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vendredi 5 octobre 2018

Dégressivité des allocations chômage des cadres : un pas de plus vers le démantèlement du modèle social français et une agression de plus contre les classes moyennes


L’idée circule en boucle, repart, revient. C’est Aurélien Taché (LREM), rapporteur sur le volet assurance chômage de la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel !!!!, (on peut difficilement se moquer davantage des gens !) est « d’instaurer une dégressivité à partir de six mois ou forfaitiser le revenu », car selon lui, « la justice sociale ce n’est pas de couvrir pendant deux ans des gens qui ont de très hauts revenus et pourraient retrouver un emploi ». C’est ensuite Edouard Philippe qui lors de son passage dans "L'Emission politique", sur France 2 a confirmé « La mise en œuvre de la dégressivité des indemnités de chômage pourrait être envisagée dans certains cas, pour les salaires très élevés, alors que les partenaires sociaux doivent négocier la nouvelle convention Unedic. »

Clairement il s’agit de monter l’opinion publique contre des cadres qui seraient profiteur du chômage afin de préparer la dégressivité des allocations chômages…alors même que la gestion paritaire de l’Unedic a été un succès qui a permis de retrouver l’équilibre financier, malgré la crise.

Qui ne voit et ne comprend qu’il s’agit aussi d’un pas vers la réalisation du programme libéral de destruction du principe même de l’assurance chômage pour la remplacer par un système minimal de solidarité permettant juste aux chômeurs de survivre complété éventuellement, pour ceux qui le pourront, par des assurances privées.

Ces gens (les macronistes) pensent, parlent, agissent gouvernent comme des porcs !

Gros mensonges et quelques chiffres

Ah ce fantasme du cadre chomeur aux Baléares ! Seulement 900 personnes touchent l’allocation maximale (7 454 € brut par mois soit 6560€ net), cela représente 0,03 % des bénéficiaires en 2017 ;
Le taux de chômage des cadres était de 3,3 % en 2017 ;
Les cadres ne représentaient que 7 % des allocataires indemnisés en 2016 ;
95 % des allocataires perçoivent une allocation de moins de 2 275 € brut par mois ;
En 2015, les cotisations des cadres apportent 42 % des cotisations chômage (33,4 milliards en tout) soit 14,1 milliards et perçoivent 15 % des allocations c’est-à-dire 4,7 milliards. Ce qui veut dire qu’il y a environ 10 milliards des contributions des cadres qui financent la solidarité ;
Selon le président de la CFE-CGC, les cotisations des cadres représentent 42 % des ressources de l’assurance-chômage, alors que les allocations qu’ils perçoivent n’en représentent que 15 % . « 

Que les cadres participent à la solidarité, c’est très bien ! Mais il est inadmissible de les en exclure », s’indigne M. Hommeril, qui juge « stupéfiant » de voir le premier ministre « tomber dans la stigmatisation des cadres ».

 Enfin, il est important de préciser que même si les contributions salariales au régime d’assurance chômage ont récemment été supprimées et remplacées par la contribution sociale généralisée (CSG), l’encadrement reste la population qui participe le plus au financement du régime, car la ou les contributions salariales étaient plafonnées, la CSG (assise aussi sur le salaire) ne l’est pas.
Et puis, si on baisse le plafond d’indemnisation des cadres, il faudrait baisser de la même façon toutes leurs cotisations, mais dans ce cas, l'Unédic perdrait beaucoup d'argent…

La conséquence : « Si les conditions sont dégradées pour les cadres, le risque est grand que leurs représentants ne renversent la table et décident de s'assurer tous seuls et sortent de l'assurance-chômage » Eric Heyer (Sciences Po, Directeur - département analyse et prévision. Et c’est bien ce que veulent provoquer les libéraux, la fin de l’assurance chômage remplacée par une prestation minimale « universelle » ; c’était même plus ou moins à mots cachés dans la programme du candidat Macron.

Et c’est l’exact contraire de la philosophie social démocrate du modèle suédois (voir mon blog Le modèle suédois, une protection sociale inclusive) qui repose sur le développement de services publics universel non pas en focalisant l’aide sur les plus démunis, mais en s’assurant le soutien des classes moyennes et aisées en les incluant dans des programmes d’assurance et des services publics universels et de qualité.

