En Septembre 2020, le Parlement néerlandais présentait un rapport sur « le Rôle possible du nucléaire dans le futur mix énergétique néerlandais ». Principales conclusions :
« Le nucléaire est une énergie sûre,
pilotable et à faible empreinte carbone, capable de fournir un flux continu et
sécurisé d’électricité pour les générations à venir. Pendant plusieurs
décennies, l’énergie nucléaire a été l’une des sources d’électricité les moins
chères et c’est bien toujours le cas pour les unités
aujourd’hui en fonctionnement. Comme le montrent de nombreuses
études internationales, la prolongation de la durée de vie des centrales
nucléaires en exploitation est de toutes les alternative disponible
celle qui réduit les émissions de CO2 au coût le plus bas. »
« Le cas Chinois
(EPR de Taishan) nous montrent que les problèmes de construction du nouveau
nucléaire peuvent être résolus, ce qui permet réduire considérablement, voire
de supprimer les dépassements de temps et de coûts…Si un pays comme
les Pays-Bas choisit une usine d’un nouveau prototype auprès d’un fournisseur
expérimenté, on peut maintenant s’attendre à ce que les risques de retards
majeurs dans la construction et de dépassements de coûts soient limités. »
Ce rapport n’a pas été laissé sur un
coin de table. Depuis les Pays-Bas se sont lancés dans la mère de toutes les
batailles pour le financement du nucléaire, en réclamant l’inclusion du
nucléaire dans la taxonomie européenne.
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/10/taxonomie-les-pays-bas-poussent.html
Buts et principaux
résultats de l’étude KPMG : un choix gouvernemental clair et stable, une
technologie éprouvée (la GEN III)
KPMG, Nuclear Energy market consultation, july 2021
Dans ce contexte, un rapport a été
demandé au cabinet de conseil KPMG pour répondre aux question suivantes :
Dans quelles conditions les acteurs nationaux et internationaux du marché
sont-ils prêts à investir dans des centrales nucléaires aux Pays-Bas? - Quel
soutien public est nécessaire pour cela? - Quelles régions sont intéressées
par la construction d’une centrale
nucléaire? ― Comment les Pays- Bas peuvent-ils effectuer leur retour dans
le nucléaire de manière économique
aussi optimale que possible.
KPGM a interrogé 41 acteurs du marché
national et international, y compris des entrepreneurs, des fournisseurs de
technologies de base, des opérateurs, des spécialistes du démantèlement et des
financiers. Des entretiens ont également été menés avec 14 régions
néerlandaises.
L’énergie nucléaire joue actuellement un
rôle mineur dans l’approvisionnement en électricité des Pays-Bas, la centrale
de Borssele - qui a commencé à fonctionner en 1973 - fournissant environ 3% de
la production totale. L’exploitant actuel, EPZ, a appelé à une prolongation de
son exploitation au-delà de 2033 et/ou à la construction de deux nouveaux
grands réacteurs sur le site afin d’aider les Pays-Bas à atteindre leurs
objectifs énergétiques et climatiques.
Pour KPMG, Les acteurs du marché - tels
que les entrepreneurs, les opérateurs et les fournisseurs - investiraient dans
la construction de nouvelles capacités de production nucléaire aux Pays-Bas à
condition que le gouvernement contribue au coût et qu’il y ait un soutien
public. L’étude a révélé que les acteurs du marché accordent une importance
considérable à l’existence d’une politique gouvernementale stable en ce qui
concerne l’énergie nucléaire et en ont une
condition préalable à la construction de toute nouvelle construction
nucléaire. L’importance du financement, les risques substantiels et les délais
de construction ont pour conséquence que la participation du gouvernement
semble inévitable
La consultation a révélé que la plupart
des entreprises potentiellement impliquées ont souligné l’importance de choisir
une technologie de réacteur éprouvée qui réponde aux exigences de sûreté
applicables. Les petits réacteurs modulaires (SMR) sont considérés comme une
option intéressante, mais ils ne sont pas encore disponibles dans le commerce.
Un SMR basé sur une conception de réacteur de génération III + devrait prendre
environ 10 ans pour être autorisé et construit, et une conception éprouvée ne sera disponible
qu’en 2027-2035 au plus tôt. Ce sera encore plus long pour des design plus
novateurs.
Les acteurs du marché ont déclaré que
les réacteurs de génération IV (surgénérateurs comme le programme Astrid)
présentent des avantages potentiels en termes de sûreté et / ou de production
de déchets, mais ne devraient pas être commercialisés avant 2040, ce qui les
mettra sur le marché trop tard pour atteindre l’objectif climatique de 2050.
