Et permet de sortir heureusement de ce que la Pdte de la Commission des Affaires Economiques Sophie Primas a qualifié « la méthode d’une réforme mal évaluée, mal concertée et mal anticipée ». Pas une originalité, mais c’était assez fâcheux dans le domaine critique de la sécurité nucléaire
I) La sécurité
nucléaire à la française : une conception qui a conditionné le succès du
programme nucléaire
L’une des explications majeures de cette réussite qu’est le programme nucléaire français porte sur la souplesse du système de contrôle de la sûreté nucléaire et le caractère pragmatique de la démarche française dans ce domaine.
Ia) Son origine : la réforme Le Déault de 1998
Une première structure fut créé en 1973, le Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN). Si Aux États-Unis, l’accident de Three Mile Island a entériné l’arrêt, déjà effectif, de la construction de nouveaux réacteurs nucléaire, en France il a plutôt conforté le système de régulation national, basé sur le dialogue technique plutôt que sur une réglementation trop rigide ou pléthorique
La mise en place du
système de contrôle actuel date de 1998. Jean-Yves Le Déaut, à l’époque
président de l’OPECST, rédige à la demande du Premier ministre Michel Rocard,
un rapport sur le système français de radioprotection, de contrôle et de
sécurité nucléaire. Ce rapport préconise la création d’une autorité
administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la
radioprotection, ainsi que d’une agence indépendante du CEA, regroupant l’IPSN
et l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI). Le rapport
souligne que la « condition de réussite de cette réforme est l’alignement du
statut des personnels sur les statuts du CEA et la constitution de passerelles
larges et solides entre cette Agence et les organismes de recherche. »
Quelques mois plus tard, la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité transforme la DSIN en une Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ayant le statut d’autorité administrative indépendante.
Ib) La « fabrication quotidienne » de la sûreté nucléaire
Chacun est parti du constat, parfois perdu de vue dans les discussions, que la sûreté nucléaire repose sur l’exploitant et sur nul autre, dans le strict respect des décisions de l’autorité de sûreté. C’est à lui que revient en effet l’initiative technique. C’est lui qui fait des propositions à l’ASN, laquelle les fait expertiser par l’IRSN.
Tous horizons confondus, les personnes entendues ont été nombreuses à mettre en garde contre une logique d’audit, parfois identifiée à la démarche de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis (United States Nuclear Regulatory Commission ou NRC). De manière schématique, le modèle américain de contrôle reposerait sur la mise en conformité avec une liste fermée de critères réglementaires prédéfinis, dont l’effectivité serait garantie par la conduite d’audits réguliers.
Par-delà les questions d’organisation institutionnelle, c’est donc bien le type du contrôle qui semble primordial. Sur ce chapitre, notre pays aurait tort de céder à la tentation de l’autodénigrement de ses propres méthodes de travail. Si, malgré le nombre relativement important de ses installations, aucune faille ou brèche majeure n’y a jamais été repérée, cela est incontestablement dû non seulement à une indéniable robustesse dans la construction, mais aussi à une certaine singularité française dans la démonstration de sûreté. Or celle-ci repose sur un effort continu pour produire des connaissances et faire évoluer les référentiels, en retenant comme notion essentielle l’échange de doutes entre l’exploitant et la sphère de contrôle.
Ic) Un fort enjeu d’éducation et un effort de pédagogie à fournir en direction du grand public
Benoît Journé n’a donc pas hésité à souligner que le mode opératoire actuel constitue un enjeu d’éducation populaire. Le grand public serait en effet loin de détenir toujours le bagage culturel scientifique nécessaire pour juger de la gravité d’un risque allégué. Dans cette perspective, l’inertie propre au débat public favorise l’image d’un contrôle analogue à un audit, celui qui confronte, de manière simple, une règle et un gendarme chargé de vérifier son application effective.
Les traits distinctifs du système de contrôle français actuel sont au contraire plus difficiles à figurer qu’un système « à l’américaine ». C’est pourtant le système français qui a prévalu et s’est largement diffusé en Europe continentale, après la chute du Mur, lorsqu’il a fallu partager avec les pays d’Europe centrale et orientale, parfois fortement nucléarisés, les acquis du contrôle tel qu’il était conduit depuis des décennies en Europe occidentale
Le contrôle de la sûreté nucléaire repose ainsi sur quelques vérités de prime abord contre-intuitives : le nombre d’incidents signalés consolide le rôle de la sûreté.
