Une dégradation
inquiétante
Depuis
plusieurs années, des « pénuries » de médicaments et de vaccins sont
régulièrement constatées dans les hôpitaux comme dans les pharmacies officinales.
Le phénomène n’est certes pas nouveau ; il connaît cependant une inquiétante
amplification, que ne semblent pas pouvoir endiguer les mesures prises par les
pouvoirs publics au cours de la période récente. Avec 530 signalements, soit dix fois plus qu’il y a dix ans, l’année
2017 a en effet vu un nombre record de ruptures et risques de rupture de stock
et d’approvisionnement déclarés auprès de l’agence nationale de sécurité du
médicament (ANSM) pour des médicaments essentiels. Les dernières années ont
par ailleurs vu la multiplication de cas de ruptures très médiatiques, portant
sur des médicaments d’utilisation courante. C’est par exemple le cas des
pénuries d’amoxicilline de 2014 et de 2018, du vaccin contre l’hépatite B en
2017, des spécialités de BCG-thérapie utilisées dans le traitement du cancer de
la vessie, ou encore de l’antiépileptique Di-Hydan®, frappé depuis 2012 par des
pénuries multiples. Fin 2018, une indisponibilité de l’anti-parkinsonien Sinemet®, qui pourrait se prolonger jusqu’à la
fin du premier semestre 2019, a été annoncée.
Autres
exemples rapportés par l’INCA : la crisantaspase (Erwinase® pour les
leucémies aiguës lymphoblastiques dont la rupture est critique pour les patients
allergiques à l’asparaginase ; à Nantes, en 2017, la pénurie de melphalan,
utilisé dans certains cancers, ont
nécessité la mise en place d’un nouveau protocole de soins moins
efficace ; une pénurie de méchloréthamine (Caryolysine® pour la maladie de
Hodgkin - la seule alternative possible, le cyclophosphamide et moins
efficace et moins bien toléré ; l ’arrêt de la production d’Extencilline®
par le laboratoire Sanofi, ne permet pas une prise en charge équivalente de la
syphillis, pourtant en réaugmentation…etc.
À
Gustave-Roussy, ce sont ainsi 69 lignes
de médicaments qui sont quotidiennement
en rupture ou en tension. L’agence générale des équipements et produits de
santé (Ageps) de l’assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) relève quant à
elle chaque jour 80 à 90 médicaments en
situation de pénurie, tandis que le nombre de lignes de spécialités suivies
en tension d’approvisionnement a été multiplié par 10 depuis 2007. Du point de
vue tout d’abord de la classe thérapeutique, les anticancéreux, les
anti-infectieux (qu’il s’agisse des antibiotiques ou des vaccins), les
anesthésiants, les médicaments du système nerveux central (destinés notamment
au traitement de l’épilepsie ou de la maladie de Parkinson) ainsi que les
médicaments dérivés du sang sont les plus souvent touchés par une rupture de
stock ou d’approvisionnement. Selon le syndicat professionnel des entreprises
du médicament, le Leem, la durée moyenne des ruptures constatées en 2017 est
d’environ 14 semaines, avec une médiane à 7,5 semaines.
Commentaire :
des ruptures d’approvisionnement plus fréquentes, touchant des maintenant des
médicaments essentiel. Aux temps maintenant un peu lointains où j’ai commencé
ma carrière dans l’industrie pharmaceutique, il
y avait dans des firmes pourtant privées un sens du service public, des
responsabilités et de leur intérêt incompris qui aurait rendu cela impossible.
Là comme ailleurs, la financiarisation est passé par-dessus tout, l‘industrie,
la recherche, les patients….
Les pharmaciens d’officine en
première ligne
En
première ligne face à la détresse et l’angoisse des patients, les pharmaciens
d’officine voient leurs obligations logistiques prendre le pas sur leur mission
de conseil. Face à ces difficultés de gestion, de nombreux pharmaciens regrettent
que les tâches logistiques rendues nécessaires par les situations de pénurie
prennent le pas sur leur fonction de conseil. La fonction de conseil apparaît
elle-même dégradée par la faiblesse de l’information disponible. La fonction de
conseil apparaît elle-même dégradée par la faiblesse de l’information
disponible. Le manque d’indications concrètes sur les situations de pénurie,
qu’il s’agisse de leurs causes ou de leur date prévisionnelle de résolution,
entretient la frustration et l’angoisse des patients. La détresse qu’ils
manifestent est alors difficile à gérer pour des pharmaciens d’officine qui se
trouvent au bout de la chaîne d’approvisionnement du médicament, mais en première ligne face au mécontentement et
au stress des malades.
