Viv(r)e la recherche se propose de rassembler des témoignages, réflexions et propositions sur la recherche, le développement, l'innovation et la culture



Rechercher dans ce blog

dimanche 13 mars 2016

Réforme du code du travail : non au projet El Khomri


La hiérarchie des normes
Il existe une multitude de raison (presque autant que d’articles, mieux vaudrait supprimer tout le projet) pour s’opposer au projet Valls El Khomri de réforme du code du travail. L’un des plus flagrants, mais aussi me semble-t-il l‘un des moins discutés est l’inversion de la hiérarchie des normes : auparavant, les accords  collectifs prévalaient sur les accords d’entreprise et un accord d’entreprise ne pouvait offrir que des conditions plus favorables que celles de l’accord collectif ; demain si ce projet passe, par un référendum d’entreprise, un accord d’entreprise pourra imposer, en termes de salaires d’horaires ou conditions de travail, des conditions moins favorables si elles sont acceptées par in référendum d’entreprise.

C’est assez désespérant, mais cette primauté des accords collectifs sur les accords individuels fut un combat syndical centenaire, pour une raison bien simple : s’il est possible de déroger aux accords collectifs, alors c’est une compétition insane au détriment des salariés qui se met en place ; l’entreprise la plus en difficulté d’un secteur, sans doute parce que la plus mal gérée, imposera à ses salariés des baisses de salaires ou augmentation de temps de travail assez facilement par un chantage à l’emploi,  et progressivement les entreprises du secteur seront contraintes à s’aligner sur elles.

On mesure facilement  quel point cette inversion des normes est dangereuses, et tout particulièrement en temps de crise économique et de chômage fort. Extrêmement dangereuse pour les salariés, elle l’est aussi néfaste pour l’ensemble de l’économie, en créant une spirale attirant l’ensemble d(‘une branche vers des productions de faible valeur à faible coût, et de plus en plus dé déqualification ; c’est une spirale infernale qui se met, en place, la compétitivité par les coûts et non par la qualité et l‘innovation, l’inverse de ce qu’il faut faire.

Le Cercle des Prolétaires Positivistes : vive les conventions collectives
J’en reviens à ma doctrine favorite, la Positivisme. On l’ignore généralement mais le Positivisme a généré en France un mouvement ouvrier non négligeable, au début du XXème siècle, avec des figures comme Auguste Keufer, (1851-1924), fondateur de la CGT du livre t et premier trésorier de la CGT. Voici donc la position du Cercle des Prolétaires Positivistes, dont il fut le principal animateur lorsque, entre 1906 et 1908, fut discuté la création du code du travail et la possibilité de signer des accords collectifs d’entreprises (aujourd’hui accords de branche ) : « Le projet de loi sur le contrat de travail déposé le 2 juillet 1906 sur le bureau de la Chambre des députés est l’un des plus ,importants de la présente législature. Il invite le législateur à fixer légalement la définition, la validité, les effets et les preuves juridiques, la formation et la rupture du contrat individuel qui lie l’employeur et l’employé, ces deux derniers termes embrassant le premier, tous les patrons, et le second, tous les salariés. Le projet porte inévitablement sur les règlements d’atelier, les amendes, le délai-congé et enfin sur la grève et  lock out. Il se propose en outre de donner une valeur légale et juridique au contrat collectif de travail vers lequel s’achemine l’industrie moderne, bon gré, mal gré sous la pression des travailleurs syndiqués

Examinant le contrat collectif, ou plus exactement la convention collective relative aux conditions de travail, le Cercle des Prolétaires Positivistes met en lumière ses trois principaux avantages pour le bon ordre de la société économique.

Le contrat collectif est seul propre à établir un certain équilibre entre l‘employeur qui fournit le travail, et l’employé qui  doit travailler pour assurer son existence et celle des siens. Il peut largement moraliser la concurrence entre employeurs, en c sens que, grâce à lui, cette concurrence ne peut plus s’exercer avec autant d’intensité sur la salaire et sur l’ensemble des conditions de travail, et qu’ainsi, le meilleur patron n’a plus à pâtir du plus mauvais. Le contrat collectif enfin, les faits le prouvent, est surtout propre à maintenir ou à rétablir l’accord entre employés et patrons.

Projet de Loi El Khomri : désordre et régression

Le Positivisme a la conviction qu’il est possible de déterminer des lois de l’organisme social, comme il y a des lois physiques et biologiques. Son slogan le plus connu est « Ordre et Progrès ». Un Positiviste sait  reconnaître une mesure qui favorise le progrès et l’ordre social de son inverse, il dispose de lois pour cela. Or, toute la connaissance positive et historique de l’ordre social ne peut aboutir qu’à ceci : ce projet de loi, ce n’est pas ordre et progrès, mais désordre et régression. Dans l’intérêt de tous, et aussi pour le respect de la mémoire de tous ceux les travailleurs qui, positivistes on non, ont lutté pour l’établissement du droit du travail, ce projet doit être combattu aux côtés de tous les syndicats qui exigent son retrait.