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jeudi 25 août 2016

Le18 août 1966 - Cinquantième anniversaire de la Révolution Culturelle, un anniversaire oublié




Le 18 août 1966 - Cinquantième anniversaire de la Révolution Culturelle, un anniversaire oublié

 Une manipulation politique totalitaire…

 En 1966, Mao Zedong, fortement critiqué depuis l’échec fou et criminel du Grand Bond en Avant et en voie de marginalisation, décide de lancer la révolution culturelle en mobilisant les jeunes pour éliminer ses  adversaires au sein du parti, qualifiés de bureaucrates et de révisionnistes.

Des millions de gardes rouges venant des quatre coins du pays se rassemblèrent à Pékin. Le 18 août, du haut de Tien'anmen, Mao et Lin Biao firent de fréquentes apparitions pour se faire acclamer par environ un million de gardes rouges. Mao accepta et porta le brassard qui servait d'insigne à l'une des factions de l'école moyenne dépendant de l'université de Qinghua, où les gardes rouges avaient massacré l’une de leurs professeurs.  Le brassard était rouge avec l'inscription Hong Weibing (« Gardes rouges ») en lettres dorées. Ce brassard lui fut remis par Song Binbin, la fille d'un des Huit immortels du Parti communiste chinois. Mao attise la rébellion par ses discours : « on a toujours raison de se révolter » et « nous ne voulons pas la gentillesse, nous voulons la guerre ». Des mots d’ordre qui fascineront aussi certains actuels occidentaux. En réalité, ce fut le déchainement d’une barbarie avec peu de précédents, du moins à cette échelle.

 … menant à une barbarie inouïe

La Révolution culturelle est responsable de la mort de centaines de milliers de personnes. Certains auteurs, comme le sinologue Jean-Luc Domenach, ou l'historien Stéphane Courtois dans l'ouvrage collectif Le Livre noir du communisme, estiment le nombre de morts à plusieurs millions. Intellectuels, professeurs, artistes, cadres du Parti sont publiquement humiliés et parfois massacrés en publics par leurs élèves ou subordonnés Gardes Rouges lors de séances de lutte ou d’autocritique. Le volet « culturel » de cette révolution tient en particulier à éradiquer les valeurs traditionnelles. C'est ainsi que des milliers de sculptures et de temples (bouddhistes pour la plupart, mais aussi lieux de pèlerinage confucéens) sont détruits. L'écrivain chinois Youqin Wang indique que la majorité des victimes trouvèrent la mort sur leurs lieux de vie et non dans des camps. Il s'agissait des sessions de lutte et ces assassinats permettaient d'« obtenir la soumission de la population par la terreur ».  Bien pire, il y eut dans certaines régions autonomes des centaines de cas de cannibalisme, non à cause de la faim, comme sous le Grand Bond, mais par pure barbarie : « Ce jour-là, l’école secondaire de Tongling était en pleine effervescence culinaire : dans les cuisines, on cuisait de la chair humaine ; dans les dortoirs des professeurs, on cuisait de la chair humaine ; dans l’internat des filles, on cuisait de la chair humaine ; sous les auvents devant les salles de classe, on grillait de la chair humaine ; dans la cour de l’école, on grillait de la chair humaine. » (extrait de l’enquête mené par l’écrivain Zheng Yi dont le régime tantôt interdit, tantôt laisse filtrer les écrits). Pour l'historien chinois Song Yongyi, qui avance le chiffre de trois millions de morts,  c'est en 1968 que les massacres et les violences furent surtout perpétrés, après la mise en place des comités révolutionnaires, les assassins étant pour la majorité des « militaires, des miliciens armés et des apparatchiks du Parti ». De fait, les exactions des Gardes Rouges furent suivies par une répression impitoyable, une fois qu’ils eurent perdu leur utilité pour Mao. Et pour faire rentrer dans l’ordre une jeunesse dont il se méfiait après l’avoir instrumentalisée, le régime inventa l’envoi systématique et forcé à la campagne des jeunes urbains (près de 17 millions, entre 1968 et 1980)

La Révolution culturelle  aujourd’hui

A l’occasion de ce tragique anniversaire, le régime a fait un service minimum, mais clair. Le 17 mai 2016, le Quotidien du Peuple prend position contre la révolution culturelle : « L’histoire a bien montré que, dans la pratique comme dans la théorie, la révolution culturelle a été une erreur totale, en aucun cas elle n’est et ne peut être vue comme une révolution ou un progrès social ».

