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dimanche 8 octobre 2017

Levothyrox : que s‘est-il passé ?

La nouvelle formule : progrès thérapeutique, problèmes réels, communication catastrophique

En mars, le laboratoire Merck retirait du marché français la formule « ancienne » du Levothirox , l’un des médicaments les plus prescrits, une hormone thyroïdienne destinée à corriger les dysfonctionnements de la thyroïde ou son absence. Cette formule était remplacée par une nouvelle formule plus stable : l’adjonction d’ acide ascorbique en particulier permet de réduire la tendance de la thyroxine à s’oxyder au cours du temps. Pour un médicament dont l’équilibre entre le  sous-dosage  ( entrainant asthénie, frilosité, bradycardie, prise de poids..) et surdosage (amaigrissement, sudation, tachycardie..) est extrêmement délicat , il s’agissait d’une amélioration a priori incontestable stabilisant et rendant plus précise la dose administrée.
Pourtant, depuis le changement de formule de cette hormone thyroïdienne, pas moins de 9 000 cas d’effets indésirables ont été signalés à mi-septembre, des effets indiscutables et qui paraissent bien liés à une augmentation ou une diminution de la quantité d‘hormones administrée, avec  des symptômes gênants, voire invalidants : fatigue, vertiges, troubles de la concentration, douleurs, palpitations… Rappelons tout de même que près de trois millions de Français, dont environ 85 % de femmes, sont traités par la Thyroxine, et que la transition s’est bien passée pour la très grande majorité des patients.

Reste que cela fait pourtant d’effets indésirables et indiscutables. Les études de bioéquivalence réalisées par Merck  de bioéquivalence avant la prescription sont extrêmement solides et documentées et, depuis leur publication intégrale sur le site de l’Ansm (300 pages !), personne ne les met en doute. Les nouveaux excipients sont extrêmement classiques et connus,  et ne peuvent  ^yre à l’origine du problème. Alors, que s‘est-il passé ?

Le Monde du 20 septembre a consacré un article copieux et fouillé à l’affaire. Une piste possible, pour certains cas, reste un effet nocebo, dû à l’angoisse des patients devant un changement de formule qui leur a été imposé sans information préalable,  une angoisse bien compréhensible tant le dosage de l’hormone est délicat – l’introduction de génériques avait précédemment suscité de nombreux problèmes en raison de différences même très faibles de biodisponibilité. A l’appui de cette hypothèse, les précédents belges, où un changement analogue de formule a été clairement annoncé,  précédé d’une campagne d’un an d’information et où le nombre d’effets indésirables rapportés a été minime ; au contraire, en Nouvelle Zélande, où, comme en France, la substitution a été brutale et non préparée, une flambée sans précédent de déclarations d’effets indésirables a été observée, amplifiée par une couverture médiatique erratique et la propagation de fausses rumeurs, entrainant une anxiété accrue.

Eh bien une fois de plus, le système de santé français – pas les laboratoires Merck !- ont choisi la pire solution en informant a minima les patients, les plaçant devant le fait accompli sans préparation, traitant- une fois de plus et de trop-, les patients et leurs associations en mineurs.  Et, habituelle griotte sur le gâteau, les premiers rapports d’effets indésirables ont été considéré avec condescendance, alors qu’il aurait fallu évidemment prévenir les patients de consulter leur médecin et de refaire les dosages habituels de suivi du traitement afin de comprendre ce qui se passait.

Revoir les pratiques médicales sur les problèmes thyroïdiens : surdiagnostic, surprescription, surablations..

Pour autant, personne ne peut plus contester la réalité et l’ampleur des effets nocifs observés. Le Monde propose une autre explication qui serait assez inquiétante. Les prescriptions de thyroxine ont augmentés de manière massive dans tous les pays, multipliées par 8 entre 1990 et 212 en France, et c’est parfois encore plus ailleurs. Selon le Pr Young,, endocrinologue à Bicêtre, l’explosion des traitements provient de la facilitation des dosages de TSH ( hormone thyroîdienne) souvent demandés par des généralistes pour des symptômes très peu spécifiques, comme perte de poids, de cheveux, fatigue..etc. Une valeur un peu anormale ( d’autant qu’on ne sait pas très bien définir la normalité en ce domaine comme en beaucoup d’autres) et en avant pour une prescription de Thyroxine, d’autant qu’elle est considérée comme un médicament plutôt anodin et peu cher. « Il y a eu une sorte de dérive progressive » conduisant à des surdiagnostics et  des surtraitements.

