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samedi 29 novembre 2014

Abeilles brésiliennes contre abeilles tueuses, OGM et prolifération


La lecture réserve toujours de l’inattendu. C’est dans le volume consacré au Brésil de l‘excellente collection des dictionnaires amoureux (Dictionnaire amoureux du Brésil,  Gilles Lapouge, Plon)  que j’ai découvert le  drame des abeilles brésiliennes. En 1956, donc, le Brésil a acheté des abeilles africaines (mellifera scutellara) en Tanzanie qu’il souhaitait croiser avec l’abeille brésilienne d’origine européenne (mellifera ligustica ou mellifera iberiensis). Un centre expérimental de Sao Paulo se charge de l’opération. Cinquante-six reines africaines lui sont confiées ; au cours d’une manipulation, vingt-six s’échappent. Résultat : le Brésil, puis tous les pays d’Amérique du Sud, puis le Mexique, puis l’Amérique du Nord se trouvent confrontées à l’irrésistible invasion des « abeilles tueuses ».

Mellifera scutellara, plutôt débonnaire en Tanzanie, n’a pas un venin plus dangereux que celui des abeilles, mais leur transplantation a changé leur caractère ; elles chassent en meutes, et quand elles ont repéré une proie, c’est tout l’essaim qui conduit l’assaut : 1,00 piqures d’abeilles tuent aisément un homme de 70 kg. Depuis cinquante ans, près de deux milles personnes ont été victimes des abeilles africaines. De plus l’abeille tueuse, lorsqu’elle s’introduit dans une roche brésilienne, y prend le pouvoir :  les larves métissées naissent un jour avant les larves des abeilles brésiliennes. Résultat : «  hier, les apiculteurs brésiliennes s’occupaient d’abeilles dociles, joyeuses et laborieuses. A leur place, ils ont maille à partir avec des individus patibulaires que le moindre désagrément exalte, et qui tuent pour une contrariété ».

L’abeille européenne, comme son nom l’indique, n’était elle-même pas originaire du Brésil, mais y était arrivée en 1839, amenée par un missionnaire, le Père Carneiro, à partir de sept colonies qui ont quasiment éradiquées les abeilles indigènes. Celles-ci ont une production de miel moins abondantes, exigent davantage de soin, déposent leur miel dans des petits pots en cire, et non dans des cellules. Plus lentes que les abeilles européennes, elles se font voler les délicieux nectars par les abeilles européennes plus rapides. Mais elles sont les seules à polliniser certaines fleurs tropicales (orchidées, maracuja- fruit de la passion)… et sont dépourvues de dards.

Le Brésil essaie aujourd’hui de redévelopper des colonies d’abeilles indigènes.  C’est l’un des nombreux récits de catastrophes provoquées par l’homme, par l’introduction volontaire, intéressée, pour un gain en l’occurrence hypothétique et une catastrophe certaine, d’espèces invasives. Parmi les exemples plus dramatiques, rappelons les 12 couples de lapins introduits  en 1859 en Australie par  Thomas Austin, pour satisfaire son goût d’une chasse anglaise traditionnelle. 50 ans plus tard, on en compte 600 millions qui ont colonisé 60% du territoire. La construction d’un gigantesque mur n‘empêcha pas la prolifération dans toute l’Australie ; et les Autraliens ne trouvèrent pas mieux que de disséminer la myxomatose pour tenter de contrôler cette population proliférante...  Dans son excellente chronique scientifique du Monde, Pierre Barthélémy rappelair récemment l’introduction accidentelle de serpents Boiga irregularis dans l’île de Guam… et comment les Américains, pour protéger leurs GI , en sont réduits à parachutes des souris mortes intoxiquées au paracétamol pour tenter de s’en débarrasser. Et le problème encore plus commun et souvent  plus grave des plantes invasives mériterait un volume complet de chroniques.

OGM contre proliférations

Je voudrais terminer par un constat parfaitement provocateur. Avec le génie génétique, avec les OGM, l’homme sait créer des espèces qu’il peut contrôler. Si le développement, inévitable, souhaitable, bénéfique des OGM (au moins de certains) se poursuit, il sera l’occasion certes d’autres erreurs, d’autres drames ; mais en même temps que l’occasion, le génie génétique fournit aussi, à condition d’être bien utilisé, le remède. L’utilisation d’OGM devrait entraîner beaucoup moins de problèmes de proliférations nuisibles que les techniques et pratiques du passé ; le génie génétique nous a aussi donné ce pouvoir sur la nature.
 

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