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lundi 1 octobre 2012

AZF : Etrange causalité, innovation juridique et verdict au goût amer

AZF : Etrange causalité, innovation juridique et verdict au goût amer


Il y a un peu plus de onze ans, le 21 septembre 2001, l’usine AZF de Grande-Paroisse, à Toulouse, explosait, et cette terrible catastrophe entraînait 31 morts, 2500 blessés et de considérables dégâts matériels. Le verdict du procès en appel (26 septembre 2012), basé sur une étrange innovation juridique,  ne peut que laisser un goût amer. Le Directeur de l’usine, Serge Biechlin, 67 ans, est condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, et la responsabilité de Total, maison mère d’AZF n’est pas mise en cause. Ce verdict a été généralement salué par les média nationaux, mais les media locaux, les associations de victimes et la communauté scientifique sont plus divisées.

La «causalité par défaut »

Les études des experts judiciaires ont été fortement critiquées par Gérard Hecquet (Directeur d’un laboratoire CNRS de Lille de1996 à 1999, ancien conseiller scientifique de Grande Paroisse) qui a reçu le soutien de chercheurs éminents (dont Claude Lion, Bernard Meunier, Guy Ourisson), ainsi notamment que de Mme Monique Mauzac, veuve d’un ingénieur tué dans l’explosion et chimiste. Dans un éditorial de l’Actualité Chimique de septembre 2012, M. Hecquet s’indigne en rappelant que la cause de l’explosion n’a jamais pu être établie. Les experts n’ont réussi à faire détonner le mélange de nitrate d’ammonium et d’organochlorés supposé être à l’origine de l’explosion, qu’après des centaines d’essais et dans des conditions, notamment d’humidité, totalement irréalistes. Leurs explications, notamment sur la génération d’eau par la réaction elle-même, la micronisation d’une partie de la toiture en Aluminium ont été jugées carrément fausses ou hautement fantaisistes. Par ailleurs, des phénomènes lumineux, auditifs et électriques rapportés par les témoins avant l’explosion ne sont pas pris en compte. M. Hecquet rappelle que, pendant le cours du second procès, en décembre 2011, le hangar d’une cartonnerie située dans la même zone industrielle avait explosé, et qu’au début du XXème, ces terrains étaient occupés par une poudrerie de l’Armée produisant de la nitrocellulose.
La vérité est qu’on ne connaît pas, au bout de onze ans d’études, la cause de l’explosion de l’usine AZF. C’est la raison pour laquelle les premiers procès avaient renoncé à condamner Serge Biechlin et Grande Paroisse, faute d’une preuve certaine. D’une certaine façon, les arguments de M. Hecquet ont été entendus, et c’est ce qui a conduit la Cour à inventer le curieux concept, proposé par l’avocat général, de « causalité par défaut » : faute de pouvoir expliquer l’explosion par d’autres causes, on se contentera de la cause étudiée par les experts judiciaires, même si on la sait probablement fausse.

A causalité par défaut, défaut de justice

La causalité par défaut a  permis la condamnation à de la prison ferme de Serge Biechlin dans ce qui ressemble fortement à la recherche d’un bouc émissaire, mais il est peu probable et serait assez inquiétant qu’elle soit validée par la Cour de Cassation. Peut-on à vrai dire rendre justice aux victimes ?
Non, mais on peut tirer des leçons de ce drame et faire que les victimes ne soient pas mortes pour rien.  La Cour d’appel de Toulouse a indiqué une piste, et ignoré une autre. Elle a sévèrement mis en cause une cascade de sous-traitance conduisant à une dilution des responsabilités et à des pertes de compétence, d’autant plus que la formation et l’encadrement des sous-traitants étaient insuffisants, voire inexistants. S’il l’on se souvient qu’un des points les plus importants du dernier rapport de l’Autorité de Sûreté Nucléaire était la mise en cause d’un recours trop important à la sous-traitance dans les Centrale nucléaires françaises, il doit y avoir là un avertissement très net pour toutes les industries concernant le bien-fondé, les pratiques et conditions de sous-traitance. On peut alors regretter la légèreté de la condamnation de Grande Paroisse (225.000 euros) et le fait que cette chaîne de responsabilité n’ait pas été remontée.
La piste ignorée, c’est celle des pouvoirs publics : comment se fait-il que qu’un site classé Seveso II a-t-il pu se retrouver aussi enclavé dans une zone d’habitation ?



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