Pages

dimanche 23 décembre 2018

Un danger sanitaire négligé - Rapport sénatorial sur les ruptures d'approvisionnement de médicaments


Une dégradation inquiétante

Depuis plusieurs années, des « pénuries » de médicaments et de vaccins sont régulièrement constatées dans les hôpitaux comme dans les pharmacies officinales. Le phénomène n’est certes pas nouveau ; il connaît cependant une inquiétante amplification, que ne semblent pas pouvoir endiguer les mesures prises par les pouvoirs publics au cours de la période récente. Avec 530 signalements, soit dix fois plus qu’il y a dix ans, l’année 2017 a en effet vu un nombre record de ruptures et risques de rupture de stock et d’approvisionnement déclarés auprès de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour des médicaments essentiels. Les dernières années ont par ailleurs vu la multiplication de cas de ruptures très médiatiques, portant sur des médicaments d’utilisation courante. C’est par exemple le cas des pénuries d’amoxicilline de 2014 et de 2018, du vaccin contre l’hépatite B en 2017, des spécialités de BCG-thérapie utilisées dans le traitement du cancer de la vessie, ou encore de l’antiépileptique Di-Hydan®, frappé depuis 2012 par des pénuries multiples. Fin 2018, une indisponibilité de l’anti-parkinsonien Sinemet®, qui pourrait se prolonger jusqu’à la fin du premier semestre 2019, a été  annoncée. 
Autres exemples rapportés par l’INCA : la crisantaspase (Erwinase® pour les leucémies aiguës lymphoblastiques dont la rupture est critique pour les patients allergiques à l’asparaginase ; à Nantes, en 2017, la pénurie de melphalan, utilisé dans  certains cancers, ont nécessité la mise en place d’un nouveau protocole de soins moins efficace ; une pénurie de méchloréthamine (Caryolysine® pour la maladie de Hodgkin - la seule alternative possible, le cyclophosphamide et moins efficace et moins bien toléré ; l ’arrêt de la production d’Extencilline® par le laboratoire Sanofi, ne permet pas une prise en charge équivalente de la syphillis, pourtant en réaugmentation…etc.

À Gustave-Roussy, ce sont ainsi 69 lignes de médicaments qui sont quotidiennement en rupture ou en tension. L’agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l’assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) relève quant à elle chaque jour 80 à 90 médicaments en situation de pénurie, tandis que le nombre de lignes de spécialités suivies en tension d’approvisionnement a été multiplié par 10 depuis 2007. Du point de vue tout d’abord de la classe thérapeutique, les anticancéreux, les anti-infectieux (qu’il s’agisse des antibiotiques ou des vaccins), les anesthésiants, les médicaments du système nerveux central (destinés notamment au traitement de l’épilepsie ou de la maladie de Parkinson) ainsi que les médicaments dérivés du sang sont les plus souvent touchés par une rupture de stock ou d’approvisionnement. Selon le syndicat professionnel des entreprises du médicament, le Leem, la durée moyenne des ruptures constatées en 2017 est d’environ 14 semaines, avec une médiane à 7,5 semaines.

Commentaire : des ruptures d’approvisionnement plus fréquentes, touchant des maintenant des médicaments essentiel. Aux temps maintenant un peu lointains où j’ai commencé ma carrière dans l’industrie pharmaceutique, il  y avait dans des firmes pourtant privées un sens du service public, des responsabilités et de leur intérêt incompris qui aurait rendu cela impossible. Là comme ailleurs, la financiarisation est passé par-dessus tout, l‘industrie, la recherche, les patients….

