Rapport
rédigé par d’Olivier APPERT, Membre de l’Académie des technologies, et Patrice
GEOFFRON, Professeur d’économie à l’Université Paris, Dauphine-PSL
Rapport
complet : https://www.eclairerlavenir.fr/wp-content/uploads/2021/06/GT4-Rapport-final-Hydrog%C3%A8ne.pdf
A) Contexte :
On pourra se reporter à deux billets précédents
résumant un rapport de l’Académie des Technologies : https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de.html
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de_9.html
Et à une
conclusion importante :
« L’utilisation massive
d’hydrogène comme stockage intermédiaire d’énergie électrique intermittente
(éolien et solaire) dans la chaîne Power-to-Gas-to-Power se heurte à
des obstacles rédhibitoires tenant aux volumes considérables des stockages
d’hydrogène requis et au faible facteur de charge des électrolyseurs et
piles à combustible de la chaîne « conversion-stockage-conversion » qui
obère considérablement les coûts… »
« Dans
tous les cas, le stockage d’une électricité renouvelable variable sous forme
d’hydrogène entraine des pertes de conversion de 70 %, à terme peut-être
seulement 40 ou 50 %. Dans un environnement disposant de larges réseaux de gaz ou d’électricité les perspectives de rentabilité
pour ces solutions semblent très lointaines, à des niveaux de coût carbone bien
supérieurs à ce qu’ils sont actuellement. »
Bon,
l’hydrogène c’est pas nouveau ( un molécule prometteuse destinée à le
rester ?)
« Élément chimique le plus
abondant de l’univers, l’hydrogène est source d’espoirs depuis deux siècles.
Mais l’ère post-carbone, où l’hydrogène aura contribué à évincer les énergies
fossiles, n’est pas encore advenue. Pour l’heure, ses usages sont certes très
concentrés dans l’industrie chimique (ammoniac pour la fabrication des engrais)
ou la pétrochimie (pour le raffinage), mais cet hydrogène est très « gris »,
produit à 95 % à partir de gaz et de charbon (la molécule H2 n’étant pas
disponible à l’état naturel). Dans le cadre de la lutte contre le changement
climatique, encore loin des espoirs, l’hydrogène fait donc partie pour l’heure
du problème, induisant l’émission de près d’un milliard de tonnes de CO2 par an
au niveau mondial. Mais l’Union européenne, qui vise la neutralité carbone
d’ici 2050, ravive un espoir d’émergence d’une économie de l’hydrogène propre
dans son Green Deal : ce à quoi l’Allemagne, la France et l’Italie font écho en
prévoyant des milliards d’euros pour
construire une filière dans ce domaine. L’objectif est de produire en masse
un hydrogène par électrolyse de l’eau, grâce à une électricité décarbonée
(éolien, photovoltaïque, hydraulique, nucléaire, etc.) ou dont les émissions
seraient captées et stockées »
Le moins qu’on puisse dire est que le rapport
rappelle à la raison quant à l’enthousiasme
un peu démesuré et sonnant et trébuchant de certains politiques
B) Les
procédés de production de l’hydrogène : de l’hydrogène de toutes les
couleurs
Hydrogène
gris : Le
vaporeformage d’énergie fossile consiste à exposer du gaz ou du charbon à une
vapeur très chaude, afin de libérer le dihydrogène. L’ hydrogène « gris » est
particulièrement émetteur de gaz à effet de serre Les milliards de tonnes de
CO2 émises par la production d’hydrogène représentent 2,5 % du total des
émissions mondiales.
Toutefois
couplé à une chaîne de captage, de transport puis de stockage du carbone (CCS)
: cet hydrogène est alors qualifié de « bleu » .
