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dimanche 3 avril 2016

La politique énergétique et EDF : Macron, ça suffit ? ou Dr Macron et Mr Emmanuel.


Qui est M. Macron ?

L’audition du ministre Emmanuel Macron devant l’Assemblée nationale/Commission des affaires économiques à propos de la situation d‘EDF apporte des informations intéressantes. Macron, ça suffit !, je l’avais d’abord écrit à la Martine Aubry, avec un point d’exclamation !  La raison : cet extrait de l’audition de Macron : « les salariés ont bénéficié d’une progression salariale déconnectée de la productivité de l’entreprise : sur 2010/2015, la hausse moyenne a été de 3,5 % par an, ce que très peu d’entreprises ont vécu sur cette période. Je ne dis pas ça pour stigmatiser les salariés d’EDF qui sont la force de cette entreprise et ont permis son succès ».
Alors qu’EDF est en crise, que beaucoup de salariés ont le sentiment d’un danger mortel pour EDF, que le directeur financier a démissionné, que les organisations syndicales ont lancé une alerte en Comité Central d’Entreprise, que la Cour des Comptes a fait état « de fortes interrogations » sur le contrat EPR anglais (centrale de Hinkley Point), cette déclaration était pour le moins maladroite, d’autant que les réorganisations en cours au sein de l’entreprise se font dans un climat désastreux, sans information, sans concertation, sans explication de la stratégie aux salariés ; et que si l’on compare les rémunérations, en particulier des cadres d’EDF, avec le secteur privé, leur situation n’a rien de mirobolante. J’ai dit « maladroite » ? c’est scandaleuse qui aurait mieux convenu tant quarante ans de politique d’indépendance énergétique intelligente et efficace sont scandaleusement gaspillés, pulvérisés par dix ans d’une politique d’orthodoxie libérale absurde (cf article précédent EDF, ou l'aveuglement de l'Etat : (Eric Le Boucher) !
Donc, plutôt Macron, ça suffit ! Oui, mais le reste de l’audition, et de façon plus générale la pratique du ministre Macron (cf. aussi les interventions chez Peugeot, Renault et encore le refus de laisser les clés d’Orange à Bouygues) montrent un ministre connaissant les problématiques industrielles, s’intéressant à la stratégie des entreprises, bref soucieux de mener une politique industrielle avec un rôle fort de l’Etat.
Qui est M. Macron ? Ultra libéral jusqu’à la provocation en parole, l’un des ministres les plus interventionnistes en acte ? Dr Macron et Mr Emmanuel ?
D’où le point d’interrogation final. M. Macron devrait arriver à comprendre que le summun de l’art politique est parfois de dire ce que l’on fait et de faire ce que l’on dit, et de s’en expliquer clairement. Que les électeurs sont las des petites manœuvres médiocres, des demi vérités, des demi mensonges ; et qu’ils rejetteront ceux qui ne leur donnent pas une direction, un sens, un avenir clair.

EDF ; citations de Macron  et commentaires  1)  « L’idée qu’on revienne à une situation de monopole n’est pas sérieuse »

« Définir l’avenir d’EDF aujourd’hui, c’est d’abord définir les missions que doit remplir EDF : c’est une entreprise qui assure des missions de service public, qui fournit chaque jour de l’électricité à des millions de nos concitoyens. Elle garantit notre indépendance et notre souveraineté énergétique. Nos voisins allemands ont fait d’autres choix et voient aujourd’hui la dépendance qu’ils subissent. C’est un acteur majeur de la transition énergétique en cours. C’est une entreprise industrielle qui emploie 105 000 personnes dans toute la France et génère de l’emploi sur tout le territoire »
Fort bien, mais après vient ceci :
 « L’idée qu’on revienne à une situation de monopole n’est pas sérieuse, elle n’est plus possible aujourd’hui compte tenu du contexte. »