La dégressivité est inefficace

En 2015, un rapport de la Cour des comptes avait cité plusieurs études relatives au sujet, concluant que « la mise en œuvre d'une allocation dégressive engendre des économies, mais n'améliore pas globalement l'efficacité du système d'assurance chômage, qui dépend du niveau de contrainte que le marché du travail exerce sur la reprise d'activité des chômeurs ». En outre, comme l'a montré Le Monde, la comparaison des courbes du chômage des pays de l'Union européenne sur une décennie ne permet pas de tirer de conclusion relative à la mise en place ou non de la dégressivité. Un comparatif de l'Institut Montaigne a également montré que l'introduction de cette mesure dans ces pays s'est inscrite dans le cadre de réformes globales des systèmes d'assurance chômage, et qu'il était difficile d'évaluer son impactSi même l’Institut Montaigne le dit !

Pour autant, la proposition de l'exécutif de cibler exclusivement les cadres à haut niveau de revenu ne vient pas de nulle part. Dans une étude de référence de l'Insee remontant à 2001, analysant la période où la France a pratiqué la dégressivité (1986-2001), les auteurs ont émis l'hypothèse que la dégressivité, peu efficace sur les salariés à bas revenus, avait un impact probable sur les cadres à hauts revenus. Ils ont observé une hausse "spectaculaire" du taux de retour à l'emploi lorsque ces derniers basculaient dans l'ancienne allocation de fin de droits (AFD), d'autant que la chute du niveau d'indemnisation était plus brutale pour eux.

Ah oui, mais qu’est-ce que cela signifie ? Pressés par la baisse de leurs allocations, les cadres privés d’emploi devraient accepter des postes qui colleraient moins à leurs compétences. « Ce qui serait injuste, défend Gilbert Cette (membre du Conseil d'analyse économique (CAE) on punirait les cadres quand ils se retrouvent au chômage. Réaction de François Hommeril, patron de la CFE-CGC : «  D'ailleurs, cette dégressivité existait avant et elle a été supprimée car elle ouvrait des trappes à la précarité. Voyant leurs allocations décroître, les gens acceptaient n'importe quel emploi qui se trouvait être sous-qualifié par rapport à leur qualification d'origine, à nouveau le perdaient (...) et basculaient de plus en plus dans la précarité ». Cela signifie aussi que les cadres sont alors réduit à prendre des emplois qui devraient normalement être pourvus par d’autres moins qualifiés, et cet effet d’éviction peut difficilement être considéré comme positif. Ajoutons que l’allongement des durées de cotisation pour la retraite frappe spécialement les cadres qui commencent plus tardivement leur carrière. « Les gens indemnisés de plus de 50 ans, souvent arrivés au chômage après une rupture conventionnelle, ne sont pas les plus désirables sur le marché du travail » (J-F. Foucard, CFE-CGC)
Réactions syndicales fortes
Si la CFE-CGC a réagi de façon extrêmement vive (« Nous considérons que ceux qui se sont exprimés sur le sujet ont fait du populisme au sens propre du terme: ils désignent à la vindicte des autres catégories une catégorie particulière pour éviter que chacun regarde les vrais problèmes", a accusé François Hommeril, pour qui la dégressivité "n'a pas d'impact économique positif », elle n’a heureusement pas été la  seule et il y a même un front syndical impeccable contre cette mesure. « La proposition de dégressivité pour les cadres est proprement scandaleuse » (Martinez, CGT). « Nous avons compris la logique du président, d'ailleurs détaillée lors de la campagne, de supprimer toute cotisation pour créer un droit individuel au chômage,. Mais nous n'avons pas renoncé au principe du droit collectif. » (Pascal Pavageau, FO). Et même la CFDT, qui parle de ligne rouge : « L'assurance-chômage est un système assuranciel. Il y a un consentement à payer, à cotiser selon son niveau de salaire parce qu'on va recevoir, si l'on se retrouve au chômage, selon ce niveau de salaire. Si vous mettez fin à cette logique assurancielle, vous allez avoir, du côté des cadres, une baisse du consentement à la solidarité interprofessionnelle qu'est l'assurance chômage. Donc je ne pense pas que ce soit une bonne idée ». (Laurent Berger).
C’est qu’ils ont bien compris ce qui est en cause, et qu’après les cadres viendront les autres : destruction du principe même de l’assurance chômage pour la remplacer par un système minimal de solidarité permettant juste aux chômeurs de survivre complété éventuellement, pour ceux qui le pourront, par des assurances privées.
Oui décidément, ces gens-là, ce gouvernement-là, cette majorité-là pensent, parlent, agissent gouvernent comme des porcs ! Mais qu’ils prennent garde : « l’écrasement des classes moyennes produit des monstres politiques » !

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