Les pharmaciens d’officine en première ligne

En première ligne face à la détresse et l’angoisse des patients, les pharmaciens d’officine voient leurs obligations logistiques prendre le pas sur leur mission de conseil. Face à ces difficultés de gestion, de nombreux pharmaciens regrettent que les tâches logistiques rendues nécessaires par les situations de pénurie prennent le pas sur leur fonction de conseil. La fonction de conseil apparaît elle-même dégradée par la faiblesse de l’information disponible. La fonction de conseil apparaît elle-même dégradée par la faiblesse de l’information disponible. Le manque d’indications concrètes sur les situations de pénurie, qu’il s’agisse de leurs causes ou de leur date prévisionnelle de résolution, entretient la frustration et l’angoisse des patients. La détresse qu’ils manifestent est alors difficile à gérer pour des pharmaciens d’officine qui se trouvent au bout de la chaîne d’approvisionnement du médicament, mais en première ligne face au mécontentement et au stress des malades.
Il peut également être difficile d’entretenir le dialogue avec les médecins prescripteurs en l’absence d’information concrète de la part des laboratoires et des autorités sanitaires. La mission d’information souligne que ces difficultés sont accentuées dans les pharmacies rurales, relativement plus touchées par les situations de pénuries que les officines urbaines, qui bénéficient de la proximité

Commentaire : c’est toujours un peu les mêmes qui trinquent le plus. Pharmaciens des campagnes, à vos gilets jaunes, avec vos patients !

Un problème pas seulement français !

Les difficultés d’approvisionnement ne sont pas limitées au territoire français : une situation comparable est observée à l’échelle européenne et internationale. À l’échelle européenne, une enquête menée en 2016 dans 21 États européens par le groupement pharmaceutique de l’Union européenne a montré que les pharmacies d’officine de l’ensemble des 21 pays couverts par l’enquête avaient été concernées par des phénomènes de pénurie durant les 12 mois précédents. Et pourtant, la France est l’un des trois seuls États membres de l’Union européenne à avoir introduit une définition des ruptures d’approvisionnement de médicaments dans leur législation nationale avec la Roumanie et la Slovénie et à avoir tenté de mettre en place un plan de gestion des pénuries. Notre pays se distingue ainsi, dans l’Union européenne, comme l’un des seuls États membres à définir explicitement et sur la base de critères objectivables les notions de ruptures d’approvisionnement, de ruptures de stock et de médicaments essentiels. En matière de stratégies de prévention et de gestion des ruptures, la France a également innové avec le concept de plan de gestion des pénuries, qu’elle a été conduite à présenter à ses partenaires européens à deux reprises.

Commentaire : on a bien compris depuis longtemps  que l‘Europe qui protège, c’est uniquement l’Europe qui protège la liberté de circulation des capitaux et des marchandises, pas les salariés, pas les patients, pas les personnels de santé ….

On en est à gérer la pénurie ! Quel aveu de faiblesse

Ce plan de gestion des pénuries (quel aveu de faiblesse, tout de même) comprend  la mise en place par les exploitants de centres d’appel d’urgence permanents accessibles aux pharmaciens permettant de déclencher des approvisionnements d’urgence une fois la rupture confirmée par le grossiste-répartiteur ou le dépositaire ; une définition précise des obligations de service public (Un gros mot pour l’Europe de Bruxelles) ! incombant aux grossistes-répartiteurs : ceux-ci sont tenus de disposer d’un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations de spécialités pharmaceutiques effectivement commercialisées en France, afin de satisfaire la consommation de leur clientèle habituelle pour une durée d’au moins deux semaines et d’honorer les commandes passées par les pharmacies dans un délai de 24 heures (en dehors des week-ends et jours fériés) ; - une obligation pour les exploitants d’assurer un approvisionnement approprié et continu des grossistes-répartiteurs afin de permettre à ces derniers de remplir leurs obligations de service public.

Et pourtant ce plan s’avère déjà insuffisant et inopérant face à l’extension des ruptures d’approvisionnement. C’est qu’il n’en traite pas les causes.