Les acteurs du marché ont donc largement
indiqué que les Pays-Bas devraient opter pour un réacteur de génération III+
maintenant et en temps voulu pour un réacteur de génération IV une fois que la
technologie aurait été prouvée
Focus sur
quelques points de rapport
1a) Consensus sur une
technologie éprouvée, la GENIII et des SMR dans le futur
Les investisseurs potentiels soulignent
l’importance du choix d’une technologie éprouvée qui répond aux
exigences de sûreté applicables, et il existe un large consensus selon lequel
les Pays-Bas devraient opter pour un réacteur de génération III, et, bénéficiant
de l’expérience des projets en cours, ils s’épargnerait les problèmes des
prototypes, dépassements de coûts et retards…
Une génération II modernisée et standardisée peut paraître une option économiquement attrayante,
car moins chère et déjà éprouvée. Cependant, les investisseurs la considère
comme irréaliste en termes de soutien social, car ne répondant pas aux
exigences de sécurité supplémentaires requises après Fukushima.
Les réacteurs de génération IV (Surgénérateurs,
Astrid) présentent un intérêt certain avec des avantages potentiels en termes de sécurité et/ou de déchets, mais ne
devraient pas entrer sur le marché avant 2040, de sorte qu’ils arriveront trop
tard pour les objectifs climatiques de 2050.
Les SMR (Small Modular Reactors, entre 10 et 300 MW)
sont considérés par les investisseurs potentiels comme une option intéressante. En raison de leur plus petite taille,
de leur conception modulaire et de leur construction partiellement en usine, ils pourraient être construit plus
rapidement, et de manière plus économique. Cependant, il existe encore trop d’incertitudes : ils en sont encore au
stade du prototype avec tous les problèmes potentiels, le business model est considéré comme révolutionnaire (c’est pas un
compliment !) et les délais pour respecter les objectifs climatiques de
2050 sont trop courts. Les décideurs craignent également un soutien public
limité pour la constructions de plusieurs réacteurs répartis dans tout le pays.
Le rapport
recommande aux Pays-Bas d’attendre la
maturité et la preuve de concept des SMR, puis de choisir un développeur
performant capable de construire des SMR sur plusieurs sites ou de garantir vous-même
la production en série.
1b) SMR :
les projets en compétition
Coût de
production des SMR :
1c) Vers un
EPR ? Choisir des GENIII déjà construits ou en construction
Il existe donc
un large consensus parmi les investisseurs potentiels pour un réacteur
de génération III+ de conception éprouvée. Afin
d’éviter les problèmes liés aux prototypes et de profiter de l’expérience
accumulée sur des projets en cours, les
Pays-Bas devraient de choisir parmi les
conceptions de génération III+ dont un (certain nombre de) réacteurs ont déjà
été construits ou sont en construction : EDF (Olkiluoto, Flamanville,
Hinkley Point C), Westinghouse (Vogtle), KEPCO (Barakah) et Rosatom
(Ostrovets, Akkuyu, Hahnikivi, Paks II). –
Les investisseurs potentiels indiquent que toutes
les conceptions ci-dessus leur paraissent robustes. Rosatom a été mis hors champ d’application à la demande du
ministère des Affaires économiques, tout comme les technologies des réacteurs
chinois. Un choix final ne pourra être fait qu’en 2021-2023 lorsqu’un ou
plusieurs réacteurs de toutes conceptions seront réalisés.
―
2) Coût et
et financement du nouveau nucléaire
Au fur et à mesure que les conceptions de ces
réacteurs de génération III+ mûrissent et que les connaissances et l’expertise
se développent en Europe, les coûts devraient significativement diminuer. On
estime qu’ il est possible d’économiser
jusqu’à ~ 28-40% par MW par rapport à un
réacteur FOAK (prototype)dans la
construction d’une centrale nucléaire à deux réacteurs basée sur une conception
éprouvée : effet prototype : -20/-30% (effets d’apprentissage sur
la conception et la construction ; effet productivité lors de construction en série 2%
dans un deuxième réacteur, 8-13% dans un cinquième réacteur, sur même site,
gain supplémentaire de 6-8%. S ces
chiffres proviennent de situations réelles observées en France et dans les
Emirats Zrabaes Unis. La NEA, quant à elle, considère que
les économies réalisées grâce à la construction en série peuvent atteindre ~ 33-45% par MW par rapport à un
prototype.
2a) Les conditions de financement un
cadre stable : Une politique stable et
cohérente en matière d’énergie nucléaire est une condition préalable importante
pour les financiers privés.
