'homme et de la liberté de conscience ». Eh bien non, l’Etat n’est pas neutre et la liberté de croyance et de culte ne saurait être entière ; elle ne saurait comporter des prescriptions hostiles aux valeurs fondamentales de nos sociétés
Laïcité positiviste contre laïcité positive

La conception française de la laïcité, souvent mal comprise à l’étranger et aujourd’hui contestée, résulte d’une construction idéologique et historique, dans laquelle le courant positiviste a joué un rôle important, notamment dans la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905). Il s’agissait de mettre fin à une situation que la Revue occidentale résume ainsi : « ce n’est pas le régime de l’Église libre dans l'État libre, mais celui de l’Église armée dans l’État désarmé ». Il est je crois assez clair que nous ne voulons pas revenir à ce régime.

Selon la conception positiviste, expliquée notamment par le rapport Edger (Revue Occidentale 1904), « Dieu n’est plus d’ordre public ». Ou encore : « L’Homme n’est plus citoyen du Ciel, mais de la Terre ».  La laïcité, selon les positivistes (mais je crois qu’on peut accorder que c’est aussi ce qui caractérise la laïcité française plus généralement) n’est pas qu’un moyen de faire exister une société où puissent s’opposer sans se détruire diverses conceptions religieuses. Son ambition est plus large. Pour l’individu, la laïcité accomplit la promesse d’émancipation issue du cartésianisme et des Lumières ; elle permet le franchissement du formidable écart qui sépare, suivant le mot d'Auguste Comte, « les esclaves de Dieu des serviteurs de l'Humanité ». Aucune société, pensait Comte, ne peut vivre sans une « doctrine sociale commune ».  La laïcité est au cœur de la doctrine sociale commune de la République, elle n’est pas négociable, et, en ce sens l’état laïc n’est pas neutre : il ne peut traiter de la même façon les doctrines qui acceptent et celles qui refusent la laïcité. Si la liberté d’expression doit être respectée, il en va autrement des comportements, menaces, pressions quelconques, sans parler des violences. Et les cantines ?

Eliminons tout de suite la solution typique démocrate chrétienne du repas végétarien comme repas de substitution non religieux – ceux qui souvent ne mangent pas viande chez eux le soir n’en mangeront pas non plus le midi. Et une conclusion simple : Le repas de substitution pour raison religieuse n’a pas à être proposé. La laïcité impose même d’informer les élèves qu’ils ont le droit de ne soumettre à aucune prescription religieuse, qu’ils ont la liberté de goûter et de manger tout ce qui leur est proposé, que la seule loi  qui s’applique à l’école publique  est la loi de la République.

Ceci dit, il n’est nullement interdit,  et même approprié, de proposer deux plats principaux pour ceux qui n’aimeraient pas l’un des deux.
 

 

samedi 12 septembre 2015

Electrosensibilité et justice

Une décision absurde et dangereuse
 
Un récent jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse a reconnu, après expertise médicale, que Marine Richard souffre du syndrome d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, dont « la description des signes cliniques est irréfutable ». Dans ce jugement, il est estimé que sa déficience fonctionnelle est de 85 % « avec restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi ». La justice lui accorde en conséquence le droit à une allocation pour adulte handicapé pour trois ans, éventuellement renouvelable, sous forme d’aide technique et d’aménagement de son logement. Ancienne dramaturge et réalisatrice de documentaires Marine Richard vit aujourd'hui de l'aide de sa famille, recluse dans les montagnes de l'Ariège, dans une ancienne grange retapée, sans électricité ni route, avec l'eau d'une source et deux mètres de neige en hiver…
Les associations qui militent pour la reconnaissance de l’électrosensibilité comme pathologie triomphent : « Cette décision représente « un grand pas en avant pour la reconnaissance de ce syndrome d’électro-hypersensibilité «  (Robin des toits). « Souvent la justice est plus humaine que les politiques, qui protègent les industriels ». Evidemment,  les pouvoirs publics, qui sont  complices des affreux industriels irresponsables, qui stipendient des centaines voire des milliers de chercheurs vénaux… lesquels n’ont jamais trouvé le moindre début de preuve, de réalité à l’électrosensiblité ; laquelle, par conséquent, n’est pas reconnue officiellement en France comme une maladie.

