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vendredi 9 décembre 2016

Dépakine : on indemnise, et après ?

Indemniser le risque médicamenteux scandale après scandale 

Les députés se sont auto-congratulés et auto-applaudis après avoir l'unanimité la création d’un fonds d'indemnisation géré par l'Etat pour les victimes de l'antiépileptique Dépakine ; le laboratoire Sanofi sera amené à contribuer- dans quelle proportion ? Fort bien, la réaction a été rapide- certaines victimes du distilbène attendent toujours. D’ailleurs, sept associations ont de nouveau réclamé un fonds d'indemnisation global "pour toutes les victimes de médicaments", notamment le Distilbène et  dénoncent dans un communiqué « cette fâcheuse habitude, transmissible de gouvernement en gouvernement, d'indemniser le risque médicamenteux à la petite semaine, médicament par médicament, scandale après scandale ».

Dans un précédent blog (Dépakine : pour une politique européenne de la pharmacovigilance) j’avais rappelé la gravité de ce scandale (selon l’Igas, plus de 14000 femmes enceintes entre 2007 et 2014, 450 enfants nés avec des malformations congénitales ;  et selon Catherine Hill, épidémiologiste de l’Institut Gustave-Roussy, 50.000 grossesses sous Dépakine, entre 1983 et 2015 entrainant 3 000 personnes souffrant de malformations et 12.000 de troubles neuro-développementaux). J’expliquais aussi à quel point les responsabilités étaient diluées, entre Sanofi, faisant connaître dès 2007 les dangers de son produit pour les femmes enceintes, les réticences de l’Agence du Médicament à en modifier la notice, l’ignorance ou la désinvolture des médecins continuant à prescrire ce médicament, qui peut en effet être indispensable, sans informer les femmes, estimant, à leur place, sans les consulter, que les risques d’une épilepsie mal soignée étaient plus importants. Il me semble aussi que la cause du scandale, dont l’industrie pharmaceutique ne peut totalement s’exonérer est la suivante : pour les firmes pharmaceutiques, les femmes enceintes ne constituent pas un marché financièrement intéressant, mais, par contre à haut risque- les études de tératogénèse ne permettent pas de prévoir tous les problèmes potentiels. Par conséquent, les firmes pharmaceutiques préfèrent quasi-systématiquement contre-indiquer leurs médicaments aux femmes enceintes, et, le sachant, les médecins préfèrent quasi-systématiquement ignorer les contre-indications.
Même s’il faut évidemment, pour les familles, se féliciter d’une mise en place rapide d’une indemnisation (selon quels critères), il serait par contre vraiment inacceptable de ne pas tirer de conclusions de ce plus récent (on n’ose pas dire dernier) scandale. 

Des mesures à prendre pour la santé de la reproduction.

Informer : Les premières mesures à prendre concernent l’information des femmes enceintes. Certains médicaments sont clairement contre-indiqués, à différentes phases de la grossesse ( pendant les deux premiers mois, Acide valproïque, Acitrétine, Isotrétinoïne, Misoprostol, Mycophénolate, Thalidomide, Antimitotiques, Méthotrexate, Cyclophosphamide) ; pendant la vie fœtale : Depakine, antiinflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’information officielle n’est pas simple à trouver et peu lisible, que le très officiel CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) ne répond aux question que des personnels de santé et pas des patient(e)s !!!, que sur le site de l’ANSM ( l’agence de médicament), l’information est introuvable et qu’heureusement il existe des sites privés assez bien faits (exemple http://www.guide-maman-bebe.com/ma-grossesse/sante/prevention/les-medicaments-dangereux-pendant-la-grossesse). Mais enfin il devient urgent de faire un effort conisdérable d’information officielle, soit directement par le net, soit par l’intermédiaire de tous les professionnels de santé- qu’il faudra eux-mêmes informer, et surtout les médecins généralistes, qui doivent informer réellement et objectivement sur les risques respectifs à continuer ou interrompre un traitement médicamenteux pendant la grossesse, en laissant in fine les patientes libres de décider.

Renforcer les études précliniques : D’autres mesures concernent les études précliniques indispensables avant la mise sur le marché des médicaments. Celles-ci comprennent des études de fertilité et développement embryonnaire précoce jusqu'à implantation, réalisées sur une espèce de rongeur, en général le rat, avec administration du produit plusieurs semaines avant l'accouplement ; l’étude du développement embryo-fœtal (étude de tératogénèse ),  menée sur deux espèce, un rongeur et un non-rongeur, généralement rat et lapin ; les études de développement pré et post-natal : réalisée sur une espèce de rongeur. Cette étude évalue l'impact du produit sur la parturition, le comportement maternel, l'allaitement et développement des petits. La génération de petits est suivie sur deux générations sur des tests classiques (malformations des organes, poids, croissance, développement mental et physique, reproduction, sex-ratio..). Elles ne peuvent pas assurer une sécurité totale car le placenta humain, par exemple, est très différent des placenta animaux), et d’autre part, des pathologies comme l’autisme, les troubles de l’attention, les baisses modérées du QI, les troubles de la vision ne sont pas caractérisables ; mais dans le cas de la Dépakine, des troubles psychomoteurs ou l’hypotonie auraient pu être détectées.
Ces études cliniques ont évolué au cours du temps et le minimum serait d’imposer à tous les médicaments sur le marché, même anciens, une réévaluation des études précliniques sur les fonctions de reproduction.

Une pharmacovigilance plus systématique et plus étendue : D’autre part, à l’échelle européenne, un système performant de pharmacovigilance spécifiquement chez la femme enceinte doit être mis  en place. En cas de doute, les médicaments concernés devront faire l’objet d’études complémentaires En effet, les interprétations des études de pharmacovigilance peuvent être assez complexes ( elles seront d’autant plus simples qu’elle concernera des données en plus grand nombre) ; en témoigne par exemple l’incertitude sur une possible implications des antidépresseurs sur l’autisme : effet possible, mais faible (taux passant de 0.7% à 1.2%), no, significatif compte-tenu du faible nombre d’enfants diagnostiqués, non prise en compte de plusieurs facteurs possibles (accouchement par césarienne, indice de masse corporel des mères, antécédents familiaux psychiatriques, l’âge du père,  expositions à l’alcool,au  tabac, aux drogues) autres médicaments, substances illicites..


Recherche fondamentale : Enfin, un grand programme public européen de recherche sur la santé de la reproduction doit être engagé, pour identifier de manière plus systématique, en utilisant les techniques les plus modernes, les cibles, mécanismes, voies pharmacologiques pouvant avoir un effet néfaste sur la mère et sur sa descendance.  Afin que les femmes enceintes ne servent plus de cobayes, et d’éliminer au mieux les prochains scandales avant qu’ils ne produisent.


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