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jeudi 30 juin 2016

Glyphosate : une bonne décision

Mise en cause du CIRC (IARC) plus que du glyphosate ?

En prolongeant  l’autorisation du glyphosate pour une période limitée, jusqu’à ce que l’Agence européenne des produits chimiques publie son avis, au plus tard à la fin de 2017, la Commission Européenne n’a pas vraiment tranché et a pris une solution d’attente rationnelle. Mais le débat a pris un tour inquiétant avec  l’intense campagne demandant le retrait du glyphosate (le principe actif du round-up). Depuis des mois, certains environnementalistes  affirment qu’il est cancérigène, s’appuyant sur un rapport du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer, IARC in English), organisation liée à l’OMS, qui l’a classé comme « probablement cancérigène ». Or, cette classification me parait mettre davantage en cause le CIRC ses méthodes, son éthique et son irresponsabilité que le glyphosate lui-même.
- D’abord, les autres agences de l’OMS ne partage l’analyse du CIRC. L’international Program on Chemical Safety, les Guidelines for drinking water quality, le Core assesment group de l’Organisation Mondiale de la santé sont en désaccord avec le CIRC. Ainsi que toutes les autres agences de sécurité dans le monde, en particulier l’Agence Européenne.
- Dans le dossier du glyphosate, le CIRC a pris comme seul expert extérieur un certain Christopher Portier, statisticien et non toxicologue,  travaillant pour une association de défense de l’environnement et menant depuis longtemps une campagne contre le glyphosate. Cet engagement n’a pas été signalé parmi les conflits d’intérêts potentiels dans le rapport du CIRC. Le CIRC et Portier ont ensuite mené une campagne intense auprès des instances européennes, des politiques et des media pour déconsidérer tous les experts et les rapports qui ne s’accordaient pas avec leurs conclusions (c’est-à-dire tous les autres).
Ces méthodes, qui ne sont pas des méthodes de  débat de bonne foi et même rendent impossible tout débat scientifique, ont à juste titre irrité  l'Institut fédéral allemand d'évaluation des risques (BfR) – le rapporteur de l'UE pour le glyphosate :
« Le BfR a compilé la base de données toxicologiques la plus complète, probablement du monde entier, pour le glyphosate. Cette base de données comprend des centaines d'études qui ont été effectuées par les nombreux fabricants de glyphosate ou pour leur compte, et des milliers de références de la littérature ouverte. Cette énorme quantité de données fait que le glyphosate est presque unique parmi les matières actives de produits phytopharmaceutiques. Le BfR estime que toute la base de données doit être prise en compte pour l'évaluation toxicologique et l'évaluation des risques d'une substance, et non pas seulement une sélection plus ou moins arbitraire d'études. [...] La nouvelle classification du CIRC du glyphosate comme substance cancérogène repose d'abord sur des "preuves limitées" chez l'homme. Ce risque résulte de trois études épidémiologiques aux États-Unis, au Canada et en Suède et se fonde sur une corrélation statistique entre l'exposition au glyphosate et un risque accru de lymphome non hodgkinien. Cependant, cette évaluation n'a pas été confirmée dans la très grande cohorte de la "Agricultural Health Study", également citée, ni dans d'autres études. »
À la suite d'un deuxième mandat de la Commission européenne d'examiner les conclusions de l'Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC) en ce qui concerne la cancérogénicité potentielle du glyphosate ou de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate dans le cadre du réexamen par les pairs en cours de la matière active, l'EFSA a conclu qu'il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l'homme et que les éléments de preuve n'étayent pas le classement du point de vue de son potentiel cancérogène selon le règlement (CE) No 1272/2008. »
Des gens qui n'ont pas contribué aux travaux, qui n'ont vraisemblablement pas vu les preuves, qui n'ont pas eu le temps d'entrer dans le détail, qui ne sont pas impliqués dans le processus, ont signé une lettre de soutien.
Je suis désolé de le dire, mais pour moi, avec cette lettre, vous quittez le domaine de la science, vous entrez dans le domaine du lobbying et des campagnes ('campaigning'), et ce n’est pas la façon dont l’EFSA travaille. Pour moi, ceci est le signe que nous entrons dans l’âge Facebook de la science. Vous avez une évaluation scientifique, vous la mettez sur Facebook et vous comptez combien de personnes 'aiment'. Pour nous, ce n’est pas un progrès. Nous, nous produisons une opinion scientifique, nous la défendons, mais nous n’avons pas à prendre en compte si c’est aimé ou pas. »
La condamnation des méthodes et pratiques du CIRC est dépourvue de toute ambigüité. Pour autant, la position de l’EFSA serait plus solide, beaucoup plus solide, si on en venait à ce qu’a demandé le Commissaire Européen à la Santé et qu’ont refusé, au nom du secret industriels, les fabricants, appuyés par une décision de l’Union Européenne ( demandez-vous pourquoi on aime l’Europe !) :la publication des études industrielles sur lesquelles s’est, entre autre, appuyé l’EFSA. C’est une position qui n’est plus tenable, et, en matière de santé et d’environnement, les industriels devraient être tenus à publier les études qui justifient leurs allégations, comme les firmes pharmaceutiques ont fini par accepter de publier les données de tous les essais cliniques, positifs ou non.  Il est vrai qu’ils ont accepté que ces études soient consultables en un lieu donné, sans possibilité d’enregistrer ou de copier les documents. C’est évidemment insuffisant, et ils ne pourront reconquérir une crédibilité nécessaire qu’en publiant et soumettant librement leurs données à la critique de tous les experts.