Hydrogène
vert, rose ou jaune : obtenu par décomposition de la molécule d’eau, par
électrolyse ou par cycles thermochimiques – la molécule se dissocie sous
l’effet de températures de l’ordre de 800 à 1 000 °C. L’hydrogène produit est
désigné par plusieurs couleurs selon la source d’électricité utilisée. Il est
qualifié de « vert » lorsque la
source d’électricité est composée exclusivement d’énergies renouvelables ou de « rose » lorsqu’il est produit avec de l’énergie nucléaire. Toutefois, en France, l’hydrogène produit à partir du réseau électrique –
parfois caractérisé en « jaune » – dégage peu de CO2 compte tenu de la
faible teneur en carbone du mix français largement composé de l’électricité des
centrales nucléaires et de l’hydroélectricité des barrages.
Le vaporeformage dégage en moyenne 11 kg de CO2 par
kg d’hydrogène (auquel il convient d’ajouter 1 kg pour 100 km de transport),
tandis que l’hydrogène vert n’en émet que 1,9 kg et l’hydrogène jaune 3 kg.
Comparativement, l’hydrogène produit à partir du réseau d’électricité européen
produit quant à lui plus de 20 kg de CO2.
Production
à partir du réseau français et taxonomie « verte » européenne :
L’Europe met en place une taxonomie de
l’investissement durable pour orienter les flux vers les technologies
décarbonées. Cette taxonomie vise à définir un seuil d’émissions de CO2 en-deçà
duquel telle technologie ou activité sera considérée comme contribuant à
l’évolution positive du climat. L’acte
délégué présenté le 23 avril 2021 par la Commission définit comme éligible à la
taxonomie verte la production qui dégage moins de 3 kg de CO2 par kg
d’hydrogène, un seuil qui rend éligible le recours au mix électrique
français
Commentaire : cela me semble
très très optimiste lorsqu’on considère l’acharnement des Allemands à combattre
l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie. Si le nucléaire n’est pas inclus
dans la taxonomie, cela rendra probablement l’hydrogène produit à partir du
réseau électrique français inéligible à tout financement vert…. De même que
tout hydrogène produit à partir de SMR (Small Modular Reactor, pourtant une
technologie très prometteuse)
1) Les
coûts de production :
Le coût de l’hydrogène produit par vaporeformage
dépend de celui du gaz naturel, à partir duquel il est produit, et de celui du
CO2. Il s’élève aujourd’hui en France entre 1,5 et 2 €/kg environ, sous
l’hypothèse d’un prix du gaz de 20 €/MWh et d’un prix de la tonne de CO2 de 40
€/t sur le marché ETS.
La production de l’hydrogène par vaporeformage avec
CCS représente, quant à elle, un surcoût situé entre 1 et 2,5 €/kg par rapport
au vaporeformage simple. Le coût d’un kilo d’hydrogène produit par
vaporeformage et CCS s’élève aujourd’hui entre 2,5 et 4,5 €/kg. Total estime que le coût de la chaîne de
captage, transport et stockage de son projet Northern Light en Norvège pourrait
diminuer d’un coût de 150 à 75 € la tonne de CO2 grâce aux effets
d’échelle, soit un surcoût de 0,75 € par
kilo d’hydrogène produit par rapport au vaporeformage et donc le prix
devrait diminuer dans une fourchette
entre 2 et 2,5 €/kg à l’horizon 2030.
Compte-tenu de ces évolutions favorables des coûts,
le rapport considère que à titre transitoire, et dans une optique de stimuler
la demande d’hydrogène décarboné dans l’industrie et la mobilité, il pourrait
être envisagé de recourir de manière complémentaire à l’hydrogène bleu produit
après CCS.
Le coût de production de l’hydrogène électrolytique dépend des dépenses
d’investissement de l’électrolyseur (Capital expenditure, ou CAPEX), du prix de
l’électricité et du taux de charge, c’est-à-dire du taux d’utilisation de
l’électrolyseur. Les CAPEX s’élèvent aujourd’hui autour de 1 000 €/kW pour
les électrolyseurs alcalins et 1 500 €/kW pour les PEM.
