Résumé : L’utilisation de
balsa dans les pales d’éoliennes et ses conséquences en termes de déforestation en Amérique du Sud constituent un vrai problème un peu passé sous la trappe, tant tout le
monde s'est focalisé sur la recyclabilité des résines polymériques qui
l'entourent. Pourtant, c’est encore un autre aspect qui remet en cause le
caractère écologique de l’éolien.
Quelques données :
Les trois pales de 81 mètres de
long des éoliennes offshore de Siemens Gamesa contiennent au total près de 6 tonnes de balsa (approx. 40 m³).
Cela correspond pour l’éolienne entière à environ 40 arbres ! D’autres
constructeurs d’éoliennes utilisent également le balsa, mais en quantités
moindres : environ 9 m³ pour Nordex et
2.5 m³ pour Vestas en 2021)
Et ça se voit : Le plus gros consommateur mondial de
balsa est l’entreprise Siemens Gamesa. Le groupe éolien germano-espagnol a
consommé près de 26 000 tonnes de balsa en 2021 (soit environ 150.000 arbres)
Les usines françaises de Gamesa produisent des pales
éoliennes utilisant du Balsa, et c’est notamment le cas des éoliennes du parc
de Saint-Nazaire :
Les pales
d’éoliennes Offshore Siemens Gamesa sont fabriquées en utilisant la technologie
brevetée IntegralBlade®. Elles sont composées de fibre de verre, de résine
époxy renforcée et de bois de balsa. Elles sont fabriquées en une seule pièce,
ce qui permet une meilleure résistance et améliore la performance de la pale….La
zone éolienne de Saint-Nazaire-Guérande comprendra 80 machines Haliade-150 de 6 MW chacune, dont
les turbines et nacelles sont produites par l’usine General Electric de
Montoir-de-Bretagne, dans l’estuaire de la Loire. Chacune disposera de trois
énormes pales de 75 mètres de long fabriquées en fibre de verre et balsa, pour
un poids unitaire de plus de 30 tonnes.
https://www.meretmarine.com/fr/saint-nazaire-recoit-les-premieres-pales-de-son-parc-eolien-offshore
La Chine achète environ 50 pour
cent du bois de balsa; c’est le producteur d’énergie éolienne le plus important
et celui qui connaît la croissance la plus rapide et fabrique des turbines
destinées à l’exportation ( donc du Balsa part de la forêt amazonienne, passe par
la Chine pour se retrouver dans des éoliennes dans le monde entier, très écologique
comme circuit !).
Parmi les autres marchés clés
pour le bois de balsa figure l’Union européenne (UE), qui importe plus de 20 %
du bois de balsa : les cinq principaux marchés de l’UE en 2020
comprenaient le Danemark, la Pologne, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie. Le
Danemark a importé environ 36 millions de dollars de bois de balsa en 2020, en
augmentation de 95 % par rapport à 2019.
Fournisseur de turbiniers
européens (Vestas, Siemens Gamesa, General Electric), la société 3A Composites
Core Materials possède et exploite plus de 10 000 hectares de plantations de
balsa (certifiées FSC), via sa filiale équatorienne Plantabal. Mais cela ne suffit plus et les coupes
illégales et la déforestation prolifèrent ( voir ci-dessous)
Le balsa pousse en touffe et il
n'est pas possible de planter les arbres en alignement comme les bananiers et
les hévéas, ce qui complique les plantations. Il pousse très rapidement (6
mètres dès la première année), son bois peut être exploité dès l'âge de quatre
ans ( typiquement 27 mètre de haut, diamètre 40-45 cm, 0.8 à1.6 métres cubes de
bois par arbre). A six ou sept ans, il mesure de trente-cinq à quarante mètres.
En revanche, il ne pousse que dans des conditions climatiques spécifique et à
une certaine altitude, vieillit vite et il est sujet, vers 15 ans, à un pourrissement qui lui enlève toute valeur
commerciale.
L’utilisation du balsa, selon
le procédé de composite sandwich, permet de renforcer les fibres et d’atteindre
des longueurs importantes tout en gardant une bonne résistance. Il est particulièrement adapté au très
grandes pales des éoliennes off shore. Dans
les pales du rotor, le balsa est solidement collé aux plastiques, comme le PET
et le PVC, renforcés de fibres de verre, avec de la résine époxy.
Le balsa des éoliennes est-il
recyclable ? Oui et non. Il peut être transformé et utilisé par exemple sous
une forme dégradée comme matériau d’isolation ; mais une nouvelle éolienne
exigera une nouvelle « âme » en balsa
Au vu de certaines annonces de
producteurs de pales européens, la consommation de balsa pourrait diminuer
prochainement. Les industriels envisagent notamment d’augmenter la part de
polyéthylène téréphthalate (PET, un plastique d'origine pétrolière) dans les
pales, au détriment du balsa. Pour le consultant Wood Mackenzie, cette innovation pourrait permettre de réduire
de 12% la demande de bois léger pour l’industrie éolienne entre 2019 et 2023.
Compte-tenu de l’expansion
prévisible de l’éolien, on peut donc tout de même craindre une forte
augmentation globale de la consommation de Balsa.
