Parlons sans détours : trop souvent la chimie est la science sacrifiée de l’enseignement secondaire, celle dont on rogne les horaires, (en cas de besoin pour la physique, par exemple), qui suscite généralement le moins d’intérêt chez les élèves, et parfois chez les professeur eux-mêmes. Comment donc faire aimer la chimie, car rien ne s’enseigne, ni ne s’apprend sans passion ? La période estivale m’a permis de découvrir une réponse qui est semble-t-il, passée assez inaperçue, et plutôt inattendue, puisqu’elle provient du célèbre neurologue Oliver Sachs auteur de L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau , Seuil 1988.
Dans Oncle Tungstène, Olivers Sachs raconte « ses mémoires d'une enfance chimique », celle d’un petit juif londonien né en 1933, entre oncle Tungstène, qui dirigeait une usine d’ampoule sélectrique, oncle Wolframm, le géologue, oncle Etain qui possédait une mine, et dont la chimie fut la première passion.
Quelles recettes ? Une seule peut-être finalement, l’émerveillement. L’émerveillement qui passe d’abord par le sensations : les couleurs de l’or, du cuivre, du zinc, le poids du plomb ou du tungstène, la densité de la liqueur de Clerici, la froideur du diamant, et ce qui se passe lorsqu’on touche un glaçon avec un diamant tenu à la main, les cris de l’étain ou du zinc lorsqu’on les plie, les odeurs des esters acétiques, des amines et des sulfures , les métaux nobles et ceux qui sont passés de vils à nobles (le platine), ou au contraire, ceux qui, grâce à l’industrie ont perdu leur noblesse (où l’on apprend que Napoléon III dînait dans de la vaisselle d’aluminium tandis que ses invités n’avaient droit qu’à l’or…), puis la découverte de la fluorescence, des spectres d’émission des éléments – Oliver Sachs ne sortant jamais sans un spectrographe de poche). L’émerveillement toujours devant la diversité du monde minéral et l’ingéniosité chimique des hommes depuis la plus haute antiquité pour en isoler les métaux, puis les expériences spectaculaires de combustion de divers métaux dans divers gaz, de précipitations de jardins chimiques. L’émerveillement ensuite devant les techniques que la chimie a permis de développer, la photographie et ses multiples possibilités de virage (à l’or, au sélénium, au platine, au palladium…), la dissection des piles et la constructions de piles à lapomme de terre et ou au citron, la galvanoplastie…
L’émerveillement qui mène à l’admiration devant les Boyle, Hooke, Scheele, Lavoisier, Davy, devant aussi l’ordre qui, malgré le désordre apparent règne dans la nature et qu’il faut trouver, et c’est toute l’histoire de la théorie atomique, de Dalton et Prout à Rutherford , Moseley, Bohr, en passant par Avogadro, Cannizzaro, Mendeleïev, les Curie, car Oncle Tungstène est aussi une excellente histoire de la chimie (malgré peut-être une sous-représentation des chimistes français) Parmi d’autres découvertes du livre, la lutte entre les lampes à incandescence (à filament de divers métaux) et les lampes à gaz à manchons de zircone, magnésie ou thorine), les machines à rayons X des marchands de chaussure, les spinthariscopes…
Oui, cette autobiographie d’une enfance sous le signe de la chimie est un émerveillement contagieux, à partager…