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dimanche 13 mars 2022

Académie des sciences, Académie des Beaux-Arts, Académie des Sciences Morales et Politiques : Quelle place pour les éoliennes dans le mix énergétique français ?

 https://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/quelle-place-pour-les-eoliennes-dans-le-mix-energetique-francais.html#:~:text=La%20France%20produit%20une%20%C3%A9lectricit%C3%A9,et%20le%20photovolta%C3%AFque%20(2%25).

1) Le constat : un mix électrique fortement décarboné grâce au nucléaire et qui devra le rester

Le questionnement actuel sur la place des éoliennes dans le mix électrique français a conduit les Académies des sciences, des beaux-arts et des sciences morales et politiques de l’Institut de France à croiser leurs appréciations dans l’objectif d’établir un état des lieux et de formuler des recommandations.

La France produit une électricité décarbonée à 92%, assurée majoritairement par le nucléaire (71%), l’hydroélectricité (11%) et, dans une moindre mesure, par l’éolien (6%) et le photovoltaïque (2%). Cette production nationale est insuffisante dès que les températures hivernales sont basses et, sans vent, la France ne peut alors assurer ses besoins qu’en important de l’électricité provenant de sources fossiles.

La production d’électricité éolienne et photovoltaïque se caractérise par une intermittence qui, dans l’état actuel des capacités de stockage de l’électricité, empêche de s’affranchir des combustibles fossiles. Ces derniers, quand ils sont importés, pèsent sur la balance commerciale du pays et alourdissent sa dépendance énergétique.

Si l’électricité produite en France était exclusivement d’origine éolienne, sa production serait en dents de scie avec de fréquentes coupures incompatibles avec une indispensable sécurité globale d’approvisionnement

L’implantation d’éoliennes terrestres et littorales se heurte à des résistances de plus en plus grandes du fait des nuisances qu’elles occasionnent : bruits, dénaturation et défiguration des paysages, perte de valeur patrimoniale des biens immobiliers ou d’attrait touristique des régions concernées.

Les éoliennes doivent être installées dans des territoires où le vent est en moyenne suffisamment fort pour être efficace et suffisamment constant pour être utilisable. Cela conduit à les construire en nombre et à les concentrer dans certaines régions, indépendamment des besoins énergétiques locaux, accentuant ainsi un sentiment d’injustice territoriale. Ces zones choisies sont le plus souvent également importantes pour la protection de la biodiversité car, moins peuplées, elles abritent des espèces rares et parfois sensibles dans des milieux moins perturbés par les actions humaines.

Pour faire face au changement climatique, l’état actuel des connaissances et des technologies impose la mise en place d’un mix électrique bas-carbone nécessairement complexe, combinant énergies renouvelables et nucléaire. Cette dernière devra continuer d’occuper une part importante du mix énergétique car elle reste la principale source d’électricité décarbonée non intermittente.

Concernant les énergies renouvelables, en plus du potentiel dont dispose toujours le photovoltaïque, les éoliennes offshore, plus susceptibles d’être acceptées par les populations que leurs équivalentes terrestres, offrent des perspectives intéressantes : dotées d’une puissance et d'une disponibilité nettement plus élevées que celles de l’éolien terrestre, elles permettent d’envisager une participation de l’éolien à la hauteur de 25% du mix électrique de 2050.

2) Recommandations et remarques diverses

2_1) Garder un mix énergétique de 50 à 70 % de nucléaire :

Prévoir le déploiement de l’éolien dans un mix énergétique complexe offrant toujours un niveau élevé de source non intermittente bas carbone afin de faire face aux enjeux climatiques en assurant la sécurité d’approvisionnement du pays : cette double garantie est offerte par les centrales nucléaires aujourd’hui.

L’optimisation de leur contribution au mix énergétique reste cependant conditionnée par des innovations et des investissements importants dans le domaine du stockage de l’énergie et du recyclage de leurs matériaux ainsi que par la démonstration qu’elles ne perturbent pas profondément la biodiversité des milieux où elles sont déployées

Le maintien d’une proportion élevée d'électricité à partir du nucléaire reste nécessaire, une proportion de 50 à 70 % signifiant la construction d’une à deux centrales par an. Il s’agit d’un défi industriel qui implique notamment une reconstitution rapide des expertises susceptibles d’avoir été perdues depuis la construction des centrales actuellement en activité. Une stratégie industrielle compatible avec cette nécessité devra donc être mise en place.

