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mardi 8 janvier 2019

Un nucléaire nouveau est nécessaire ; vive l’EPR !


Dans un blog précédent (Parlons énergie ! Tribunes et tweet de l’année), je mentionnais le tweet très intéressant de Tristan Kamin (https://threadreaderapp.com/thread/1073608820071505921.html) sur la première vague de froid du vendredi 14 décembre 2018, une petite vaguelette, mais où pourtant toutes les ressources nucléaires se donnaient déjà à fond et où la rupture de l‘approvisionnement électrique (le black out, le noir complet, le froid..) n’a été évité que grâce à l’hydraulique- ce qui ne peut se reproduire indéfiniment, car l’hydraulique est limité par la géographie !

Conclusion : les énergies renouvelables non pilotables (essentiellement éolien) autres que l’hydraulique n’ayant fait qu’empirer la situation en déséquilibrant le réseau lorsqu’on n’en a pas besoin et étant absentes lorsqu’elles seraient utiles, il nous faut plus de nucléaire, il nous faut du nucléaire nouveau, il nous faut des EPR. Et que ça traine pas trop, il faut un peu de temps pour les construire !

L’EPR fonctionne.  le 29 juin 2018, Taishan 1, l’EPR chinois, devient le premier EPR à produire de l’électricité. Sa mise en service commercial a été prononcée le 13 décembre 2018, après réalisation des tests de mise en service en puissance. Le deuxième réacteur de la centrale de Taishan devrait être mis en service fin 2019 ; la puissance de ces réacteurs (1 750 MW chacun) leur permettra de fournir au réseau électrique chinois jusqu'à 24 TWh d'électricité par an, soit l'équivalent de la consommation annuelle de 5 millions de Chinois. Le site est, par ailleurs, prévu pour accueillir deux autres réacteurs. Superbe résultat de la très ancienne collaboration entre l’industrie nucléaire française et chinoise, sur fond de volonté gaullienne et maoïste d’indépendance énergétique !

L’EPR est un monstre d’efficacité et de puissance. L’EPR a une puissance inégalée de 1 750 MW (900MW pour les réacteurs de Fessenheim ; 3 MW pour une éolienne, mais avec un facteur de charge de 20% contre 80% pour le nuc ;  donc un EPR, un seul EPR, mesdames et mrs, à la louche c’est 2400 éoliennes, soit à peu près, avec un espacement minimal irréaliste, une double rangée d’éoliennes tout le long de la côte méditerranéenne. Suis un peu fatigué, vous laisse faire le calcul de la surface correspondante pour le solaire. Cette forte concentration géographique, maximale, d’une énergie décarbonnée est l’un des grands atouts écologique de l’EPR.

L’EPR permet un gain de l’ordre de 20 % sur la consommation d’uranium naturel par kWh électrique produit. C’est la conséquence de l’effet gros cœur et de la présence d’un réflecteur lourd  en acier.  Le « gros cœur » de l’EPR (241 assemblages pour 205 sur le N4 et 193 sur le 1 300 MW) permet d’une part de minimiser les fuites neutroniques (en minimisant le rapport surface /volume du cœur) ; et d’autre part de fournir plus de puissance tout en sollicitant moins chacun des assemblages, ce qui augmente les marges disponibles et permet d’accroître la souplesse d’exploitation. Le réflecteur lourd en acier entoure le cœur et remplit deux fonctions : réfléchir les neutrons rapides qui sortent du cœur en les renvoyant (limitant donc les fuites neutroniques et conduisant à une meilleure utilisation du combustible) ; et réduire l’irradiation de la cuve par les neutrons de haute énergie (ce qui permet de prolonger l’exploitation du réacteur – 60 ans !  (tiens, votre éolienne, elle tient combien de temps ?)