Des causes multiples : délocalisation des fabrications, pressions sur les prix, mise en cause du service public assuré par les répartiteurs.

la délocalisation et la concentration des fabrications de principes actifs. Pour des raisons de stratégie industrielle et financières, les firmes pharmaceutiques ont massivement délocalisé les sites de fabrication de principes actifs des pays occidentaux vers l’Asie, principalement Chine et surtout Inde. 35 % des matières premières utilisées dans la fabrication des médicaments en France proviennent de trois pays : l’Inde, la Chine et les États-Unis.
 L’Inde (4 442 sites de fabrication) et la Chine (2 794 sites de fabrication) concentrent à elles seules 61 % des sites de production de substances pharmaceutiques actives enregistrés à la même date dans la base EudraGMDP, concernant des médicaments commercialisés dans l’Union Européenne.
Ainsi sommes-nous pour une partie non négligeable de nos médicaments essentiels dépendant de l’étranger, et d’une chaîne de production que nous contrôlons fort mal, peu réactive et peu résiliente, très concentrée et qui ne permet plus de répondre à l’ensemble des besoins de santé. La FDA a identifié en 2018 219 sites en Chine (63%) et en Inde en contravention avec les bonnes pratiques de fabrication. 
Une partie des situations de pénuries provient de la fragilité croissante de cette chaîne de production. Autres problèmes : en Inde, les effluents des usines de fabrication d’antibiotiques, non traités, fortement concentrés en produits divers deviennent de véritables bouillons de culture pour organismes multi résistants- pas étonnant que l’un des plus terribles porte le nom New-Delhi metalloprotéase résistant.

Dans l’Union européenne, près de 40 % des médicaments finis commercialisés proviennent de pays tiers et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union. !

Signalons que d’autres économies développées ont néanmoins conservé des capacités de fabrication de substances pharmaceutiques actives non négligeables, dont les États-Unis (599 sites), la Suisse (399 sites) et le Japon (281 sites). Là encore, merci l’Europe qui protège !

2°) Une pression sur les prix de l’industrie pharmaceutique particulièrement intense en France.

Ca, ça a été longtemps la recette permanente de divers gouvernement irresponsables pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale. Cela concerne surtout les médicaments anciens, pour lesquels, la recherche étant amortie, on a souvent considéré que les prix devaient baisser. Oui, certes, mais… les normes de différentes sortes deviennent plus strictes et les coûts de production augmentent, d’où un effet de ciseaux entre la baisse du prix de certains vieux  médicaments essentiels et l’augmentation des coûts de production qui peut même parfois aboutir à leur retrait du marché.

A cela s’ajoute le fait que sur ces vieux produits, les différences peuvent être importantes entre pays européens, et entrainer des exportations parallèles permises ( et même encouragées !) par la législation européenne : en cas de pénurie ; les pays où le médicament a le prix le plus élevé sera premier servi ! L’Europe du sud, en particulier l’Italie et l’Espagne ont été particulièrement concernés par des pénuries liées à ces exportations.

Enfin, dans un rapport d’octobre 20122 consacré à la fiscalité du secteur pharmaceutique, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas) ont recensé « un ensemble de 12 taxes représentant en 2011 près de 900 millions d’euros. La pression fiscale s’exerçant en France sur une entreprise de fabrication pharmaceutique est évaluée à 48,4 %, soit 5 points de plus que l’Allemagne (43,6 %) et près de 25 points de plus que la Suisse

Cette pression sur les prix atteint un point absurde dans les marchés hospitaliers de médicaments ; les réponses aux appels d’offres se présentent parfois avec des remises très élevées, allant jusqu’à 95 % du tarif du fournisseur ! Très bien, le marché est gagné à très bas prix ! Mais que se passe-t-il ensuite ? Eh bien, il arrive que le fournisseur sélectionné fasse défaut – et c’est pas rare ! La centrale d’achat Helpévia a dû procéder, au cours des dix dernières années, à plusieurs dizaines de milliers d'activations de la clause d'achat pour compte du fait d'une rupture de stock ; on estime qu'à l'échelle d'un établissement, cette procédure destinée à pallier le défaut d’un fournisseur doit être activée en moyenne trois fois par mois. Ainsi, en 2012, le laboratoire israélien Teva, spécialiste des génériques, a été retenu, dans le cadre d’un appel d’offres pour UniHA, pour la fourniture de la molécule anticancéreuse Oxaliplatine®, initialement princeps de Sanofi. Or, après un problème de production, la clause d’achat pour compte a dû être activée à un prix 1 127 fois plus élevé ! ». Selon Eric Tabouelle, viceprésident du Claps, il n’est pas rare de voir les prix augmentés de 500 à 2 000 % par rapport au prix du marché dans le cadre d’une procédure d’achat pour compte. Lors de son audition par votre mission d’information, il a notamment cité le cas de la gemcitabine, molécule utilisée en oncologie, facturée 200 euros par le laboratoire concurrent contre 8,95 euros par le titulaire du marché.

