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vendredi 22 décembre 2017

La France de Macron a-t-elle une politique industrielle (2)? Airbus, état d’urgence !

Airbus près de la catastrophe : enfin ! Enders débarqué

Ca commençait à prendre vraiment mauvaise tournure, au point que l’on pouvait se demander si Enders n’était pas un agent américain chargé de détruire Airbus. Sur deux fronts, sa direction a été catastrophique, celui, bien connu, des affaires de corruption, celui, moins connu de la recherche.

Action contre la corruption : une stratégie erratique, une politique de Gribouille

Comme beaucoup dans ce marché très particulier de l’aviation, Airbus a dans le passé eu recours à des pratiques et des intermédiaires sans doute contestables. Au départ, deux marchés étaient particulièrement visés et les justices de plusieurs pays cherchent à savoir si des consultants rémunérés par Airbus dans les campagnes de ventes d'avions notamment en Chine et en Turquie ont pu se rendre coupables de pratiques litigieuses s'apparentant à de la corruption. Alors Enders et sa direction prirent une décision baroque : s’autodénoncer auprès des autorités françaises, anglaises, et finalement, et encore plus problématiques, américaines. Or, on sait combien la loi américaine anti-corruption et la compétence universelle que s’accordent les juridictions européennes est devenue une arme massive de destruction des concurrents étrangers.

En matière aéronautique militaire, les USA ont mis au point une arme encore plus terrible, ITAR. Selon la réglementation ITAR, toute compagnie souhaitant exporter des équipements intégrant des pièces d'origine américaine de plus de 500.000 dollars doit obtenir des US une licence ITAR. Or, le précédent British Aerospace montre que ce système peut conduire à des pénalités extrêmement importantes alors même que le gouvernement US ne pouvait pas obtenir une condamnation pour corruption en vertu de la FCPA [législation anti-corruption].

Cette manière de se jeter dans l’eau pour éviter d’être mouillé laisse songeur. Car, du coup,  ce sont des dizaines de deals remontant jusqu'en 2005 qui vont être passés à la moulinette des juridictions US.  C'est tout un «ancien monde qui va apparaître» comme le décrit un ex-cadre de la sensible division Stratégie & Marketing qui pilotait la centaine d'intermédiaires « apporteurs d’affaires » de par le monde – les commissions sont bien légales, ce sont les rétrocommissions, qui sont interdites. C’est tout l’ensemble des précieux intermédiaires commerciaux, l’ensemble du système de négociation des grands contrats internationaux d’Airbus qui est en train d’être intégralement livré aux autorités américaines…et à Boeing par la décision personnelle d’Enders. Et cerise sur le gâteau, preuve de la bêtise sombre, incompréhensible sauf sabotage voulu, Airbus a décidé de refuser de payer des centaines de commissions légales, et se trouve poursuivi par ses intermédiaires commerciaux furieux et d’ors et déjà condamné. L’idée, était semble-t-il de montrer que ces contrats n’étaient pas problématiques puisque la justice française contraignait Airbus à les honorer- or, la justice se prononce sur l’existence du contrat lui-même et ses obligations, pas sur ce qu’il recouvre en réalité.

La communauté française du renseignement avait alerté le gouvernement sur le risque majeur que représente l’attitude d’Enders pour Airbus et pour les intérêts nationaux français. Face aux offensives américaines, seule une riposte européenne résolue et au final, probablement, une prescription sur tous les contrats anciens pourra empêcher les USA d’utiliser leur hypocrite législation anti-corruption à l’usage exclusif de leurs concurrents (voir aussi les conditions du rachat d’Alsthom pour CGE)

La recherche d’Airbus décapitée

Un autre aspect de la catastrophique gouvernance Enders a fait l’objet d’un article remarquable dans Marianne (15décembre 2017) (La Silicon Valley à l’assaut de l’avionneur européen). Il s’agit  de la décision d’Enders de propulser à la tête de la recherche d’Airbus un américain de 37 ans, Paul Eremenko, tout juste issu de la Darpa (l’Agence de recherche du Pentagone !). Pendant qu’ Eremenko communiquait à fond sur ses projets mirifiques (des hélicoptères à la demande avec Uber, une plate-forme volante intitulée Vahana), il « désorganisait les problèmes de recherche véritablement structurant pour l’avenir industriel du groupe comme proposer un remplaçant dans les prochaines années à l’A 320… Ils ont dépense des centaines de millions dans un projet de centre de recherches en Californie alors que ces dernières années, il était toujours très difficile de négocier nos projets de recherche ».

« Ce qu’Eremko a réussi à faire, c’est casser la recherche chez Airbus a déclaré Françoise Vallin, déléguée CFE-CGC »- encore une fois, cette montée en puissance de la contestation chez la très réformiste CFE-CGC a quelque chose de très significatif que le patronat et le gouvernement devraient prendre en considération. Et de fait, en 2016, 400 postes d’ingénieurs ont été supprimés, ce qui a conduit à la fermeture du siège historique de la Recherche et Développement du groupe à Suresne, centre issu de l’Aérospatiale et de Matra à l’origine de la plupart des grands problèmes d’avion chez Airbus.

A peine un an après sa nomination à la direction technique du groupe Airbus, Eremenko, après avoir tout désorganisé, partait pour UTC, un des grands sous-traitants américain d’Airbus. » Il a eu accès à toute notre connaissance, et maintenant il s’en va » s’indigne un ingénieur d’Airbus. En effet, c’est on ne peut plus problématique !

Encore une fois, incompétence, naïveté totale vis-à-vis des USA, ou, plus grave, sabotage délibéré, la gouvernance Enders a faille détruire Airbus et ses conséquences les plus graves restent encore à venir. Le président Macron en était conscient, et avec Merkel, a décidé et finalement réussi à faire partir un Enders qu’il n’estimait pas beaucoup. Marianne rapporte la scène suivante : lors du Salon international de l'aéronautique du Bourget. « Emmanuel Macron arrive sur le tarmac de l'aéroport à bord d'un A400M, l'avion militaire de transport d'Airbus, et se dirige vers le stand du groupe aéronautique. Là l'attend Thomas Enders, le PDG allemand. « Bienvenue monsieur le Président », lui lance-t-il souriant. Réponse glaciale du chef de l'Etat : « En France, personne ne me souhaite la bienvenue. Je suis chez moi. »

Alors, le gouvernement Macron a-t-il une politique industrielle ? Dans le cas d’Airbus, au moins l’intervention a été claire (et  encore serait-il souhaitable qu’Enders ait des comptes à rendre) et bienvenue, quoique bien tardive.  Mais la politique industrielle du gouvernement Macron se limite-t-elle à des géants de la taille d’Airbus en situation critique par la faute d’un management fou ou traître ?  Pour l’ instant, il semble que la réponse soit oui, malheureusement. 

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