Investir dans le développement du stockage de l’énergie avec des stratégies cohérentes dans le contexte français. Ceci reste une des conditions nécessaires au déploiement des énergies renouvelables intermittentes et notamment de l’éolien offshore…

2-2) Des ordres de grandeur à garder en tête

Le scénario qui fait appel à la plus petite quantité de renouvelables (il porte le numéro NO3), satisferait à la consommation électrique prévue par RTE, avec 43 GW d’éolien terrestre et 22 GW d’éolien en mer. Pour apprécier ce que cela signifie, il suffit de retourner aux puissances indiquées ci-dessus : ces puissances demandent environ 15 000 éoliennes terrestres et 44 grands parcs d’éoliennes off-shore du type de celui qui est prévu pour la baie de Saint-Brieuc (bloqué pour l’instant). Notons que les puissances citées ici sont des “puissances-crête’’ dont la production effective est à pondérer par les facteurs de charge !

Et il ne faut pas oublier les besoins de stockage qui vont avec : « Dans un scénario comme le N03 à 50% nucléaire, les auteurs de l’article cité ci-dessus indiquent qu’il faudrait pouvoir stocker 70 TWh/an (et plus du double dans un scénario 100% ENR) par un accroissement simultané des stations de pompage hydraulique, des centres de stockage électrochimiques (batteries) de grande dimension, et des électrolyseurs capables de produire de l’hydrogène puis de le comprimer. »

Le problème du rendement de ces installations devient alors crucial. C’est ainsi que le stockage sous forme ‘d’hydrogène vert’ produit par électrolyse de l’eau, le procédé ‘Power-to-H2-toPower’, n’a qu’un rendement de 23% : on consomme 4 kWh électriques pour ne produire in fine qu’1 kWh développées ci-dessous, ces chiffres mettent en évidence des stratégies qui semblent irréalisables, si on adoptait une politique 100% ENR, en particulier à cause de l’absence de moyens de stockage adaptés à l’intermittence.


2-3) le mur du démantèlement des pales : peu compatible avec la faible empreinte environnementale !

La durée de vie d’une éolienne est courte, de l’ordre de 20 ans, et impose un démantèlement ou une remise en état régulière des installations. un défi majeur actuellement dans le recyclage des pales. En effet, sans innovation importante dans ce domaine, le démantèlement des parcs français déjà installés (dès les années 2025-30) et de ceux à venir promet des gisements considérables de déchets peu compatibles avec la faible empreinte environnementale annoncée pour les énergies renouvelables. Le déploiement des parcs éoliens est conditionné par un indispensable soutien à l’innovation des filières industrielles à l’origine de nouveaux matériaux composites pouvant intégrer des circuits de recyclage et de revalorisation à forte valeur économique.

Le démantèlement des parcs éoliens (dès 2025 pour les parcs existants et les années suivantes) nécessite le développement de nouvelles solutions sans lesquelles des gisements considérables de déchets seront créés, rendant cette technologie peu compatible avec la faible empreinte environnementale que l’on souhaite attribuer aux énergies renouvelables.

2-4) Un coût de déconstruction largement sous-estimé

La question de la somme provisionnée pour le démantèlement d'une éolienne : selon l'étude faite par un cabinet d'architecture (agence Dominique Perrault), ce démantèlement pourrait aller sur terrain plat jusqu'à 400 000€. Et si le terrain est accidenté le coût peut s'avérer nettement plus important. Quant à la somme provisionnée pour le démantèlement elle ne semble pas s'élever à plus de 100 000€, donc elle reste bien insuffisante.

NB : A cela ajoutons des montages financiers complexes, des parcs vendus et revendus, des sociétés mises en faillite au moment opportun qui rendent parfois très aléatoire le financement du démantèlement définitif.

2-5) Pour l ’acceptabilité des éoliennes, les éloigner !

Les nouveaux projets d'implantation de centrales électriques éoliennes doivent nécessairement faire l'objet d'une meilleure concertation avec les populations locales, et notamment avec les riverains, au sujet de leurs conséquences paysagères et de leurs nuisances potentielles. Seul un plus grand éloignement des éoliennes terrestres et littorales par rapport aux habitations pourrait adoucir le contexte de dégradation du paysage qui met les populations humaines en souffrance.

 Certaines nuisances pourraient également être amoindries : avec une distance minimale de 1500 m aux habitations (comme c'est le cas dans certains Länders allemands), au lieu des 500 m prévus par la réglementation en France, la nuisance sonore serait divisée par neuf. Il s’agira cependant de ne pas réaliser les implantations dans les zones où la biodiversité est encore préservée et pourrait être affectée.