Le développement d’une nouvelle centrale nucléaire
est un projet à long terme. Compte tenu des exemples récents de changements de
politique, une politique stable et un soutien politique sont essentiels pour
les financiers privés
La perception du risque des financiers privés est
alimentée par plusieurs exemples récents de changements de politique en Europe,
tels que la décision de l’Allemagne, à la suite de Fukushima, de fermer toutes
les centrales nucléaires allemandes d’ici 2022. (En conséquence, six centrales nucléaires doivent fermer
prématurément. Cette affaire a eu de longues conséquences (juridiques), avec un
règlement de 2,4 milliards d’euros en mars 2021 ; la loi interdisant le charbon dans la production
d’électricité qui a conduit à la fermeture des centrales au charbon
néerlandaises, y compris certaines centrales mises en service en 2015 et 2016,
d’ici 2030; Le changement de politique
de l’Espagne pour les tarifs sur l’énergie durable
Le seul
soutien politique seul ne suffira pas, il faudra un signal fort par une participation publique au
projet.
Par ailleurs, les financiers privés exigeront très probablement des garanties
de résiliation anticipée du projet et
des compensations financières en
cas de cessation anticipée (c’est-à-dire avant l’achèvement de la construction
ou trop tôt après le début de l’activité)
2b) Les
modes de financement : plutôt le RAB que le Mankala ou le Cfd
Sur la base des projets existants et des initiatives
en cours, diverses structures de financement peuvent être observées sur le
marché
Dans les années soixante-dix, le modèle Mankala a
été développé en Finlande, dans lequel les clients industriels locaux de
l’énergie investissent dans la centrale nucléaire, souvent en combinaison avec
le financement du fournisseur. Bien qu’il s’agit essentiellement d’un modèle à
financement privé, dans la pratique, les autorités locales sont souvent
impliquées.
Les contrats de différence (« CfD ») et les contrat d’achat d’électricité (« PPA »)
sont des modèles qui permettent d’assurer la sécurité des revenus, mais ne réglementent pas explicitement la
répartition des autres risques. En conséquence, des garanties supplémentaires
seront souvent demandées à cet effet (au gouvernement).
Le
Royaume-Uni semble se tourner modèle de base d’actifs réglementés
(« modèle RAB ») qui peut être appliqué à l’énergie nucléaire, comme
c’est déjà le cas pour des projets d’infrastructure à grande échelle. Le modèle
RAB fournit un rendement garanti sur la valeur de l’actif réglementé, répartit
les risques entre les financiers et le gouvernement et assure un flux de revenus
pendant la construction.)
Les diverses stratégies de
financement
De
façon plus précise :
Un CfD offre une sécurité de
revenus jusqu’à un certain prix d’exercice. Un CfD fonctionne sur la base d’un
prix d’exercice par MWh que l’exploitant de la centrale nucléaire recevra à
l’avenir pour l’énergie produite. Si le prix du marché est inférieur à ce
niveau, la contrepartie (c’est-à-dire le gouvernement) compense cette
différence en faveur de l’opérateur et si le prix du marché est supérieur au
prix d’exercice, c’est en faveur de la contrepartie (c’est-à-dire le
gouvernement). Le prix d’exercice dépend également des risques que prennent à
leur charge les financiers privés Un CfD
n’offre qu’une sécurité de revenus et ne couvre pas les risques tels que le
déclassement, le risque de permis et certains risques de cygne noir pendant la
construction. A l’avenir, Les financiers privés demandent des garanties
supplémentaires.
Un accord
tel que celui de Hinkley Point C, où EDF gère l’intégralité du risque de
construction et reçoit un prix d’exercice qui tient compte de ce risque
d’investissement, n’est pas considéré comme réaliste par les acteurs du marché
pour les projets futurs.
Un PPA est un accord volume/prix
à long terme entre un fournisseur d’énergie et un client. Grâce à un achat
d’énergie prédéterminé à un prix fixe, un PPA offre une sécurité (partielle)
des revenus. Des accords fixes et préalables sont conclus sur l’achat et
(éventuellement) le prix entre un fournisseur d’énergie et un client d’énergie
pour une période de 10 à 15 ans. Comme un CfD, un PPA n’offre qu’une sécurité
de revenus. La principale différence entre un CFD et un PPA est qu’un PPA
comprend également une obligation de volume, en plus des accords de prix. Ce
modèle a été appliqué en Turquie (Akkuyu). Aux Pays-Bas, un accord similaire est considéré comme impossible, puisqu’il
n’existe pas de production publique
RAB
(Regulated Asset Based) :
Afin de répondre aux besoins des financiers privés en matière de rendements au
début du projet, de nombreux acteurs du marché proposent un modèle RAB. Les
principaux avantages du modèle RAB pour un investisseur : des revenus sont
assurés dès la phase de construction ; un degré élevé de certitude quant
au rendement en fournissant une redevance fixe à un niveau de coût raisonnable
qui comprend l’amortissement des investissements, les coûts d’exploitation et
les coûts de déclassement ; la
possibilité d’introduire un « plafond de financement », un maximum du
montant d’investissement à apporter par les financiers au-delà duquel les
augmentations de coûts supplémentaires sont supportées par le gouvernement.