Id) Une présentation fallacieuse et exagérée des relations entre ASN et IRSN
Une présentation
parfois fallacieuse de l’architecture institutionnelle favorise d’ailleurs les
attaques idéologiques contre le nucléaire français : « c’est une
évidence, mais il ne faut pas craindre de la rappeler : contrairement à l’image
parfois véhiculée, les relations qu’entretiennent l’ASN et l’IRSN ne sont
pas celles d’un « pouvoir » et d’un « contre-pouvoir ». Les deux organisations
ont d’ailleurs trop pâti de cette présentation polémique qui ne doit rien à la
réalité. Sur le plan juridique, l’ASN est la seule autorité indépendante.
Au contraire, l’IRSN est un établissement public, soumis, du fait de son champ
de compétences diversifié, à la tutelle de non moins de cinq ministères. Son
insertion dans une chaîne de dépendance vis-à-vis du pouvoir ministériel est
donc non seulement bien établie, mais multiple.
Lors
de la discussion parlementaire, Mme Pannier Runacher a rappelé à plusieurs les
termes d’un rapport de la Cour des comptes de juin 2014 portant sur les
exercices 2007 à 2012 de l’IRSN.
« Les relations entre
ASN et IRSN sont difficiles et nourrissent une tension permanente. Tous les
rapports de la Cour de ces dernières années ont mis en exergue cette tension
jusqu’à considérer qu’il serait utile de rechercher des voies pour améliorer la
collaboration entre les deux organismes. Les relations entre l’ASN et l’IRSN
sont fondées sur une complémentarité qui n’exclut pas tensions et
dysfonctionnements. »
Mathias Roger a attiré l’attention des rapporteurs sur le fait que ces tensions, désormais vieilles de plus de dix ans, étaient à son sens, désormais totalement résorbées…Loin de ce que peut parfois laisser imaginer l’évocation d’un système dual, la concertation entre l’ASN et l’IRSN est permanente
II Pourquoi une réorganisation : faire face à de nouveaux défis
La décennie écoulée a
été marquée par les suites de l’accident de Fukushima, l’absence de nouveaux
projets et la perspective de mise à l’arrêt progressive d’une partie des
réacteurs d’EDF.
L’annonce par le Président de la République, en février 2022, d’un plan de relance du nucléaire, la prolongation des réacteurs au-delà de 50 ou 60 ans, les évolutions technologiques, les impacts du changement climatique, etc. sont autant de défis auxquels peuvent s’ajouter des difficultés inattendues, comme les problèmes de corrosion sous contrainte récemment rencontrés sur le parc. Ces évolutions conduiront à un accroissement des travaux auxquels l’ASN et l’IRSN devront faire face dans les prochaines années.
IIa) EPR2 : La loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes devrait permettre le dépôt d’une demande d’autorisation de création pour une deuxième paire de réacteurs EPR2, voire une troisième, dans les deux à trois ans.
IIb) NUWARD : Comme l’ASN l’indique sur son site : « Le 10 juin 2022, les autorités de sûreté française (ASN), finlandaise (STUK) et tchèque (SUJB) ont engagé, avec leurs appuis techniques respectifs [NDLR : respectivement, IRSN, VTT et SÚRO], l’examen préliminaire des principales options de sûreté de ce projet de petit réacteur (…) L’expérience et les conclusions de cet examen multilatéral d’un projet de petit réacteur modulaire de conception avancée permettront des avancées concrètes dans l’harmonisation et la convergence des processus d’autorisation applicables à de tels réacteurs. » Cette initiative conjointe est de la plus haute importance pour la réussite du projet NUWARD, directement liée à la possibilité de trouver un marché suffisamment large pour assurer sa fabrication en un nombre suffisant d’exemplaires et générer des économies d’échelle. Le projet NUWARD n’étant pas aussi avancé que les principaux projets étrangers concurrents, les équipes de l’ASN et de l’IRSN seront probablement soumises à une très forte pression pour assurer l’instruction des dossiers dans des délais aussi courts que possibles.
IIc) Les petits réacteurs innovants : Le lancement en 2021 du plan « France 2030 » qui comporte un volet « réacteurs innovants » a suscité l’émergence de nombreuses startups proposant de petits réacteurs basés sur des technologies de fission sauf exception de quatrième génération : réacteurs rapides à caloporteur sodium ou plomb, à sels fondus, etc., voire de fusion.
« L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et son appui technique l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) joueront un rôle important dans les applications industrielles de la recherche et développement sur les technologies nucléaires avancées. « Ces organismes doivent disposer de moyens suffisants pour préparer l’intégration de ces futures évolutions technologiques du point de vue réglementaire, en France mais aussi en lien avec les autres pays, notamment en Europe.