Commentaire : Je dirais que c’est au contraire de rester dans la situation actuelle qui n’est plus envisageable. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est loin d’être démontré qu’ »assurer des missions de service public » et « garantir l’indépendance et la souveraineté énergétique » puisse être assuré par autre chose qu’un monopole d’Etat. Les expériences anglaises et californiennes de libéralisation du marché de l’énergie ont été catastrophiques; pourquoi donc les libéraux sont-ils incapables de tirer les conclusions de leurs échecs ? ( par idéologie !)
Il fallait c’était le programme obsessionnel des libéraux « casser EDF GDF » ! Eh bien, cela a été fait, et le résultat a été que nous avons, comme l’a écrit Eric Le Boucher, « deux grandes entreprises énergétiques en capilotade financière, une indépendance énergétique de la France menacée, un atout formidable du point de vue indépendance et de lutte contre le réchauffement climatique qu’est le nucléaire bien menacé ». Alors, stop ou encore ?

EDF ; citations de Macron  et commentaires  2) le monopole c’est bien quand même

« EDF remplit aujourd’hui 2 missions de service public et qui ne peuvent être concédées à des acteurs privés en majorité : les réseaux, qui doivent continuer à être détenus par la puissance publique, car ils sont stratégiques. Ce qui ne veut pas dire qu’ils doivent être détenus à 100 % par EDF. Je parle là de RTE (réseau de transport électrique), qui est un actif aujourd’hui détenu à 100 % par EDF, ce qui n’est pas la meilleure allocation du capital pour l’entreprise. La base de toute modification, c’est qu’il y ait un projet industriel porté par RTE. Le dirigeant de RTE y travaille, pour justifier une ouverture de capital à d’autres acteurs publics et éventuellement de manière très minoritaire à des opérateurs privés. Le deuxième élément, c’est la production nucléaire. EDF est le plus grand exploitant nucléaire mondial et confier l’exploitation des réacteurs à d’autres acteurs n’aurait pas de sens. »
« Aujourd’hui, ces missions d’EDF sont claires. Il doit rester l’exploitant nucléaire du parc français, continuer à le développer et l’entretenir dans le respect de la PPE et de la loi TE, ce qui suppose la prolongation de certaines centrales, la fermeture de certaines centrales et la construction de nouvelles centrales. »
« Sur les concessions hydrauliques, c’est un élément de notre modèle productif très important et nous sommes attachés à cette production et à ces concessions. Des dispositions ont été mises en place dans la loi TECV. Fin octobre dernier, la Commission européenne a adressé une mise en demeure de la France. Dans ce cadre-là, nous devons réagir. Nous avons contesté l’infraction. La ministre en charge de l’énergie a apporté une réponse écrite à la commission. Nous avons rencontré à plusieurs reprises la commission. Je sais que plusieurs d’entre vous sont allés défendre le modèle français à Bruxelles. Dans ce contexte, un changement est intervenu ces dernières semaines. Les échanges récents montrent que nous devrions arriver à un compromis et à un retrait de la procédure d’infractions. »

Commentaire : bon, le nucléaire restera une source d’ électricité importante et ne peut pas être confié au privé. Monopole ! La gestion du Réseau de transport d’électricité non plus. Monopole ! Et l’hydraulique non plus : les barrages sont dangereux, (ils ont tué plus que le nucléaire), doivent être exploités en concertation entre eux dans le même bassin et  jouent un rôle public important dans la gestion locale des ressources hydriques ; par conséquent le  ministère semble décidé à se battre contre l’injonction européenne d’avoir à privatiser des barrages. Très bien !
Donc monopole pour le nucléaire, monopole pour le transport, monopole pour l’hydraulique !
Parfait ! Que voilà un libéralisme sensé et raisonnable !
Il reste quoi en dehors du monopole ? L’éolien et le solaire ? Oui, mais ce sont des énergies intermittentes qui ne peuvent être exploitées qu’en étroite coordination avec le reste de la production électrique. Les exploitants privés, s’il s’en trouve, devront bien, très bien, s’entendre avec EDF.