Le régime a laissé publier nombre de témoignages de garde rouges et censuré d‘autres. Mais il est difficile de penser que le témoignage de Song Binbin en 2014 n’a pas de signification politique. Song Binbin est cette jeune fille qui avait remis à Mao le 16 aout 1966 le brassard des gardes rouges et Mao lui avait dit « soit violente ! ». En 2014, Song Binbin, et plusieurs de ses anciens camarades de classe ont présenté leurs excuses, exprimant regrets et remords en présence de professeurs victimes de leurs violences. Dans une interview aux Nouvelles de Pékin (Xinjingbao), Mme Song explique avoir voulu présenter ses excuses, car elle avait rédigé le premier « dazibao » (affiche en grands caractères) en juin, qui avait lancé la campagne de critiques et de violences contre les professeurs dans l’école. Pour elle, le temps pressait. Leurs victimes ont aujourd’hui entre 80 et 90 ans. « Je n’aurai pas eu une nouvelle occasion de leur présenter des excuses » Et elle a conclu : « Si nous ne comprenons pas profondément et si nous n’examinons pas l’état d’esprit qui a permis la Révolution culturelle, de tels incidents se reproduiront », a-t-elle dit.

 Le retour de Confucius

 Si la condamnation du volet politique reste certaine mais prudente, le volet culturel est lui bien oublié. En témoigne le retour en grâce de Confucius, naguère emblème bourgeois et réactionnaire, aujourd’hui promu inspirateur de la Société Harmonieuse, dont se réclame parfois le régime, et dont la statue orne l’entrée de l’Université du peuple de Pékin…où est formée l’élite politique du régime. Les maîtres confucéens si influents à Singapour où le confucianisme était idéologie d’Etat occupent maintenant des postes dans les Universités chinoises et la recherche chinoise est fort active, accumulant documents historiques sur les quatre siècles qui séparent la vie de Confucius de l’époque où ses œuvres deviennent l’idéologie officielle de la dynastie Han et la pensée organique et commune de la Chine. Son lieu de naissance redevient lieu de pèlerinage, accommodé façon quasi-Disney, et les instituts Confucius se répandent partout, équivalents de l’Alliance française ou du British Council. Le pauvre Confucius se trouve aussi mobilisé dans des ouvrages de type développement personnel, type comment être heureux et réussir dans la vie grâce à Maître Kong (cf la série de cours du Collège de France consacrés à Confucius par Françoise Cheng)

Liberté d’exposition, de discussion d’appréciation sur le maoïsme

Reste à savoir pourquoi la condamnation de la Révolution culturelle reste si modeste, ou pourquoi n’existe-t-il pas, me semble-t-il de Soljenitsyne chinois. 1) A côté du Grand Bond en avant (plus de 35 millions de mort), la Révolution culturelle reste anecdotique en terme de massacre (mais certainement pas quant à sa résonance politique 2) Les Chinois n’ont pas le même rapport à l’histoire que nous et entendent se consacrer au présent et au futur 3) Les Chinois ont le même rapport à l’histoire que nous, et n’aiment pas réveiller les déchirements des familles et multiples compromissions de cette période (dont témoignent à l’occasion quelques romans ou films), pas plus que les Français n’aiment à parler de l’Occupation ou de la guerre d’Algérie. 4) Le régime chinois craint qu’en déboulonnant Mao de son statut d’idole, il perde toute légitimité ( oui mais contrairement à l’URSS, il a su suffisamment se réformer pour me semble-t-il n’avoir pas grand-chose à craindre 5) Chez ceux qui ont peu profité des réformes économiques et qui voient les inégalités et la corruption exploser, une certaine Mao nostalgie se développe – raison de plus pour que le régime autorise la libre enquête historique, la liberté d’exposition, de discussion d’appréciation sur le maoïsme.

Des raisons très contradictoires que je viens d’exposer, on peut déduire que le régime chinois agit avec beaucoup (trop) de prudence, sans avoir forcément une doctrine précise sur le maoïsme.