IId) L’adaptation au changement climatique : De fait, comme l’a rappelé le président de l’ASN lors de son audition devant l’Office le 25 mai 2023, les évolutions des conditions climatiques sont systématiquement intégrées dans les réexamens de sûreté décennaux des installations nucléaires françaises, en prenant en compte les impacts à trente ans des scénarios pessimistes les plus récents du GIEC
IIe) La montée des menaces cybernétiques : les nouvelles générations de réacteurs nucléaires disposent de systèmes de contrôle-commande basés sur des automates industriels. Il s’agit de systèmes informatisés complexes, distribués et dotés d’un logiciel temps réel. Toutefois, la possibilité d’une cyber-attaque ne peut pas être totalement écartée. Ainsi, en 2010, le virus Stuxnet, probablement développé par des services gouvernementaux, est parvenu à s’infiltrer dans les automates Siemens de plusieurs installations nucléaires iraniennes, dont il pourrait avoir dégradé le fonctionnement. Ce domaine n’est pas nouveau pour l’ASN et l’IRSN. En 2009, l’autorité de sûreté française a publié avec ses équivalents britannique et finlandais une déclaration soulignant le risque lié à l’absence de séparation claire entre le contrôle commande opérationnel et les automates de sûreté des réacteurs EPR1
IIf) La poursuite de l’exploitation du parc au-delà de 40, 50 ou 60 ans En France, la durée de fonctionnement des installations nucléaires n’est pas définie a priori, mais son exploitant doit réaliser tous les dix ans un réexamen . De ce fait, la charge associée aux réexamens périodiques dans les prochaines années sera particulièrement élevée pour l’ASN et l’IRSN. En effet, il leur faudra instruire les quatrièmes visites décennales des réacteurs du palier de 900 MWe et entamer celles des réacteurs de 1 300 MWe. De plus, comme le Gouvernement veut prolonger le plus possible les centrales qui peuvent l’être, le 16 juin 2006 l’ASN a demandé à EDF de justifier de manière anticipée, d’ici fin 2024, l’hypothèse d’une poursuite du fonctionnement des réacteurs actuels jusqu’à 60 ans et au-delà afin de pouvoir prendre position fin 2026.
IIg) Le stockage géologique profond Le 16 janvier 2023, l’ANDRA a déposé la demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo, qui devra donc être examinée par l’ASN et l’IRSN.
IIh) Le projet de piscine d’entreposage centralisé d’EDF Le projet de piscine d’entreposage centralisé d’EDF s’inscrit dans la stratégie de gestion des combustibles usés. Conformément à ses obligations, EDF a transmis à l’ASN le dossier d’options de sûreté (DOS) en 2017 et prévoit de transmettre le dossier de demande d’autorisation de création fin 2023.
IIi) La
multiplication des opérations de démantèlement De nombreuses installations
nucléaires civiles françaises ont été construites dans les années 1960. Nombre
d’entre elles arrivent ou vont arriver à la fin de leur durée de vie utile.
Elles devront donc être démantelées et les sites assainis dans les prochaines
années, ce qui conduira à une augmentation conséquente du nombre
d’installations en démantèlement en France.
Par conséquent, les opérations de démantèlement à venir représentent un enjeu majeur pour les exploitants et les industriels ainsi que pour l’ASN et l’IRSN.
IIj) L’éventuelle
augmentation de la puissance des réacteurs actuels En attendant que soient construits
les futurs réacteurs, le Gouvernement a demandé à EDF d’étudier la
possibilité d’augmenter la production des centrales actuelles, comme cela a
déjà été réalisé aux États-Unis ou en Belgique
Si cette orientation est confirmée par EDF, l’ASN devra évaluer, le cas échéant avec l’appui de l’IRSN, l’adéquation de ces modifications et les conditions de leur réalisation.
III) Atouts et risques potentiels d’une réorganisation
IIIa) La question centrale des
ressources humaines : Il s’agit d’un point majeur : alors que pour 56
réacteurs électrogènes, l’autorité de sûreté française compte environ 550
personnes, pour 19 réacteurs, l’autorité de sûreté canadienne (Commission
canadienne de sûreté nucléaire ou Canadian Nuclear Safety Commission) en compte
environ 950, dont 280 affectées à l’appui technique et scientifique.
Une éventuelle réforme du dispositif de contrôle de la sûreté sera donc jugée sur sa capacité à renforcer la mobilisation humaine dans le secteur, tant en termes quantitatifs (effectifs statutaires, ETPT, recrutements sous contrat de droit privé, etc.) qu’en termes qualitatifs (conditions offertes, gestion prévisionnelle des carrières, motivation des personnels).