Au total, les
coûts actuels de production de l’hydrogène électrolytique (4,5 à 6 €/kg) sont
encore très élevés par rapport au vaporeformage (1,5 €/kg) et même par rapport
à l’hydrogène bleu (2,5 à 4,5 €/kg). Le développement d’une demande pour
l’hydrogène produit par électrolyse dans les prochaines années nécessitera donc
une baisse significative des prix de production et un soutien public pour
couvrir la différence de coût.
Un kilo d’hydrogène produit par electrolyse sera produit dans une fourchette comprise
entre 2 et 4 €/kg à l’horizon 2030. Il ne deviendrait compétitif avec
l’hydrogène fossile (2,5 €/kg avec un prix du CO2 à 100 € sur l’ETS) que dans
les scénarios les plus optimistes.
2) Modalités
de production par électrolyse
Il existe trois configurations possibles pour la
production par électrolyse.
La première
consiste à relier directement les électrolyseurs à une source d’énergie
renouvelable et de n’utiliser que les surplus de production d’électricité pour
produire de l’hydrogène, afin de bénéficier des prix les plus bas. Ce fonctionnement s’avère être le plus onéreux, car le taux de charge
des électrolyseurs est particulièrement faible compte tenu de l’intermittence
des renouvelables… cette configuration oblige à surdimensionner
l’électrolyseur pour qu’il puisse recevoir le plus possible d’électricité
produite par la centrale. Aucun espoir de rentabilité même à moyen terme avant
2030
Commentaire : en fait, comme
l’Académie des technologies avant elle, le groupe de la insiste sur une absence de modèle économique à horizon
2030 pour le stockage des excédents d’électricité :
L’hydrogène constitue un vecteur d’énergie. À ce
titre, il peut servir à stocker l’électricité produite en recourant à
l’électrolyse pour la restituer par la suite, par exemple grâce à une pile à
combustible. Cet usage, désigné sous le nom de Power-to-gas-to-power, offre la
possibilité d’équilibrer l’offre d’électricité à la demande. Il permet ainsi de
pallier le problème de l’intermittence des énergies renouvelables, en stockant
par exemple l’énergie solaire excédentaire produite en été pour la restituer en
hiver. Il offre également la possibilité de résoudre des problématiques de
congestion du réseau électrique en évitant d’investir dans de nouvelles lignes.
RTE considère néanmoins qu’il n’existe
pas de modèle économique à horizon 2035 pour ces deux services.
L’hydrogène
apparaît peu compétitif face à aux modes de stockage existants , compte tenu notamment
du faible rendement énergétique (30 % environ actuellement) et du surcoût que
représente la production d’hydrogène par un électrolyseur ne captant que les
surplus d’électricité (le faible taux de charge augmente la durée
d’amortissement des CAPEX, cf. supra). L’Académie des technologies estime ainsi que le
coût du MWh produit par une pile à combustible s’établit entre 500 et 800 €/MWh
et peut diminuer en dessous de 400 €/MWh en utilisant le même dispositif comme
électrolyseur et comme pile à combustible. Par rapport aux solutions thermiques
qui pallient aujourd’hui la variabilité des énergies renouvelables, RTE estime que le coût de la tonne de
carbone évitée par le Powerto-gas-to-power s’élève à environ 400 €/t de CO2
pour un hydrogène à 3 €/k
Le deuxième
mode consiste à relier les électrolyseurs directement au réseau, afin qu’ils
fonctionnent toute l’année, sauf pendant certaines périodes de tension où les
prix de l’électricité sont élevés. Ce fonctionnement est aujourd’hui le mode le
plus économique, car il nécessite moins de capacité d’électrolyse pour un même
volume d’électricité et permet ainsi d’amortir plus rapidement le coût
d’investissement.
Le dernier
mode repose sur l’installation d’électrolyseurs sur un site de production
d’électricité renouvelable dédié à la production d’hydrogène, l’électricité pouvant
être revendue lorsque les prix sont élevés sur le marché…. l’hydrogène ainsi
produit ne deviendrait moins cher que le raccordement direct au réseau qu’en
cas de baisse plus forte qu’anticipée du prix des panneaux solaires de l’ordre
de 30 % ou de très fortes hausses des prix de l’électricité sur le marché.