Alors, y-aura-t-il un Soljenitsyne chinois ? Il me semble qu’avec Youqin Wang (mais à Chicago), Zheng Yi, auteur de L'Érable (1979, réquisitoire contre la Révolution culturelle, en exil aux USA depuis 1989 –répression de Tien an Men), Song Yongyi (ancien garde rouge, auteur de Les Massacres de la Révolution culturelle, aussi en exil aux USA depuis 1989), nous n’en sommes vraiment pas loin. Regrettons tout de même que la communauté sinologique française, les intellectuels français et les Chinois de France semblent absent de cette vague de fond de réflexion libre sur le passé et le futur de la Chine. Mais peut-être, pour les intellectuels, devraient-ils commencer par des excuses ? Parce que ce qui s’est passé en Chine ne les a pas toujours laissé aussi silencieux !

Délires français

Ainsi, Glucksmann, à Vincennes, criant Bas les Pattes devant la Chine Rouge, brandissant le petit Livre Rouge et menaçant d’en bombarder les enseignants opposés au maoïsme – il est vrai qu’il a ensuite avoué qu’il se sentait honteux de cette période…mais tout en gardant à jamais du maïsme la même intolérance et le même anti-russisme réflexe). Ainsi, Marie-Antoniette Machiocchi, auteur du best seller De la Chine, publié grâce à Sollers, déclarant sut tous les plateaux télé que la Révolution Culturelle inaugurerait mille ans de bonheur ; ainsi, Sartre :  « Mao, contrairement à Staline, n'a commis aucune faute » ; ainsi Sollers « Mao libérait l'humanité des valeurs bourgeoises» ; ainsi Kristeva: «Mao a libéré les femmes» et « résolu la question éternelle des sexes»…

Le pire évidemment, le dernier des derniers, Alain Badiou, qui en janvier 1979 alors que le monde entier découvre l'ampleur des crimes de Pol Pot et de ses Khmers rouges, ose écrire dans Le Monde une tribune intitulée « Kampuchea vaincra ! », protestant contre l'« invasion du Cambodge par cent vingt mille Vietnamiens » et prenant  la défense de Pol Pot et des Khmers rouges « la simple volonté de compter sur ses propres forces et de n'être vassalisé par personne éclaire bien des aspects, y compris en ce qui concerne la mise à l'ordre du jour de la terreur ».

Quand on pense que l’antisarkozysme a suffit à remettre ce triste personnage en selle. Alors, Badiou, une petite autocritique publique ?
 


vendredi 19 août 2016

Pourquoi Cédric Villani n’est Poincaré ?

Les difficultés de la vulgarisation

Lire évidemment n’est pas Poincaré ! Cédric Villani est un mathématicien –osons le mot- génial, qui entre à Ulm à l’âge de dix–neuf ans,  médaille Field 2012. Il est aussi éminemment sympathique, fait le job et encore bien plus pour faire connaître sa discipline, n’hésitant pas à aller dans des media assez improbables, participe à d’innombrables débats, défend la place de la science et des scientifiques dans la société, s’engage aussi sans trop compter pour promouvoir la place de la France dans le domaine des sciences et des techniques- il est porte-parole du comité de soutien à l'organisation de l'exposition universelle de  Paris en 2025. Comme Poincaré, il s’intéresse à la physique mathématique et nombre de ses travaux tournent autour de la question d’entropie – il préside d’ailleurs l’Institut Henri Poincaré.
Mais je dois tout de même avouer une déception. Lorsque M. Villani parle de mathématiques, de ses travaux,  des mathématiques qui se font actuellement, il me semble qu’il le fait soit à un niveau anecdotique  qui n’apprend pas grand-chose, soit à un niveau trop élevé qui ne peut intéresser que les spécialistes, et  qu’il n’a pas trouvé la bonne distance pour une vulgarisation intelligente. C’est en ce sens qu’il n’est pas Poincaré – Pourquoi ?