A ce sujet, l’Académie nationale de médecine avait notamment recommandé le respect d’une distance minimale de 1500 mètres par rapport aux habitations, (avis de l’Académie nationale de médecine en date du 9 mai 2017 https://www.academie-medecine.fr/wpcontent/uploads/2017/05/Rapport-sur-les-%C3%A9oliennes-M-Tran-ba-huy-version-3-mai-2017.pdf)

2-6) Des études paysagères et sur la biodiversité qui ne sont que des simulacres

L’implantation des éoliennes conduit, par ailleurs, à une diminution de la valeur patrimoniale des biens immobiliers situés à proximité et à la dénaturation profonde des paysages. Or ceux-ci, constituent justement l’un des principaux attraits touristiques de la France, qui est, faut-il le rappeler, la première destination touristique mondiale avec les forts revenus économiques qui en résultent.

 Pour obtenir le permis de construire, les entreprises responsables de l'implantation des éoliennes terrestres et littorales sur une commune sont pourtant tenues de présenter une étude paysagère. Cette dernière n'est qu'un simulacre d'intégration plastique. Par conséquent, il n'est pas étonnant que se développe, chez les populations concernées, le sentiment de vivre dans un territoire sacrifié par une politique autoritaire dont le ressort leur apparaît avant tout idéologique. L'apparition de nombreuses associations de défense du paysage et l'intensité des débats en leur sein témoignent de cette résistance grandissante à l'implantation des éoliennes

Qui plus est, en parfaite contradiction avec la loi de protection de la Nature de 197619 et celle de la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, les études d’impact des éoliennes sur la biodiversité ont, dans le passé, démarré le plus souvent une fois l’implantation des projets décidée, négligeant la phase « évitement » de la séquence « éviter-réduire-compenser » telle que décrite dans la loi. Cette approche apparaît comme la norme des nouveaux projets d’éoliennes marines21, mais d’ambitieux programmes de recherche doivent être entrepris pour répondre aux nombreux questionnements encore sans réponse sur leur impact environnemental.

NB : c’est vrai aussi pour les études d’impact sur la vie des riverains. Ainsi, notent les Académie, le projet de la baie de Saint-Brieuc prévoit 62 éoliennes de 8 MW, soit une puissance moyenne de 178 MW (62x8x0,36). En revanche ce projet fait pour l’instant l’objet d’une opposition forte des pêcheurs de la baie. Le fait que l’enquête d’impact ait suivi la décision d’implantation, au lieu de la précéder, n’a pas été très heureuse… En effet !


2-7) Méconnaissance des effets environnementaux des grands parc éoliens, en particulier off shore

Il est nécessaire d’élaborer des programmes de grande ampleur, faisant appel aux nouvelles méthodes de suivi des déplacements des animaux aériens comme marins afin de mieux comprendre l’impact possible des parcs éoliens, en fonction de leur localisation, de leur envergure et des conditions environnementales. Une attention particulière devra être apportée aux modifications des courants marins et des mouvements d’air générées par l’implantation de parcs éoliens de grande envergure.

Enfin, « La modification de la force des vents en aval des éoliennes peut avoir des effets insoupçonnés sur les équilibres atmosphériques (en induisant des sécheresse locales) ou des modifications des courants marins sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Ces effets sont de plus en plus identifiés et connus, cf Perrow MR. 2017. Wildlife and Wind Farms, Conflicts and solutions. 3: Offshore: Potential Effects. Pelagic Publishing, Exeter, UK. et Perrow MR. 2019. Wildlife and Wind Farms, Conflicts and solutions. 1: Onshore: Potential Effects. Pelagic Publishing, Exeter, UK.

En effet, cf. Déjà bien traité dans https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/06/ils-nous-volerent-les-paysages-et-ils.html. Selon Norcowe, , les méga parcs éoliens auraient la même influence sur l’environnement et la trajectoire des vents que de petites montagnes. »

2-8) Un sacrifice des paysages et de nos vies qui doit être justifié

Par leur présence répétée et disproportionnée se détachant sur le ciel, leur répartition régulière et uniforme, les éoliennes créent un impact considérable sur le paysage. Le plan esthétique est communément admis comme étant subjectif et donc indéfiniment discutable. C’est la raison qui l’amène à être souvent écarté des débats. Cependant l'impact visuel des éoliennes est si fort qu'il dépasse le seuil du subjectif et nous oblige à remettre en cause la validité de leur implantation.

L'implantation des éoliennes suppose un sacrifice considérable et généralisé à toute la population. Au vu des conséquences la décision de leur implantation est d’une responsabilité énorme et ne peut être prise qu’avec la certitude absolue de son bien-fondé. Face au sacrifice consenti ce serait une faute impardonnable de la part de nos décideurs que de nous obliger dans quelques années à assister partout en France aux spectacles désolant de champs d’éoliennes abandonnés parce qu’inutiles ou non rentables. Tel risque d'être le paysage que nous laisserons aux générations futures.



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