L’inobservance
un problème de santé publique et un problème d’économie majeure
La vulgate diffusée par
les gouvernements veut que les Français prennent trop de médicaments, ce qui
est bien commode lorsqu’on veut faire des économies de santé sans fâcher les
généralistes, les spécialistes, les stations thermales, les homéopathes… Or la
réalité que révèle une étude d’IMS Heath
révèle que 40 % des patients français seulement suivent leur ordonnance et arrêtent précocement
leur traitement. En somme, ils ne prennent pas assez de médicament, et surtout
les prennent mal. (cf notamment Le Monde
Economie, 12.11.2014)
L’étude, de grande
ampleur, a été menée sur une cohorte d’environ 170 000 patients, atteints par
une des six pathologies observées : Diabète de type 2, Hypertension artérielle,
Asthme, Hypercholestérolémie, Ostéoporose, Insuffisance cardiaque. le taux
d’observance varie fortement : 13 % pour l’asthme, 36% pour l’insuffisance
cardiaque et le diabète de type 2, 40% pour l’hypertension artérielle, 44% pour
l’hypercholestérolémie, 52% pour l’ostéoporose. Les complications causées par
le manque d’observance peuvent être graves : infarctus du myocarde pour
l’hypercholestérolémie, œdème pulmonaire pour l’insuffisance cardiaque,
fractures ostéoporotiques, Accident vasculaire cérébral (AVC) pour
l’Hypertension Artérielle, maladies coronariennes pour le Diabète de type 2,
état de mal asthmatique pour l’Asthme.
L’inobservance a non
seulement des conséquences majeures sur l’état de santé, c’est aussi un
problème économique majeur. En estimant le nombre de non répondeurs par
pathologie, en le multipliant par le facteur de risque entrainé par l’inobservance
du traitement pour la complication principale et le coût du traitement,
généralement chirurgical, les auteurs de l’étude arrivent à un coût de 207
millions d’euros par an pour l’état de mal asthmatique sévère, de 281 millions
d’euros pour les fractures ostéoporotiques, à 1,4 milliard d’euros pour les maladies
coronariennes liées au diabète de type 2 et pour l’infarctus du myocarde, 1,6
milliard d’euros pour l’œdème pulmonaire… et jusqu’à 4,4 milliards d’euros pour
les AVC ! Ce qui fait, pour ces six pathologies, un coût faramineux de huit
milliards !
Le chiffrage exact peut
être contesté, mais il ne s’agit de pathologies qui ne représentent qu’un quart des dépenses de
médicaments en ville, et le coût d’une seule complication a été considéré. Si l’on
ajoute à cela, par exemple, le coût des infections et des résistances causées
par des traitements antibiotiques mal suivis, le coût est encore plus
considérable. Et cela, bien sûr, sans tenir compte des vies brisées.
Ceci n’est pas une
spécificité française. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que près de
50 % des traitements prescrits dans le monde sont peu ou mal suivis par les
patients concernés.
De
meilleurs médicaments sont nécessaires
Les causes d’inobservance
peuvent être variées. Pour l’asthme, « de nombreux malades sous-estiment
l’impact et la gravité de la maladie, il y a une forme de déni, parfois de
révolte, qui n’aide pas à accepter la situation. La plupart mènent une simple
stratégie d’ajustement de leur traitement afin de s’adapter à leur état respiratoire.
Le traitement de fond est difficile à suivre, car il est astreignant et ne produit
des effets que sur le long terme. Par ailleurs, en dehors des phases de crise, chacun
peut mener une vie apparemment normale, ce qui ne facilite pas l’adhésion thérapeutique »
(Christine Rolland). Pour l’hypertension artérielle, au fait que l’hypertension peut être sans effets visibles ( mais
mener à un accident vasculaire, infarctus, insuffisance rénale…), s’ajoute le
fait souligné par le Pr. Jean-Michel Halimi, que la prise en charge au titre d’affection
de longue durée a été supprimée-
bel exemple d’économie à courte vue…
Parmi les pistes
suggérées pour améliorer l’observance, l’information des patients, la formation
des professionnels de santé à la communication sur les traitements, la création
outils simples d’usage en consultation et à distance (si les firmes pharmaceutiques
ne s’en occupent pas, google ou
microsoft le feront…), la mobilisation des
associations et entourage des malades…
Un point cependant semble
négligé : « Bon nombre de patients sortent de chez leur médecin sans
comprendre ni leur pathologie, ni leur ordonnance. (Face à un médicamet, ils
voient bien ses effets indésirables, mais pas toujours son bénéfice » (G.
Vergez, PDG d’Observia, cité dans Le
Monde Economie, 12.11.2014).
Non, il n’y a pas assez
de médicaments, nous manquons souvent de médicaments mieux tolérés, mieux ciblés,
nous manquons même souvent de la compréhension du fait que certains tolèrent
parfaitement tel médicament, et d’autres pas. Par exemple, pour ceux qui ne
supportaient pas la toux comme effet secondaire des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion, l’introduction des antagonistes de l’angiotensine a représenté un
progrès majeur dans le traitement de l’hypertension – malgré tous ceux qui
prétendaient que nous avons assez d’antihypertenseurs.
Il y a là place pour de
nombreux progrès thérapeutiques que la pharmacogénétique (la connaissance des relations
du génome avec les effets des médicaments) devrait rendre possibles.
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