Quelques explications possibles : 1) Poincaré était une combinaison assez unique, un mathématicien, un écrivain et un vulgarisateur également géniaux – et il est effectivement resté assez unique. 2) Cédric Villani n’a pas  encore le recul, la maturité nécessaire à une vulgarisation de qualité – et je serais prêt à parier sur cette hypothèse. 3) La science d’aujourd’hui est trop spécialisée, trop parcellisée pour permettre l’existence d’esprit suffisamment universel comme Poincaré. Je ne le crois pas trop- mais en revanche, je suis tout prêt à croire que le problème réside plutôt dans les conditions d’exercice de la science, les évaluations et évaluations d’évaluations permanentes, la recherche incessante de subvention d’innombrables organismes, les carrières précaires etc. 4) Nous manquons aujourd’hui de média où scientifiques, philosophes, historiens, artistes peuvent dialoguer – Poincaré publiait beaucoup dans la Revue de métaphysique et de morale – où est l’équivalent aujourd’hui ? Là, je crois qu’il y aurait un effort vraiment utile à accomplir.

Poincaré : extraits

Et, pour illustrer mon propos, deux extraits de Poincaré, non pas des très connues, La Science et l’Hypothèse ou La valeur de la Science (à lire, relire et faire lire !) mais des moins connues Dernières Paroles :
Ceci d’abord, pour expliquer ce qu’est la topologie, dans un chapitre intitulé « Pourquoi l'espace a trois dimensions »
« Les géomètres distinguent d'ordinaire deux sortes de géométries, qu'ils qualifient la première de métrique et la seconde de projective; la géométrie métrique est fondée sur la notion de distance ; deux figures y sont regardées comme équivalentes, lorsqu'elles sont « égales » au sens que les mathématiciens donnent à ce mot ; la géométrie projective est fondée sur la notion de ligne droite. Pour que deux figures y soient considérées comme équivalentes, il n'est pas nécessaire qu'elles soient égales, il suffit qu'on puisse passer de l'une à l'autre par une transformation projective, c'est-à-dire que l'une soit la perspective de l'autre. On a souvent appelé ce second corps de doctrine, la géométrie qualitative ; elle l'est en effet si on l'oppose à la première, il est clair que la mesure, que la quantité y jouent un rôle moins important. Elle ne l'est pas entièrement cependant. Le fait pour une ligne d'être droite n'est pas purement qualitatif ; on ne pourrait s'assurer qu'une ligne est droite sans faire des mesures, ou sans faire glisser sur cette ligne un instrument appelé règle qui est une sorte d'instrument de mesure.
Mais il est une troisième géométrie d'où la quantité est complètement bannie et qui est purement qualitative ; c'est l'Analysis Situs. Dans cette discipline, deux figures sont équivalentes toutes les fois qu'on peut passer de l'une à l'autre par une déformation continue, quelle que soit d'ailleurs la loi de cette déformation pourvu qu'elle respecte la continuité. Ainsi un cercle est équivalent à une ellipse ou même à une courbe fermée quelconque, mais elle n'est pas équivalente à un segment de droite parce que ce segment n'est pas fermé ; une sphère est équivalente à une surface convexe quelconque ; elle ne l'est pas à un tore parce que dans un tore il y a un trou et que dans une sphère il n'y en a pas. Supposons un modèle quelconque et la copie de ce même modèle exécutée par un dessinateur maladroit ; les proportions sont altérées, les droites tracées d'une main tremblante ont subi de fâcheuses déviations et présentent des courbures malencontreuses. Du point de vue de la géométrie métrique, de celui même de la géométrie projective, les deux figures ne sont pas équivalentes; elles le sont au contraire du point de vue de l'Analysis Situs. L'Analysis Situs est une science très importante pour le géomètre ; elle donne lieu à une série de théorèmes, aussi bien enchaînés que ceux d'Euclide ; et c'est sur cet ensemble de propositions que Riemann a construit une des théories les plus remarquables et les plus abstraites de  l’analyse pure. Je citerai deux de ces théorèmes pour en faire comprendre la nature : deux courbes fermées planes se coupent en un nombre pair de points; si un polyèdre est convexe, c'est-à-dire si on ne peut tracer une courbe fermée sur sa surface sans la couper en deux, le nombre des arêtes est égal à celui des sommets, plus celui des faces, moins deux ; et cela reste vrai quand les faces et les arêtes de ce polyèdre sont courbes. Et voici ce qui fait pour nous l'intérêt de cette Analysis Situs ; c'est que c'est là qu'intervient vraiment l'intuition géométrique. Quand, dans un théorème de géométrie métrique, on fait appel à cette intuition, c'est parce qu'il est impossible d'étudier les propriétés métriques d'une figure en faisant abstraction de ses propriétés qualitatives, c'est-à- dire de celles qui sont l'objet propre de l'Analysis Situs. On a dit souvent que la géométrie est l'art de bien raisonner sur des figures mal faites. Ce n'est pas là une boutade, c'est une vérité qui mérite qu'on y réfléchisse. Mais qu'est-ce qu'une figure mal faite? c'est celle que peut exécuter le dessinateur maladroit dont nous parlions tout à l'heure ; il altère les proportions plus ou moins grossièrement ; ses lignes droites ont des zigzags inquiétants; ses cercles présentent des bosses disgracieuses ; tout cela ne fait rien, cela ne troublera nullement le géomètre, cela ne l'empêchera pas de bien raisonner. Mais il ne faut pas que l'artiste inexpérimenté représente une courbe fermée par une courbe ouverte, trois lignes qui se coupent en un même point par trois lignes qui n'aient aucun point commun, une surface trouée par une surface san strou. Alors on ne pourrait plus se servir de sa figure et le raisonnement deviendrait impossible »

