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jeudi 16 avril 2020

Après les margoulins de l’éolien, les arnaqueurs des méthaniseurs : quand France Stratégie tacle l’Ademe (4)


Episodes précédents, ou comment le lobby gazier manipule l’idée de gaz vert pour favoriser des projets de méthanisation déments, inutiles voire défavorables pour les émissions de carbones, dangereux et polluants, hautement subventionnés, et qui mettraient en péril la sécurité alimentaire en France.

Les délires habituels de l’Ademe.

L’Ademe, qui a perdu tout caractère scientifique pour se muer en agence de propagande au service des ENR s’est embarqué dans un scénario cosponsorisé par Grtgaz et GRDF : 100 % de gaz renouvelable en 2050, un scénario réaliste selon l'Ademe. Celui-ci a fait l’objet d’une présentation très favorable dans l’Usine Nouvelle (https://www.usinenouvelle.com/article/100-de-gaz-renouvelable-en-2050-un-scenario-realiste-selon-l-ademe.N645273); https://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050

« Selon une étude de faisabilité technico-économique de l’Ademe, la France pourra mobiliser suffisamment de ressources primaires pour produire tous les gaz renouvelables, biogaz et gaz de synthèse, dont elle aura besoin en 2050. Et à des coûts presque compétitifs.
a France autonome en gaz en 2050 ? Les industriels du gaz affirment que c’est possible grâce à la production de biogaz par méthanisation des déchets organiques, à la gazéification de biomasse sèche et au power-to-gas, qui permet de produire du gaz de synthèse à partir du captage de CO2 industriel et d’hydrogène vert produit à partir d’électricité renouvelable. La première technologie est mature, les deux autres devraient l’être en 2050. Reste à savoir s’il sera possible de faire correspondre les ressources avec les besoins de production pour répondre à la demande.

En se basant sur son scénario 100 % renouvelable 2035-2050, l’Ademe a réalisé cette étude de faisabilité technico-économique, avec GRTgaz et GRDF. Sans donner de trajectoire, l’étude a évalué le gisement théorique de ressources primaires mobilisables et son potentiel. Il serait au total de 620 TWh dont 390 TWh provenant de la biomasse (230 TWh du bois et ses dérivés, 130 TWh des sous-produits agricoles, 15 TWh des biodéchets et 14 TWh des algues), 205 TWh de l’électricité et 25 TWh des énergies de récupération (combustibles solides de récupération, hydrogène fatale…). »

Une présentation très peu critique, où l’on apprend quand même :

1) l’Ademe suppose une demande de gaz réduite de 40 % par rapport à notre consommation actuelle, sans dire ni pourquoi, ni comment
2) le coût de production du gaz renouvelable irait de 105 à 153 €/MWh. Des coûts compétitifs ( ???), selon les auteurs de l’étude, qui tablent en 2050 sur un prix de 86 €/MWh de gaz naturel en tenant compte d’une taxe carbone à 200 € la tonne de CO2.
3) Mais en en optimisant les coût de collecte de 10.000 unités très décentralisées ( Ouh là, il va falloir en construire des gazoducs…au fait, GRDF est un des sponsors de l’étude) ;
4) et en améliorant la rentabilité des technologies (Facile, il ya qu’à)
5) et en écartant totalement l’idée de cultures énergétiques dédiées, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni. (donc en faisant autrement que ce qu’ont fait les deux pays qui ont investi le plus dans le biogaz…ben voyons) ?

Bon, je rappelle quand même que selon les estimations du Collectif Méthanisation Raisonnée ( donc, pas des adversaires inconditionnels) : 10 % de méthanisation de gaz impliquerait la mise en service d’environ 5784 méthaniseurs, soit plus de dix fois plus qu’actuellement et de  consacrer plus de 18 000 km2 - soit la superficie de trois départements français - à des cultures servant uniquement à alimenter les méthaniseurs. Alors, pour 100% ? 42.800  méthaniseurs de « gros calibre » seraient nécessaires

En gros, le 100%gaz renouvelable de l’Ademe, c’est comme son 100% renouvelable : ça pose des problèmes qu’on ne sait pas résoudre et pour lesquels on a même aucune solution en vue, mais à supposer ces problèmes résolus, ca pourrait le faire ! C’est plus de la science, ni de la technique, mais de la pensée magique !

La réponse de France Stratégie, ou quand France Stratégie pulvérise l’Ademe.


1) développer les usages du gaz n’a aucun sens en France. Au contraire, il faut les diminuer !

