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dimanche 27 février 2022

Coût de l’électricité : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les TRV…

 Excellente tribune de Gerard Petit dans European Scientist : Contre l’envol des factures d’électricité : « il était une fois… » un pays qui avait fait de bons choix

https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/contre-lenvol-des-factures-delectricite-il-etait-une-fois-un-pays-qui-avait-fait-de-bons-choix/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter

Extraits :

La merveilleuse martingale de l’ARENH

« Pour mesurer à quel point nous avons distordu notre marché intérieur de la fourniture d’électricité, pour y faire entrer de force une fausse concurrence, il faut s’armer de courage et consacrer un peu de son temps (sur le site de la CRE(1), ou ceux des Assemblées Parlementaires) pour mieux approcher les arcanes du système…Dans le schéma institué par la loi NOME,  EDF ne se trouve pas seulement face à des concurrents, dans une arène où tous joueraient le même jeu -ce qui, en soi, pourrait s’entendre- mais elle est contrainte de les nourrir grassement, pour qu’ils grandissent vite et puissent mordre efficacement la main qui les sustente..

Ce dispositif dit ARENH distribue la manne en fonction des « portefeuilles clients » des fournisseurs qui en font la demande (80 actuellement, un chiffre à considérer en soi, car il traduit clairement un effet d’aubaine), et parmi eux, des « majors » du secteur de l’énergie, comme Total, ENI, Vattenfall, Iberdrola, Engie, SNCF énergie,..)

A noter qu’Exeltium, un consortium français de consommateur « électro-intensifs » bénéficie de conditions assimilables à l’ARENH (et qui viennent en déduction du volume d’ARENH).

Il est d’ailleurs choquant que la loi contraigne EDF à « biberonner » le géant Total (devenu récemment Total-Energies), pour faciliter sa pénétration du marché de la fourniture d’électricité (via le rachat de « Direct Energie »). Cette situation est parfaitement surréaliste, surtout lorsqu’on sait avec quelle âpreté Total a œuvré pour que la part de la production d’EDF cédée pour l’ARENH, passe de 100 TWh à 150 TWh , mais qui, dans sa requête contre EDF, quand il refusait d’enlever sa part réservée d’ARENH, en pleine crise du Covid, n’a finalement pas été suivi par le Conseil d’Etat, après avoir gagné devant la juridiction commerciale…

Cette merveilleuse martingale a fait vivre grassement, toute une cohorte d’affairistes opportunistes, s’affichant souvent par ailleurs, comme fournisseurs d’électricité verte (grâce au mécanisme obscur des garanties d’origine, qui permet de s’afficher « vert », sans vrai fondement, mais avec un surcoût pour l’utilisateur, doublement abusé donc… »

Dès 2017, une tendance haussière s’est établie sur les marchés, due à l’ajustement des flottes pilotables et à l’augmentation progressive du prix du gaz et de celui du carbone (les mix, hors de France, restant encore largement fossiles). .. Pour les « alternatifs » le recours au marché est donc devenu pénalisant, et a provoqué un repli vers l’ARENH (après une demande nulle en 2016 !) avec demande corrélative que son volume soit accru de 100 TWh à 150 TWh. Mais cette disposition, pourtant votée en 2019 par les parlementaires , n’a pas été acceptée par Bruxelles.

La mécanique infernale des TRV modifiés, conjuguée à l’ARENH, risque de tuer lapoule aux électrons d’or

« En 2014, le Gouvernement a décidé de changer le mode de calcul des TRV, dans une logique dite « d’empilement des coûts », afin que les TRV, valeurs repères pour les « alternatifs », reflètent mieux les conditions de leur approvisionnement (ARENH + marché), sans plus de référence aux coûts de production d’EDF….

Le marché de l’électricité est en effet piloté par le coût de production de la dernière centrale appelée (dans une logique de « merit order ») pour assurer l’équilibre offre-demande sur la plaque européenne, or c’est le plus souvent une unité « Cycle Combiné Gaz », pour laquelle (à la différence du nucléaire) c’est le prix du combustible qui fabrique le coût du kWh.