L’électrosensibilité (intolérance environnementale idiopathique aux champs électromagnétiques,) se traduirait par des maux de tête, des picotements, des troubles du sommeil, des symptômes divers, transitoires et communs à de nombreuses autres affections. Ceux qui se déclarent « hypersensibles » citent souvent les antennes-relais, les portables, les téléphones sans fil ou le Wi-Fi comme causes directes de leurs maux. Toutes les études menées n’ont jamais mis en évidence la moindre réalité, bien au contraire. A chaque fois, lors d’expériences menées en milieux contrôlés,  les maux étaient ressentis en présence d’émetteurs éteints, mais que les patients croyaient allumés, cessaient en présence d’un émetteur allumé que les patients croyaient éteints, étaient ressentis alors que les patients étaient en vue d’un émetteur mais en l’absence de champs et cessaient en présence de champ électromagnétique, mais sans émetteurs en vue etc…


De la justice et des experts..
 
On se demande donc quel expert et quelle expertise ont conduit le tribunal à cette semi-reconnaissance de l’électrosensibilité comme pathologie, et quelle est la compétence scientifique du tribunal qui se permet ainsi de contredire l’ensemble des chercheurs qui ont travaillé sur le sujet. Et l’on se souvient de ces experts de l’affaire d’Outreau affirmant qu’étant moins payé que des femmes de ménage, ils faisaient des expertises de femmes de ménage…
 
Cette décision, illogique, infondée, est dangereuse car elle risque de faire jurisprudence – ce que souligne l’avocate de Mme Richard : « Cette victoire pourrait faire jurisprudence car des milliers de personnes» sont concernées mais n'ont pas saisi les tribunaux jusqu'à aujourd'hui ». Mais aujourd’hui toute victime a forcément raison sur tous les points, ce qui n’est ni admissible du point de vue de la société, ni  même bénéfique pour les victimes elles-mêmes. Il est hors de doute que les électrosensibles souffrent qu’ils souffrent  réellement, probablement d’une forme de phobie handicapante, et pourraient à ce titre bénéficier d’une aide ; il serait même légitime que leur condition soit étudiée médicalement et psychologiquement afin de voir s’ils peuvent bénéficier d’un vrai traitement.
Pour de multiples raisons, je n’accorde plus aucune confiance à la justice de mon pays, pour reprendre une formule célèbre ; mais sans doute me voilà atteint de judiciarosensibilité. Vite, une reconnaissance officielle….
 
 
 

vendredi 11 septembre 2015

Les peurs des scientifiques

« Maintenant, nous sommes tous des fils de putes », telle a été la réaction du physicien américain Kenneth Bainbridge assistant au premier tir nucléaire. A l’occasion du 70ème anniversaire d’Hiroshima, Le Monde (7 aout 2015) a posé la question à des chercheurs de différentes disciplines : « Dans votre discipline, avez-vous le sentiment que des chercheurs pourraient avoir le même sentiment

