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mercredi 13 juillet 2016

Retour à l’ ère préantibiotique

Avant de sombrer pour cause de Brexit, le gouvernement britannique s’était lancé dans un effort louable et sans précédent pour attirer l’attention de la communauté scientifique internationale  et des décideurs politiques et économiques sur le danger de la résistance croissante aux antibiotiques. Ce thème a fait l’objet de plusieurs rapports dont l’organisation et la synthèse ont été confiés à l'économiste et ancien président de la gestion d'actifs de Goldman Sachs, Jim O'Neill, l’idée étant que  les seules conséquences pour la santé publique paraissant insuffisantes à attirer l’attention des politiques, qui chaque fois qu’ils entendent ce mot santé craignent des  dépenses supplémentaires, ils seraient peut-être plus attentifs si un économistes leur montrait en plus les conséquences économiques. Sur ce point, le rapport final de Jim O'Neill (Tackling drug-resistant infections globally: final report and recommendations), remarquable, ne devrait pas les décevoir :

10 millions de morts par ans                                       

La résistance aux antibiotiques est déjà la cause d’un « très choquant » nombre de  700.000 victimes par ans.
Elle pourrait causer 10 millions de morts supplémentaires par an d’ici 2050, soit un décès toutes les trois secondes. Plus que le cancer !
Le coût d’ici à 2050 représenterait 100 millions de millions de dollars
Et les auteurs notent que pendant les 18 mois de la rédaction de leur rapport, ils ont assisté à l’émergence de résistances dont ils ne pensaient pas qu‘elles apparaitraient aussi tôt, par exemple les résistances à la colistine, l’un des antibiotiques de dernier recours, fin 2015 (en Chine, en Inde et aux USA), l’une des causes étant l’utilisation de cetantibiotique dans des élevage, notamment de porcs en Chine). Les Chinois commencent à s’inquiéter tellement de la situation qu’ils ont contribué (mais pas eux seulement) à créer qu’ils ont été les premiers avec les britanniques à accepter de doter un fonds consacré à l’innovation en ce domaine, pour 72 millions de dollars chacun.

Les préconisations

 - une campagne internationale publique de développement sur les conséquences de l’émergence des résistances aux antibiotiques

- Réduire de manière drastique l’utilisation des antibiotiques dans les élevages. Il faut  améliorer la surveillance mondiale, afin de connaître l’ampleur de l’usage des antibiotiques dans le secteur agricole de chaque partie du monde. Des objectifs de diminution devront alors être proposés par chaque gouvernement, leur laissant une certaine flexibilité pour la décroissance.  Il faut cependant faire progresser beaucoup plus rapidement l’interdiction ou la restriction chez les animaux d’antibiotiques vitaux pour la santé humaine...Le rapport propose également de promouvoir le développement et l’utilisation des vaccins et autres solutions de rechange ;

- Encourager l’innovation et changer l’économie de l’antibiothérapie

Aucune classe réellement nouvelle d’antibiotiques n’a émergé depuis des décennies (à l’exception du linezolid). Le marché des antibiotiques n’est pas du tout attractif pour une compagnie pharmaceutique. Si le marché global est assez important (40 milliards), les ventes des produits sous brevet ne représentent que.7 milliards de dollars environ, soit les ventes d’un seul blockbuster dans le domaine du cancer. A cela s’ajoute la difficulté de la recherche et le fait que le marché initial sera faible, puisqu’un nouvel antibiotique sera réservé à l’usage hospitalier (ce qui est une saine mesure).
Le groupe a donc estimé qu’il fallait de nouvelles et meilleures incitations pour promouvoir l’investissement dans le domaine de la recherche en antibiothérapie. Il a proposé un système de ticket d’entrée à 1 milliard de dollars pour toute découverte d’un nouvel antibiotique actif sur les pathogènes résistants,  qu’il appartienne ou non à une nouvelle famille, à condition qu’il soit disponible dans toute région du monde où il est nécessaire, et que son utilisation soit limitée au traitement des infections résistantes ( parmi lesquelles les tuberculoses, les gonorrhées, les pathogènes gramme négatifs et quelques infections fongiques) sont plus particulièrement urgentes.
Cette idée devait être discutée à un prochain G20 en septembre, pour être mise en œuvre  à l’échelle internationale. Il serait dommage que les turbulences actuelles de la Grande-Bretagne, très moteur en ce domaine, retardent la mise en œuvre de cette préconisation

- Promouvoir de nouveaux outils diagnostics

Il s’agit de mieux prescrire les antibiotiques existants. Le groupe a trouvé  incroyable que les médecins continuent à prescrire des antibiotiques uniquement sur leur appréciation immédiate des symptômes du patient, juste comme ils le font depuis l’invention des antibiotiques... Lorsqu’un test est utilisé pour le diagnostic, il est souvent basé sur une technologie très lente qui n’a pas  changée de manière significative depuis les années 1860… ; Des efforts de développement de diagnostics rapides permettraient des progrès significatifs. J’ajouterais que les préconisations qui conduisent à prescrire moins d’antibiotiques aussi aveuglément que l’on en prescrit ne sont guère satisfaisantes : Il ne s’agit pas nécessairement de prescrire moins, mais mieux.  

- Promouvoir la filière antiinfectieux

Il faut augmenter le nombre de chercheurs, médecins et personnel médical travaillant dans les maladies antiinfectieuses ainsi que la rémunération et les profils de carrière.  Le rapport constate que :es médecins des maladies infectieuses sont les moins bien payés de 25 spécialités médicales aux USA, et le tableau est similaire pour les infirmiers et praticiens hospitaliers. Les carrières sont moins attractives financièrement et en terme de prestige


Il serait dommage que les péripéties du Brexit mettent en danger ce programme de lutte contre l’antibiorésistance, en particulier le financement de la recherche et le ticket d’entrée pour la découverte de nouveaux antibiotiques. Si le gouvernement britannique a maintenant d’autres soucis, l‘Europe devrait le reprendre à son compte.


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