Il
peut également être difficile d’entretenir le dialogue avec les médecins
prescripteurs en l’absence d’information concrète de la part des laboratoires
et des autorités sanitaires. La mission d’information souligne que ces difficultés sont accentuées dans les
pharmacies rurales, relativement plus touchées par les situations de
pénuries que les officines urbaines, qui bénéficient de la proximité
Commentaire :
c’est toujours un peu les mêmes qui trinquent le plus. Pharmaciens des
campagnes, à vos gilets jaunes, avec vos patients !
Un problème pas
seulement français !
Les
difficultés d’approvisionnement ne sont pas limitées au territoire français :
une situation comparable est observée à l’échelle européenne et internationale.
À l’échelle européenne, une enquête menée en 2016 dans 21 États européens par
le groupement pharmaceutique de l’Union européenne a montré que les pharmacies
d’officine de l’ensemble des 21 pays couverts par l’enquête avaient été
concernées par des phénomènes de pénurie durant les 12 mois précédents. Et pourtant, la France est l’un des trois
seuls États membres de l’Union européenne à avoir introduit une définition des
ruptures d’approvisionnement de médicaments dans leur législation nationale
avec la Roumanie et la Slovénie et à avoir tenté de mettre en place un plan de
gestion des pénuries. Notre pays se distingue ainsi, dans l’Union européenne,
comme l’un des seuls États membres à définir explicitement et sur la base de
critères objectivables les notions de ruptures d’approvisionnement, de ruptures
de stock et de médicaments essentiels. En matière de stratégies de prévention
et de gestion des ruptures, la France a également innové avec le concept de
plan de gestion des pénuries, qu’elle a été conduite à présenter à ses
partenaires européens à deux reprises.
Commentaire :
on a bien compris depuis longtemps que
l‘Europe qui protège, c’est uniquement l’Europe qui protège la liberté de
circulation des capitaux et des marchandises, pas les salariés, pas les
patients, pas les personnels de santé ….
On en est à gérer la pénurie !
Quel aveu de faiblesse
Ce
plan de gestion des pénuries (quel aveu de faiblesse, tout de même)
comprend la mise en place par les
exploitants de centres d’appel d’urgence permanents accessibles aux pharmaciens
permettant de déclencher des approvisionnements d’urgence une fois la rupture
confirmée par le grossiste-répartiteur ou le dépositaire ; une définition précise des obligations de
service public (Un gros mot pour l’Europe de Bruxelles) ! incombant
aux grossistes-répartiteurs : ceux-ci sont tenus de disposer d’un assortiment
de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations de
spécialités pharmaceutiques effectivement commercialisées en France, afin de
satisfaire la consommation de leur clientèle habituelle pour une durée d’au moins
deux semaines et d’honorer les commandes passées par les pharmacies dans un
délai de 24 heures (en dehors des week-ends et jours fériés) ; - une obligation
pour les exploitants d’assurer un approvisionnement approprié et continu des grossistes-répartiteurs
afin de permettre à ces derniers de remplir leurs obligations de service
public.
Et
pourtant ce plan s’avère déjà insuffisant et inopérant face à l’extension des ruptures
d’approvisionnement. C’est qu’il n’en traite pas les causes.
Des causes multiples : délocalisation
des fabrications, pressions sur les prix, mise en cause du service public
assuré par les répartiteurs.
1°
la délocalisation et la concentration
des fabrications de principes actifs. Pour des raisons de stratégie
industrielle et financières, les firmes pharmaceutiques ont massivement
délocalisé les sites de fabrication de principes actifs des pays occidentaux
vers l’Asie, principalement Chine et surtout Inde. 35 % des matières premières
utilisées dans la fabrication des médicaments en France proviennent de trois
pays : l’Inde, la Chine et les États-Unis.
