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mercredi 3 octobre 2018

Le 300ème vol d’Ariane

Trois cents vols, un superbe anniversaire et un grand succès…ignorés

Le mardi 25 septembre à 19 h 38 en heure locale de Guyane, soit le mercredi  26 à 0 h 38 en Métropole, le vol VA243 a pris le chemin de l'espace, avec deux satellites à bord, destinés à l'orbite géostationnaire et représentant 10,8 tonnes. Le lanceur lourd a envoyé Horizons 3e sur son orbite de transfert 28 minutes plus tard et largué le second, Azerspace-2/Intelsat 38, 42 minutes après le décollage.
Cette mission qui s’est superbement déroulé présentait un caractère particulier : elle était la centième mission pour Ariane 5 et, en même temps, la 300ème pour l’ensemble de la famille Ariane, qui se compose du lanceur lourd Ariane 5, du lanceur moyen Soyouz et du lanceur léger Vega.

Tiens, à propos de en même temps, pas un président, pas un premier ministre, pas un ministre, pas même un ministricule envoyé à Kourou pour féliciter les équipes d’Ariane Space et se réjouir avec elles de son succès, pour rappeler la mémoire des ingénieurs et techniciens qui ont permis l’existence de ce programme, et même pourquoi pas, celle des dirigeants politiques qui ont voulu ce programme français et européen, au temps où la France et l’Europe avaient encore des ambitions ( c’était le monde d’avant, d’avant la Commission Européenne, l’Eurokom des boutiquiers bas de plafonds, avant une présidence actuelle qui n’a de considération que pour les financiers et les petites frappes (ce seraient pas les mêmes ?). Pas même un communiqué, pas même un tweet élyséen ! Même pas un petit commissaire européen.

Et ça, je le met à la rubrique jours de colères, qui s’enfle démesurément depuis l’arrivée au pouvoir de Macron !

Une grande aventure française et européenne

Ariane est en grande partie une initiative française, initialement issue des travaux du  CNES. La politique spatiale française, pour des raisons à la fois politiques et industrielles, a de tout temps été plus attachée au développement d'un lanceur européen que ses partenaires au sein de l'Agence spatiale européenne. Le programme Ariane est lancé en 1973 par l'Agence spatiale européenne afin de donner les moyens à l'Europe de mettre en orbite ses satellites sans dépendre des autres puissances spatiales. Ce projet avait été précédé d'un échec avec la fusée Europa. La première version, Ariane 1, effectue son vol inaugural depuis la base de Kourou (Guyane française) le 24 décembre 1979. Elle est rapidement remplacée par des versions plus puissantes, Ariane 2, Ariane 3 et Ariane 4 qui effectuent leur premier vol respectivement en 1984, 1986 et 1988. Pour faire face à l'augmentation de la masse des satellites, le lanceur est complètement refondu, donnant naissance à la version Ariane 5 capable de placer maintenant plus de 10,7 t en orbite de transfert géostationnaire. Son premier vol a eu lieu en 1996.
Malgré les échecs des deux premiers vols inauguraux, Ariane 5 a depuis fait taire ses détracteurs. Sur désormais 100 lancements, 95 ont réussi. C’est d’ailleurs cette constance à toute épreuve qu’Arianespace (filiale créée en 1980 par le CNES et les principaux industriels impliqués dans le programme) vend à ses clients. Car outre les missions scientifiques comme Rosetta et le ravitaillement de la station spatiale internationale, Ariane 5 a mis en orbite plus de 240 satellites, dont 152 pour les telecoms.

Un succès technique, scientifique, commercial

Le but d’Ariane au départ est de se rendre indépendant des technologies américaines et russes, et de pouvoir lancer un ou deux satellites gouvernementaux par an ;  il n'était pas prévu de développer une activité commerciale. Mais Ariane a été de plus un succès commercial majeur favorisé par  le  pas de tir de Kourou, inauguré en 1968 et sa localisation près de l'équateur, l'augmentation de la masse des satellites géostationnaires, les errements de la politique spatiale américaine autour de sa navette spatiale (les américains sont désormais dépendant des fusées russes pour rejoindre la station spatiale internationale ! ), des choix techniques et de dimensionnement pertinents  qui vont transformer la fusée Ariane en un acteur majeur sur le marché du lancement de satellites commerciaux.
Ariane 5 est solidement installé, avec plus de 50 % de part de marché, sur le créneau des satellites géostationnaires lourds. Dans le créneau des satellites plus légers (généralement militaire), l’alliance avec le lanceur russe Soyouz, qui utilise également les installations de Kourou constitue une offre complémentaire.