« Le gaz a, d’un point de vue environnemental, une bonne image auprès du public : sa combustion émet peu de particules et de polluants, et moins de CO2 que le pétrole et que le charbon. En particulier, là où les centrales à charbon les plus modernes émettent environ 800 g de CO2 par kWh5, une centrale à gaz actuelle en émet entre 350 g et 400 g. ( l’Ademe elle-même considére 1000 gCO2éq/kWh. pour le charbon, 600, pour le gaz, 6.- pour le nucléaire) »

Dans les pays charbonniers, le recours au gaz fait donc sens dans le cadre de la transition énergétique, même s’il ne peut qu’être transitoire si l’on veut in fine atteindre la neutralité carbone. Mais la question se pose de façon radicalement di­fférente en France, dont le mix de production d’électricité est aujourd’hui déjà très décarboné, avec un petit nombre de centrales à charbon encore en fonctionnement jusqu’en 2022 et un volant résiduel de centrales au gaz (respectivement 1,8 % et 7,7 % de notre production d’électricité)

Pour autant, le gaz est à l’origine de l’ordre de 20 % de nos émissions de gaz à eff­et de serre. Près de la moitié de la consommation de gaz est imputable au résidentiel et au tertiaire (bureaux, commerce, bâtiments publics, etc.), pour le chauff­age des locaux principalement, mais aussi de l’eau chaude sanitaire et de la cuisson. »

Commentaire : en France, pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre et arriver à la neutralité carbone, substituer du gaz au gaz, fut-il vert, n’a aucun sens (et substituer du nucléaire par du gaz prétendu vert, c’est encore pire !) ; Ce qu’il faut, c’est substituer au gaz lorsque c’est possible l’électricité fortement décarbonée grâce au nucléaire. Et France Stratégie revient donc sur l’absurdité de la réglementation thermique du bâtiment :

« À cet égard, la réglementation thermique actuelle applicable aux bâtiments neufs, fixée en 2012, est contreproductive : parce qu’elle vise avant tout à réduire la demande d’électricité « à la pointe » — c’est-à-dire lors des périodes d’hiver, où elle est la plus forte — et à baisser la consommation d’énergie, elle a certes conduit à réduire le nombre de chauff­ages électriques peu performants et à développer les pompes à chaleur, mais elle a aussi renforcé la pénétration du gaz comme vecteur de chauff­age des locaux (graphique 3) et de l’eau chaude sanitaire, contribuant ainsi à l’augmentation des émissions de gaz à eff­et de serre du secteur résidentiel tertiaire. Cette réglementation thermique, qui prône la disparition des ballons d’eau chaude, apparaît d’autant plus dommageable que ces ballons constituent un moyen de stockage de l’énergie électrique et de lissage des consommations, très efficace pour profiter des heures creuses de nuit…De fait, la conversion d’électricité en chaleur (power-to-heat) est un des moyens les plus commodes et les moins coûteux (contrairement au power-to-gas,) pour flexibiliser la demande d’électricité. »

2) Du gaz, pour quoi faire ? Essentiellement pour l’industrie

« Trois usages du gaz restent a priori envisageables : les transports, la production d’électricité flexible et l’industrie. »

a) Les transports : des besoins limités explique France Stratégie !

Dans le transport de marchandises (camions, trains, navires), le gaz est présenté par ses promoteurs comme un vecteur de décarbonation privilégié au motif que sa technologie, parfaitement éprouvée, peut remplacer avantageusement et à grande échelle le diesel, en émettant moins de CO2…en fait, bof !
Dans le transport de marchandises, l’urgence se situe du côté des poids lourds. Avec une consommation de huit milliards de litres de diesel annuel, ils sont responsables de 6 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Le gaz est-il une alternative pour autant ? Oui et non. Sachant qu’un véhicule au gaz n’émet que 10 % d’émissions de moins qu’un véhicule diesel, l’usage du gaz fossile n’est pas rentable « climatiquement », même de façon transitoire….Une solution consisterait à passer à l’électrique pour les poids lourds effectuant de courtes distances (moins de cent ou deux cents kilomètres) et à réserver l’usage du gaz aux camions parcourant des distances supérieures (que l’autonomie des véhicules électriques ne permet pas encore). Ceci dit, d’autres technologies (hydrogène, biocarburants sont également envisageables.

b) la production électrique : pas de besoins

L’usage de turbines à gaz venant suppléer le solaire ou l’éolien (non stockables) en cas de production insuffisante est utile, sans pour autant constituer la solution. Si c’est en effet le rêve des Allemands pour décharbonner leur électricité, en France « les quantités en jeu sont aujourd’hui faibles.