La procédure d’achat pour compte permet d’obliger le titulaire du marché défaillant à rembourser le surcoût ainsi généré.  Sauf que, à la difficulté de trouver un fournisseur concurrent capable d’approvisionner l’établissement s’ajoute le coût financier de l’approvisionnement auprès d’un concurrent à un prix non négocié au préalable – quoique la plupart des marchés hospitaliers intègrent aujourd’hui une clause d’achat pour compte. Les établissements ne sont cependant remboursés qu’après la fin de la rupture et la clôture de la procédure, ce qui occasionne des décalages de trésorerie importants.

Et disons-le, ce mécanisme est particulièrement pervers et générateur de ruptures qui, outre leur coût plus ou moins compensé par le rachat pour compte mettent en péril la santé et parfois même la vie des patients. Les sénateurs en ont été bien conscient à travers leurs propositions 10 et 11 (Proposition n° 10 : Revoir les objectifs et la dimension des appels d’offres hospitaliers dans le but de sécuriser les approvisionnements et de préserver des solutions alternatives en cas de défaillance du titulaire du marché. Proposition n° 11 : Encadrer les surfacturations opérées dans le cadre des procédures d’achat pour compte en fixant un seuil maximal pour les majorations de prix pratiquées dans ce cadre. Renforcer les obligations éthiques des entreprises pharmaceutiques).

3%) La dégradation du service public de la répartition- les short liners

Un métier injustement ignoré, celui de la répartition (grossistes en médicaments si l’on veut !). Les répartiteurs, bien que privés,  ont des obligations de service public (OSP) sont tenus de disposer d’un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations de spécialités pharmaceutiques effectivement commercialisées en France, afin de satisfaire la consommation de leur clientèle habituelle pour une durée d’au moins deux semaines et d’honorer les commandes passées par les pharmacies dans un délai de 24 heures (en dehors des week-ends et jours fériés)- et ceci dans les quelques 22000 pharmacies françaises, où qu’elles soient, qu’il vente, pleuve ou neige, deux fois par jours, avec un système d’astreinte le week-end et jours fériés.

Eh bien, jusqu’à présent, les grossistes répartiteurs ont plutôt bien rempli leurs obligations de service public (OSP).  L’intervention des grossistes-répartiteurs a permis en règle générale de limiter les indisponibilités de médicaments. Selon la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), si les répartiteurs ne reçoivent en moyenne que 85 % des produits commandés aux fabricants, leur organisation logistique leur permet d’approvisionner les pharmacies à hauteur de 95 % des commandes passées. La bonne observation des OSP comme la précision de la mécanique logistique des répartiteurs permettent donc de diviser par trois le nombre de ruptures potentielles.

Ah ben oui, mais l’Europe n’aime pas les service publics ! Sont donc apparus des établissements dit « short liners, ainsi qualifiés par l’IGAS (rapport n° 2014-004R) :  « Une vingtaine d’établissements dits short liners ayant le statut de grossistes répartiteurs ne répondent pas aux obligations de service public. Ils ne proposent qu’une courte gamme de médicaments, la plus rentable, à un nombre réduit d’officines auxquelles ils vendent de grandes quantités quand ils ne travaillent pas uniquement à l’export. ne détiennent pas physiquement en stock et sciemment la collection requise et acquièrent des stocks pour un assortiment très limité de spécialités, sous couvert de leur autorisation d’ouverture. Ils les revendent ensuite à d’autres distributeurs en gros, notamment au sein de l’Union européenne. Ils sont désignés comme short liners par opposition aux full liners qui assurent la répartition en distribuant une large gamme de médicaments. Ils réduisent ainsi les stocks destinés aux patients français et augmentent le risque de ruptures. Ces entreprises ne répondent pas, ou seulement partiellement, à leurs obligations de service public.