EDF ; citations de Macron  et commentaires : « nous avons commis des erreurs »

« Ce nouvel EDF suppose entre 11 et 15 milliards d’investissements par an sur les années à venir, pour exécuter la stratégie. »
« Face à cette situation, une chose est sûre : le compromis autour duquel nous avons historiquement géré l’entreprise, toutes majorités confondues, n’est plus possible. Il reposait sur l’idée qu’EDF était une rente perpétuelle. L’État s’octroyait des dividendes élevés, trop élevés, 2 milliards par an en moyenne sur les 10 dernières années ; les consommateurs ont bénéficié des tarifs les plus bas d’Europe ; et les salariés ont bénéficié d’une progression salariale déconnectée de la productivité de l’entreprise : sur 2010/2015, la hausse moyenne a été de 3,5 % par an, ce que très peu d’entreprises ont vécu sur cette période. Je ne dis pas ça pour stigmatiser les salariés d’EDF qui sont la force de cette entreprise et ont permis son succès. Le compromis État/consommateurs/salariés n’est plus possible, car il était court termiste. Pour assurer la soutenabilité de la trajectoire financière, des efforts partagés sont nécessaires. »
La dérégulation du marché date notamment de la loi NOME de 2010. On a fait des erreurs collectivement ces dernières années, on a pris des décisions pour mettre un plafond avec l’ARENH et on a empêché EDF de profiter des prix de marché élevés, mais il n’y a pas de prix plancher et donc EDF n’est pas protégée des effets des prix qui baissent.

Commentaire : une critique virulente de la politique de la libéralisation de l’énergie : intéressant - ou comment l’intelligence vient parfois aux libéraux – à part le couplet sur les salariés d’EDF. Résumons autrement : la libéralisation du marché de l’électricité a remplacé une EDF-GDF en bonne santé par deux firmes en capilotade financière, incapables d’investir suffisamment pour assurer dans l’avenir  l’indépendance énergétique de la France ( c’est  un peu la même problématique pour les télécoms).
Alors le point d’interrogation se pose : il pense quoi le libéral Macron, exactement, de la libéralisation de l’énergie ?

L’EPR d’Hinckley Point

« Pourquoi le gouvernement a constamment porté ce projet ? Le nucléaire garde une part prépondérante en France dans notre stratégie énergétique. Sur un objectif de 10 à 15 ans, le nucléaire demeurera autour de 50 %, donc la base de notre souveraineté énergétique, c’est le cadre de la loi. Au-delà, il y a des grands marchés à l’international sur lequel notre filière doit se porter. Le principal projet nucléaire d’un monde développé aujourd’hui, c’est HPC. Peut-on ne pas y aller ? Je ne le pense pas. Il faut y aller avec une pleine visibilité sur la faisabilité financière. HP, c’est 15 % des investissements prévus par EDF sur les prochaines années. Le gouvernement britannique s’est engagé auprès d’EDF et de l’État français à acquérir l’électricité à un prix garanti pendant 35 ans. C’est aussi une réponse aux prix bas de marché. Cet engagement a été validé par la Commission européenne, il permet de garantir une rentabilité de 9 % par an sur 60 ans. C’est un très bon investissement de long terme pour EDF. Enfin, c’est une technologie 100 % Française qui est développée dans ce projet. Tout ne sera pas produit en France, ce ne serait pas faisable différemment. La cuve sera produite par les Japonais, ce ne sera ni le même lieu ni la même méthode de production que la cuve de Flamanville. C’est un projet important pour toute la filière… »


Commentaire : une vision claire, argumentée, logique, audacieuse. Il faut juste prier pour qu’EDF ne se plante pas comme dans les précédents EPR. L’aide chinoise sera précieuse…Mais on peut (on doit) préférer un ministre qui agit et prend des risques ; de toute façon, à continuer comme avant, c’est perdre à tous coups.


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