Réformes des retraites, conditions de
ressources pour les pensions de réversions, plafonnement des indemnités chômage
pour les cadres: toutes ces réformes ont en commun de substituer à un système
d’assurance profitant à l’ensemble du pays un système de filet de sécurité très
minimal. C’est conforme à l’idéologie de la secte libérale au pouvoir, et c'est
très intéressant pour ceux qui veulent promouvoir des assurances privées ;
ce n’est pas conforme à une saine
compréhension du fonctionnement des sociétés, c’est contraire à la façon dont
nous avons bâti l’Etat social en France, basé sur le paritarisme et un système
assurentiel qui est un placement différé. Cette conception est contraire aux
principes du système de protection sociale à la fois le plus efficace, le plus
juste et le mieux adapté aux sociétés européennes, le modèle suédois.
Suède :
une forte protection sociale et un pays performant
L’indicateur
de « dépenses totales des administrations publiques » en pourcentage du PIB
s’établit en moyenne des pays de l’UE‐27 à 46,3%, mais avec une forte
dispersion : 54,3% en Suède, 52,7%
en France, 51,2% en Danemark, respectivement 34,2% en Estonie, 33, 8 en
Irlande, 33,6% en Lituanie. Le modèle suédois a connu une crise importante et
la Suède s’est s'engagée dans une réforme radicale de
l'Etat pour améliorer
l'efficacité de ses interventions. Résultat : la Suède est devenue l'un des
pays développés les plus performants, avec un taux de croissance annuel de plus
de 3 % en moyenne sur les trois dernières années, et des finances publiques
rééquilibrées.
Et les Suédois ont opéré
cette transformation tout en demeurant fidèle à l’essentiel des principes de
leur protection sociale et l'un des pays
les moins inégalitaires au monde : en 2010, l'indicateur Gini, qui mesure le
degré d'équité dans la distribution des revenus après impôts, place la Suède en
seconde position mondiale.
Ceci n’est peut-être
pas dû au hasard : Le taux de syndicalisation est élevé (80 %) et le taux
de couverture par les conventions collectives atteint 90 %. En outre, ces
ratios sont restés remarquablement stables malgré les turbulences que
l’économie suédoise a connues après 1990.
Eh oui quand
on veut faire une politique sociale, il faut des syndicats forts, avec qui l’o
négocie ; et, par corollaire, quand on veut faire une politique libérale
et anrtiscociale, il faut affaiblir les syndicats et ne pas discuter avec eux.
Et les Suédois ont opéré
cette transformation tout en demeurant l'un des pays les moins inégalitaires au
monde : en 2010, l'indicateur Gini, qui mesure le degré d'équité dans la
distribution des revenus après impôts, place la Suède en seconde position
mondiale
Un système inclusif qui prend en compte les classes moyennes :
la doctrine Möller
C’est Gustav Möller,
ministre des Affaires sociales de 1924 à 1926
puis de 1932 à 1951 quasiment sans interruption qui a façonné la
doctrine sociale de la Suède.
Cette doctrine est
universaliste : Son but est de simplifier
la gestion de l’aide sociale et oter les stigmates associés à celle-ci, et pour
cela faire bénéficier toute le population riches et pauvres de prestations de
qualité. L’accent est mis sur le développement
de services publics universels plutôt que de développer des prestations en
espèces ( et l’on pourrait traduire aujourd’hui : plutôt que des
assurances) : 1) parce que le fait d’offrir
des prestations en espèces ne garantit nullement que le marché réponde
efficacement à la demande 2) parce que cela ne permet de garantir un même accès
et une même qualité de service à toute la population.
Le principe avancé par
Möller est d’offrir des services identiques
pour tous mais de qualité élevée afin que ne se développe une demande alternative
pour des services privés chez les plus riches.
En incluant pauvres et
riches dans un même système de services publics de qualité, il s’agit d’éradiquer
les inégalités de traitements liées aux inégalités sociales, non pas en focalisant l’aide sur les plus
démunis, mais en s’assurant le soutien des classes moyennes et aisées en les
incluant dans des programmes d’assurance et des services publics universels et
de qualité.
Ainsi fut décidée la mise
en place, à partir des années 50, au sein du système universel d’assurance
sociales d’indemnités proportionnelles
au revenu pour éviter que les plus aisés ne mettent en place leurs systèmes
d’assurances privées. Ce point est essentiel pour comprendre l’Etat providence
suédois et sa forte capacité redistributive. En effet le système repose sur un apparent
paradoxe ; au lei de focaliser l’aide sur les plus démunis, l’Etat
Providence suédois redistribue les ressources à toute la population, et
proportionnellement plus aux plus aisés qu’aux plus démunis. Pourtant, loin de constituer une dilution des
ressources, une telle stratégie permet au contraire une plus forte redistribution
et surtout une plus grande égalisation des conditions et des chances, en tirant
vers le haut ceux qui sont moins bien dotés.
Ce paradoxe de la
redistribution tient au fait qu’en incluant toute la population dans un même
système universel généreux, on augmente le consentement des plus riches à
contribuer au système, permettant ainsi d’augmenter la masse des ressources à
distribuer et de garantir la légitimité du système en donnant la possibilité aux plus démunis de bénéficier non pas simplement
d’un filet de sécurité, mais de prestations de qualité qui satisfont également
les classes moyennes et aisées. Pour
G. Möller, un tel système universel permet non seulement une plus forte
redistribution des ressources, mais offre aussi un meilleur rapport
coût-efficacité puisqu’il réduit les coûts élevés liés au contrôle des
ressources ainsi que les coûts de gestion associés à des assurances privées
multiples.
Ce discours s’oppose
radicalement et très consciemment à ceux de la Troisième Voie Blairiste. Pour
ceux-là, il s’agit de réduire les sécurités pour promouvoir le changement ;
la stratégie suédoise, à l’inverse, met l’accent sur la protection, l’idée est
qu’on ne peut promouvoir le changement sans, en même temps, assurer la sécurité
des individus, l’insécurité étant perçue
comme une source d’inefficacité et comme une entrave à la croissance.
Ces
principes de base du système suédois étaient assez proches du système français
en terme d’assurance –maladie, de retraite et d’assurance chômage. Ce système
universel, juste et efficace est à l’opposé des orientations que prend le
gouvernement Macron, plus anglosaxonnes et américaines : un filet de
sécurité pour les plus désavantagés, des assurances de luxe très couteuses pour
les plus riches, et, entre les deux, des classes moyennes qui se débrouillent
comme elles peuvent : soit un système non universel, injuste et
inefficace, dont les seuls gagnants seront les assureurs privés.