Le jeu de mot est facile, et Carmat, ses fondateurs, ses chercheurs, ses actionnaires méritent mieux que cela. Carmat a réussi l’implantation du premier cœur artificiel sur un patient âgé de 75 ans, atteint d’insuffisance cardiaque en phase terminale.
Il s’agit d’une première mondiale, qui répond au besoin immense et croissant de dizaine de milliers de patients ne serait-ce qu’en en France et aux USA, en insuffisance cardiaque avancé et qui ne peuvent être greffées faute de greffons ; et les futurs implantés n’auront plus à attendre leur salut de la mort brutale d’un autre
.
Il s’agit aussi d’un bijou (900g) de technologie qui devrait permettre de rendre aux malades leur mobilité, une pompe élaborée qui sait s’adapter aux efforts nécessaires dans les diverses situations de la vie courante, utilisant un biomatériau spécialement traité pour éviter la formation de caillots ; avantage supplémentaire pour les patients par rapport aux greffons humains, il n’y a aura plus besoin de traitements anti-rejets à vie, traitements difficiles à supporter et favorisant les infections.
C’est aussi une aventure humaine extraordinaire, celle d’abord du professeur Alain Carpentier, un chirurgien, un inventeur et pionnier de la chirurgie valvulaire (chaque année, 250000 malades dans le monde sont traités par des procédés de son inventions, des « biogreffons » issus de porc et traités chimiquement pour éviter la formation de caillots), un homme aussi qui s’est préoccupé de développer la chirurgie cardiaque dans les pays en développement, notamment au Vietnam) ; une longue aventure exceptionnelle qui a duré plus de vingt-cinq ans – vingt cinq ans de recherche, développement, investissement - les premiers brevets furent déposés en 1985.
Puis ce fut l’alliance, en 1993, avec Jean-Luc Lagardère, président de MATRA, pour la création d’un concept de cœur artificiel complet incluant les ventricules, les actionneurs et une électronique de commande totalement embarquée au sein d’un dispositif unique, la création du GIE CARMAT, les premières implantations animales réussies sur le veau, la conception du système, de matériaux biocompatibles, de polymères particuliers et de technologies embarquées et le dépôt de plusieurs nouveaux brevets concernant l’architecture, la membrane, le « Locking interface device », la pompe et la régulation physiologique de 1995 à 2004.
Une longue aventure humaine, avec tous ceux qui entouré Alain Carpentier, qui l’ont aidé, qui ont cru à son invention, une aventure qui n’aurait sans doute pas été possible sans le premier investisseur, Jean-Luc Lagardère, le patron de Matra qui aimait les défis technologiques ; sans les chercheurs, mais aussi l’énergie, le savoir-faire et l’engagement constant du Dr Philippe Pouletty, dirigeant de France Biotech et de Truffle capital, et de bien d’autres.
Il
faut encore remercier le fonctionnaire de l’Agence du médicament (ANSM), qui a
du assez mal dormir avant de donner l’autorisation d’implantation ; cette
première française a failli se dérouler
en Belgique, en Slovénie, en Pologne ou en Arabie saoudite, où des
autorisations d’implantations ont été obtenues
Le cœur des problèmes de l’innovation
Non seulement le cœur artificiel de Carmat permettra de résoudre un besoin majeur de santé publique, mais il résout aussi un problème économique : le cœur coutera environ 150.000 euros, soit le coût d’une transplantation, et son prix pourrait encore diminuer avec la fabrication en série ; et il permet d’éviter des traitements immunosupresseurs à vie ( et leurs effets) d’ »un coût de 20000 euros par ans.
Le développement de Carmat a été permis par un investissement initial de 15 millions d’euros d’EADS (Lagardère, à l’époque), puis des levées de 16 millions d’euros en 2010 et 30 milions en 2011 (Truffle Capital) et enfin un prêt de 30 millions d’Oseo-BPI (Banque publique d’investissement)
Mais, pour les Carmat d’aujourd’hui, qui investira et prendra un tel risque ? Où sont les Lagardère d’aujourd’hui ? - Surement son héritier de nom, mais pas d’esprit !
Un
effet paradoxal et quelque peu révoltant : plus et mieux le patient implanté survit,
plus le cours de Carmat ( après une forte hausse initiale), baisse.
C’est
que les « marchés » ne savent pas comment Carmat, en cas de succès
pourra financer son développement, si la société pourra rester indépendante, si
des capitaux suffisants pourront être levés, si des nouveaux investisseurs
seront trouvés et lesquels, et comment seront traités les investisseurs
initiauxNous ne savons pas financer le développement de Carmat et d’autres sociétés qui ont réussi leur phase de recherche et développement ; nous ne savons pas transformer nos succès technologiques, parfois immenses, en multinationales.
C’est aussi à une stratégie offensive que le Ministère du développement productif doit s’intéresser ; et pas seulement à son rôle de pompier des crises. Une stratégie offensive qui passe aussi par l’organisation d’une Europe de l’innovation plus efficace
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.