C’est ce modèle qui est privilégié par les
investisseurs potentiels, aux Pays-Bas comme au RU. Cependant, il n’a jamais
été appliqué aux centrales nucléaires auparavant, mais à des projets
d’infrastructures de long terme, mais avec un niveau de risque faible.
2c) Financement et taxonomie :
l’inclusion du nucléaire dans une taxonomie verte
Les investisseurs potentiels soulignent qu’une
taxonomie verte européenne incluant le nucléaire constituerait un signal fort de stabilité
politique et aurait pour conséquence un
profil de risque plus faible, et un
impact positif sur les rendements demandés
Cependant, la Commission Européenne semble
très réticente et procrastine. A la
suite de la motion Eckert (cf. https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/10/taxonomie-les-pays-bas-poussent.html), le gouvernement néerlandais agit en concertation avec
d’autres pays européens dont la France pour obtenir l’inclusion du nucléaire
dans la taxonomie. Si cette action n’aboutissait pas, ou trop lentement et de
manière insatisfaisante, le gouvernement
néerlandais pourrait envisager d’introduire lui-même une taxonomie verte, comme
le Royaume-Uni a décidé de le faire en novembre 2020. On ne sait pas quelle
valeur les financiers privés internationaux attacheront à une taxonomie locale.
2d)
Licences et autorités de régulation
Les acteurs du marché
préconisent principalement la transparence, l’harmonisation et la prévisibilité
dans le processus d’octroi de licences néerlandais.
Pour une centrale
nucléaire basée sur une conception éprouvée, les prévisions de délais pour
l’obtention d’un permis, basées sur les trajectoires étrangère, vont de 3 à 5 ans. Pour un réacteur de
génération IV, ou un SMR, les acteurs du marché
s’attendent à un processus plus long, en l’absence d‘un cadre établi.
Ils sont prudemment optimistes quant au fait que l’adhésion à d’autres
autorités de délivrance de licences entraînera des économies de coûts. L’ANVS
indique qu’il est aussi ouvert que possible à l’harmonisation internationale,
mais qu’il ne peut exclure que des changements interviennent en cours de
construction.
Dans un passé récent,
les dépassements de coûts et de temps dus au processus d’octroi de permis ont
été courants….
3) Les
localisations possibles
Sur la base des entretiens et des conditions
préalables pertinentes, deux Provinces
ont affirmé leur intérêt pour accueillir des centrales nucléaires.
La première
est la Zelande, autour de Borssele où se situe le seul réacteur nucléaire des
Pays-Bas, un REP de 485MW. Cet emplacement bénéficie d’un soutien local, semble
être le plus prometteur du point de vue du refroidissement et bénéficie de
bonnes connexions au réseau. Il y aurait
à Borssele de la place pour deux grandes
centrales nucléaires (1 200-1 500 MW) en raison de l’expansion déjà prévue du
réseau de 380 kV (ligne pointillée rouge). L’électrification possible de
l’industrie locale pourrait renforcer
l’intérêt de l’implantation. Selon l’enquête, la province a une expériences
positive avec la centrale nucléaire actuelle et est en faveur de l’utilisation
de l’énergie nucléaire dans le bouquet énergétique. Il existe un large soutien
politique en faveur de la réalisation d’une nouvelle centrale nucléaire et un large
soutien social. Les habitants sont habitués à vivre près d’une centrale
nucléaire et aucun problème important n’est rencontré avec elle. Beaucoup de
connaissances et d’expertise locales en matière d’énergie nucléaire sont déjà
présentes, et il y a un désir de maintenir cette expertise et la chaîne de
valeur existante.
L’autre province clairement intéressée est le
Brabant Septentrional La province indique qu’elle s’attend à ce que l’énergie
nucléaire joue un rôle dans le bouquet énergétique après 2030, pour atteindre
la cible de décarbonation en 2050. La capacité de transport est adaptée, mais
la Province est assez densément peuplée. Elle est assez dynamique dans le
domaine de la recherche nucléaire, et se déclaré intéressée par des SMR ou des
GenIV surgénérateurs (en particulier filière thorium)
Trois autres provinces ont déclaré n’avoir avoir aucune oppostion et considèrent que la décision est de la responsabilité nationale : Overijssel, Utrecht, Zuid-Holland