Le financement
de la Recherche est insuffisant
Le Conseil économique, social et environnemental élaborer un
rapport annuel sur l’état de la France. Le rapport 2015 montre ce que les
rapporteurs eux-mêmes qualifient de décrochage inquiétant.
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Avec un taux de 2,26 % du PIB en 2014 consacré à la Recherche développement, la
France se situe en deçà de l’objectif de 3 % de la Stratégie de Lisbonne
de 2002 ; ce taux situe la France loin du groupe des pays européens
« leaders » dont l’effort de recherche avoisine ou dépasse l’objectif
des 3 % du PIB (Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Suède
niveau dépassé régulièrement par l’Allemagne, l’Autriche et les pays
scandinaves.
Ce
retard qui dure depuis des années et a même tendance à s’aggraver a des conséquences
qui commencent à se faire sentir : la baisse de la part de notre pays dans
les publications scientifiques (-15,1% entre 1999 et 2013) et la chute dans les demandes de brevets européens
(8,3 % en 1994 pour 6,4 % en 2012) sont autant de signes d’un décrochage
certain.
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Ce décrochage se vérifie également dans le secteur privé
: les investissements de R&D des entreprises françaises figurant dans le
classement« Global innovation 1000 » (rapport 2015 de l’étude
« global innovation 1000 » de PwC Strategy) n’ont crû que de 28 % depuis 2005 contre 66 % pour l’ensemble
des entreprises européennes.
A noter que cet indicateur
d’effort de recherche ne prend pas en compte les données relevant du ministère
de la Défense et que l’activité de recherche des enseignants-chercheurs des
universités et des professeurs des centres hospitalo-universitaires est
difficile à quantifier. Enfin et surtout cet indicateur ne rend pas compte de l’effort
financier consenti au titre des aides fiscales, à l’instar du crédit d’impôt recherche.
L’effort financier consenti au titre des aides
fiscales, à l’instar du Crédit d’Impôt Recherche
(CIR), constitue un important levier d’incitation à l’innovation (6,2 milliards
d’€ en 2014). La question d’un meilleur fléchage en
relation notamment avec les emplois créés dans la recherche et d’un réel
contrôle de ce dispositif mérite d’être posée pour en accroître l’effectivité
et s’assurer qu’il bénéficie à l’ensemble des entreprises, notamment aux PME et
ETI. La stratégie de certains groupes internationaux en France soulève des
questions légitimes en rapport avec des pratiques d’optimisation fiscale, alors
que l’Allemagne parvient à atteindre l’objectif de3 % sans recourir à un
dispositif de ce type, une des explications possibles étant que les écosystèmes
diffèrent selon les pays. La discussion au sein de la commission sénatoriale
sur le budget de la mission interministérielle Recherche et Enseignement
supérieur (MIRES) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 témoigne
de la nécessité d’une évaluation que le CESE a lui-même appelé de ses vœux dans
son avis sur La compétitivité : enjeu d’un nouveau modèle de développement
(rapporteure : Isabelle de Kerviler, 2011,)
Commentaire :
La faiblesse du financement de la rechercher française devient problématique,
et c’est le grand mérité de ce rapport du CESE que de le signaler de manière
non ambigüe. Et c’est le moment que le gouvernement a choisi pour annuler 256
millions de crédit sur la mission recherche et enseignement supérieur. Après
une tribune de sept prix Nobel et une médaille Fields, une partie de la somme a
été épargnée, soit 134 millions d’euros. Mais, un mois plus tard, c’est sur le
front de l’Agence Nationale de la Recherche que la technocratie de Bercy s’est
abattue, au point que le comité d’évaluation en mathématiques et informatique a
démissionné en bloc, dénonçant « une chute gravissime du nombre de projets
financés ». Dans un domaine en pleine explosion avec la révolution du big
data ! La priorité à la recherche est bien oubliée, ce n’est pas ainsi que
l’on prépare l’avenir !
En
ce qui concerne le Crédit Impôt
Recherche, il faut éviter de le modifier substantiellement en permanence –
la complexité et le manque de stabilité et de prévisibilité de l’administration
fiscale sans doute plus que le niveau absolu des prélèvements constituent un
repoussoir pour les entreprises et un réel inconvénient pour leurs stratégies.
Sur les dernières années, on ne peut pas lui reprocher d’avoir eu peu d’effets sur
l’accroissement de l’emploi scientifique privé tant il est certain qu’il a eu
un effet massif sur la protection de l’emploi existant durant la crise !
Il
joue aussi un rôle important dans l’attractivité du territoire français pour
les centres étrangers, avec l’excellence de certaines formations scientifiques.
Il répond aussi particulièrement bien au besoin spécifiquement français d’investir
dans la recherche et le développement privés, dramatiquement insuffisants, par
sa souplesse qui permet aux entreprises d’accompagner au mieux leur stratégie,
mieux que les systèmes allemands, belges etc. reposant sur des subventions
publiques. S’il existe des dévoiements, ils peuvent être supprimés par des contrôles
qui existent ; mais lorsqu’on parle du crédit impôt recherche des grandes
entreprises, il faut savoir qu’assez souvent, ils favorisent en fait la
sous-traitance de travaux de recherche par des start-up françaises ou européennes
(au fait, on voudrait bien voir une certaine réciprocité à cette extension
imposée par la Commission Européenne) et donc constituent un excellent moyen de
favoriser à moindre risques l’innovation.