Rappelons-le, la décarbonation de l’électricité, n’est pas, ne devrait pas être un sujet en France, puisque nous avons, grâce au nucléaire, l’électricité la plus décarbonée au monde. Et si on remplace, du nucléaire par de l’éolien plus du gaz, on ne décarbone pas, on recarbone ! 
Voici, par exemple les perormances de la Frace grâce au nucléaire !


c) la production industrielle : des besoins qui resteront, voire augmenteront


« Enfin, dans l’industrie, le gaz naturel est utilisé comme matière première notamment pour la fabrication d’hydrogène (à plus de 95) et d’ammoniac, dont le secteur de la fabrication d’engrais est le principal client. Il est également utilisé pour celle du méthanol, conduisant à la fabrication des colles, adhésifs et plastiques thermodurcissables, ou pour la fabrication de l’acide cyanhydrique, lui-même à la base des résines acryliques et du plexiglas. Au final, dans les procédés où la chimie du méthane et de ses dérivés est indispensable, son usage devrait se maintenir, voire s’amplifier si l’activité des segments industriels concernés est dynamique. »

Des besoins en gaz qui resteront importants pour l’ industrie, mais comment le produire ?

« Autre enseignement majeur de cette étude : il n’est pas certain qu’une offre de gaz renouvelable puisse répondre à ces besoins spécifiques en gaz, aussi limités soient-ils in fine. De fait, les trois technologies disponibles pour produire du gaz renouvelable n’ont pas encore fait la preuve de leur rentabilité dans une perspective de développement à grande échelle. »

La méthanisation, ça va pas le faire ! Pas assez de terres !

La plus mature d’entre elles, la biométhanisation, permet à un agriculteur d’utiliser les déjections animales et certains résidus d’origine agricole pour produire du gaz, traiter ses déchets et diminuer fortement sa consommation d’engrais chimiques. Une martingale environnementale… qui n’a fourni au réseau que 0,08 % de la consommation de gaz française en 2017. Dit autrement : il faudrait multiplier la production par un facteur supérieur à 70 pour atteindre les 10 % de gaz renouvelable à horizon 2030 prévus par la loi relative à la transition énergétique. On est donc loin du compte.

La méthanisation permet à un agriculteur tout à la fois de produire du gaz, de traiter ses déchets et de diminuer fortement sa consommation d’engrais chimiques, en utilisant les digestats riches en azote et en phosphore issus du traitement (et dans la mesure où ils respectent les obligations réglementaires relatives à leur valorisation). Elle peut donc lui assurer un complément de revenu. Elle suppose cependant de sa part l’acquisition de nouvelles compétences, plus proches de l’industrie que de l’agriculture, et une dépense initiale relativement importante, de l’ordre de 200 à 800 k€, notamment pour épurer le biogaz avant de l’injecter dans le réseau, et ne garder que le méthane. En comparaison du prix du gaz sur le marché européen (environ 20 €/MWh), son coût de production, voisin de 85 à 100 €/MWh, et son tarif de rachat restent aujourd’hui élevés pour la collectivité.

L’association France Nature Environnement souligne par ailleurs qu’il faut absolument adapter la taille des unités de méthanisation à celle des installations agricoles pour ne pas aboutir, comme en Allemagne, à des cultures dédiées au détriment de l’alimentation. À défaut, le bilan carbone de l’opération deviendrait nettement plus mauvais, puisque d’autres surfaces devraient être dégagées (déforestation) pour les besoins alimentaires. . Dans ce pays, la production d’électricité à partir de biomasse a atteint un pic de production de 47 TWh (8,5 % de la production totale) après 2014, date à laquelle de nouvelles cultures dédiées ont été interdites, l’Allemagne étant redevenue importatrice de céréales.

La pyrogazéification ou le retour du gazogène ! Et la disparition des forêts

La pyrogazéification du charbon et du bois est une technique ancienne bien connue : le gazogène est vieux de plus de deux cents ans et le gaz de ville nous a éclairés pendant tout le XIXe siècle et le début du XX… Son principe est la transformation du bois en gaz, sous l’effet de la chaleur – et la méthanation – transformation de l’énergie électrique en gaz de synthèse par production d’hydrogène puis combinaison avec du CO2 – elle butent non seulement sur des problèmes de coûts élevés et de rendements faibles mais également sur celui de la disponibilité de la ressource : bois et hydrogène.