Alors contrairement aux véritables malades, qui ont un besoin vital de leur traitement, et d’un traitement précisément adapté et suivi périodiquement, un certain nombre de patients prendraient de la thyroxine comme un médicament de confort, quand ils se sentent fatigués. Peut-être utilisent-ils des boites anciennes, qu’ils ne renouvellent que très épisodiquement, où la quantité de thyroxine réelle est très diminuée ? Lorsqu’ils passent à la nouvelle formule, ils sont nettement surdosés et les problèmes apparaissent.

Si c’est le cas, et l’explosion des traitements pose sérieusement question, alors c’est  une pratique du diagnostic TSH et de son interprétation qu’il faut radicalement changer, et sans doute aussi, ne jamais commencer un traitement d’hormone thyroïdienne sans avoir vu un spécialiste.
C’est encore plus vrai dans le cas des cancers de la thyroïdes. Entre 1980 et 2012, le nombre des cancers de la thyroïide est passé de 1300 à 8200, le nombre des décès, lui, a diminué (de 500 à 400). Il existe un consensus pour considérer que l’essentiel de l’augmentation de ces cancers est lié à l’extension du dépistage et  « au surdiagnostic, c’est-à-dire au diagnostic de cancers qui qui, s’ils n’avaient pas été découverts , n’auraient provoqué ni symptômes , ni décès ».  (Martin Schlumberger, IGR).  En clair, poursuit Le Monde, des milliers de français subissent donc une ablation totale de la thyroïde, puis une prescription à vie de Thyroxine  pour rien ! Aux Usa, les pratiques médicales ont évolué : non traitement des nodules de moins de 10 mm, ne pas enlever toute la thyroïde pour les cancers à faible risque. Il serait urgent d’adapter ces mesures en France
Et, en passant, non il n’y a pas eu en France d’explosion de cancers de la thyroïde  suite à Tchernobyl !

Pas un problème pharmaceutique, mais médical. Actions judicaires mal fondées et vautours

Le « scandale » de la nouvelle formule de la levothyroxine ne met donc pas tant en cause l’industrie pharmaceutique, ni même les décisions purement scientifiques de l’Agence du Médicament, mais plutôt sa manière de traiter l’information et surtout l’ensemble des pratiques médicales ( surdiagnostic lié au progrès du dépistage, surtraitement par les médecins, et dans le cas des cancers, suropération par les chirurgiens). C’est cela qui devrait maintenant mobiliser les autorités de santé et une conférence de consensus associant experts et patients devraient être rapidement mise en p^lace afin d’instaurer de bonnes pratiques scientifiquement fondées.

Ce n’est pas le médicament et surtout pas sa nouvelle formule qui sont en cause – et celle-ci constitue bien un progrès. Et  pour ceux qui par habitude mettent en cause les laboratoires pharmaceutiques et les insultent, il faut rappeler ceci : Merck n’était nullement demandeur pour la mise au point d’une nouvelle formule, c’est l’ANSM ( l’agence du médicament) qui la leur a imposé et elle a représenté un coût important pour Merck. L’ANSM a eu raison d’exiger cette évolution, mais l’a géré de manière catastrophique en n’informant pas suffisamment les patients.


C’est dire que les plaintes déposées contre Merck sont assez incompréhensibles, sans objet et pourtant des perquisitions et une enquête préliminaire sont en cours. J’ai déjà eu l’occasion de la constater dans ce blog, l’incompétence, l’arbitraire, l’absurdité, parfois la mauvaise foi de la justice française en matière de santé pose problème, ainsi que son refus de prendre en compte aux avis des experts. Il y a là une politique pénale absurde, qui devient véritablement problématique pour le progrès thérapeutique, et qui, au vrai, constitue une exploitation assez immonde des douleurs des victimes et de leurs proches.  Derrière la plupart de ces plaintes figure , en tant qu’avocate Mme Bertella Geoffroy, qui, en tant que magistrate, a déjà envoyé dans une sinistre impasse  les pauvres victimes de l’amiante dans des procès au pénal et se porte très bien en conseillère régionale EELV. 
Il existe ainsi certains oiseaux noirs qu’on qualifie de charognards et qui n’ont pas excellent réputation. 

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