Quand le prix du gaz s’envole, celui de l’électricité suit…sans corrélation avec le coût de production des centrales de notre territoire national (nucléaire + hydraulique + EnRs), l’appui sur le gaz, bien réel, restant cependant relatif.

Les TRV, construits en intégrant les prix de marché, s’envolent donc, à l’unisson, provoquant la crise que l’on connait. Au prochain ajustement, programmé le 01/02 (14) la CRE prévoyait en effet une augmentation de l’ordre de 40% !!…à moins de 100 jours d’une séquence électorale majeure… la situation paraît inextricable.

Pour contenir cette hausse (la limitant au final à  4%, soit dix fois moins),le gouvernement a fait un triple choix :

D’abord diminuer les taxes (en réduisant l’impopulaire CSPE de 22,5€/MWh, à 0,5€/MWh..) ce qui fait baisser mécaniquement toutes les factures, mais crée un manque à gagner pour l’Etat de 8Mds€.

Puis modifier la formule de calcul des TRV en pondérant différemment les différents composants

Enfin, pour secourir spécifiquement les « alternatifs », très exposés aux prix de marché (pour les raisons dites supra), il a été décidé d’augmenter le volume de l’ARENH qui passerait de 100 TWh à 120 TWh (cet accroissement étant un peu mieux rémunéré (de 42€/MWh à 46,2€/MWh)).

Pour EDF, c’est une charge supplémentaire qu’elle estime à 8Mds€, en partie parce que ces 20 TWh supplémentaires, elle devra se les procurer sur les marchés qui flambent, car ils étaient déjà « placés » dans des contrats conclus avant la crise. Mais hors cette difficulté conjoncturelle (qui affectera certainement plusieurs exercices), EDF se voit désormais contrainte de céder, à vil prix, plus d’un tiers de sa production nucléaire à ses concurrents pour que ceux-ci puissent survivre…au moins jusqu’à 2025, l’horizon fixé par la loi.

Cette dernière décision est lourde de conséquences pour EDF, alors que le besoin d’investir pour l’entretien de son parc nucléaire (un outil plus essentiel que jamais au système), est patent, sans parler du financement de l’achèvement des EPR de Flamanville et de Hinkley Point et de celui des nouveaux projets « envisagés » par le Gouvernement, en France, mais aussi à l’étranger.

Les syndicats, unanimes, soutenus par leur Direction, ont battu le pavé pour dénoncer la mauvaise part faite à EDF, et le cours de Bourse a « dévissé » de 20%.

Le risque de tuer la poule aux électrons d’or est bien réel, malgré les dénégations gouvernementales (Barbara Pompili) et de la CRE (Jean François Carenco), qui parlent seulement de manque à gagner pour EDF…

Des gouvernements hémiplégiques

« Le  Gouvernement a une lecture hémiplégique de la situation, car enfin, la cause de tous ces dysfonctionnements aux conséquences très dommageables, est bien le maintien de cette concurrence artificielle, une fiction énergétique qui a abusé bien des consommateurs et enrichi des affairistes opportunistes.

Sans la création d’un terrain de jeu pour ces « alternatifs » (l’ARENH) et la fabrication d’un bouclier tarifaire à leur avantage (car faisant fuir des clients d’EDF pouvant toujours trouver moins cher que les TRV), la situation actuelle ne présenterait aucun des traits aigus actuels et surtout, EDF, le socle de notre système, ne serait pas durablement affaibli, cette vulnérabilité offrant de nouvelles armes à ses détracteurs historiques.

Si on avait laissé EDF jouer de ses atouts hydro-nucléaires, c’est-à-dire laissé l’entreprise fixer librement ses tarifs sur le marché européen (suffisamment vaste et peuplé de poids lourds, sans risque donc qu’elle n’apparaisse en position dominante), il est clair que la France ne connaîtrait pas cette crise qui, compte tenu des attendus développés dans cet article, devrait durer, comme donc les pseudo-palliatifs qui grèvent EDF. »




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