Robots tueurs et crash de cybersécurité

Cette thématique est à l’ordre du jour en robotique avec une lettre ouverte signée par 18000 chercheurs demandant l’interdiction d’armes autonomes capables  de sélectionner et de combattre des cibles sans intervention humaine ; c’est l’un des signataires de cette pétition, le Prix Nobel Frank Wilczek qui a répondu et confirmé sa peur des robots tueurs : «  Nous sommes à un moment clé où nous assistons à une convergence de différentes technologies le big data, le machine learning, la robotique et l’internet », et il considère que l’application de ces technologies à des engins de guerre, alors capables de régir de façon autonome beaucoup plus rapidement que n’importe quel humain pourrait déclencher une nouvelle course aux armements et à une situation incontrôlable : « lorsque des essaims de machines répondront à des algorithmes secrets, personne ne pourra prédire l’issue d’un conflit et l’impact sur le monde civil ».
Oui, mais bizarrement, il me semble qu’il y a aussi dans cette campagne très médiatisée une promotion des roboticiens : « c’est nous les plus dangereux ». Or, cette menace est depuis longtemps identifiée puisqu’elle constituait thème du célèbre Dr Folamour (Dr Strangelove) où la catastrophe se produit parce que les Russes ont adopté un système de réponse automatique (la Machine infernale) – un scénario inspiré par les mathématiciens travaillant sur la théorie des jeux, particulièrement Von Neumann.
La cryptographe Michele Mosca pointe le danger de cyberattaques d’un genre nouveau qui seraient permises par les capacités de briseurs de code des ordinateurs quantiques. « Non seulement une vaste quantité d’informations privées (santé, situation financière) perdraient leur caractère confidentiel, mais des systèmes globaux et critiques seraient anéantis : le système financier mondial, pourrait être paralysé, des infrastructures énergétiques deviendraient vulnérables, on pourrait imaginer des crash aériens et ferroviaires…Dans les milieux de la cybersécurité, les gens disent qu’il faudrait qu’advienne un cyberéquivalent de Pearl Harbor. » Ces dangers sont évitables, dit Mme Mosca, mais il est essentiel que les individus expriment leur désir d’être en cybersécurité et contraignent gouvernements, organismes publics et organisations privées à s’en soucier.

Editions de gène, dépistage et super-virus
Curieusement les biologistes, pour la plupart, se montrent optimistes et sans crainte pour leurs disciplines . Le Dr François Jacquemard, qui dirige le centre de diagnostic prénatal de l’Hôpital américain, affirme que les progrès des technologies de l’ADN permettent des diagnostics prénatals beaucoup plus sûrs, les rendent disponibles beaucoup plus largement pour le plus grand bénéfice des patients et à la grande déception des cassandre ». » »Il ne faut pas brider les moyens d’accéder aux nouvelles possibilités, au service de l’amélioration de la santé, notre bien commun », Il suffit simplement que les autorités de santé fassent leur travail d’évaluation et résistent aux pressions des industriels qui voudraient que tout soit diffusé sans attendre » ; « parier sur l’intelligence et l’humanisme et libérer les initiatives ». Emmanuelle Charpentier co-découvreuse d’une technique extrêmement prometteuse, précise et efficace d’édition de gênes (de manipulation génétique, osons le mot ! (CRISPR-Cas9) se contente de signaler que « de nouvelles découvertes sont toujours accompagnées d’une responsabilité » , mais que les avantages de l’édition de gênes pour la recherche scientifique et la santé humaine sont extrêmement importants ». Cependant, l’utilisation cliniques des odifications de la lignée germinal chez l’homme ( autrement dit le clonage pour soigner ou améliorer de façon héréditaire le génome d’un individu) « pourrait être très problématique, et cette question est actuellement au centre d’un débat éthique ». Pas d’affolement donc, face au clonage ! Seul le virologue Wayne Hobson exprime une crainte réelle : que le génie génétique soit utilisé pour rendre des microbes ou des virus plus dangereux, plus mortels ou plus transmissible : «  le monde des microbes est suffisamment dangereux. On n’a pas besoin d’en rajouter ». Dans certains laboratoires, ces manipulation ont été faites, avec succès, pour rendre par exemple transmissible à l’homme un virus de la grippe aviaire ». La communauté scientifique a réagi en demandant que ces recherches ne soient pas publiées et qu’elles fassent l’objet d’un moratoire, voire d’une interdiction.