Le CIRC, une agnce en manque de publicité

Derrière cela se joue la reconnaissance scientifique du CIRC qui est le seul, parmi toutes les agences à ne pas s’appuyer sur des estimations de risques comprenant le risque intrinsèque et l’exposition. Ainsi le CIRC a aussi déclaré classe la viande rouge et les boissons chaudes  comme cancérogènes possibles, comme le glyphosate et les saucisses (les charcuteries) comme cancérigènes certains – donc plus dangereux que le glyphosate. Or le CIRC a en parallèle bien indiqué que ceci ne voulait pas dire qu’il fallait interdire les saucisses, mais qu’il fallait simplement avoir une alimentation équilibrée ! Si l’on suit le même raisonnement, cela signifie qu’il ne faut pas interdire le glyphosate, mais l’utiliser de manière équilibrée. Et là, on sera d’accord.
En fait, le CIRC semble se spécialiser dans les déclarations provocatrices et sensationnalistes, qui de fait, se révèlent nuisibles. Son avis sur le caractère cancérigène des boissons chaudes lui a valu une sévère mise en garde de sa tutelle : « Le cancer de l’œsophage est le huitième cancer le plus fréquent dans le monde et l’une des principales causes de décès par cancer ». Il invite le CIRC à se concentrer sur « les facteurs pour lesquels il existe des preuves bien établies de leur rôle causal dans le cancer de l’œsophage et d’autres localisations. »
La santé et singulièrement l’évaluation du caractère cancérigène des composés de notre environnement méritent en effet  d’être pris au sérieux, ainsi que les enjeux qui peuvent en résulter – dans le cas du glyphosate, les effets sur l’agriculture, et aussi sur les agriculteurs s’ils le remplacent par des herbicides plus toxiques. Le glyphosate semble bien rester l’un des plus efficaces et l’un des moins toxiques des herbicides  Il faudra que l’OMS se penche de près sur l‘évaluation scientifique et  déontologique du CIRC (IARC)

Le centre d’étude biologique de Chize


Pour terminer sur une note plus positive, il existe, et en France, des organismes peu connus qui font un travail formidable en matière d’évaluation des pratiques agricoles. Ainsi, le centre d’études biologiques de Chize (CNRS/Université de la Rochelle) peut mener des études associant étroitement chercheurs et agriculteurs sur un domaine de plus de 450km2 et compte plus de 400 exploitations agricoles, 15.000 parcelles avec des pratiques très diverses. Ces expérimentations en conditions réelles, en plein champ, permettent d’obtenir des résultats parfois assez différents de ceux menés en parcelles isolées. Ainsi, il semble que les quantités d’engrais azotés et herbicides peuvent être diminuées par deux sans diminuer les rendements : la raison : il s’agit d’un équilibre à trouver entre l’engrais, qui profite même aux adventices tandis que les herbicides à hautes doses détruisent davantage les adventices rares et peu gênantes que les plus communes, plus préjudiciables aux cultures ; des effets difficiles à montrer sur des champs isolés. Ainsi peut se mettre en place une agriculture raisonnée, appuyée sur des études scientifiques et la collaboration des agriculteurs qui, sans renoncer aux herbicides, en diminuera les inconvénients.   

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