L’’optimisation de la conception neutronique de l’EPR perme tune utilisation optimale des nouveaux combustibles à haut taux de combustion, L’EPR permet de valoriser et d’optimiser à terme la gestion du plutonium selon les besoins. Il est ainsi dimensionné pour un taux de recyclage de 30 % à 50 % en MOX et peut même accommoder, avec des modifications limités, des gestions 100 % MOX (MOX : mélange d’oxyde d’uranium et de plutonium). Permettant ainsi un taux de recyclage bien meilleur des déchets, il autorise une réduction de 20 % des déchets de moyenne activité à vie longue.

L’EPR possède une dynamique de pilotage unique : ses réacteurs sont capables d’ajuster jusqu’à 80 %, à la hausse ou à la baisse, leur puissance en 30 minutes, et ce, deux fois par jour.

L’ EPR possède une sécurité améliorée. Les améliorations ont porté sur trois objectifs principaux : réduire davantage la probabilité de fusion de cœur ; éliminer pratiquement» les situations accidentelles pouvant aboutir à un relâchement radioactif ; et, en cas de fusion de cœur, garantir par conception que le relâchement radioactif n’entraîne que des mesures de protection très limitées dans le temps et dans l’espace. La conception de l’EPR se distingue notamment par son enceinte de confinement composée de deux parois de béton de 1,3 m d'épaisseur, la face intérieure de la paroi interne étant totalement recouverte d'une peau métallique (le liner), et par un nouveau dispositif appelé récupérateur de corium destiné à recueillir la partie du cœur fondu (corium) qui est susceptible de traverser la cuve (sans cela, le corium pourrait s'enfoncer dans la terre et contaminer l'environnement). En cas de fusion du cœur, le combustible en fusion s’y écoule et y est refroidi par les réserves en eau stockées dans la centrale.  Ce récupérateur de corium, que l’EPR est le premier réacteur au monde à inclure, permet la  limitation drastique des conséquences d’un accident grave.  Le réacteur EPR possède plusieurs autres protections actives et passives contre les accidents nucléaires : quatre systèmes de refroidissement d'urgence indépendants, chacun capable de refroidir le réacteur après son arrêt ; une enceinte de confinement faite de deux épaisseurs séparées, totalisant 2,6 m d'épaisseur; un récupérateur de corium (en cas de perforation de la cuve par le cœur en fusion). Enfin de multiples redondances sont ajoutées, par exemple pour les trains de fourniture d’électricité.
Le niveau d'exposition du personnel aux radiations est réduit d'un facteur deux, et le niveau d'activité des rejets d'un facteur dix par rapport aux installations les plus récentes en service.
La défense en profondeur, principe fondamental de conception du réacteur EPR, se voit ainsi  renforcée principalement par la prise en compte des défaillances multiples, l’amélioration de la protection contre les effets des agressions et la prise en compte des accidents graves - Fukushima (qui n’a causé qu’un décès d’origine nucléaire) est pour plusieurs raisons impossible avec un EPR !  L’EPR incorpore ainsi depuis sa conception les technologies de sécurité les plus abouties et profite de l’expérience unique d’exploitant d’EDF.

L’EPR, un succès qui devrait être franco-allemand et qui sera un succès franco-chinois.

L’EPR, comme son nom l’indique (European Pressurized Water Reactor), était au départ un projet franco-européen, en fait surtout franco-allemand. En 1989, la France et l’Allemagne décident de lancer un programme commun de recherche et développement pour une nouvelle génération de réacteurs et Framatome et Siemens constituent une filiale commune, NPI (Nuclear Power international. Le projet EPR est lancé en 1992 mains l’ambition allemande prend fin en 1998F,avec l’abandon criminel par l’Allemagne de l’énergie nucléaire- choix aggravé  en 2002 avec une loi interdisant la construction de nouveaux réacteurs.
L’EPR survivra, grâce à la France et à la Chine. Fin 1998, le design est terminé. La matérialisation industrielle de l’EPR commence en 2003, année où le finlandais TVO choisit le réacteur français. Le choix finlandais est suivi en 2005 par celui de la France pour une tête de série à Flamanville. En 2007, AREVA et le chinois CGN signent un contrat pour la construction de deux réacteurs sur le site de Taishan, dans la province du Guangdong.
C’est Taishan I qui devient le premier EPR à entrer en fonctionnement. Pourquoi ? l’alliance franco-chinoise a su profiter des problèmes des chantiers précédents (qui ne sont pas tous techniques, mais résultent parfois de changements de spécifications et d’hésitations politiques, comme en Finlande. Ensuite, la Chine, qui s’est lancée dans le plus massif programme d’équipement nucléaire (50 % des réacteurs construits dans le monde dans les vingt ans le seront en Chine), possède maintenant un excellent réseau de sous-traitants alors qu’au contraire, la France, en raison de l’arrêt pendant de longues années du programme nucléaire pour des raisons purement politiciennes (les pressions des bigots écologistes), a perdu une partie de son savoir-faire. Conséquence : les forges chinoises n’ont pas connu les problèmes des forges françaises quant à la fabrication de la cuve et de son couvercle.