L’Inde (4 442 sites de fabrication) et la
Chine (2 794 sites de fabrication) concentrent à elles seules 61 % des sites de
production de substances pharmaceutiques actives enregistrés à la même date
dans la base EudraGMDP, concernant des médicaments commercialisés dans l’Union
Européenne.
Ainsi sommes-nous pour une partie non négligeable de nos médicaments essentiels
dépendant de l’étranger, et d’une chaîne de production que nous contrôlons fort
mal, peu réactive et peu résiliente, très concentrée et qui ne permet plus de
répondre à l’ensemble des besoins de santé. La FDA a identifié en 2018 219
sites en Chine (63%) et en Inde en contravention avec les bonnes pratiques de
fabrication.
Une
partie des situations de pénuries provient de la fragilité croissante de cette
chaîne de production. Autres problèmes : en Inde, les effluents des usines
de fabrication d’antibiotiques, non traités, fortement concentrés en produits
divers deviennent de véritables bouillons de culture pour organismes multi
résistants- pas étonnant que l’un des plus terribles porte le nom New-Delhi
metalloprotéase résistant.
Dans
l’Union européenne, près de 40 % des médicaments finis commercialisés proviennent
de pays tiers et 80 % des fabricants de
substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles
en Europe sont situés en dehors de l’Union. !
Signalons
que d’autres économies développées ont néanmoins conservé des capacités de
fabrication de substances pharmaceutiques actives non négligeables, dont les
États-Unis (599 sites), la Suisse (399 sites) et le Japon (281 sites). Là
encore, merci l’Europe qui protège !
2°)
Une pression sur les prix de l’industrie
pharmaceutique particulièrement intense en France.
Ca,
ça a été longtemps la recette permanente de divers gouvernement irresponsables
pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale. Cela concerne surtout les
médicaments anciens, pour lesquels, la recherche étant amortie, on a souvent
considéré que les prix devaient baisser. Oui, certes, mais… les normes de
différentes sortes deviennent plus strictes et les coûts de production
augmentent, d’où un effet de ciseaux
entre la baisse du prix de certains vieux médicaments essentiels et l’augmentation des
coûts de production qui peut même parfois aboutir à leur retrait du marché.
A
cela s’ajoute le fait que sur ces vieux produits, les différences peuvent être
importantes entre pays européens, et entrainer des exportations parallèles permises ( et même encouragées !) par
la législation européenne : en cas de pénurie ; les pays où le
médicament a le prix le plus élevé sera premier servi ! L’Europe du sud,
en particulier l’Italie et l’Espagne ont été particulièrement concernés par des
pénuries liées à ces exportations.
Enfin,
dans un rapport d’octobre 20122 consacré à la fiscalité du secteur
pharmaceutique, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale
des affaires sociales (Igas) ont recensé « un ensemble de 12 taxes représentant
en 2011 près de 900 millions d’euros. La
pression fiscale s’exerçant en France sur une entreprise de fabrication
pharmaceutique est évaluée à 48,4 %, soit 5 points de plus que l’Allemagne
(43,6 %) et près de 25 points de plus que la Suisse
Cette pression sur les prix atteint
un point absurde dans les marchés hospitaliers de médicaments ; les réponses
aux appels d’offres se présentent parfois avec des remises très élevées, allant jusqu’à 95 % du tarif du fournisseur !
Très bien, le marché est gagné à très bas prix ! Mais que se passe-t-il
ensuite ? Eh bien, il arrive que le fournisseur sélectionné fasse défaut –
et c’est pas rare ! La centrale d’achat Helpévia a dû procéder, au cours
des dix dernières années, à plusieurs dizaines de milliers d'activations de la
clause d'achat pour compte du fait d'une rupture de stock ; on estime qu'à
l'échelle d'un établissement, cette procédure destinée à pallier le défaut d’un
fournisseur doit être activée en moyenne trois fois par mois. Ainsi, en 2012,
le laboratoire israélien Teva, spécialiste des génériques, a été retenu, dans
le cadre d’un appel d’offres pour UniHA, pour la fourniture de la molécule
anticancéreuse Oxaliplatine®, initialement princeps de Sanofi. Or, après un
problème de production, la clause d’achat pour compte a dû être activée à un prix 1 127 fois plus élevé ! ». Selon Eric
Tabouelle, viceprésident du Claps, il n’est pas rare de voir les prix augmentés
de 500 à 2 000 % par rapport au prix du marché dans le cadre d’une procédure d’achat
pour compte. Lors de son audition par votre mission d’information, il a
notamment cité le cas de la gemcitabine, molécule utilisée en oncologie, facturée
200 euros par le laboratoire concurrent contre 8,95 euros par le titulaire du
marché.
