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mardi 12 avril 2016

Lester Thurow, économiste non conventionnel


Mort d'un doyen du MIT.
L’économiste Lester Thurow, est mort, vendredi 25 mars 2016, à l’âge de 77 ans dans sa maison de Westport (Massachusetts). Cet ancien professeur et doyen du MIT consacré l’essentiel de sa carrière à étudier les conséquences de la mondialisation. Il  fut l’un des premiers à souligner l’importance grandissante  et néfaste  des inégalités de revenus et  un avocat infatigable de l’investissement dans la recherche pour stimuler la croissance et dans l’éducation afin d’anticiper l’adaptation aux ruptures économiques et technologiques et accordant un rôle important aux gouvernements
Bref il n’était pas vraiment dans la ligne ultra libérale de l’école dominante. 
Ses principaux livres sont  : Fortune Favors the Bold: What we must do to build a new and lasting global prosperity (2003) ; Building Wealth: The new rules (1999) ; The Future of Capitalism: How today's economic forces shape tomorrow's world (1996) ; The Zero-Sum Solution: Building a world-class American economy (1985). Dangerous Currents: The state of economics (1983). The Zero-Sum Society: Distribution and the possibilities for economic change (1980). Generating Inequality: Mechanisms of Distribution in the U.S. Economy (1955)
Aucun n’a été traduit en français. Et c’est ainsi que l’Ecole ultra libérale de Toulouse et Jean Tirolle passent pour prophètes en leur pays : en supprimant toute concurrence, ce qui est quand même assez paradoxal.
Generating Inequality: Mechanisms of Distribution in the U.S. Economy (1955):
Dès son premier livre, (de 1955!), Lester Thurow se montra à la fois critique du capitalisme tel qu’il fonctionne réellement, et visionnaire en cela qu’il a pointé des conséquences qui n’ont fait que se développer depuis. Quelques exemples :
Wage competition vs job competition ; contrairement à ce qu’affirme une théorie libérale basique des salaires, le marché du travail n’est pas un marché comme les autres, en tous cas, il n’est pas régulé par une loi de l’offre et de la demande sur les salaires  mais par une concurrence sur les emplois eux-mêmes. Dans le premier cas, investir sur l’éducation de base ne serait pas un choix toujours judicieux, dans le second cas, oui.  En régime de concurrence sur  le travail (job competition), les gens doivent surinvestir défensivement. C’est pourquoi Lester Thurow placera au premier rang des rôles de l’Etat d’assurer au mieux à tous un bon capital éducatif
 Rénumeration du capital et rénumeration du travail.
Des études empiriques menées par Harvard à son instigation ont montré que l’accroissement des impôts sur les salaires les plus élevés n’entrainent pas, au contraire, une baisse du travail et de la performance. Lorsqu’on teste la théorie des produits marginaux et que l’on compare la manière dot le capital est rétribué par rapportà ce qu’il rapporte, et de même pour les salaires, la conclusion de Thurow est que Le capital est surpayé tandis que le salarié est sous-payé….
Le rôle du hasard et le renforcement des inégalités
La richesse se crée principalement par un mécanisme de « marche au hasard » qui ne peut qu’engendrer de fortes inégalités. En effet, personne, si bien informé qu’il soit (sauf délit !) ne peut « battre le marché », aucun martingale n’a été inventée qui « batte le marché », les prix des actions réagissent rapidement au contexte, et il n’y a pas de séries temporelles : le prix d’une action à un moment donné ne peut prédire son évolution ;  les richesses sont créées en un temps très court, et une fois créées, elle se maintiennent par l’héritage ou une stratégie conservatrice. La richesse apparait presque par hasard, et ensuite la richesse va à la richesse. Ce mécanisme de marche au hasard (random walk) est un des facteurs qui expliquent que le capitalisme aujourd’hui  provoque l’explosion des inégalités.
Ceci est vrai aussi pour les entrepreneurs. La lecture de Fortune incite à penser que ceux qui réussissent sont plus intelligents qu’intelligent, plus rapides que rapide…mais il existe un biais profond : on ne sait rien des gens plus brillants, plus intelligents, plus rapides que les fortunes de Fortune, et qui n’ont pas réussi. La marche au hasard semble, d’après diverses études, être vraiment au centre de la création de richesse. Entre entrepreneurs prenant les mêmes risques et de génie comparable se joue une loterie. Comme dans toutes les loteries, les chances de gagner sont faibles , mais quelques-uns gagnent. Une fois qu’une fortune est créée, elle croit au mieux de ce qu’elle peut
The Zero-Sum Society: Distribution and the possibilities for economic change (1980) :
L’’ouvrage comporte une critique du statut scientifique de l’économie (les tirolliens apprécient peu en général, eux se prennent au sérieux). Citation «  En tant que citoyen vous avez à choisir la meilleure navigation parmi de nombreux caps économiques. Comment allez-vous savoir qui a raison?... Pourquoi est la discipline redevenu si discordante?... le fait que nous pouvons utiliser les mots « libéral » et « conservateur » en se référant aux économistes  est particulier.  Personne ne parle des chimistes libéraux ou conservateurs, mais seulement des chimistes qui, dans leur vie privée, se trouvent être des libéraux ou conservateurs ».
Ceci encore : « Plutôt que de dominer l’économie, le contrôle de la demande monétaire (pierre dans le jardin des monétaristes) est lui-même dominé par les évènements économiques et leurs ramifications politiques ». Il insiste sur le fait que les vrais problèmes économiques viennent de la microéconomie, et qu’il est assez vain d’ élaborer des  théories macroéconomiques sophistiquées, tant que la compréhension des mécanismes microéconomiques restr à ce point instisfaisante.
Au contraire des ultra libéraux (« there is no such thing as society »), il fait remarquer que « les sociétés ne sont pas de simples aggrégats statistiques. Une société est clairement quelque chose de plus grand que la somme des individus, contrairement à ce qu’affirme le modèle du marché…L’Economie ne peut se passer de simplifications, mais le truc est d’utiliser les bonnes simplifications au bon moment ; et ce jugement ne peut provenir que d’une analyse empirique, portant sur ce qu’est Réellement le monde, et non ce que les manuels d’économie disent qu’il devrait être »
Pourquoi le zero-sum ? Thurow prédit  deux  phénomènes marquant de ces dernières années :  la paralysie des gouvernements en matière économiques et l’accroissement des inégalités. La raison en serait  parce que les interventions gouvernementales en matière économique sont à somme zéro : des groupes en bénéficient, d’autres y perdent. Or, lorsqu’une mesure déplait à une minorité bien organisée et relativement privilégiée qu’elle impacte fortement, mais impacte faiblement et positivement la grande majorité, il y a peu de chance qu’elle soit adoptée.. ; Les 1% gagnent trop souvent contre les 99%. Cependant, pour Thurow cela s’applique aussi au processus de destruction-création de Schumpeter ; ainsi il est plus facile pour un gouvernement de venir au secours d’industries obsolètes plutôt que de favoriser des innovations, qui, au début, ne concerneront que peu de gens.
La suite de l’œuvre de Thurow au prochain blog….
 
 
 
 
 
 

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