L’essai Ipergay
(Intervention préventive de l’exposition aux risques
avec et pour les gays) vise à tester l’efficacité d’un traitement antiviral par
le Truvada en préventif. L’essai qui a démarré il y a deux ans s’adresse à des
hommes homosexuels ayant un comportement à risques. La personne doit prendre
des comprimés avant et après un rapport sexuel à risques. L’essai a démarré il y
a deux ans sur quatre cent personnes. Il comporta un bras placebo. Fin octobre
2014, des résultats partiels ont montré une réduction des contaminations de
plus de 80%. L’étude a été arrêtée en tant que telle en ce que concerne le
placebo.
Je pense résumer
ici honnêtement la position des autorités françaises, de l’agence du médicament
(ANSM), du Pr Delfraissy, directeur de l’ANRS (Agence Nationale de Recherche
contre le Sida) et de l’association Aides
qui a soutenu l’étude: 1%) Il y a 200 fois plus de nouvelles contaminations par
le VIH chez les gays que chez les hétérosexuels, et un nombre non négligeables
d’homosexuels ont soit occasionnellement soit très souvent des rapports non
protégés. 2) lorsque qu’une personne a pris le risque d’un rapport non protégé,
il faut dans son intérêt et dans celui de la société lui proposer un traitement
3) L’efficacité de ce traitement doit être évaluée selon les règles
habituelles.
Pour autant,
cela me semble poser un certain nombre de problèmes graves :
1) lorsqu’une
personne a eu un rapport non protégé, estimé à risque, il est de bonne pratique médicale et humaine de
lui proposer ou qu’elle-même demande, suite à une estimation du bénéfice risques
un traitement antiviral. L’efficacité de tels traitements préventifs du sida,
mais après risque de contamination est connue, validée, mesurée - elle se pose
aussi pour le personnel médical lors de contaminations accidentelles.
Mais c’est une
toute autre chose que d’encourager à des rapports non protégés en proposant de prendre un anti-viral
avant. La question de savoir si cette étude devait être faite se pose
réellement.
2) En ce qui
concerne les partenaires des personnes
participant à l’étude et prenant un traitement, les instigateurs du traitement ne
peuvent-ils pas être considérés comme coupables d’encouragement à une mise en danger de la vie d’autrui ?
3) En ce qui
concerne les personnes participant à l’étude
dans le bras placebo, les instigateurs de l’étude ne peuvent-ils pas être
considérés comme coupables de mise en danger directe de la vie d’autrui ?
4) l’existence même de l’étude et, plus encore,
la publication des résultats, constitue un risque considérable de brouillage de
la seule prévention efficace, le préservatif. Le coordinateur de l’essai
Ipergay, le Pr Molina a eu la prudence d’affirmer « Nous n’avons pas
encore de réponses sur l’acceptabilité de ce régime. Car il faut non seulement
prendre le médicament, mais le prendre au bon moment. Ces modalités ne sont pas
simples et ont nécessité beaucoup d’explications auprès des participants »
(Le Monde, 29 oct 14). Ce qui signifie en passant que la réduction des contaminations
de 80% est surévaluée, car obtenue dans un contexte très contraint, non
représentatif de la réalité.
5) On voit
bien l‘intérêt de certaines firmes pharmaceutiques à proposer le remplacement de l’utilisation du
préservatif par un traitement antiviral dit préventif (et on prend bien soin de
confondre ici deux choses, préventif du
sida une fois un risque pris, et préventif comme l’est le préservatif). Mais on
comprend plus mal, beaucoup plus mal, l’intérêt des « patients » et
de la société, puisque le traitement préventif antiviral n’est pas dénué d’effets
secondaires, impose des contraintes plus fortes que le préservatif, et possède
une efficacité moindre.
Si l’association
Aides a soutenu l’étude et a aidé à sa mise en place, d’autres représentants de
la communauté homosexuelle sont nettement plus critiques. Stéphane Minouflet,
membre de l’Association de suivi et d’information des gays sur la prévention a estimé « La science n’est pas une
roulette russe et les gays ne sont pas de la chair à canon…Et il faut penser
au-delà de cet essai. Il est évident que si le Truvada est concluant, les gens
ne prendront jamais la capote et le médicament. Ce sera l’un ou l’autre, ce qui
représente un risque de contamination supplémentaire [pour les infections
sexuellement transmissibles ». D’autre part, le médicament n’est pas dénué
d’effets secondaires : atteintes rénales, baisse de la densité osseuse, nausées,
vomissements, diarrhées, problèmes neuropsychologiques, problèmes de sommeil,
perte de plus de 5% du poids corporel… »
Face à la
gravité de ces questions, on demeure confondu que cette étude ait été réalisée
sans avis du Conseil Consultatif National d’Ethique, sans réflexion éthique et
sur ses implications, simplement par accord entre une association homosexuelle et
le directeur de l’ ANRS, qui devrait quand même répondre à certaines question .Au
surplus, la lutte contre le Sida et le Sida lui-même ne concernent pas que les
homosexuels, même si ce sont les plus touchés. Et au-delà du Sida, il y a la
recrudescence des infections sexuellement transmissibles, des stérilités pour
les femmes, avec certaines souches qui commencent à devenir résistantes à la plupart
des antibiotiques…
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