Seuls les deux derniers modes – connexion au réseau
raccordement à un site d’énergie renouvelable dédié – permettent donc
d’optimiser le coût de production d’hydrogène à horizon 2030. Si la première de
ces deux configurations est à l’heure actuelle la moins onéreuse, le choix
entre ces deux configurations dans les prochaines années dépendra des
hypothèses d’évolution des prix de l’électricité renouvelable et des prix de
l’électricité sur le marché de gros, et dans une moindre mesure des CAPEX
3) Des
modes prometteurs de productions – 1) le Carbon storage
« Pour
que l’hydrogène bleu devienne une possibilité sur le plan industriel, les
capacités de stockage devront être développées. En 2020, seules 35 millions de
tonnes de capacités de stockage sont en projet, principalement aux États-Unis
(25 Mt), alors qu’il faudrait 800 millions de tonnes pour seulement stocker le
carbone issu de la seule production d’hydrogène, qui ne représente elle-même
que 1 % du total des émissions de CO2. Les pays européens les plus avancés
sur le CCS, la Norvège, les Pays-Bas ou
encore le Royaume-Uni, cherchent à développer cette filière par la mise en
place de mécanismes mélangeant incitation et sanction, en couplant des taxes croissantes sur le CO2 et de subventions
couvrant le différentiel de coût entre le prix du CCS et celui de la tonne de
carbone. Les Pays-Bas ont ainsi instauré une taxe carbone de 30 € en 2020 qui
augmentera jusqu’à 125 € en 2030, tandis que la mise en place de contrat pour
différence (CfD) sur la valeur du CO2 permet le financement de 100 % de l’écart
entre les coûts du projet et le prix du CO2 (dans une limite de 156 €/t pour le
CCS). Il convient de noter l’existence de discussions germano-russes destinées
à explorer la possibilité d’exporter de l’hydrogène produit en Russie à partir
de méthane avec CCS.
Le développement du
CCS en France nécessiterait de déployer des capacités de stockage de CO2 ou
transporter ce dernier vers les zones de stockage en Mer du Nord. Des
études dans le Nord de la France ont permis d’identifier des petites structures
de stockage. D’autres se situeraient probablement en off-shore sur la côte
atlantique. Le potentiel est estimé à quelques centaines de millions de tonnes
de CO2. Leur exploitation nécessiterait
néanmoins des campagnes d’exploration (forages de puits, campagne sismique)
longues (8 ans entre le début du projet et sa mise en service) et coûteuses
(creuser un puits en mer du nord coûte environ 100 M$). Le choix de recourir à cette technique en
France ne peut donc concerner uniquement la production d’hydrogène.
L’exportation de CO2 capté en France, plus immédiate, nécessiterait, sur le
plan juridique, un accord bilatéral avec le pays d’importation. Le coût de
transport d’une tonne de CO2 par navire vers les Pays-Bas est estimé par Total
autour de 20 €. Elle serait limitée à l’hydrogène produit à proximité d’un port
pour des raisons logistiques.
