Trois cents vols, un superbe
anniversaire et un grand succès…ignorés
Le mardi 25 septembre à
19 h 38 en heure locale de Guyane, soit le mercredi 26 à 0 h 38 en Métropole, le vol VA243 a pris le
chemin de l'espace, avec deux satellites à bord, destinés à l'orbite
géostationnaire et représentant 10,8 tonnes. Le lanceur lourd a envoyé Horizons
3e sur son orbite de transfert 28 minutes plus tard et largué le second,
Azerspace-2/Intelsat 38, 42 minutes après le décollage.
Cette mission qui s’est
superbement déroulé présentait un caractère particulier : elle était la centième mission pour Ariane 5 et, en même
temps, la 300ème pour l’ensemble de la famille Ariane, qui se compose du
lanceur lourd Ariane 5, du lanceur moyen Soyouz et du lanceur léger Vega.
Tiens, à propos de en
même temps, pas un président, pas un premier ministre, pas un ministre, pas
même un ministricule envoyé à Kourou pour féliciter les équipes d’Ariane Space
et se réjouir avec elles de son succès, pour rappeler la mémoire des ingénieurs
et techniciens qui ont permis l’existence de ce programme, et même pourquoi
pas, celle des dirigeants politiques qui ont voulu ce programme français et
européen, au temps où la France et l’Europe avaient encore des ambitions ( c’était
le monde d’avant, d’avant la Commission Européenne, l’Eurokom des boutiquiers
bas de plafonds, avant une présidence actuelle qui n’a de considération que
pour les financiers et les petites frappes (ce seraient pas les mêmes ?).
Pas même un communiqué, pas même un tweet élyséen ! Même pas un petit
commissaire européen.
Et ça, je le met à la
rubrique jours de colères, qui s’enfle démesurément depuis l’arrivée au pouvoir
de Macron !
Une
grande aventure française et européenne
Ariane est en grande
partie une initiative française, initialement issue des travaux du CNES. La politique spatiale française, pour
des raisons à la fois politiques et industrielles, a de tout temps été plus
attachée au développement d'un lanceur européen que ses partenaires au sein de
l'Agence spatiale européenne. Le programme Ariane est lancé en 1973 par
l'Agence spatiale européenne afin de donner les moyens à l'Europe de mettre en
orbite ses satellites sans dépendre des autres puissances spatiales. Ce projet
avait été précédé d'un échec avec la fusée Europa. La première version, Ariane
1, effectue son vol inaugural depuis la base de Kourou (Guyane française) le 24
décembre 1979. Elle est rapidement remplacée par des versions plus puissantes,
Ariane 2, Ariane 3 et Ariane 4 qui effectuent leur premier vol respectivement
en 1984, 1986 et 1988. Pour faire face à l'augmentation de la masse des
satellites, le lanceur est complètement refondu, donnant naissance à la version
Ariane 5 capable de placer maintenant plus de 10,7 t en orbite de transfert
géostationnaire. Son premier vol a eu lieu en 1996.
Malgré les échecs des deux premiers vols inauguraux, Ariane 5 a depuis
fait taire ses détracteurs. Sur désormais 100 lancements, 95 ont réussi. C’est
d’ailleurs cette constance à toute épreuve qu’Arianespace (filiale créée en
1980 par le CNES et les principaux industriels impliqués dans le programme)
vend à ses clients. Car outre les missions scientifiques comme Rosetta et le
ravitaillement de la station spatiale internationale, Ariane 5 a mis en orbite
plus de 240 satellites, dont 152 pour les telecoms.
Un succès technique, scientifique, commercial
Le but d’Ariane au départ est de se rendre indépendant des technologies américaines et
russes, et de pouvoir lancer un ou deux satellites gouvernementaux par an ;
il n'était pas prévu de
développer une activité commerciale. Mais Ariane a été de plus un succès
commercial majeur favorisé par le pas de tir de Kourou, inauguré en 1968 et sa localisation
près de l'équateur, l'augmentation de la masse des satellites géostationnaires,
les errements de la politique spatiale américaine autour de sa navette spatiale
(les américains sont désormais dépendant des fusées russes pour rejoindre la
station spatiale internationale ! ), des choix techniques et de
dimensionnement pertinents qui vont
transformer la fusée Ariane en un acteur majeur sur le marché du lancement de
satellites commerciaux.
Ariane 5 est solidement installé, avec plus de 50 % de part de
marché, sur le créneau des satellites géostationnaires lourds. Dans le créneau
des satellites plus légers (généralement militaire), l’alliance avec le lanceur
russe Soyouz, qui utilise également les installations de Kourou constitue une
offre complémentaire.
