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samedi 16 mars 2019

Prud’hommes : l’Etat macronien s’énerve


Les ordonnances Macron…  mal en point….

Entrées en vigueur en début de quinquennat, les ordonnances Macron réformant le Code du travail, encadrent le montant des dommages et intérêts d'un salarié en cas de licenciement abusif et prévoient leur plafonnement à vingt mois de salaire brut sauf en cas de discrimination, harcèlement ou atteinte aux libertés fondamentales. Or ces derniers mois, une quinzaine de conseils de prud'hommes (Troyes, Amiens ou encore Lyon), sont passés outre ce barème, l'estimant contraire au droit international et notamment à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Celle-ci dispose que les tribunaux compétents de chaque pays doivent pouvoir «ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée» en cas de licenciement injustifié.

Ainsi, à Troyes : dans un jugement daté du 13 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de la ville a pris la décision de passer outre le montant limite fixé par les ordonnances pour les dommages et intérêts que peuvent réclamer des salariés qui entameraient une procédure aux prud'hommes pour licenciement abusif. Dans son jugement, le conseil de prud'hommes de Troyes estime que ce plafonnement est contraire non seulement à la charte sociale européenne, mais aussi à la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT). Le conseil des prud'hommes de Troyes conteste ces limites : « Ce plafonnement ne permet pas aux juges d'apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu'ils ont subi ». Et de noter que, selon eux, "ces barèmes ne permettent pas d'être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié. Leur conclusion est sans appel : Ces barèmes sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables.

En réponse dans une tribune publiée par Le Monde, le ministère du Travail affirmait que par ces jugements, ce n’est pas la légalité de la grille qui est interrogée mais plutôt « la formation juridique des conseillers prud’hommaux ». Ben voyons ; les petits juges de proximité ne comprennent rien aux subtilité juridiques, il faut les rééduquer. Pas décidé à se laisser ainsi taper sur ses doigts de mauvais élève, le tribunal de prudhommes de Troyes a rétorqué : « Mettre en cause notre autorité, notre compétence, et le principe de la séparation des pouvoirs, qui constitue pourtant l’un des fondements de notre démocratie, est scandaleux et porte atteinte à l’autorité de la justice et à son indépendance».

Suite à Amiens : Le conseil des prud'hommes d'Amiens a rendu une décision le 19 décembre dernier concernant le licenciement, jugé abusif, de l'ancien salarié d'un commerce. Une semaine après celui de Troyes, le conseil des prud’hommes d’Amiens a jugé contraire au droit international le plafonnement des indemnités versées par la justice à un salarié qui a subi un « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Selon la décision rendue par les conseillers le 19 décembre dernier ces modalités sont « contraires à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail ».
Le texte, dont les prud’hommes rappellent qu’il a été ratifié par la France en 1989, stipule que les juridictions nationales doivent pouvoir « ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation » en cas de licenciement abusif. Or le conseil a estimé que « le salarié [licencié] subit irrémédiablement un dommage [...] d'ordre psychique mais également d'ordre financier », l'indemnité versée par Pôle Emploi ne maintenant pas ses revenus au niveau antérieur.

Suite à Lyon : le 21 décembre à Lyon, les conseillers des prud'hommes ont invoqué le droit international, notamment la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, ou la Charte sociale européenne pour ne pas tenir compte du plafonnement des indemnités. Le jugement de Lyon ne cite jamais directement le barème Macron, tout en se basant sur l'article 24 de la Charte sociale européenne qui indique "le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée". L'affaire opposait une employée, qui a bénéficié de plusieurs CDD et demandait la requalification en CDI, à une association de familles de personnes handicapées. Cette employée a obtenu un mois de salaire au titre de ce jour de travail, un mois de salaire pour préavis de licenciement non effectué, et un moins de salaire pour préjudice moral. Elle a également obtenu trois mois de salaire au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ou sérieuse. Si le barème de 2017 avait dû être suivi, elle n'aurait obtenu qu'un seul mois de salaire.

Le gros bâton du ministère de la justice- Même pas peur !

Ces trois décisions sont-elles le début d'une lame de fond suivie par d'autres jugements ? C’est en tous cas ce que semble craindre le ministère de la justice qui a adressé il y a quelques jours une circulaire à l'ensemble des procureurs généraux auprès des cours d'appel afin de répondre à la multiplication des jugements prud'homaux qui refusent d'appliquer le barème fixé par les ordonnances Macron en cas de licenciement abusif. Dans la circulaire de deux pages, datée du 26 février, et révélée tardivement ( ils ne s’en sont pas s vanté) la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, demande aux présidents de cours d'appel et de tribunaux de grande instance d'informer la direction des affaires civiles du sceau des nouvelles décisions qui écartent le barème d'indemnités prévu par les ordonnances.

C’est assez exceptionnel que le ministère de la Justice rappelle ainsi la manière dont la loi doit être appliquée. Mais il existe un précédent fâcheux… pour le gouvernement :  En 2008, le ministère de la Justice avait rédigé un document semblable, alors que plusieurs décisions de justice avaient contesté la validité du contrat nouvelle embauche (CNE). Au final, la Cour de cassation avait finalement donné raison aux juges qui estimaient le contrat contraire aux dispositions de la même Convention 158 de l'OIT . Ils avaient considéré que le CNE demeurait soumis aux règles «applicables à tout contrat de travail à durée indéterminée» et que sa rupture devait par conséquent être motivée.

Les ordonnances Macron vers l’euthanasie ?

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