Les rapporteurs jugent qu’un éventuel rapprochement entre l’ASN et l’IRSN ne saurait avoir lieu à effectifs constants. Soumises à de fortes tensions du fait des nombreux chantiers en cours et à venir, les ressources actuelles des deux organisations laissent toutefois espérer des gains, notamment dans les fonctions supports (informatique, gestion des ressources humaines, direction internationale) qui peuvent sembler aujourd’hui faire doublon. À cette aune, la question du poids respectif des moyens mis à disposition de l’ASN et de l’IRSN, beaucoup débattue depuis quelques mois, paraît passer au second plan. Un éventuel rapprochement permettrait au contraire d’ouvrir davantage de perspectives de carrière, et d’abord la possibilité d’une mobilité géographique accrue, tant pour le personnel de l’ASN que pour celui de l’IRSN, aujourd’hui implanté sur sept sites différents.
IIIb) Les limites
d’une structuration plus respectueuse du continuum entre expertise et décision : les détracteurs d’une évolution
des structures actuelles de contrôle de sûreté nucléaire laissent entendre que
celle-ci ne permettrait plus d’assurer une séparation claire entre l’expertise
et la décision. C’est d’abord méconnaître le continuum qui existe entre ces
deux activités, tel qu’il a été décrit plus haut. L’ASN dispose d’ailleurs déjà
aujourd’hui d’une expertise propre pour les équipements sous pression
nucléaires,
En tout état de cause, un rapprochement de l’IRSN et de l’ASN aurait pour conséquence nécessaire de renforcer le cloisonnement existant aujourd’hui au sein de l’ASN entre l’instance décisionnelle et les services d’instruction
IIIc) Le dialogue technique, garant de la fluidité et de la qualité des contrôles : sur le plan opérationnel, le succès d’un possible rapprochement aurait sans conteste pour pierre de touche le maintien, et même l’amélioration, d’un dialogue technique approfondi entre ingénieurs de l’exploitant et experts. Dans ce cadre, les efforts déjà engagés pourraient être approfondis et accélérés. Le principal écueil consisterait à dériver vers une expertise purement juridique, de papier, en perdant le lien avec le terrain. Comme l’a souligné Benoît Journé, il s’agit « d’une question d’équilibre à trouver entre le technique et le juridique ». Conserver un dialogue technique intense évitera de basculer dans un système à l’américaine, au demeurant très différent.
IIId) Le maintien d’un niveau élevé de transparence : Il importe de souligner que le niveau de transparence atteint aujourd’hui apparaît à tous les interlocuteurs entendus comme un acquis intangible de sorte qu’en cas de réorganisation, les expertises devront continuer d’être publiées à destination du grand public : au lieu d’être des expertises de l’IRSN, ces études seront simplement celles des services instructeurs d’une nouvelle autorité. Au surplus, la décision réglementaire et les analyses préparatoires ne devraient pas plus être identiques que les expertises de l’IRSN et les décisions de l’ASN ne coïncident parfaitement aujourd’hui.
Actuellement, les expertises de l’IRSN doivent être publiées en concertation avec l’ASN. Plutôt que de s’interroger sur la manière dont les écarts éventuels peuvent être interprétés, il convient de rappeler que des divergences sont par essence vouées à demeurer entre expertise et décision, comme cela a été rappelé. Il semble en effet évident que la démonstration de sûreté ne serait pas une « confrontation de doutes » si la voie de la décision finalement prise se trouvait toujours indiquée sans équivoque dès les premiers constats préliminaires. À l’avenir, même si les rapporteurs ne sauraient se prononcer sur un calendrier idéal de publication, il leur semble, dans un souci d’apaisement, que les expertises et recommandations doivent être diffusées de manière concomitante, au moment où l’autorité indépendante rend sa décision.
IIIe) Les points restant à éclairer : Le traitement de la question de la sûreté nucléaire dans le secteur de la défense doit faire l’objet d’une attention particulière. À l’issue de l’audition de l’amiral Guillaume dans les locaux mêmes de l’IRSN, le 28 juin, il apparaît que le pôle « Défense, sécurité et non-prolifération » de l’IRSN ne saurait faire partie d’une autorité administrative indépendante.
