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samedi 14 octobre 2017

Du droit aux Amériques ou le Far West


Génériques : le coup de la tribu indienne

Les laboratoires Allergan, astucieux et innovateurs, disposent de plusieurs pépites dont le Restasis, traitement contre la sécheresse oculaire. Seulement, son brevet est expiré et des producteurs de génériques, et pas parmi les plus petits, ont décidé de prendre leur part du gâteau et demandé à l’US patent office de les autoriser à commercialiser un générique de Restasis. Il existe pour cela une procédure administrative accélérée justement introduite il y a quelques années pour faciliter le développement des génériques – auparavant, les contestations entre inventeurs et génériqueurs passant par la justice civile, avec nombreux recours possibles, ce qui ralentissait d’autant l’introduction des génériques, et, en matière de coût, pouvait être assez dissuasif.
Alleluia, les avocats américains sont grandioses et d’une inventivité sans limite, pour laquelle ils sont grassement payés.  Ceux d’Allergan ont imaginé transférer les droits de leur médicament-tirelire à une tribune indienne, la tribu St. Regis Mohawk, qui va certainement devenir célèbre. L'accord prévoit le paiement à la tribu indienne de $13.5m auxquels vont s’ajouter $15m pa en royalties, jusqu’à à l’échéance du brevet prévue pour 2024, Allergan conservant bien sûr la plus grande partie des revenus. La raison : les tribus indiennes ne peuvent en aucun cas être justifiable d’une justice administrative, et seule reste ouverte la voie civile lente et coûteuse à ceux qui voudraient produire un générique de Restasis.
L’intérêt des patients, du système de santé, de la recherche scientifique ??? Les lawyers d’abord. T les actionnaires, l’exploit juridique ayant été comme de juste salué par une montée immédiate de 2.5% du cours d‘Allergan

Les actions disparues de deux chercheurs français

C’est sous ce titre que Le Monde du 15 septembre 2017 raconte l’a triste histoire, en fait la spoliation, de deux chercheurs français, Gilles Gosselin et Jean-Kouis Imbert, fondateurs de la société Idenix qui a inventé et mis sur le marché un antiviral efficace contre l’hépatite B, la telbivuldine. En 2014, l’entrepris et son médicament vedette sont rachetés par Merck pour 3,8 milliards de dollars ; la part des inventeurs fondateurs devaient se monter à 13.7 millions ; un beau succès.
La retraite approchant, en 2012, M. Gosselin, qui travaillait au CNRS s’enquiert de ses actions qui étaitent sous la garde d’une société américaine, Computershare..qui annonce qu’elle ne les a plus. Elle les a, sans aucune information, transféré à l’état du Delaware. Ce paradis fiscal intra américain a néanmoins une particularité malheureuse ; si pendant trois ans,  des actionnaires possédant des actions au Delaware n’ont ni vendu d’actions, ni touché de dividende, et ne répondent pas à un simple mel qu’ils peuvent très bien n’avoir jamais réçu ( car l’Etat fait peu d’effort pour les retrouver), leurs actions sont considérées en déshérence et vendues par le Delaware à son profit.
Et c’est ainsi que les fondateurs d’Idenix se sont trouvée dépouillés de la plus grande partie de leur pactole, et la France pillée à peu de frais de son patrimoine intellectuel.

Ethique : manipulations sur l’embryon humain aux USA

La nouvelle technologie CRISPR_CAS9 permet de manipuler efficacement l’ADN. Le monde s’est effaré lorsque des chercheurs chinois ont oublié la première tentative de correction d’un gène dans un embryon humain par cette technique- une anomalie génétique concernant la forme des globules rouges. En fait, le résultat fut plutôt négatif ; des insertions non désirées, des embryons mosaïques dont seules certaines cellules étaient corrigées.
Le monde n‘a pas dit grand chose lorsque des scientifiques américains (Mitalipov, Portland) ont effectuée également des manipulations sur embryons humains pour corriger des gènes défectueux MYPBPC3 responsables de malformations cardiaques, source majeures de mort subite de sujets jeunes. Mieux conçue, pratiqué à un stade plus précoce l’expérience a été beaucoup plus convaincante : 36 embryons génétiquement modifiés sur 54. Les embryons se sont développés normalement pendant quelques jours puis ont été détruits pour analyse. Reste un mystère incompréhensible à ce jour et qui jette un sérieux doute : le gène correct inséré et remplaçant le gène défectueux ne provient pas du gène artificiel, mais de l’ovocyte ( la mutation anormale était portée par le spermatozoide) ; et aussi le fait que la technique employée a pu provoquer de larges délétions en d’autres points du génome, ce qui n’a pas été vérifié.
Américains comme Chinois n’ont pas signé le protocole d’Oviedo, et, aux USA, la manipulation d’embryons humains n’est interdite que sur financement fédéral. On peut se demander quel peut bien être le bénéfice des manipulations génétiques sur embryons humains, compte tenu du risque – et plus généralement des risques étiques- par rapport à une fécondation artificielle après diagnostic préimplantatoire ?

Trois exemples montrant que les Etats-Unis élaborent leur droit sans aucun souci de la communauté internationale, et à leur profit, et qu’en fait ils l’imposent aux autres, et dans leur intérêt exclusif.. Je consacrerai un prochain blog à un exemple encore plus scandaleux et dangereux, l'extraterritorialité de la législation américaine et comment en particulier dans le cas de l’International Emergency Economic Powers Act, elle est utilisée pour un véritable impérialisme économique, comme l’illustre le rapt d’Alstom par General Electric.
La Communauté Européenne veut prouver son utilité : elle ferait bien de le faire rapidement, avant que les peuples ne l’envoient balader. Et de le faire en créant un droit européen qui nous protège réellement de l’impérialisme américain à forme juridique et de leur far west législatif.


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