L’EPR sera un succès commercial. Après la Chine, l’Angleterre  a commandé à  EDF deux EPR sur le site d’Hinkley Point, dans le Somerset. D’ores et déjà, l’EPR est le nouveau réacteur vendu dans le plus de pays étranger, et l’(Inde, l’Arabie saoudite, la Tchèquie s’y intéresse. Des discussions sont en cours avec l’Afrique du Sud (post-2030),la Pologne, l’Indonésie et le Brésil.

Avec des chantiers dans quatre pays différents, la technologie EPR a été adaptée à différents climats : subtropical humide chaud comme à Taishan, ou encore continental modéré comme à Olkiluoto en Finlande. Ainsi, en Chine, les échangeurs ont été conçus pour transporter une eau de la source froide de 32°C – contre 15-17°C au maximum en mer du Nord ou dans la Manche (Flamanville).
Le cas de l’Angleterre est particulièrement intéressant ; cette ancienne puissance nucléaire a tellement laissé périclité son industrie nucléaire qu’elle en a perdu ses compétences et se trouve maintenant obligée de recourir à la France et à la Chine pour des EPR et pour des Hualong, évolution future de l’EPR chinois dans laquelle la France possède une participation.
 Car l’EPR n’a pas dit son dernier mot, et les difficultés des premiers chantiers ont été prises en compte. Si la Chine prépare son Hualong, EDF prépare un EPR 2 plus facilement industrialisable ; il s’agit par exemple de standardiser les équipements Ainsi, sur l’ilot nucléaire, le nombre de spécifications de tuyaux a été divisé par 3. Gage de qualité et de rapidité, la préfabrication en usine est mobilisée au maximum, avec des pré-assemblages d’équipements et des soudures réalisées en usines. Le bâtiment des auxiliaires électriques non nucléaire sera même entièrement modulaire, acheminé par camion sur le site. Les estimations vont vers une réduction de 30% des coûts.

Des EPR, vite !

Même pour le petit de froid du vendredi 14 décembre 2018 , nous étions au taquet du nucléaire (Non, mais vous vous imaginez sans électricité ?). Nous avons dû importer. Et dans le futur, grâce à son génial refus du nucléaire, l’Allemagne, dans ce genre de situation, ne sera plus exportatrice, mais importatrice. La Belgique, à son rythme plus lent, suit la même voie. L’Italie et l’Espagne ? Bon normalement, il y fait moins froid – et c’est même pas sûr. Donc, le grand noir est devant nous.
Nous avons besoin d’EPRs. Au pluriel ! Le secteur de l’énergie s’inscrit dans des trajectoires de long terme et la France doit mener dès maintenant une réflexion sur le renouvellement d’une partie de son parc nucléaire. Il est essentiel que cette réflexion soit engagée d’ici 2020 ; d’après la SFEN, qu’il est possible de réduire de 30 % les coûts de construction –grâce à la construction en série (en particulier la construction d’une série de trois paires) –, et de moitié les coûts liés au financement, grâce à une répartition des risques plus efficace.


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