Les perspectives dessinées en vue d’un rapprochement doivent prendre en compte l’évolution forcément exogène des activités commerciales de l’IRSN, qui varient selon les besoins du marché. Pour certaines activités, telles que la fourniture de dosimètres et diverses prestations de mesure pour le suivi des travailleurs exposés, déjà regroupées dans une structure propre d’environ 60 personnes, le transfert au sein d’une autorité administrative indépendante apparaît en effet délicat. Néanmoins, ces activités doivent être pérennisées, en raison de leur caractère stratégique. Une réforme devrait en tout état de cause prendre en compte le fait que l’évolution technologique imprime son propre rythme au développement des activités industrielles et commerciales assurées à l’heure actuelle.
IV Propositions
IVa) Clarifier l’organisation - vers l’AISNR: Un regroupement des moyens humains et financiers actuellement alloués à la sûreté nucléaire et à la radioprotection doit permettre de mettre fin à une certaine ambivalence en la matière et de faire face aux nombreux défis qui s’annoncent. Sous réserve de définir exactement son périmètre d’activité – en première approche, le contrôle, l’expertise et la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection –, l’entité nouvelle pourrait être constituée sous la dénomination d’Autorité indépendante en sûreté nucléaire et radioprotection, ou AISNR.
IVb) Accroître les moyens qualitativement et quantitativement : L’état des lieux effectué par les rapporteurs a mis en évidence le besoin d’augmenter les effectifs alloués aux activités de la sûreté nucléaire civile, tant en matière de sûreté et de radioprotection que de recherche. L’augmentation des effectifs doit aller de pair avec un renforcement de l’attractivité des métiers concernés, y compris sur le plan des rémunérations. Leur fixation doit tenir compte non seulement des conditions offertes dans d’autres établissements publics, tel le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), mais aussi de celles qui sont proposées dans les entreprises du secteur privé recrutant dans le même secteur
IVc) Préserver l’indépendance de l’expertise L’indépendance de l’expertise en matière de sûreté nucléaire doit être préservée quelle que soit l’organisation envisagée. À cet égard, il convient de maintenir une publication des rapports d’expertise, en particulier ceux sur lesquels s’appuient actuellement les décisions de l’ASN. De surcroît, il apparait nécessaire de rendre cette publication concomitante avec celle des décisions de l’Autorité indépendante de sûreté nucléaire.
IVd) Maintenir la sûreté nucléaire à son haut niveau actuel
IVe) Unifier la gestion de crise
IVf) Renforcer la recherche. Plusieurs
des interlocuteurs entendus par les rapporteurs ont souligné la qualité des
travaux de recherche menés par l’IRSN, qui bénéficie d’une réelle
reconnaissance au niveau européen et international dans son domaine (ce que reconnait
le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur -Hcéres)
La nouvelle entité devra inclure un département dédié à la recherche, capable de renforcer cette position de pôle d’excellence internationale dans le domaine de la recherche en sûreté nucléaire et radioprotection.
IVg) Améliorer la transparence : Une information « à froid » sur les grands dossiers de sûreté nucléaire et de radioprotection doit notamment être proposée, comme c’est le cas aujourd’hui au travers des concertations numériques systématiquement mises en place par l’ASN en amont d’une décision du collège de l’ASN ayant une incidence sur l’environnement.
IVh) Renforcer le
rôle du Parlement :
Le rapprochement de l’ASN et de l’IRSN au sein d’une nouvelle autorité
administrative indépendante représenterait une nouvelle étape essentielle pour
assurer la sûreté nucléaire du XXIe siècle, dix-sept ans après le vote de la
loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière
nucléaire, ainsi que de la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la
gestion durable des matières et des déchets radioactifs, deux lois qui avaient
fait à l’époque l’objet d’un large consensus politique.
Depuis sa création en
1983, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques a joué un rôle central dans le développement de l’énergie
nucléaire en France. Les rapports de l’Office ont souvent influé sur la
politique nationale, dans des domaines tels que la sûreté nucléaire, la gestion
des déchets, la recherche ou encore l’acceptation sociale de l’énergie
nucléaire. En effet, la diversité de ses membres et de ses compétences dans les
domaines scientifiques et technologiques lui permettent de traiter de façon transverse
les questions relatives à la filière nucléaire. De plus, il assure un suivi
continu des questions nucléaires au travers des auditions annuelles de l’ASN,
de l’IRSN et de la CNE2. De ce fait, l’Office apparaît aujourd’hui comme
l’instance la mieux à même de traiter les nouveaux enjeux du nucléaire dans
leur globalité et d’assurer un suivi de ces questions pour le Parlement. Aussi,
les rapporteurs recommandent-ils que l’Office reçoive explicitement la mission
de suivre de manière rapprochée les questions nucléaires, en particulier
celles de la sûreté, de la radioprotection et de la réorganisation envisagée
dans ce domaine.