Et ceci, élément de réponse à la question « les lois physiques sont-elles invariables au cours du temps ?


« Je suppose un monde dont les diverses parties possèdent une conductibilité calorifique si parfaite qu'elles se maintiennent constamment en équilibre de température. Les habitants de ce monde n'auraient aucune idée de ce que nous appelons différence de température ; dans leurs traités de physique, il n'y aurait pas de chapitre consacré à la thermométrie. A part cela ces traités pourraient être assez complets et ils enseigneraient une foule de lois, beaucoup plus simples même que les nôtres. Imaginons maintenant que ce monde se refroidisse lentement par rayonnement; la température y restera partout uniforme, mais elle diminuera avec le temps. Je suppose qu'un de ses habitants tombe en léthargie et se réveille au bout de quelques siècles; nous admettrons, puisque nous avons déjà supposé tant de choses, qu'il puisse vivre dans un monde plus froid et qu'il ait conservé le souvenir des choses d'autrefois. Il verra que ses descendants font encore des traités de physique, qu'ils continuent à ne pas parler de thermométrie, mais que les lois qu'ils enseignent sont très différentes de celles qu'il a connues. Par exemple on lui a appris que l'eau bout sous une pression de 10 millimètres de mercure, et les nouveaux physiciens observeront que pour la faire bouillir, il faut abaisser la pression jusqu'à 5 millimètres. Tel corps qu'il a connu autrefois liquide ne se présentera plus qu'à l'état solide et ainsi de suite. Les relations mutuelles des diverses parties de l'univers dépendent toutes de la température et dès qu'elle change, tout est bouleversé. Eh bien, savons-nous s'il n'y a pas quelque entité physique, aussi inconnue pour nous que la température l'était pour les habitants de ce monde de fantaisie ? Savons-nous si cette entité ne varie pas constamment comme la température d'un globe qui perd sa chaleur par rayonnement, et si cette variation n'entraîne pas celle de toutes les lois? »



jeudi 18 août 2016

Palmyre sauvée, la France absente

Beaucoup ont sans doute  déjà oublié ce nom, Khaled Asaad, qui dirigeait les Antiquités de  Palmyre depuis 1963, âgé de 83 ans, décapité par Daech en public. Mais peut-être certains considèrent qu’il l’avait mérité, c’était un officiel syrien ; il avait refusé de quitter la ville et jusqu’au dernier moment, et même trop tard, il s’efforçait de cacher et mettre à l’abri les trésors de ses musées – et c’est sans doute l’une des raisons  de son exécution.

Car à la barbarie contre les personnes a succédé la barbarie contre la culture, la destruction à la dynamite des temples de Bêl et Baalshamin et du célèbre arc de triomphe, plusieurs des tours funéraires de la cité, uniques au monde réduites en poussière, l’amphithéâtre dégradé et servant de cadre à l’exécution publique de 25 soldats syriens par des adolescents, la destruction de statues et un pillage organisé qui servait à financer Daech.

Palmyre a été libérée, oui, libérée de la barbarie, par les Russes et l’armée syrienne. Affrontant les tirs qui viennent encore des palmeraies voisines et les milliers d’engin explosifs laissés par Daech, déminant, archéologues syriens de la DGAM (Direction Générale des Antiquités et Musées) et archélogues russes s’affairent sur le site, sauvant ce qui peut encore l’être, identifiant, ramassant les pièces du puzzle des vandales, préparant les restaurations futures.