Une vitrine de l’industrie aéronautique française

ArianeSpace est une vitrine plus large de l’industrie française. Le premier étage cryotechnique est assemblé par EADS Astrium Space Transportation dans l'usine des Mureaux en région parisienne à partir du réservoir isolé et équipé, fabriqué par Cryospace, filiale à 55 % d'Air liquide et à 45 % d'Astrium installée sur le même site des Mureaux et de composants produits entre autres par Snecma (moteur Vulcain) sur le site de Vernon dans l'Eure, MAN sur le site d'Augsburg (Allemagne), Astrium Allemagne (ex Dornier) à Brême et Dutch Space aux Pays-Bas. premier étage cryotechnique EPC est assemblé par EADS Astrium Space Transportation dans l'usine des Mureaux en région parisienne à partir du réservoir isolé et équipé, fabriqué par Cryospace, filiale à 55 % d'Air liquide et à 45 % d'Astrium installée sur le même site des Mureaux et de composants produits entre autres par Snecma (moteur Vulcain) sur le site de Vernon dans l'Eure, MAN sur le site d'Augsburg (Allemagne), Astrium Allemagne (ex Dornier) à Brême et Dutch Space aux Pays-Bas. Snecma, groupe Safran est responsable de la conception et de l’intégration des moteurs cryogéniques Vulcain. EADS Astrium Allemagne fournit les chambres de combustion des moteurs (site d'Ottobrun) ainsi que l'étage à propergol stockable Aestus pour la version générique. Par ailleurs, pour le moteur Vulcain, Volvo (Suède) fournit le divergent de la tuyère, Avio SpA (Italie) la turbopompe oxygène et MAN le cardan. La motorisation des premières versions d'Ariane était conçue par la Société européenne de propulsion (SEP) qui fut par la suite intégrée à la Snecma. Les deux gros propulseurs à poudre (EAP) sont fabriqués par la société Europropulsion détenue à parts égales par Snecma et la société italienne Avio SpA. La tuyère est réalisée par Snecma, le corps du propulseur par MAN en Allemagne tandis que les ergols sont préparés et coulés par Regulus une société détenue à 60 % par l'italien Avio et à 40 % par Snecma. L'assemblage des propulseurs est réalisé sur le site de Kourou en Guyane. Enfin, la coiffe est réalisée par la société suisse Contraves. : l’Europe ne se limite pas à  Bruxelles !

Exemple prestigieux de ce que peut une politique industrielle bien menée, qui doit ici beaucoup à la volonté française d’indépendance, au savoir-faire de divers pays européen riches de traditions aéronautiques, à une coopération exemplaire avec ce pays européen qu’est la Russie ( et rien à la Commission européenne) 
Ariane mérite mieux que cette indifférence incompréhensible, idiote, vexante de nos dirigeants politiques.

De nouveaux défis pour continuer !

Et surtout Ariane doit  continuer et doit continuer à évoluer pour s’adapter au marché des satellites - ce sera le rôle d’Ariane 6. La compétition sera plus vive, puisque les américains font d’immenses efforts pour revenir dans la course avec des lanceurs réutilisables. Après l’arrêt des navettes spatiales, la Nasa a lancé un programme pour s’équiper de nouveaux lanceurs réutilisables. Si le See Launch piloté par Boeing a connu un échec humiliant, la société Space X du mirobolant Elon Musk connait un certain succès. En mars 2006, à la tribune d’un congrès spatial,  il lançait : « Salut à tous, je m’appelle Elon Musk. Je suis le fondateur de SpaceX et dans cinq ans vous êtes tous morts». D’accord, mais il a quand même fallut attendre 2015 pour une  première récupération réussie du premier étage ; le 8 avril 2016 pour l’appontage du premier étage du lanceur sur une barge océanique (que Space X semble maintenant bien maitriser) ; et le 30 mars 2017 à l'occasion de la mission SES-10, pour la première réutilisation d’un un premier étage ayant précédemment servi. Space X semble prêt du but, après un nombre conséquent d’échec, dont l’un a failli le couler : le 1er septembre 2016, un essai de mise à feu des moteurs du lanceur Falcon 9 FT a provoqué la destruction de la fusée, de son chargement et du pas de tir causant un retard considérable au programme de satellite géostationnaire iridium.

La perte de rendement due à la nécessité de garder des réserves de carburant pour l'atterrissage, la réduction des économies d'échelles liée à la baisse du volume de production de lanceurs neufs, les coûts de remise en état du lanceur ;la commercialisation plus difficile de lanceurs usagés (fiabilité à déterminer) font que le choix d’un lanceur réutilisable n’ a rien d’évident – l’échec de la navette spatiale le prouve.  Space X réussit, en particulier avec le Falcon heavy, à concurrencer Ariane5, mais la messe est –elle dite ? Quant aux coûts et à la stratégie, la  fiabilité d’Elon Musk est… ce qu’elle est, contrepartie de son audace et de son caractère visionnaire. Space X est très très largement financeé par le contribuable américain, notamment par des lancements militaires facturés au prix fort (quatre fois celui des lancements commerciaux). Dans ce domaine spatial stratégique, la concurrence libre et non faussée…il n’y a que les gnomes de la Commissions de Bruxelles pour y croire- malheureusement  !
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L’Amérique revient dans l’espace, la Chine annonce une politique industrielle à long terme en se fixant des priorités ambitieuses. En sus de son programme mondial des « routes de la soie » ( one belt, one road) destinée à renforcer ses exportations, accroitre ses investissement à l’ étranger et renforcer son influence géostratègique, la Chine a un programme (Made in China 2025) affirmant ses ambitions dans dix secteurs stratègiques dans lequel elle investit lourdement et en se préparant à une longue marche : informatique, robotique, aéronautique, mobilité décarbonnée, pharmacie, mtériel électrique, matériaux avancés, équipements agricoles, construction navale, équipements ferroviaires.

Et l’Europe, et la France ? Même pas capable de reconnaître ses succès et ses atouts et de capitaliser sur eux, et de leur donner un avenir. Pour le spatial comme pour le nucléaire

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