Commentaire : le stockage du carbone
ne pose pas de barrières techniques insurmontables, il suffit de lancer des
campagnes d’exploration. En Europe, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni , des mélanges de taxes sur le CO2 et
de subventions permettent d’inviter au développement de cette technique
identifiée par l’AIE comme un moyen très prometteur de combattre le
réchauffement climatique (cf par exemple https://www.connaissancedesenergies.org/la-capture-du-co2-essentielle-dans-le-cadre-de-la-transition-energetique-selon-laie-200930). Si effectivement il
n’y a que peu d’intérêt à développer ces techniques pour la seule production
d’hydrogène, elle peuvent devenir un atout majeur dans la transition
énergétique. Et pour l’hydrogène
Des modes prometteurs
de productions 2)– SMR et électrolyse à haute température
Le CEA
travaille actuellement à un couplage entre un électrolyseur SOEC (solid oxide
electrolysis cell) à haute température pouvant fonctionner en mode électrolyse
ou PAC et des petits réacteurs nucléaires modulables, dits « SMR » (Small
Modular Reactors). Le premier avantage du modèle est d’utiliser la chaleur de
la centrale pour augmenter le rendement de l’électrolyse à haute température de
10 points, soit un rendement total de 85 % contre 65 à 70 % maximum pour les
électrolyseurs PEM et Alcalins. Un apport de chaleur à 150 degrés sous forme de
vapeur surchauffée est suffisant pour entretenir le système. Le modèle permet
également d’optimiser la production d’hydrogène en fonction des prix de marché
de l’électricité. Lorsque les prix sont élevés, l’électrolyseur serait à
l’arrêt ou fonctionnerait en mode réversible (PAC) pour soutenir le réseau. En
cas de prix bas, le réacteur nucléaire serait modulé à la baisse pour capter
les prix du réseau et produire l’hydrogène à moindre coût. Ce couplage
permettrait enfin de produire un hydrogène localement, au plus près des usages,
pour éviter les coûts de logistique avale. Le prix cible à long terme est de 2
à 3 € le kilo d’hydrogène. Le Royaume-Uni, l’Allemagne (avec Sunfire), les
États-Unis (avec Fuel Cell Energy)expérimentent également cette technique, avec
des démonstrateurs jusqu’à 2 MW. Le développement du SMR soulève néanmoins la
question de l’acceptabilité sociétale d’une dissémination de réacteurs
nucléaires en France, chacun ayant malgré tout une puissance de l’ordre de 250
MW.
Des modes prometteurs
de productions – 3) la torche à plasma
Le rapport constate que « la technologie plasma,
qui permet de produire de l’hydrogène à partir de méthane sans dégager de CO2,
mais seulement du carbone solide, est prometteuse en raison de la faible
quantité d’énergie requise et de l’utilisation du carbone produit, bien que les
débouchés soient réduits. Elle souffre néanmoins, selon l’Académie des
technologies, d’un manque d’intérêt à ce stade de la part des industriels et
des pouvoirs publics français »
Commentaire : il s’agit de la
décomposition thermique du méthane par torche à plasma qui produit du carbone (valorisable)
et non du CO2. Le procédé est généralement considéré encore comme expérimental,
mais la Russie y croit beaucoup, avec un programme extrêmement ambitieux. La
Russie, premier fournisseur de gaz naturel de l’Allemagne et de l’Europe se
prépare à la décarbonisation de l’Union européenne.
Dans son rapport cité précédemment, l’Académie des
technologies regrettait : «
Malheureusement, les technologies plus disruptives comme la technologie plasma
de production d’hydrogène à partir de méthane sans générer de CO2, les travaux
sur la génération microbienne d’hydrogène ou l’exploration de l’hydrogène natif
restent des niches délaissées en France par les pouvoirs publics qui financent
la recherche. Les TRL plus bas de ces technologies devraient pourtant justifier
un plus grand soutien public »
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/les-enjeux-de-lhydrogene-le-rapport-de.html
Propositions
du groupe de travail concernant la production
- adopter
une approche de neutralité technologique quant aux différentes formes
d’hydrogène décarboné (« vert », « jaune », voire « bleu ») pour atteindre
rapidement les coûts de production les plus bas et minimiser le coût du soutien
public ;
- dans le cas d’une production de l’hydrogène à
partir d’électricité, favoriser la
configuration d’électrolyse la plus économique, compte tenu du mix-électrique
français :
- connecter
en priorité les électrolyseurs au réseau d’électricité compte tenu de la
variabilité des énergies renouvelables qui diminue leur taux de charge. En
cas de baisse plus forte qu’anticipée des coûts du photovoltaïque et de
l’éolien, favoriser le raccordement à un site d’énergie renouvelable dédié ;
- favoriser le raccordement indirect au réseau
public de transport ou la mise en place d’électrolyseurs de plus de 40 MW dans
une logique de hubs pour 7 bénéficier de moindres coûts d’accès au réseau ou de
synergies dans l’emploi et la logistique de l’hydrogène ;
- recourir à
des contrats de long terme entre les producteurs d’électrolyse et les
producteurs d’électricité décarbonée pour éviter l’impact de la hausse du
prix du CO2 sur le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne
(EU ETS) sur le prix de l’électricité, et maîtriser le risque-marché.
