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samedi 28 janvier 2012

Algues vertes, science et politique du littoral


Algues vertes, science et politique du littoral

Les plages bretonnes condamnées

La cause des impressionnantes, polluantes et toxiques marées d’algues est maintenant scientifiquement établie. L ’Ifremer a identifié le coupable, les nitrates. Les ulves sont particulièrement sensibles aux nitrates, et c’est la concentration en nitrate qui est le facteur limitant de leur croissance. Le phénomène de marée verte est très lié à la concentration en nitrate des eaux fluviales environnantes ; l’origine de ces nitrates, ce sont des pratiques agricoles néfastes (excès d’engrais) et la pollution par le lisier. Dès 2003, le rapport de l’Ifremer concluait : « La compréhension du phénomène est donc actuellement largement suffisante pour aboutir à des recommandations très concrètes ». Ces marées « vertes » augmentent en intensité  (65.000 m3 en 2011, en progression de plus de 10% en un an !),  elles augmentent en  extension - le nombre des communes littorales devant ramasser collecte les algues échouées a augmenté de 50% durant la période 1983-1991, et leur coût devient considérable (1 million d’euros en 2011 rien que pour le ramassage), sans compter les pertes induites, notamment  touristiques qui ont été estimées à un milliard d’euros depuis l’apparition des peu ragoûtantes marées. Leur toxicité est maintenant bien établie avec la mort de troupeaux entiers de sangliers, celle d’un cheval et la perte de connaissance de son cavalier, les morts suspectes d’un promeneur et d’un employé communal
Or, le gouvernement actuel, bien que condamné par la Commission Européenne pour sa gestion catastrophique de l’eau en Bretagne, qui aboutit à priver d’eau potable de nombreuses communes, refuse de prendre les mesures nécessaires et revient sur ces propres projets, pourtant bien insuffisants. Ainsi, la surface légale sur laquelle chaque exploitation peut épandre ses effluents d’élevage a été augmentée (décret 10 octobre 2011), un autre décret abroge l’interdiction pour les élevages les plus importants d’augmenter leur cheptel, mesure remplacée par une limitation parfaitement incalculable et incontrôlable (Le Monde,20 janvier 2012). Eaux et Rivières de Bretagne parle d’une régression parfaitement organisée de la législation !
De leur côté, les syndicats agricoles ont raison de faire remarquer que la bureaucratie, à force de décrets et de contre-décrets devient absurde, conduisant par exemple à dix-sept déclarations obligatoires différentes concernant les rejets ; d’où la nécessité effectivement de simplifier les règles…mais en les rendant conformes aux exigences de protection du littoral et de l’environnement, selon des critères scientifiquement bien établis. Or, très volontairement, c’est le contraire qui est fait : complication et laxisme pro-pollueur.

Politique du littoral

Il est maintenant clair qu’aucun progrès ne sera possible sans une forte mobilisation et une action commune des élus du littoral, d’abord breton et atlantique, qui devrait  s’étendre à l’ensemble des côtes françaises. Il s’agit de bâtir une véritable politique du littoral, basée sur  ce que veulent les populations concernées et sur la connaissance scientifique. Il y a là un enjeu considérable pour la France , seconde puissance maritime mondiale derrière les USA, avec ses DOM-TOM qui lui apportent une extension mondiale.
Ce que les populations littorales veulent, le Grenelle de la Mer en a donnée une idée préliminaire, qui n’a été suivie d’aucune action  politique. L’érosion côtière est un sujet de préoccupation, elle doit être observée, suivie et l’Etat doit concentrer son action sur les zones à érosion forte pour éviter la multiplication des drames comme celui de La Faute sur Mer. Le trafic maritime (multiplié par 5 depuis 1970) devrait continuer à croître, sa sécurité doit être beaucoup mieux contrôlée, des navires plus sûrs, plus propres, plus économes en énergie devront être construit. Les ressources halieutiques doivent être exploitées de manière durable – c’est un besoin urgent, 28% des réserves halieutiques mondiales  sont épuisées et 52% surexploitées selon la FAO. L’aquaculture représente maintenant plus de la moitié de la pêche, elle continuera à se développer et devra  respecter un environnement …sans lequel elle ne peut exister, car elle exige normalement une bonne qualité des eaux ; or, les règlementations actuelles sont insuffisantes ou inexistantes. La création fortement médiatisée de plateformes d’éolienne inquiète les populations littorales pour les troubles qu’elles peuvent engendrer ; en certaines régions, pêcheurs et ostréiculteurs sont… vent debout et exigent à bon droit concertation et éventuellement abandon de projets.
Or, la région Bretagne a notamment fait valoir que certaines décisions récentes de l’Etat vont exactement à m’encontre des conclusions du Grenelle de la Mer : suppression de fonctionnaires travaillant pour les contrôles en mer et dans les ports ; suppression des Affaires maritimes départementales ; suppression de lycées de formation maritime ; loi de programmation militaire sacrifiant des emplois et des missions de la Marine.
Enfin, les régions littorales sont évidemment à la pointe d’un combat contre l’insécurité maritime et ses conséquences humaines et environnementales ; à l’échelon national, il a été proposé de redéfinir le pavillon français et de responsabiliser les armateurs sous pavillons de complaisance. Une politique européenne, sinon internationale en ce domaine est indispensable.

Science du littoral


Lors du Grenelle de la Mer, il a été noté que la déshérence de certaines disciplines scientifiques obligeait à recourir à l’étranger pour effectuer certaines expertises. C’est un comble dans un pays qui est la seconde puissance maritime, et qui possède une organisation pionnière comme l’Ifremer. La plupart des régions littorales demandent la création ou le renforcement de stations de l’Ifremer. Les pêcheurs sont légitimement demandeurs d’un dialogue direct avec les experts, plutôt que via la bureaucratie bruxelloise- un bon et indispensable exercice de démocratie participative.
L’Ifremer a évidemment un rôle important à jouer dans  la contribution à une pêche et à une aquaculture durable – et  la France serait bien placée pour mettre en place une politique recommandée par certains experts préconisant une alternance de zones de pêche et de zones protégées pour la reproduction des poissons ; dans le développement de l’aquaculture et de la culture d’algues qui pourraient devenir une source importantes de biocarburants ; dans l’exploitation des ressources minérales ; dans la protection du littoral, et surtout dans l’étude et la protection de la biodiversité. La mer reste un milieu encore largement méconnu, avec seulement 274 000 espèces marines recensées sur les 10 à 100 millions estimées !  Elle nous a déjà apporté des surprises incroyables, tels ces organismes vivant dans les grandes profondeurs près des cheminés volcaniques, dans des conditions où aucune vie ne paraissait possible.
La France doit redevenir une grande puissance scientifique maritime ; retrouvons l’esprit des Charcot et des Cousteau ; avec l’Ifremer, qui a la mission d’entretenir et de renouveler la flotte océanographique, ou à ses côtés, reprenons ce grand mouvement d’exploration marine, conjuguant émerveillement et connaissance


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