Pour l’instant, L’ANSM, en partenariat avec les ARS, ordonne leur fermeture lorsqu’il est prouvé qu’ils n’ont pas de clients officinaux. » . Elle demande également  la publication sur le site Internet de l’ANSM d’un avis aux pharmaciens responsables des grossistes-répartiteurs qui précise les modalités d’ouverture effective et de démarrage des opérations de distribution ; la systématisation d’une inspection menée dans l’établissement durant l’année suivant l’ouverture effective, au cours de laquelle est notamment vérifiée la mise en œuvre des engagements pris par le pharmacien responsable au moment de la demande d’ouverture ;  le cas échéant, dépôt de plaintes au Conseil national de l’ordre des pharmaciens à l’encontre des pharmaciens responsables.

Une dépendance problématique, même pour la défense nationale

Depuis janvier 2018, deux sanctions financières ont été prononcées pour non-respect des obligations de
service public, pour des montants respectifs de 85 000 € à 149 000 €.
Commentaire : prise de conscience méritoire, mais ça m’étonnerait que ce soit très dissuasif ! Et suivons avec beaucoup de méfiance la suite du match éventuel contre les institutions européennes !
Les pénuries dramatiques de médicament affectent maintenant la France de manière régulière, et de plus en plus d’autres pays d’Europe, pour des médicaments essentiels. Elles résultent principalement de trois facteurs 1°) la délocalisation et l’extrême concentration des fabrications de principes actifs dans des pays lointains à bas coût de production, qui entraine une fragilisation massive de toute la chaine du médicament ; 2°) une fiscalité et des pressions sur les prix particulièrement lourds, mal conçus et dangereuse pour la santé publique ; 3°) Une mise en cause par l’idéologie ultralibérale européenne du service public de la répartition.

Cette dépendance croissante vis-à-vis de fabricants extérieurs devient même très problématique du simple point de vue de la défense nationale. Particulièrement inquiétant a été le témoignage devant le Sénat de M. François Caire-Maurisier, pharmacien en chef de la pharmacie centrale des armées,  Il a en particulier indiqué qu’« il est arrivé que la fourniture, notamment pour la doxycycline, s’arrête à la suite d’un durcissement des normes sanitaires en Chine et du retrait de l’agrément de la Food and Drug Administration (FDA) consécutivement à une inspection en Inde. S’en est suivie une véritable bataille pour les stocks encore disponibles, et nous avons dû nous rabattre sur l’unique fabricant restant. […] Même, un partenaire européen nous a mis en difficulté pour le développement d’un produit en fermant une source pour se rapprocher d’un autre acteur, si bien que la France est aujourd’hui, dans un des domaines de contremesures contre le risque nucléaire et radiologique, dépendante d’un laboratoire étranger. Nous ne devons pas rester dépendants de laboratoires étrangers car, en cas de tensions, nous serons servis en derniers…. »

M. Caire-Morisier a plaidé devant le Sénat pour une relocalisation de la production des substances pharmaceutiques actives essentielles sur le territoire national ou, à tout le moins, européen. […] Il serait bon que l’État acquière un site de production chimique fine –l’équivalent de la pharmacie centrale des armées mais pour la production de substances actives.

Une telle solution ne serait pas inédite. La Suisse dispose ainsi d’une pharmacie de l’armée chargée, dans le cadre d’un programme dénommé « Service sanitaire coordonné », d’assurer la sécurité de l’approvisionnement du pays en médicaments essentiels. Elle peut être conduite à fabriquer elle-même ces médicaments ou à conclure des contrats de garantie avec des entreprises pharmaceutiques, et a vocation à constituer des stocks de sécurité. Dans cette logique, le Conseil fédéral suisse a proposé d’inviter la pharmacie de l’armée à « produire des médicaments (assortiment de base) dans des cas précis et à attribuer des mandats de production à des petits sites de production. ». Certains hôpitaux américains s’organisent par ailleurs au sein de structures sans but lucratif en vue de produire eux-mêmes des médicaments génériques pour faire face à des ruptures chroniques et à des prix rédhibitoires.