- poursuivre
les soutiens à la recherche et au développement sur les technologies de production de rupture (électrolyse à haute
température et SMR, torche à plasma)
Propositions
du groupe de travail concernant les
usages les plus pertinents sur le plan économique de l’hydrogène à l’échéance
2030
- concentrer
les aides publiques sur les usages les plus mûrs : la substitution à
l’hydrogène « gris » actuellement consommé dans l’industrie, puis les
transports lourds, dans une perspective de création d’une filière industrielle ;
- créer un comité
indépendant sous l’égide de la Commission de régulation de l’énergie pour
suivre le développement des usages de l’hydrogène et identifier l’évolution des
besoins de construction d’infrastructures ;
- adapter le cadre
régulatoire et de soutien en fonction du développement du marché, notamment
afin d’éviter les coûts échoués dans des infrastructures de transport
d’hydrogène surdimensionnées, sans préjudice de la poursuite des études sur la
faisabilité technique de la conversion des réseaux de gaz naturel.
- Commentaires :
Un espace
économique potentiel pour le ferroviaire, les poids lourds voire le transport
maritime
Trains :
oui, mais effet faible : La moitié du réseau
français est actuellement électrifiée : mais si les trains électriques
représentent 80 % du trafic, les autres utilisent des moteurs thermiques,
lesquels émettent 3 millions de tonnes de CO2 par an.
Poids lourds
peu convaincant :
Un camion hydrogène coûte aujourd’hui
450 000 € contre 90 000 € pour un camion diesel et 120 000 € pour le gaz
naturel, un surcoût qui s’explique notamment par le prix de la pile à
combustible. Les économies d’échelle entraînées par une hausse de la production
seront donc indispensables. Le coût des infrastructures demeure également très
élevé, autour de 1 M€ pour une station à 350 bars et une capacité
d’avitaillement de 200 kg par jour. Afin d’économiser les ressources publiques,
les stations devront donc être déployées à proximité des principaux corridors
routiers et des principales flottes captives. L’’utilisation de l’hydrogène
dans les transports lourds à horizon 2030 conservera donc un surcoût important
par rapport au diesel, qui sera délicat à répartir. Le secteur du transport
routier ne dégage par exemple que de faibles marges, de sorte que la capacité
des acteurs à payer un premium restera limitée
Transport
maritime : limité Il est vraisemblable que
le transport maritime ne constituera pas un secteur d’application pour
l’hydrogène à l’horizon 2030. Le transport maritime émet chaque année 900
millions de tonnes de CO2, soit 2,6 % des émissions mondiales, susceptibles de
croître jusqu’à 1,7 milliards de tonnes à horizon 2050 selon l’Organisation
Maritime Internationale. Si l’hydrogène peut être utilisé pour des navires de
faible puissance – tels que des ferries ou des navettes fluviales grâce à des
piles à combustible – l’hydrogène liquide ou ses dérivés (ammoniac, méthanol)
seront néanmoins encore très chers à horizon 2030 pour le transport maritime de
longue distance.
Transport
léger : non Une
absence très probable de modèle économique pour les véhicules légers à horizon
2030. Le coût du véhicule hydrogène est aujourd’hui quatre fois plus élevé que
celui des véhicules thermiques et deux fois plus que celui les véhicules
électriques, impactant fortement le coût complet d’usage. Les perspectives de
réduction des coûts de motorisation demeurent incertaines »
Avion :
non. À
l’horizon 2030, l’avion à hydrogène ne devrait pas apparaître. Un Airbus A320
contient 23 tonnes de kérosène, soit l’équivalent énergétique de 9 tonnes
d’hydrogène. Toutefois, cet hydrogène occuperait, sous forme comprimée, un
volume huit fois plus important que le kérosène, et un volume encore quatre
fois plus important sous forme liquéfiée – impliquant de repenser
fondamentalement l’architecture des avions
L’utilisation d’hydrogène dans les aéroports
implique de résoudre toute une série de difficultés logistiques en termes
d’acheminement et de remplissage des avions…tout accident étant susceptible de
remettre en cause ce type de technologie (Remember Zeppelin !)