La
procédure d’achat pour compte permet d’obliger le titulaire du marché
défaillant à rembourser le surcoût ainsi généré. Sauf que, à la difficulté de trouver un
fournisseur concurrent capable d’approvisionner l’établissement s’ajoute le
coût financier de l’approvisionnement auprès d’un concurrent à un prix non
négocié au préalable – quoique la plupart des marchés hospitaliers intègrent
aujourd’hui une clause d’achat pour compte. Les établissements ne sont
cependant remboursés qu’après la fin de la rupture et la clôture de la procédure,
ce qui occasionne des décalages de trésorerie importants.
Et
disons-le, ce mécanisme est particulièrement pervers et générateur de ruptures
qui, outre leur coût plus ou moins compensé par le rachat pour compte mettent
en péril la santé et parfois même la vie des patients. Les sénateurs en ont été
bien conscient à travers leurs propositions 10 et 11 (Proposition n° 10 :
Revoir les objectifs et la dimension des appels d’offres hospitaliers dans le
but de sécuriser les approvisionnements et de préserver des solutions
alternatives en cas de défaillance du titulaire du marché. Proposition n° 11 :
Encadrer les surfacturations opérées dans le cadre des procédures d’achat pour
compte en fixant un seuil maximal pour les majorations de prix pratiquées dans
ce cadre. Renforcer les obligations éthiques des entreprises pharmaceutiques).
3%) La dégradation du
service public de la répartition- les short liners
Un
métier injustement ignoré, celui de la répartition (grossistes en médicaments
si l’on veut !). Les répartiteurs,
bien que privés, ont des obligations de
service public (OSP) sont tenus de disposer d’un assortiment de médicaments
comportant au moins les neuf dixièmes des présentations de spécialités
pharmaceutiques effectivement commercialisées en France, afin de satisfaire la
consommation de leur clientèle habituelle pour une durée d’au moins deux
semaines et d’honorer les commandes passées par les pharmacies dans un délai de
24 heures (en dehors des week-ends et jours fériés)- et ceci dans les quelques
22000 pharmacies françaises, où qu’elles soient, qu’il vente, pleuve ou neige,
deux fois par jours, avec un système d’astreinte le week-end et jours fériés.
Eh
bien, jusqu’à présent, les grossistes répartiteurs ont plutôt bien rempli leurs
obligations de service public (OSP). L’intervention
des grossistes-répartiteurs a permis en règle générale de limiter les
indisponibilités de médicaments. Selon la chambre syndicale de la répartition
pharmaceutique (CSRP), si les répartiteurs ne reçoivent en moyenne que 85 % des
produits commandés aux fabricants, leur organisation logistique leur permet d’approvisionner
les pharmacies à hauteur de 95 % des commandes passées. La bonne observation des OSP comme la précision de la mécanique logistique
des répartiteurs permettent donc de diviser par trois le nombre de ruptures potentielles.
Ah
ben oui, mais l’Europe n’aime pas les service publics ! Sont donc apparus
des établissements dit « short liners, ainsi qualifiés par l’IGAS (rapport
n° 2014-004R) : « Une vingtaine
d’établissements dits short liners ayant le statut de grossistes répartiteurs ne
répondent pas aux obligations de service public. Ils ne proposent qu’une courte
gamme de médicaments, la plus rentable, à un nombre réduit d’officines
auxquelles ils vendent de grandes quantités quand ils ne travaillent pas uniquement à l’export. ne détiennent pas
physiquement en stock et sciemment la collection requise et acquièrent des
stocks pour un assortiment très limité de spécialités, sous couvert de leur
autorisation d’ouverture. Ils les revendent ensuite à d’autres distributeurs en
gros, notamment au sein de l’Union européenne. Ils sont désignés comme
short liners par opposition aux full liners qui assurent la répartition en distribuant
une large gamme de médicaments. Ils
réduisent ainsi les stocks destinés aux patients français et augmentent le risque
de ruptures. Ces entreprises ne répondent pas, ou seulement partiellement,
à leurs obligations de service public.