Manipulations de la mémoire
Bref, une très bonne idée que cette enquête du Monde, et comme maintenant, trop  généralement dans la presse, une très  bonne idée bien gâchée par la précipitation et le manque de moyens. Elle méritait beaucoup mieux que ces quelques banalités, des débats plus approfondis, davantage d’intervenants, d’échanges, de réflexions, davantage d’espace et de temps,  bref, un vrai dossier, - une occasion manquée pour les scientifiques de dialoguer avec le public et de faire connaître leurs espoirs et leur préoccupations.
Pour conclure, ma propre peur : les manipulations de la mémoire. On sait maintenant repérer dans le cerveau la trace mémorielle précise que laisse un événement, et l’on peut manipuler cette mémoire. Ainsi, au MIT, Tonegawa et al, en réveillant grâce à une fibre optique le souvenir d’un stimulus douloureux lié à un endroit précis (chez la souris), ont réussi à l’associer à un autre endroit ; la souris alors manifeste sa peur lorsqu’on la place à un endroit neutre voire agréable,  où elle n’a subi aucune douleur. AU CNRS, Benchenane et al. ont réussi à bloquer l’enregistrement d’un  souvenir douloureux et, en stimulant en même temps une région cérébrale liée au plaisir, ont  changé le souvenir lié à un lieu : la souris n’évitait plus l’endroit où elle avait reçu un stimulus douloureux, mais, au contraire, s’y rendait de préférence ! Techniquement, pas grand-chose n’empêche de passer de la souris à l’homme….
Dernière remarque : pour un positiviste, tout changement n’est pas un progrès ; il n’est un progrès que s’il est le développement de l’ordre, c’est-à-dire s’il permet un accroissement de la connaissance, une maitrise plus efficace, intelligente et morale du monde, s’il conforte l’évolution de nos sociétés des stades théologiques et métaphysiques (militaires et révolutionnaires) vers un âge positif, industrieux, pacifique, une coopération meilleure et plus étendue à l’échelle humaine, contrepartie d’une spécialisation grandissante des fonctions, une organisation républicaine. De toute évidence, la recherche sur des super virus plus contagieux et plus mortels ne répond pas à cette condition.
 
 
 

lundi 7 septembre 2015

PS : Vers la débâcle


Année après année, on n’est jamais déçu, (pour ses adversaires), par les Universités d’été du PS, comme s’il s’agissait d’un rassemblement annuel de lemmings se préparant au suicide, auquel on assisterait mi inquiet, mi dégouté. En avant-première donc, le show Macron, puis celui des frondeurs, le code du travail,  puis autres sujets variés, dont une impéritie gouvernementale de plus en plus inquiétante, et qui ne pourra être que sanctionnée.
La valeur travail

Donc d’abord, le show de Macron sur la valeur travail qui n’aurait pas toujours été bien défendue par la gauche. Donc parlons de la valeur du travail, et en bon élève libéral, je la mesurerais par le salaire qu’il rapporte. D’où il ressort que celui qui paie un certain salaire pour trente-cinq heures respecte mieux la valeur travail que celui qui paie le même salaire pour quarante heures. Non ? Et infiniment mieux que ceux qui paient des salaires qui ne permettent pas même de vivre dignement, ceux qui rêvent de contrats zero heures comme en Angleterre, ou des enchères inversées, comme en Allemagne- le travail à celui qui l’assure pour le moins cher.

Ajoutons que revenir sur les trente-cinq heures est une ânerie qui  ignore les accords et la flexibilité en terme d’organisation du travail et d’horaire qu’ont accepté en échange les salariés de nombreuses entreprises. Et puis, il me semble encore la gauche, c’est plutôt le progrès social, et que le progrès social, c’est une tendance multiséculaire, c’est plutôt (entendons-nous, jusqu’à un certain point !) la réduction du temps de travail. On peut avoir la nostalgie du ministre du temps libre !
La valeur égalité

Renversant, et sur la même ligne, les propositions de Terra Nova sur le code du travail. Qu’il soit inutilement compliqué, parfois dissuasif et inefficace, d’accord, mais de là à le supprimer pour le remplacer par des conventions d’entreprises !