Les effets en Amazonie
« La fièvre des énergies
renouvelables a déclenché la demande mondiale pour le bois de cet arbre
amazonien, une ressource naturelle utilisée en Europe et en Chine comme
composant dans la construction de pales d’éoliennes, construites dans le feu de
la transition énergétique portée par la nécessité de décarboner l’économie.
L’Équateur, qui est le
principal exportateur, avec 75 % du marché mondial, compte plusieurs grandes
entreprises telles que Plantabal SA à Guayaquil, qui consacre jusqu’à 10 000
hectares à la culture du balsa pour le commerce à l’étranger. Mais avec l’essor
de la demande à partir de 2018, cette entreprise et d’autres grandes
entreprises achetant auprès de fournisseurs indépendants ont eu du mal à faire
face aux commandes internationales.
Cette augmentation de la
demande a conduit à la déforestation de l’Amazonie. Les coupes illégales de
balsa prolifèrent car, ce bois étant peu cultivé, les exploitants recherchent
le balsa qui pousse naturellement sur les îles et les berges des fleuves
amazoniens. L’impact de cette exploitation sur les peuples indigènes de
l’Amazonie équatorienne est très fort »
https://www.contrepoints.org/2021/12/02/415697-arbre-balsa-lamazonie-menacee-par-les-eoliennes
« En 2018, l’envolée de la
demande de balsa a provoqué un doublement de son prix entre la mi-2019 et le
mi-2020. Les multinationales ont créé de grandes plantations de balsa dans les
plaines côtières de l’Équateur. La forte demande a poussé à une accélération
des coupes de bois dans les forêts équatoriennes entre 2017 et 2020. Le
phénomène touche aussi le Pérou voisin. Ces derniers mois, le service péruvien
de la faune et de la flore (Serfor) a multiplié les saisies de cargaisons de
balsa illégales. Toutes devaient être expédiées en Chine. Selon The Economist,
le boom de l'énergie éolienne fragilise ainsi l'Amazonie équatorienne, qui
assure 75 % de la production mondiale de ce bois. »
https://elpais.com/planeta-futuro/2021-11-24/los-molinos-de-viento-deforestan-el-amazonas.html
« Fin 2019, des bûcherons
ont commencé à arriver à Ewegono, un village de neuf familles autochtones
Waorani sur la rivière Curaray, en Amazonie équatorienne. Ils cherchaient du
balsa, une espèce d’arbre à croissance rapide dont le bois est utilisé dans les
pales des éoliennes. Il y avait une pénurie mondiale. Au début, les villageois
« s’emparaient de tronçonneuses, de haches et de machettes pour les abattre »,
explique Saúl Nihua, le chef d’Ewegono. Le salaire pourrait être de 150 $ par
jour, une fortune dans une région où la plupart des gens n’ont pas d’emploi…
Bientôt, cela s’est transformé
en mêlée générale une mêlée générale. Certains bûcherons ont obtenu des permis
avec l’aide des Waorani, mais d’autres les ont falsifiés et ont envahi la
réserve indigène. Beaucoup ont pris des camions de bois sans payer leurs
travailleurs. Les gens des endroits moins reculés coupent tout le balsa qu’ils
ont pu trouver, l’empilant le long de la route d’Arajuno, la ville la plus
proche, dit M. Nihua. Les acheteurs de camions ont payé aussi peu que 1,50 $
par arbre. L’exploitation forestière incontrôlée a dégradé la forêt »
« Très actifs, les
acheteurs chinois sont aussi à la manœuvre. Le Financial Times les décrit comme
ayant les « poches bien pleines ». Le producteur chinois de matériaux
composites, Sino Composites, a aussi aquis le négociant local Cobalsa…
Problème : l’offre officielle
ne satisfait plus la demande… les acheteurs sont soupçonnés de soutenir des
groupes de forestiers clandestins qui écument la forêt tropicale... On ne
compte désormais plus les cas de déforestation sauvage en Equateur.
Fin janvier, le ministère équatorien de
l’environnement indiquait avoir saisi, l’an passé, 1 973 mètres cube de balsa
dans des scieries clandestines : chiffre modeste mais en hausse de 186 % en un
an, indiquent les autorités de Quito. En navigant sur le site Google Global
Forest Watch, qui évalue la progression de la déforestation au moyen de photos
par satellite, on observe une accélération des coupes de bois dans les forêts
équatoriennes entre 2017 et 2020.
Le phénomène touche aussi le Pérou voisin. Ces derniers mois, le service péruvien de la faune et de la flore (Serfor) a multiplié les saisies de cargaisons de balsa illégales. Toutes devaient être expédiées en Chine. Le balsa est parfois extrait des forêts équatoriennes et expédié en Chine, via les ports péruviens ou parfois directement prélevé dans les forêts péruviennes. »
Des associations environnementales
commencent à se mobiliser contre la déforestation à cause du balsa et ont d'ailleurs pour première et modeste
demande la transparence sur l’approvisionnement des fabricants d’éoliennes.
La pétition la plus active est
la suivante
Pétition : https://www.sauvonslaforet.org/petitions/1255/vos-eoliennes-contiennent-elles-du-balsa-damazonie#
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