Pour
l’instant, L’ANSM, en partenariat avec les ARS, ordonne leur fermeture
lorsqu’il est prouvé qu’ils n’ont pas de clients officinaux. » . Elle
demande également la publication sur le
site Internet de l’ANSM d’un avis aux pharmaciens responsables des
grossistes-répartiteurs qui précise les modalités d’ouverture effective et de
démarrage des opérations de distribution ; la systématisation d’une inspection
menée dans l’établissement durant l’année suivant l’ouverture effective, au
cours de laquelle est notamment vérifiée la mise en œuvre des engagements pris
par le pharmacien responsable au moment de la demande d’ouverture ; le cas échéant, dépôt de plaintes au Conseil
national de l’ordre des pharmaciens à l’encontre des pharmaciens responsables.
Une dépendance problématique, même
pour la défense nationale
Depuis
janvier 2018, deux sanctions financières ont été prononcées pour non-respect
des obligations de
service
public, pour des montants respectifs de 85 000 € à 149 000 €.
Commentaire :
prise de conscience méritoire, mais ça m’étonnerait que ce soit très dissuasif !
Et suivons avec beaucoup de méfiance la suite du match éventuel contre les
institutions européennes !
Les
pénuries dramatiques de médicament affectent maintenant la France de manière régulière,
et de plus en plus d’autres pays d’Europe, pour des médicaments essentiels. Elles
résultent principalement de trois facteurs 1°) la délocalisation et l’extrême
concentration des fabrications de principes actifs dans des pays lointains à
bas coût de production, qui entraine une fragilisation massive de toute la
chaine du médicament ; 2°) une fiscalité et des pressions sur les prix particulièrement
lourds, mal conçus et dangereuse pour la santé publique ; 3°) Une mise en
cause par l’idéologie ultralibérale européenne du service public de la
répartition.
Cette
dépendance croissante vis-à-vis de fabricants extérieurs devient même très
problématique du simple point de vue de la défense nationale. Particulièrement
inquiétant a été le témoignage devant le Sénat de M. François Caire-Maurisier, pharmacien en chef de la pharmacie centrale
des armées, Il a en particulier
indiqué qu’« il est arrivé que la fourniture, notamment pour la doxycycline,
s’arrête à la suite d’un durcissement des normes sanitaires en Chine et du
retrait de l’agrément de la Food and Drug Administration (FDA) consécutivement
à une inspection en Inde. S’en est suivie une véritable bataille pour les
stocks encore disponibles, et nous avons dû nous rabattre sur l’unique
fabricant restant. […] Même, un partenaire européen nous a mis en difficulté
pour le développement d’un produit en fermant une source pour se rapprocher d’un
autre acteur, si bien que la France est
aujourd’hui, dans un des domaines de contremesures contre le risque nucléaire
et radiologique, dépendante d’un laboratoire étranger. Nous ne devons pas
rester dépendants de laboratoires étrangers car, en cas de tensions, nous
serons servis en derniers…. »
M.
Caire-Morisier a plaidé devant le Sénat pour une relocalisation de la production des substances pharmaceutiques
actives essentielles sur le territoire national ou, à tout le moins,
européen. […] Il serait bon que l’État acquière un site de production chimique
fine –l’équivalent de la pharmacie centrale des armées mais pour la production
de substances actives.