Il est assez surprenant, pour rester modéré, que des gens qui se disent de gauche manifestent une telle indifférence au goût des Français pour l’égalité, qui figure tout de même dans la devise républicaine ! La proposition d’un SMIC jeune, peut-être économiquement pas absurde, a été accueillie par un haut le cœur général de tout le pays. Alors que penser d’un SMIC par province, pour les personnes âgées ? d’une durée du travail par entreprise ? En cas de crises, les entreprises peuvent signer des AME (accords de maintiens dans l’emploi) dérogatoires ; on a du mal à croire qu’un think tank prétendu de gauche propose que ces accords qui, en cas de refus d’un salarié, peuvent entrainer le licenciement économique (avec indemnités)  soient maintenant imposés aux salariés, ceux qui les refusent pouvant être licenciés sans indemnités !!! Et de même, comment penser un seul instant qu’il serait acceptable que les indemnités de licenciement soit différentes selon la taille de la société ? –proposition loi Macron retoquée par le Conseil constitutionnel).

On peut demander beaucoup aux Français, mais à condition de respecter (suffisamment) la valeur égalité ; historiquement, ce sont souvent les atteintes à l’égalité qui ont entrainé les plus vives réactions politiques ; l’ignorer est une faute politique qui ne peut que mener à une catastrophe.

On a du mal à croire que ce concours Lépine antisocial soit de nature à simplifier quoi que ce soit en matière de droit du travail, au contraire ! Et en passant, le problème des trente-cinq heures, si problème il y a, ce n’est pas le manque de flexibilité, mais au contraire une trop grande flexibilité, qui a entrainé des disparités importantes selon les entreprises..
La gauche sociétale, pas sociale

On peut donc légitimement s’inquiéter et s’indigner ce certains discours et propositions ; encore conviendrait-il de le faire en proposant un programme sérieux ; il semble que plus les frondeurs s’expriment, plus Macron devient populaire ; il y a pour le moins un sérieux problème de crédibilité. Et le PS  afflige plus qu’’il n’attire en sifflant tel ou tel membre du gouvernement soutenu par lui et réservant ses acclamation à Mme Taubira, le symbole même d’une gauche qui a renoncé au social pour se limiter, avec morgue et mépris, au sociétal… à tel point que la révélation que le ministère de la justice emploie plus de quarante mille collaborateurs en toute illégalité, sans payer ni cotisation retraite, ni autres cotisation sociales la laisse aussi indifférente que ses prédécesseurs, et surtout sans plan sérieux pour sortir de cette situation inadmissible.
Dans ces conditions, les grandes déclarations pseudo généreuses sur l’accueil des immigrants risquent bien d’énerver un certain nombre de nos concitoyens. Seule Ségolène Royal semble s’en rendre compte, en affirmant que  « Schengen n'est pas un tabou et en évoquant sa possible suspension face à la crise migratoire ».
Et autres absurdités

Claude Bartolone vient de réaliser que la COP21 et son cortège d’embouteillages prévus risquent d’échauffer le climat électoral juste avant les régionales. C’est depuis des années que les conditions de transport, soit en voiture, soit en commun, ne cessent de se dégrader, avec des lignes de métro de plus en plus surchargées et incertaines ; et ceci après dix ans d’un Conseil régional socialiste et écologiste. Si Claude Bartolone veut avoir la moindre chance de l’emporter, il ferait bien de sortir un plan sérieux et conséquent d’amélioration des transports ; mais les conditions dans lesquelles il a été désigné ont laissé peu de places à la préparation d’un programme sérieux. La débâcle s’annonce !

D’autre part, qu’est-ce que c’est que ce gouvernement dont la lutte contre le chômage devrait représenter la principale préoccupation, et qui a nommé trois ministres du travail en trois ans, dont aucun n’a la moindre expérience du dialogue social, ni des syndicats, ni de l’entreprise, ni de la législation sociale, ni…  ; et qui après avoir laissé vacant le ministère (non, le secrétariat d’Etat) à la Recherche pendant plus d’un an a trouvé le moyen d’y nommer quelqu’un qui n’a jamais rien eu à voir, ni de près, ni de très loin avec la recherche… au nom de je ne sais quel équilibre politique. Il n’y a plus un seul chercheur proche du PS ?
Tout cela risque de se payer cher, et rapidement, la question ne sera plus de savoir si Marine Le Pen pourra être au second tour, mais si elle pourra être  élue présidente

samedi 5 septembre 2015

5 Septembre 2015 : Comte et Nietzsche

5 septembre 2015 : 158ème anniversaire de la mort d’Auguste Comte

En hommage, une courte réflexion sur une lecture de l’été, le remarquable numéro de Philosophie Magazine consacré à Nietzsche