Une vitrine de l’industrie aéronautique française
ArianeSpace est une vitrine plus large
de l’industrie française. Le premier étage cryotechnique est assemblé par EADS
Astrium Space Transportation dans l'usine des Mureaux en région parisienne à
partir du réservoir isolé et équipé, fabriqué par Cryospace, filiale à 55 %
d'Air liquide et à 45 % d'Astrium installée sur le même site des Mureaux et de
composants produits entre autres par Snecma (moteur Vulcain) sur le site de
Vernon dans l'Eure, MAN sur le site d'Augsburg (Allemagne), Astrium Allemagne
(ex Dornier) à Brême et Dutch Space aux Pays-Bas. premier étage cryotechnique
EPC est assemblé par EADS Astrium Space Transportation dans l'usine des Mureaux
en région parisienne à partir du réservoir isolé et équipé, fabriqué par
Cryospace, filiale à 55 % d'Air liquide et à 45 % d'Astrium installée sur le
même site des Mureaux et de composants produits entre autres par Snecma (moteur
Vulcain) sur le site de Vernon dans l'Eure, MAN sur le site d'Augsburg
(Allemagne), Astrium Allemagne (ex Dornier) à Brême et Dutch Space aux
Pays-Bas. Snecma, groupe Safran est responsable de la conception et de l’intégration
des moteurs cryogéniques Vulcain. EADS Astrium Allemagne fournit les chambres
de combustion des moteurs (site d'Ottobrun) ainsi que l'étage à propergol
stockable Aestus pour la version générique. Par ailleurs, pour le moteur
Vulcain, Volvo (Suède) fournit le divergent de la tuyère, Avio SpA (Italie) la
turbopompe oxygène et MAN le cardan. La motorisation des premières versions
d'Ariane était conçue par la Société européenne de propulsion (SEP) qui fut par
la suite intégrée à la Snecma. Les deux gros propulseurs à poudre (EAP) sont
fabriqués par la société Europropulsion détenue à parts égales par Snecma et la
société italienne Avio SpA. La tuyère est réalisée par Snecma, le corps du
propulseur par MAN en Allemagne tandis que les ergols sont préparés et coulés
par Regulus une société détenue à 60 % par l'italien Avio et à 40 % par Snecma.
L'assemblage des propulseurs est réalisé sur le site de Kourou en Guyane.
Enfin, la coiffe est réalisée par la société suisse Contraves. : l’Europe ne se limite pas à Bruxelles !
Exemple prestigieux de ce que peut une
politique industrielle bien menée, qui doit ici beaucoup à la volonté française
d’indépendance, au savoir-faire de divers pays européen riches de traditions
aéronautiques, à une coopération exemplaire avec ce pays européen qu’est la
Russie ( et rien à la Commission européenne)
Ariane mérite mieux que cette indifférence incompréhensible, idiote,
vexante de nos dirigeants politiques.
De nouveaux défis pour continuer !
Et surtout Ariane doit continuer et doit continuer à évoluer pour
s’adapter au marché des satellites - ce sera le rôle d’Ariane 6. La compétition
sera plus vive, puisque les américains font d’immenses efforts pour revenir
dans la course avec des lanceurs réutilisables. Après l’arrêt des navettes
spatiales, la Nasa a lancé un programme pour s’équiper de nouveaux lanceurs
réutilisables. Si le See Launch piloté par Boeing a connu un échec humiliant,
la société Space X du mirobolant Elon Musk connait un certain succès. En mars
2006, à la tribune d’un congrès spatial,
il lançait : « Salut à tous, je m’appelle Elon Musk. Je suis
le fondateur de SpaceX et dans cinq ans vous êtes tous morts». D’accord, mais
il a quand même fallut attendre 2015 pour une première récupération réussie du premier étage ;
le 8 avril 2016 pour l’appontage du premier étage du lanceur sur une barge
océanique (que Space X semble maintenant bien maitriser) ; et le 30 mars
2017 à l'occasion de la mission SES-10, pour la première réutilisation d’un un
premier étage ayant précédemment servi. Space X semble prêt du but, après un nombre
conséquent d’échec, dont l’un a failli le couler : le 1er septembre 2016, un essai de mise à
feu des moteurs du lanceur Falcon 9 FT a provoqué la destruction de la fusée, de
son chargement et du pas de tir causant un retard considérable au programme de
satellite géostationnaire iridium.
La perte de rendement due à la nécessité
de garder des réserves de carburant pour l'atterrissage, la réduction des
économies d'échelles liée à la baisse du volume de production de lanceurs
neufs, les coûts de remise en état du lanceur ;la commercialisation plus
difficile de lanceurs usagés (fiabilité à déterminer) font que le choix d’un
lanceur réutilisable n’ a rien d’évident – l’échec de la navette spatiale le
prouve. Space X réussit, en particulier
avec le Falcon heavy, à concurrencer Ariane5, mais la messe est –elle dite ?
Quant aux coûts et à la stratégie, la fiabilité d’Elon Musk est… ce qu’elle est,
contrepartie de son audace et de son caractère visionnaire. Space X est très
très largement financeé par le contribuable américain, notamment par des
lancements militaires facturés au prix fort (quatre fois celui des lancements
commerciaux). Dans ce domaine spatial stratégique, la concurrence libre et non
faussée…il n’y a que les gnomes de la Commissions de Bruxelles pour y croire-
malheureusement !
.
L’Amérique revient dans l’espace, la Chine annonce une politique
industrielle à long terme en se fixant des priorités ambitieuses. En sus de son
programme mondial des « routes de la soie » ( one belt, one road)
destinée à renforcer ses exportations, accroitre ses investissement à l’
étranger et renforcer son influence géostratègique, la Chine a un programme
(Made in China 2025) affirmant ses ambitions dans dix secteurs stratègiques
dans lequel elle investit lourdement et en se préparant à une longue marche :
informatique, robotique, aéronautique, mobilité décarbonnée, pharmacie, mtériel
électrique, matériaux avancés, équipements agricoles, construction navale,
équipements ferroviaires.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.