En particulier, le gaz renouvelable produit par cette technique ne devrait pas servir pour le chau­ffage, puisque l’utilisation directe du bois pour cela est de meilleur rendement.

Des prélèvements importants de bois à des fins énergétiques (entraînant éventuellement une augmentation parallèle de la consommation de bois d’œuvre) pourraient conduire cependant à une baisse du carbone stocké chaque année dans la forêt. Dans les scénarios réalisés par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) en juin 2017 pour le ministère de l’Agriculture, la différence dans le stockage du carbone entre une exploitation beaucoup plus forte de la forêt (correspondant par exemple à un scénario 100 % gaz renouvelable et au développement de la pyrogazéification) et un scénario opposé d’extension des surfaces forestières couplée à de moindres prélèvements, s’élève à plusieurs dizaines de MtCO2eq/an en faveur de ce dernier scénario. À titre de comparaison, la consommation de gaz naturel en France émet aux environs de 88 MtCO2/an. »

Conclusion : Après s’en être pris à nos cultures alimentaires, le scenario 100% biogaz de l’Ademe pulvériserait nos forêts avec même un bilan carbone négatif !

Le mythe du Power to gaz.  Ben il faudrait des innovations disruptives !

Le power-to-gas consiste à transformer l’énergie électrique en gaz de synthèse par production d’hydrogène puis par combinaison avec du CO2 par méthanation. Il existe deux démonstrateurs en cours :  JUPITER 1000 mené par GRT Gaz à Fos-sur-Mer et démarré en 2018 pour la production et l’injection dans le réseau de transport de gaz naturel de méthane de synthèse (environ 25 m3 /h pour un coût annoncé total de 30 millions d’euros) et GRHYD à Dunkerque.
Le développement du power-to-gas dépendra ainsi de la faculté des chercheurs à mettre au point des technologies disruptives, nettement moins coûteuses.

D’ailleurs, parlons  coût : « Le coût du méthane fabriqué par les pilotes du « power to gaz » atteint 8000€/MWh soit 500 fois le prix du marché, cet écart étant hors de portée de mesures d’optimisation ou de progrès technologique à court et moyen terme. »

La disponibilité de la ressource se pose également. L’Ademe recense dans son étude « 100 % de gaz renouvelable » un potentiel de 205 TWh d’électricité renouvelable excédentaire qui eprésente 40 % de la consommation actuelle d’électricité.
Et pour quoi faire ? S’il s’agit de remplacer le gaz dans ses utilisations industrielles, c’est scandaleusement inefficace et  idiot au point de vue bilan énergétique. Et s’il s’agit de remplacer le gaz pour le chauffage, la conversion d’électricité en chaleur (power-to-heat) est un des moyens les plus commodes et les moins coûteux (contrairement au power-to-gas) pour flexibiliser la demande d’électricité….
Et France Stratégie, avec un certain humour, appelle à se méfier d’un système qui aboutirait « à « utiliser de l’électricité pour produire du gaz, qui servirait au même moment à produire de l’électricité !) ».

Et le bilan économique ?

Bilan : l’Ademe a calculé que l’utilisation conjointe de ces trois énergies renouvelables (méthanisation, pyrogazéification, power to gas) pour satisfaire une demande de gaz réduite de 40 % par rapport à notre consommation actuelle entraînerait une multiplication du coût de production du gaz par un facteur compris entre 2,5 et 4.

En faisant l’inventaire des perspectives du gaz vert, France Stratégie constate qu’aujourd’hui que leurs coûts seraient 3 ou 4 fois plus importants que ceux du gaz importé. D’autre part la gazéification des ressources de biomasse disponibles conduit à environ la moitié du rendement énergétique de leur utilisation dans des réseaux de chaleur.
Le coût du méthane fabriqué par les pilotes du « power to gaz » atteint 8000€/MWh soit 500 fois le prix du marché, cet écart étant hors de portée de mesures d’optimisation ou de progrès technologique à court et moyen terme.
Des prélèvements importants de bois à des fins énergétiques (entraînant éventuellement une augmentation parallèle de la consommation de bois d’œuvre) pourraient conduire cependant à une baisse du carbone stocké chaque année dans la forêt

Conclusion de France Stratégie ! « Le remplacement du gaz fossile par du gaz renouvelable relève encore largement du pari », concluent les auteurs. Miser sur d’autres options est donc une nécessité. Au risque sinon de ne pas atteindre la neutralité carbone en 2050.

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