Nietsche et le positivisme : Nietzsche s’est peu exprimé sur le  Positivisme, qu’il a cependant connu par Paul Rée, parfois qualifié de Positvisme affirmé. Le texte suivant est souvent cité :  « Contre le positivisme, qui en reste au phénomène, « il n’y a que des faits », j’objecterais : non, justement, il n’y a pas de faits, seulement des interprétations. Nous ne pouvons constater aucun factum « en soi » : peut-être est-ce un non-sens de vouloir ce genre de chose. « Tout est subjectif », dites-vous : mais ceci est déjà une interprétation, le « sujet » n’est pas un donné, mais quelque chose d’inventé-en-plus, de placé-par-derrière. – Est-ce finalement nécessaire de poser en plus l’interprète derrière l’interprétation ? Ceci est déjà de l’invention, de l’hypothèse. Dans la mesure exacte où le mot « connaissance » a un sens, le monde est connaissable : mais il est interprétable autrement, il n’a pas un sens par-derrière soi, mais d’innombrables sens. Ce sont nos besoins qui interprètent le monde : nos pulsions et leurs pour et contre. Chaque pulsion est une sorte de recherche de domination, chacune a sa perspective, qu’elle voudrait imposer comme norme à toutes les autres pulsions. »
Nietzsche, Fragments (posthume) fin 1886 – début 1887

Remarquons cependant que Nietzsche ne nie pas que la science, par sa démarche particulière puisse parfois arriver à une connaissance positive :
« Je ne crois pas que l’ »instinct de la connaissance » soit le père de la philosophie, , mais qu’un autre instinct, ici comme ailleurs, q » soit le père de la philosophie, , mais qu’un autre instinct, ici comme ailleurs, s’est servie de la connaissance ( et de la méconnaissance comme d’un simple instrument… Car tout instinct aspire à la domination, et c’est en tant qu’instinct qu’il s’efforce de philosopher. Il est vrai que chez les savants, les esprits proprement scientifiques, il en va peut-être autrement, « mieux » si l’on y tient ; là , il se peut que l’on rencontre quelque chose comme un instinct de la connaissance, , un petit rouage indépendant qui, bien remonté, accomplit bravement sa tâche, sans que les autres instincts du savant participent à cette activité d’une manière essentielle »
Nietzsche, Par delà bien et mal, Des préjugés des philosophes
Au surplus, Nietzsche se trompe en affirmant que le positivisme ne s’en tiendrait qu’aux faits, en assimilant en quelque sorte positivisme et empirisme. Dès le Cours de Philosophie positive, Comte affirme au contraire l’impossibilité de l’empirisme pour fonder une science et affirme le primat de la théorie, sans laquelle on ne pourrait pas même commencer à observer utilement :
"Chacune des branches essentielles de la philosophie naturelle nous a successivement fourni de nouveaux motifs de vérifier que, quoi que l’on en puisse dire, l’empirisme absolu serait non seulement tout à fait stérile,  mais même radicalement impossible à notre intelligence qui, en aucun genre, ne saurait évidemment se passer d’une doctrine quelconque, réelle ou chimérique, vague ou précise, destinée surtout à rallier et stimuler ses efforts spontanés…  En quelque ordre de phénomènes que ce puisse être, même envers les plus simples, aucune véritable observation n'est possible qu'autant qu'elle est primitivement dirigée et finalement interprétée par une théorie quelconque… »
Comte,  Cours de Philosophie Positive, 51ème leçon
Enfin, le Comte de la Synthèse Subjective, souvent laissé de côté, arrive à une conclusion qui aurait peut-être intéressé Nietzsche, en affirmant la relativité de la science ; la science n’est que le monde vu par l’homme. Voici ce qu’il écrit de la science la plus fondamentale, la logique :
« la Logique est le concours normal des sentiments, des images et des signes, pour nous inspirer les conceptions qui conviennent à nos besoins moraux, intellectuels et physiques… La vraie Logique se borne à nous dévoiler les vérités qui nous conviennent »
Comte, Synthèse Subjective, p. 55, Anthropos (1971)
Eric Sartori , Le Socialisme d'Auguste Comte, aimer, penser, agir au XXIème siècle, l'Harmattan 2012
 