La question de l’emploi
scientifique : manque d’attractivité des carrières
« Une
nécessaire prise en compte des réalités de terrain : au-delà de l’approche
quantitative, la qualité de la recherche dépend des conditions dans lesquelles
celle-ci est menée. Une attention particulière doit être portée aux perspectives
de carrière offertes aux chercheurs et aux futurs docteurs (en termes de stabilité,
de reconnaissance de leurs qualifications et de conditions de rémunération).
Ceux-ci font également face à une dégradation de leurs conditions de travail
sous l’effet de contraintes financières, organisationnelles et temporelles
accrues. Ils sont confrontés à un alourdissement de leurs tâches
administratives (temps consacré aux évaluations multiples, à la recherche de
financements dans le montage de projets, sans certitude aucune d’être éligible,
affaiblissement des fonctions supports).
Ce
contexte contribue à la perte d’attractivité des métiers de la recherche auprès
des jeunes, à la fuite des talents à l’étranger ou vers d’autres horizons
professionnels. Le CESE avait déjà souligné l’importance de cet enjeu dans son
avis sur la compétitivité (cf.supra), alors que la question du renouvellement
des générations de chercheurs proches de la retraite - et de la transmission de
leur savoir - se pose aujourd’hui avec une acuité particulière. Cette réflexion
doit être étendue aux perspectives de carrière offertes aux doctorants et
post-doctorants au sein du secteur privé.
En
outre, le système de recherche public est l’objet de transformations qui
menacent son efficacité. Ainsi faut-il craindre les complications issues du
processus de regroupement des universités, la réduction des crédits de base des
laboratoires et le fléchage des crédits de l’Agence nationale de recherche vers
les projets de court terme ou étroitement finalisés, au détriment du soutien à
la recherche fondamentale. L’un des risques est l’apparition d’un système à
plusieurs vitesses laissant de nombreuses équipes de haut niveau à l’écart de tout
financement significatif, comme l’Académie des sciences l’a récemment souligné
(Le financement de la recherche : un chantier urgent, communiqué du 16 juin
2015). Outre les emplois de recherche, la valorisation des doctorants et
post-doctorants doit être améliorée au sein du secteur privé afin notamment de
constituer des compétences sur l’anticipation et la prospective. »
Commentaire :
Enfin ! Enfin un rapport qui aborde franchement le problème qui risque d’entraver
le plus gravement la recherche française dans les années qui viennent : le
manque d’attractivité des carrières de recherche. Dans le public : le
brillant résultat d’années de gestion catastrophiques de la recherche, avec la
folie des évaluations en cascade par des tutelles multiples, la folie de la
recherche ciblée qui oblige responsables de laboratoires et d’équipes à se transformer
en chercheurs effrénés de subvention à des guichets innombrables, aux procédures
opaques et lourdes et aux chances de
succès à peu près égales à celles du Loto, puis reprendre et rédiger encore d’imposants
dossiers pour coller à la dernières mode imposée par les agences. Alors que tous
ceux, dans les générations précédentes, qui ont illustré la science française disent
que, malgré la modicité (pour ne pas
dire plus) relative à l’échelle internationale des salaires français, ce qui a
fait leur succès, c’est la liberté de recherche qu’on pouvait trouver dans les
grands organismes de recherche. Et évidemment, le nombre de postes qui fait qu’il
est illusoire d’espérer un poste fixe, un salaire modeste mais fixe, une
sécurité élémentaire qui permette de fonder une famille avant une thèse, un
post doc, un autre post doc, un temps d’attente
à assurer quelques travaux d’encadrement en fac etc. ; bref avant 28, 29,
30 ans, voire plus, selon les domaines. Alors que naguère, les attachés de recherche
du CNRS étaient recrutés au début de leur thèse ! Inacceptable et
indécent, alors comment s’étonner que tant d’étudiants, malgré l’intérêt
scientifique, en particulier dans les grandes écoles, refusent de faire des
thèses, voire s’arrêtent, écœurés (ou conscients des réalités…), en cours de route ! Et même avouons-le, à
quelques exceptions près, ce ne sont plus les étudiants les plus brillants qui
se lancent dans la recherche…Et dans le privé, ou même dans la fonction
publique hors recherche, la thèse n’est
pas reconnue dans les conventions collectives, les salaires d’embauche ont baissé,
et de plus, le temps où la recherche dans les grandes entreprises était
sanctuarisée n’est plus et les plans sociaux ou les transferts forcés se
multiplient ; sans compter que globalement l’emploi dans les grandes
entreprises diminue et la recherche est externalisée dans des sociétés de
service ou des start-ups, qui peuvent être motivantes, mais avec des avantages
sociaux réduits et surtout une précarité croissante.
Une
rupture franche s’impose, sans quoi une nouvelle génération sera sacrifiée pour
la recherche, et la recherche française elle-même sera sacrifiée. Oui, comme le
constate le CESE, c’est un décrochage très inquiétant. Et sa recommandation n°1
est la suivante : 1. Investir massivement dans la préparation de l’avenir
Intensifier l’effort de recherche. La France n’investit pas assez dans la
préparation de l’avenir, L’effort de recherche doit atteindre 3 % du PIB en
progressant à la fois dans la recherche publique, et en recherche et
développement dans les entreprises.