Et les Français ? Eh bien, ils ne sont pas là ! Parce que comme l’explique crûment l’historienne Sartre Fauriat, exprimant une espèce de position officielle française, la libération de Palmyre n’est pas vraiment une libération, elle est avant tout « un coup médiatique d’Assad et y aller maintenant serait une caution donnée au régime ». Ah oui, ce ne sont pas les alliés des alliés de nos très chers amis qatari et saoudiens qui sont sur place, eux se battent aux cotés des vandales.

Pendant ce temps, Russes et Syriens donc travaillent et- devinez quoi- lorsqu’il s’agit d’Antiquités, ils se parlent en français, langue commune de travail la plus commode. Le Directeur de la DGAM, Maamoun Abdulkarim a ces paroles amères et terribles pour la France :
Je me suis senti abandonné par la France, et tout ça pour des raisons politiques. L’archéologie syrienne est francophone, comme vous pouvez le voir ; tout est écrit en français dans mon département. Pourquoi un tel gâchis historique après un siècle de coopération entre l’archéologie syrienne et française ? Une exposition sur l’art syrien aura lieu au musée Pouchkine en octobre ; figurez-vous que nos échanges avec les Russes se font en français… Pourquoi au sein de l’Unesco, pas une seule personnalité française n’est venue à notre rencontre ?Et pourquoi certaines institutions françaises ont même été jusqu’à refuser de nous recevoir ? La DGAM est une organisation scientifique et non politique. J’attendrais un soutien moral et scientifique, pas des attaques (cité dans un remarquable article de Marianne5-11août 2016)

Heureusement certains français n’ont que faire de leurs gouvernants, et, à leur risque, vont à Palmyre, ainsi Jacques Seigne Directeur émérite au CNRS, l’architecte Yves Ubelmann, président d’Iconem  proposent leur compétence te leur aide. Palmyre revivra, et certains Français au moins seront associés à sa renaissance.


Mais que nous sommes loin des ambitions initialement affichés par Laurent Fabius pour une diplomatie scientifique et culturelle de la France. Que cette présidence Hollande aura été minable, dans tous les domaines.



mercredi 17 août 2016

El KHomri, sa loi, ses décisions : les salariés s’en souviendront

Ainsi, la loi El Khomri qui permet l’inversion des normes entre accords d’entreprises et accords de branche a été votée définitivement par le Parlement le 21 juillet par trois députés. Trois ! Merci en passant à tous les frondeurs du PS qui ont visiblement décidé de partir en vacances plutôt que de se battre, ils avaient là une belle occasion. D’un dernier combat  S’il fallait démonter combien, à coups de 49-3 et d’autoritarisme gouvernemental, le travail parlementaire est décrédibilisé, on ne pouvait rêver mieux. Si l’on voulait montrer à quel point cette loi, rejetée par la majorité des salariés et les organisations syndicales les plus puissantes peut être légale, mais en même temps dépourvue de toute légitimité, on ne pouvait non plus rêver mieux. Lorsque légalité et légitimité, pays légal et pays réel divergent à ce point, on sait vers quels drames politiques cela peut conduire. En tous cas, les salariés s’en souviendront et sauront pour qui ne pas voter lors des prochaines échéances électorales.

Pour prouver à quel point elle peut être une ministre obéissante de Manuel Valls, Mme El Khomri, en pleine période estivale, espérant peut-être passer inaperçue ( Marianne au moins pourtant l’a relevé- 12 août 2016) a approuvé le licenciement du délégué syndical CGT d’Air France Vincent Martinez, suite à l’épisode de la chemise arrachée du DRH., en allant contre la décision de l’inspection du travail qui l’avait refusée. Elle ose même déclarer qu’ « à ‘issue d’une analyse longue et minutieuse, il ressort que la faute reprochée est d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement ».

Ceci alors que l’Inspection du travail avait précisément jugé le contraire, en arguant du fait que Vincent Martinez avait plutôt joué un rôle de modérateur dans une échauffourée provoquée par des déclarations brutales et volontairement provocantes de la direction d’Air France.


Oui, Mme El Khomri, les salariés se souviendront de nous et sauront pour qui ne pas voter !