C’est le titre d’un article du
Monde –supplément Science du 2 juillet
2014, rédigé par Yehezkel Ben-Ari,
neurobiologiste et grand prix de l’Inserm 2012. Résumé et commentaire des sept
plaies
Mode court-terme : M. Ben-Ari dénonce la mode des big projets,
du « big is beautiful », comme
le Human Brain Project « dont rien ne permet d’étayer les promesses » ;
et, « en l’absence de chercheurs parmi les décideurs politiques, l’action
de la pléthore d’énarques, d’HEC et d’avocats souhaitant rentabiliser la
recherche » qui pissent au court terme. ( C’est « poussent » bien
entendu, mais la faute de frappe était trop belle !)
Commentaire : oui, bien sûr. Souvent cité par Edouard Brézin, cette phrase :
ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on invente la lampe à
incandescence. Mais les grands projets sont importants pour fixer des caps,
mobiliser des énergies, établir des collaborations transdisciplinaires, expliquer
au public – qui nous finance- les buts
et les enjeux des recherches. Le tout est de pas trop prendre ses désirs pour
des promesses. Le déchiffrage du génome humain a été un immense projet et
succès – il fallait le faire, et les connaissances qu’il permet sont
cruciales pour les progrès en médecine des années à venir ; pour le Human Brain
Project, cela a plutôt l’air de tourner à la pétaudière…mais c’est un programme
européen !
Planification et recherche sur projet : « nous sommes
financés sur projet et passons donc l’essentiel de notre temps à écrire des programmes. La réflexion est
devenue un luxe interdit. Du coup, notre temps de recherche est plus restreint
que celui de nos collègues anglo-saxons
Commentaire : encore plus oui, bien sûr. En 2012, des Assises de la recherche
fort intéressantes ont aussi dénoncé cette situation et formulé 120 propositions :
« La situation serait sans doute tenable si l'ANR constituait un guichet
unique pour les appels à projet, mais c'est loin d'être le cas. Tous les « ex »
créés dans le sillage du grand emprunt (Initiatives d'Excellence, Laboratoires
d'Excellence, Equipements d'Excellence...) sont autant de micro-agences de
financement, sans parler de l'argent apporté - au compte-gouttes - par les
collectivités locales, la Commission européenne, etc »
Administrativite chronique : « avoir un financement, c’est
dur, mais le gérer, c’est une tâche herculéenne. Une commande passe par une
vingtaine de mains avant d’être honorée »
Commentaire : ça n’a cessé d’empirer. Pour l’anecdote, je connais un labo Inserm
où un fournisseur de pipettes n’étant pas référencé, les chercheurs se livrent
à un troc avec le labo CNRS voisin
Evaluationite maladive : « Quand les finances
ne sont pas au rendez-vous, on évalue. le chercheur passe sa vie à évaluer ou à
être évalué. Lister les sigles des structures d’évaluation dépasse l’espace dévolu à cette tribune »
Commentaire : toujours selon les assises de la Recherche, « en 2011,
l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres) a
mobilisé 4.700 experts pour évaluer notamment 855 unités de recherche et 73 établissements »
Multiplication des guichets : « chaque
organisme ou fondation veut avoir ses commission, ses sources de financement et
la paternité des résultats. De plus chaque organisme a ses propres structures
de valorisation »
Commentaire : toujours les Assises de la recherche de 2012 : « Atip,
Cifre, CIR, PRES, RTRA, RTRS, SATT, IdEx, LabEx et autres EquipEx... Plus
personne - les chercheurs pas plus que les autres - n'est capable de s'y
retrouver dans la jungle de sigles et d'acronymes qu'est devenue au fil des ans
et des lois le paysage français de la recherche »
Précarité et salaires répulsifs, Horizon bloqué et fuite des cerveaux :
: « Chercheurs
comme techniciens sont fréquemment recrutés pour des CCD de quelques mois. Leur
nombre explose : plusieurs dizaines de milliers. Les chercheurs sont des
intermittents comme les travailleurs du spectacle, sans en avoir le statut »
Commentaire : le traitement des doctorants, des Phd, des chercheurs est en
effet indécent. Enchainer les contrats précaires à la merci de mandarins jusqu’à
trente ou trente-cinq ans pour obtenir (ou pas, c’est sans garantie !) un
poste permanent à 2,200 euros… Pas de recherches sans chercheurs, et où les
trouvera-t-on ? Personne de sensé ne peut recommander à un jeune une
orientation vers la recherche publique. L’idée d’une manifestation pour réclamer
le statut d’intermittent du spectacle ne me parait pas mauvaise…
En conclusion, M. Ben-Ari
propose que toute demande de financement inférieure à 400.000 euros soit
limitée à dix pages. C’est un bon début, et cela évitera l’inflation chronophage
et malsaine des dossiers, et même le
recours à des organismes pour rédiger ces dossiers. Mais on peut peut-être faire
mieux. Des assises de la recherche ont
eu lieu en 2012, des chercheurs se sont réunis, discuté, émis des propositions
(121), l’idée principale étant que le financement sur projet redevienne un plus
incitatif, mais pas l’essentiel du financement.
Le Ministère de la recherche n’en
a rien fait ; peut-être serait-il temps qu’il fasse un pêu confiance aux
chercheurs eux-mêmes ; après tout, ce sont des bacs plus douze, treize,
quatorze, quinze…
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