Les propositions sénatoriales.

Le vieux monde politique raillé par les Macronistes ne fonctionnait pas si mal, et le Sénat, pour faire face aux ruptures de médicaments a mis en avant 29 propositions, dont la plus iconoclaste et sans doute l’une des plus efficaces (mais en rupture avec l’idéologue ultralibérale européenne) rejoint la proposition du Pharmacien général des armées. (Proposition n° 7 : Intégrer dans le référentiel des inspections de l’ANSM et de l’EMA l’évaluation de la soutenabilité des capacités de production et de leur adéquation à la demande projetée, avec publication de lettres d’avertissement en cas de vulnérabilités. Vers un programme public de production et de distribution de certains médicaments essentiels. Proposition n° 8 : Instituer un programme public de production et distribution de quelques médicaments essentiels concernés par des arrêts de commercialisation, ou de médicaments « de niche » régulièrement exposés à des tensions d’approvisionnement, confié à la pharmacie centrale des armées et à l’agence générale des équipements et produits de santé. Mieux prendre en compte les impératifs d’approvisionnement dans les conditions encadrant la commercialisation des médicaments. Éviter le désengagement des laboratoires sur les médicaments essentiels peu rémunérateurs). Signalons dans la même idée de remédier au problème critique des principes actifs également les propositions 3, 4 et 5 d’exonérations fiscales, d’aides à l’embauche et de contrats tripartites pour l’installation de nouvelles entreprises fabricantes. Les propositions 10 et 11 s »’attaquent spécifiquement au problèmes des approvisionnements hospitaliers (Proposition n° 10 : Revoir les objectifs et la dimension des appels d’offres hospitaliers dans le but de sécuriser les approvisionnements et de préserver des solutions alternatives en cas de défaillance du titulaire du marché. Proposition n° 11 : Encadrer les surfacturations opérées dans le cadre des procédures d’achat pour compte…). La plupart des autres propositions ont un rôle plus défensif concernant la définition et la signalisation à l’échelle européenne des médicaments essentiels et de leurs pénuries, la publication des entreprises défaillantes et de leur historique sur le site de l’Agence du médicament, un mécanisme de sanctions financières non détaillé. Plusieurs propositions visent à conforter le rôle de service public des répartiteurs et à contrôler et réprimer le rôle parasitaire des short-liners- indispensables, mais quid de Bruxelles. Enfin, on restera très critique devant les propositions d’autorisation du déconditionnement des médicaments, très dangereuses pour la sécurité de la chaine du médicament  (et la lutte contre les médicaments falsifiés, autre problème qui devient récurrent), et qui devraient être très encadrées et réservées à des situations critiques.

Nous avions naguère un système de santé plutôt performant en matière de médicament. Ne le laissons pas détruire par la secte libérale au pouvoir à Bruxelles.

Tiens actualisation de juillet 2019 :il semble enfin que le gouvernement (Agnès Buzyn) commence à s'inquiéter du problème. le plan anti-pénurie de médicaments présenté par la ministre de la santé s'articule autour de trois axes : 1) la "transparence et l'information du public et des professionnels", "l'action sur le circuit de production des médicaments", 2) en incitant par exemple les laboratoires à produire en France, avec en échange, des avantages fiscaux ; 3) Enfin, en renforçant la coordination internationale, car on produit aujourd'hui dans le monde entier

Commentaire : 1) ça mange pas de pain ; 2) Bonnes paroles, mais on va voir ; on parie combien que la Commission Européenne s’y opposera ; 3) Ah tiens, et pas un mot sur les importations parallèles… 

Résultat de recherche d'images pour "ruptures d'approvisionnement médicament"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentaires

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.