Une
telle solution ne serait pas inédite. La Suisse dispose ainsi d’une pharmacie
de l’armée chargée, dans le cadre d’un programme dénommé « Service sanitaire
coordonné », d’assurer la sécurité de l’approvisionnement du pays en médicaments
essentiels. Elle peut être conduite à fabriquer elle-même ces médicaments ou à
conclure des contrats de garantie avec des entreprises pharmaceutiques, et a
vocation à constituer des stocks de sécurité. Dans cette logique, le Conseil
fédéral suisse a proposé d’inviter la pharmacie de l’armée à « produire des
médicaments (assortiment de base) dans des cas précis et à attribuer des mandats
de production à des petits sites de production. ». Certains hôpitaux américains
s’organisent par ailleurs au sein de structures sans but lucratif en vue de
produire eux-mêmes des médicaments génériques pour faire face à des ruptures
chroniques et à des prix rédhibitoires.
Les propositions sénatoriales.
Le
vieux monde politique raillé par les Macronistes ne fonctionnait pas si mal, et
le Sénat, pour faire face aux ruptures de médicaments a mis en avant 29
propositions, dont la plus iconoclaste et sans doute l’une des plus efficaces
(mais en rupture avec l’idéologue ultralibérale européenne) rejoint la
proposition du Pharmacien général des armées. (Proposition n° 7 : Intégrer dans
le référentiel des inspections de l’ANSM et de l’EMA l’évaluation de la
soutenabilité des capacités de production et de leur adéquation à la demande
projetée, avec publication de lettres d’avertissement en cas de vulnérabilités.
Vers un programme public de production
et de distribution de certains médicaments essentiels. Proposition n° 8 : Instituer un programme public de
production et distribution de quelques médicaments essentiels concernés par des
arrêts de commercialisation, ou de médicaments « de niche » régulièrement
exposés à des tensions d’approvisionnement, confié à la pharmacie centrale des
armées et à l’agence générale des équipements et produits de santé. Mieux
prendre en compte les impératifs d’approvisionnement dans les conditions
encadrant la commercialisation des médicaments. Éviter le désengagement des
laboratoires sur les médicaments essentiels peu rémunérateurs). Signalons dans
la même idée de remédier au problème critique des principes actifs également
les propositions 3, 4 et 5 d’exonérations
fiscales, d’aides à l’embauche et de contrats tripartites pour l’installation de
nouvelles entreprises fabricantes. Les propositions 10 et 11 s »’attaquent
spécifiquement au problèmes des approvisionnements hospitaliers (Proposition n°
10 : Revoir les objectifs et la dimension des appels d’offres hospitaliers dans
le but de sécuriser les approvisionnements et de préserver des solutions
alternatives en cas de défaillance du titulaire du marché. Proposition n° 11 :
Encadrer les surfacturations opérées dans le cadre des procédures d’achat pour
compte…). La plupart des autres propositions ont un rôle plus défensif
concernant la définition et la signalisation à l’échelle européenne des
médicaments essentiels et de leurs pénuries, la publication des entreprises
défaillantes et de leur historique sur le site de l’Agence du médicament, un
mécanisme de sanctions financières non détaillé. Plusieurs propositions visent
à conforter le rôle de service public des répartiteurs et à contrôler et
réprimer le rôle parasitaire des short-liners- indispensables, mais quid de
Bruxelles. Enfin, on restera très critique devant les propositions d’autorisation
du déconditionnement des médicaments, très dangereuses pour la sécurité de la
chaine du médicament (et la lutte contre
les médicaments falsifiés, autre problème qui devient récurrent), et qui
devraient être très encadrées et réservées à des situations critiques.
Nous
avions naguère un système de santé plutôt performant en matière de médicament.
Ne le laissons pas détruire par la secte libérale au pouvoir à Bruxelles.
Tiens actualisation de juillet 2019 :il semble enfin que le gouvernement (Agnès Buzyn) commence à s'inquiéter du problème. le plan anti-pénurie de médicaments présenté par la ministre
de la santé s'articule autour de trois axes : 1) la "transparence et
l'information du public et des professionnels", "l'action sur le
circuit de production des médicaments", 2) en incitant par exemple les
laboratoires à produire en France, avec en échange, des avantages fiscaux ;
3) Enfin, en renforçant la coordination internationale, car on produit
aujourd'hui dans le monde entier
Commentaire : 1) ça mange pas de pain ; 2) Bonnes
paroles, mais on va voir ; on parie combien que la Commission Européenne s’y
opposera ; 3) Ah tiens, et pas un mot sur les importations parallèles…