 
 

mercredi 2 septembre 2015

La biologie marine, un atout pour la diplomatie scientifique de la France


Bel article dans Le Monde (5 août 2015) de cet été sur la Station Biologique de Roscoff, un fleuron du patrimoine historique français – un patrimoine quelque peu inconnu et négligé, pourtant prestigieux. Elle a été fondée en 1872 par le Pr. Lacaze Duthier, dans une belle bâtisse du XVIIIème siècle, la maison Corbière  – à l’époque les scientifiques étaient choyés - et  s’occupait de zoologie marine. Elle est un exemple d’un programme ambitieux d’étude marine lancé par plusieurs savants, dans toute l’Europe, entre 1859 et 1900 ; la France, en raison de la variété des mers qui bordent ses côtes et avec la volonté de jouer un rôle scientifique important en ce domaine, a eu une politique particulièrement ambitieuse avec la construction d’environ une douzaine de stations : Concarneau, Arcachon, Endoume, Banyuls, Wimereux, Sète, Tatihou (dans le Cotentin), le Portel, La Seyne sur Mer, Monaco, Monaco. Et déjà, autour de cette biologie marine, une ambition scientifique internationale : la station de Villefranche sur mer, fondée en 1882, est confiée en 1884 au biologiste russe Alexis de Korotneff et devient la première station russe de biologie marine, dépendant de l’Université de Kiev.

Un des points fort de la station biologique marine de Roscoff  est la recherche sur les algues, un sujet naguère considéré comme vieillot et peu excitant, maintenant en pleine explosion grâce à la génomique, et les espoirs d’utiliser les algues pour produire des carburants : « Dominées par des études très naturalistes, les algues sont maintenant abordées comme un matériel vivant qui apporte des connaissances nouvelles » (Philippe Potin, Directeur de recherche). Et ce que la génomique permet de faire de ces très vieux végétaux est vertigineux : « Nous avons accès à des lignées évolutives que les milieux terrestres n’ont pas, nous pouvons remonter dans l’évolution jusqu’à 1500 millions d’années. Et les environs de Roscoff sont particulièrement adaptés : on y trouve 700 espèces d’algues : laminaires, fucus, porphyra ou nori, ulva, maërl…). En jouant simplement de cette variété biologique, des conditions de culture, des aliments, et, de façon plus sophistiquée du génie génétique, il est possible de transformer certaines algues en véritables réacteurs chimiques capables de fournir des molécules variée, originales, élaborées.

La station de Roscoff est en train de retrouver la notoriété internationale qui fut celle des stations biologiques marines françaises. Elle compte trois cent permanents, avec deux unités de recherche mixtes CNRS université, et une équipe franco-chilienne, autre très grand pays maritime, avec 600 km de façade maritime, s’étendant d’un climat tropical à l’Antarctique. La SBR collabore aussi avec l’Inde, où elle est partie prenante dans la création du premier institut indien de biologie marine de standard international, et également avec la Chine, pour une entreprise industrielle de culture de l’algue brune saccharina japonica. Une ambition retrouvée, un atout pour la diplomatie scientifique de la France, un moment chère à Laurent Fabius ( mais aujourd’hui négligée au profit du tourisme ?).

L’article du Monde oublie d’ailleurs de mentionner cet autre grand succès de la SBR, la roscovitine, dont le nom indique assez la provenance, molécule marine naturelle découverte par des chimistes de Roscoff et actuellement développée, ainsi que certain derives, dans le traitement de cancers résistants (cancer du poumon à cellules non petites) et d’autres pathologies ( elle appartient à la classe en plein développement des inhibiteurs de kinase et est développée par Manros Therapeutics