Propositions
concernant les enjeux de développement d’une filière industrielle française.
- soutenir les fabricants
français et européens de composants essentiels (électrolyseurs, piles à
combustible, réservoirs) et élémentaires (plaques bipolaires, assemblage
d’électrode à membrane) en favorisant leur collaboration avec les grands
groupes et via les appels à projets et les marchés publics
- accentuer
les efforts en recherche et développement sur les matériaux critiques (nickel
des électrolyseurs alcalins, iridium des électrolyseurs à membrane polymère
échangeuse de protons, platine des piles à combustible) pour optimiser leur
usage et favoriser leur substituabilité et les possibilités de recyclage
Propositions
concernant la sécurité
- conduire un travail de
fond sur la règlementation et l’usage de l’hydrogène, aussi bien dans le
domaine du transport que dans celui de l’habitat
- intensifier la participation française dans les
activités de normalisation et de coopération internationale sur les enjeux de
sécurité.
Commentaires : les problèmes de
sécurité ne sont pas à prendre à la légère et peuvent entrainer des revieremenrs
rapides de l’opinion , Remember Hindenburg !
« L’hydrogène présente plusieurs
caractéristiques qui induisent des risques en termes de sécurité :
- sa plage
d’explosivité se situe entre 4 et 75 %
d’hydrogène dans l’air, un intervalle beaucoup plus large que pour le gaz
naturel et qui peut être facilement atteint lors d’une fuite dans un milieu
confiné.
À l’air
libre, la grande légèreté et la grande diffusion de l’hydrogène limitent ce
risque, même s’il persiste une zone inflammable autour du point de fuite, qui
peut s’étendre sur plusieurs dizaines de mètres et occasionner une explosion,
comme en témoigne l’accident dans une
station-service en Norvège en 2019 (accident qui a conduit à la suspension
provisoire de la vente de véhicules à hydrogène par Toyota et Hyundai et la
fermeture provisoire des autres stations.)
- son énergie
minimale d’inflammation est faible, ce qui, combiné à la plage d’explosivité
large, facilite un risque d’inflammation ou d’explosion d’une fuite d’hydrogène
;
- l’hydrogène est une petite molécule qui se diffuse facilement et qui d’autre part
présente une problématique de compatibilité avec certains matériaux, comme
l’acier, ce qui peut augmenter les risques de fuite d’un tuyau ou d’un
réservoir de véhicule
- la combustion de l’hydrogène crée une flamme très
chaude, plus de 2 000 °C, mais celle-ci est peu visible, ce qui crée un risque
lors des opérations de secours.
L’hydrogène présente néanmoins aussi des
caractéristiques favorables en termes de sécurité, comme le souligne l’Académie
des technologies. Le faible rayonnement de sa flamme limite fortement le risque
de propagation en cas d’incendie ; il n’est pas toxique et, dans des zones
convenablement ventilées, il se dilue quatre fois plus vite dans l’air que le
gaz naturel et douze fois plus vite que les vapeurs d’essence, ce qui réduit
les risques d’accumulations explosives.
Il ressort néanmoins que le développement de la
filière hydrogène, notamment pour les nouveaux usages, doit systématiquement
passer par un travail de prise en compte de ces risques, afin de prévenir des
accidents qui pourraient mettre en danger des vies humaines et réduire
fortement l’acceptation sociale de ce gaz. En mai 2019, l’explosion d’un réservoir
de stockage à hydrogène d’un centre de recherche gouvernemental en Corée du Sud
a causé la mort de deux personnes et blessé six autres, détruisant un complexe
de la taille de la moitié d’un terrain de football. Cet accident a entraîné
dans le pays des mouvements de protestation de résidents contre les usines
d’hydrogène. L’explosion en juin 2019 d’une station-service en Norvège a
conduit à la suspension provisoire de la vente de véhicules à hydrogène par
Toyota et Hyundai et la fermeture provisoire des autres stations. »
Conclusion
« Au total, si les
Européens disposent déjà d’atouts industriels, la construction d’une filière de l’hydrogène impliquera un effort sur
le très long terme, avec des effets limités sur les objectifs environnementaux
de l’Union européenne en 2030. Notre conviction est que l’hydrogène tiendra
lieu de test, de la capacité d’une Union en quête de souveraineté industrielle,
à s’inscrire avec constance dans le temps long.
Commentaire :
une
vision réaliste loin des
enthousiasmes délirants, un rappel que l’économie de l’hydrogène est un projet
de long terme qui n’apportera pas de solutions
aux objectifs environnementaux dans un avenir proche, un rappel aussi que les utilisations seront peut-être
pas si nombreuses
Données
complémentaires sur le transport et le stockage de l’hydrogène :
L’hydrogène doit d’abord être comprimé ou liquéfié
pour répondre aux usages envisagés. Les réservoirs des véhicules nécessitent
ainsi une compression de 350 à 700 bars, quand l’hydrogène produit par
électrolyse se situe entre 10 et 50 bars. La compression d’hydrogène jusqu’à
700 bars coûte environ 0,1 €/kg selon l’Académie des technologies. La
liquéfaction, qui nécessite plus d’énergie, car la température descend à - 253
°C, coûte environ 0,4 €/kg. Le coût du transport dépend quant à lui du mode qui
varie selon la distance. Le transport de longue distance, supérieure à 3 000
km, nécessite un transport par navire, l’hydrogène étant liquéfié ou transformé
en ammoniac. La stratégie allemande reposant largement sur l’importation d’hydrogène
issu de pays ensoleillés, l’EWI de Cologne a estimé, dans une étude de décembre
2020, que les coûts de transport par
bateau (liquéfaction, chargement, transport, regazéification) s’élèvent à 3,2
$/kg aujourd’hui et pourraient diminuer jusqu’à 1,2 $/kg en 2050. Un tel
niveau, auquel il convient d’ajouter les coûts de production, rend
l’importation d’hydrogène par navire plus chère à moyen terme que la production
locale par électrolyse
Le transport sur des moyennes distances peut être
réalisé par hydrogénoduc. En effet, le transport direct d’hydrogène par tuyau
s’avère beaucoup moins onéreux que le transport par le réseau électrique de
l’électricité produite dans une zone à bas prix vers les lieux de production
d’hydrogène. Selon GRTgaz et Teréga, dans la configuration d’un besoin
d’hydrogène à Lyon et une électricité renouvelable produite moins chère à
Marseille, la solution consistant à transporter de l’hydrogène produit par
électrolyse à Marseille par les infrastructures de gaz coûte deux à quatre fois
moins cher que celle consistant à transporter l’électricité de Marseille vers
Lyon et de réaliser l’électrolyse dans cette dernière ville.
Le coût d’une infrastructure de stockage en cavité
saline, qui dépend de la taille de cette dernière, de la quantité à stocker et
de la fréquence de cyclage de l’hydrogène, s’élève entre 0,2 0,6 €/kg selon
Storengy. La technique de stockage d'hydrogène en cavité saline est mûre et est
déjà utilisée au Royaume-Uni (site de Teeside) et aux États-Unis. Il convient
d'adapter les pratiques pour un cyclage plus fréquent, en réponse aux besoins
du marché. Des zones de stockage se situent en France au niveau d’Etrez, dans
la région AURA, ou dans le Sud-Est du pays. Enfin, il importe d’ajouter les
coûts de distribution en station-service pour les usages de mobilité. »