Viv(r)e la recherche se propose de rassembler des témoignages, réflexions et propositions sur la recherche, le développement, l'innovation et la culture



Rechercher dans ce blog

samedi 27 mai 2023

Pour une nouvelle politique européenne de l’énergie- Académie des technologies Mai 2023

 Un vrai brulot contre la politique énergétique européenne, courageux, indispensable, bienvenu

Extraits :

1)Un mauvais choix des objectifs, l’exclusion du nucléaire et la sécurité d’alimentation sacrifiée

Ce n’est pas la mise en œuvre de la politique européenne de l’énergie qui a échoué : pour l’essentiel les objectifs sur lesquels l’Union s’est focalisée ont été atteints. L’échec global résulte donc d’un mauvais choix des objectifs, et d’une mauvaise articulation entre eux.

Ne se contentant pas de définir des objectifs de décarbonation, la Politique européenne définissait LE moyen : développer les énergies renouvelables et éliminer progressivement de facto le nucléaire en refusant de le qualifier comme énergie décarbonée. Cette exclusion contrevient d’ailleurs à une disposition essentielle du traité de Lisbonne : « La politique énergétique de l’Union n’affecte pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».

Un deuxième défaut rédhibitoire : les moyens imposés ne permettent pas d’atteindre simultanément l’objectif de réduction des émissions et l’objectif de sécurité d’approvisionnement ; ils requièrent une importation massive d’hydrogène.

Après la dépendance au gaz naturel russe, on organise la dépendance envers des pays non identifiés, d’où sera importé de l’hydrogène produit et transporté avec des technologies non définies (hydrogène liquide, méthanol, ammoniac)

2) Au lieu de reconnaître l’échec de la politique en place, on amplifie sa mise en œuvre

Ainsi, la Directive RED III qui fait l’objet d’un consensus entre les trois organes européens (Commission, Conseil, Parlement préconise

Accroître la part des énergies renouvelables (32 % en 2030 selon la directive RED II ; 42,5 % et si possible 45 % selon la directive RED III). Le Parlement, conscient qu’un tel rehaussement de l’objectif très près de la date fixée pour l’atteindre est illusoire, avait donc introduit une disposition permettant de produire de l’hydrogène dit « vert » à partir d’électricité issue de la combustion du charbon ou du gaz ! Cet amendement a heureusement été abandonné.

• Organiser les importations d’hydrogène. Selon les vœux du Parlement, chaque État membre devrait présenter à la Commission sa stratégie d’importation ! On renoncerait ainsi explicitement au principe de subsidiarité et au principe de sécurité.

Au total, au lieu de reconnaître l’échec de la politique en place, on amplifie sa mise en œuvre. Que faudrait-il faire pour ne pas persévérer dans l’erreur ? La question est abordée dans les paragraphes suivants.

3) Les solutions : principe de subsidiarité, objectif de décarbonation, fin de la discrimination contre le nucléaire

Revenir au principe de subsidiarité : les États décident de leur mix ; seul l’objectif de décarbonation est imposé.

Par une réglementation d’exception (règlement délégué [3]), la Commission a admis que le nucléaire soit provisoirement (!) toléré. De nouveaux projets, et le prolongement de vie d’installations existantes, pourront ainsi accéder aux mêmes financements que les énergies renouvelables.

Mais le nucléaire reste discriminé par rapport aux énergies renouvelables. La production nucléaire n’entre pas dans l’évaluation de l’atteinte des objectifs de production de la Commission, et ne bénéficie pas des soutiens mis en place pour les énergies renouvelables. De facto, ceci est contraire au principe de subsidiarité et à la reconnaissance que les États membres ont le libre choix de leur mix énergétique. Les objectifs de décarbonation devraient fixer les pourcentages d’électricité bas-carbone et non les pourcentages d’électricité.

L’Académie des technologies propose très simplement que les textes européens et leurs déclinaisons nationales fixent non pas des objectifs d’énergie renouvelables, mais des objectifs d’énergie décarbonée ce qui devrait être incontestablement l’objectif réel dans le cadre de la meilleure efficacité possible dans la lutte contre le changement climatique

C’est à l’industrie nucléaire de prouver sa compétitivité. Mais il est permis de penser qu’elle saura, comme l’énergie solaire ou éolienne, profiter d’économies d’échelle si elle peut se développer dans un cadre serein permettant de bénéficier de commandes en série.

Or les installations nucléaires sont réalisées avec de la valeur ajoutée essentiellement européenne, et un recours limité à des matériaux critiques (essentiellement cuivre et nickel, en quantité assez faible). Elle produit de l’énergie décarbonée et améliore la sécurité d’approvisionnement énergétique.

En substitution ou en complément d’une politique de l’hydrogène fondée sur les importations, la France peut ambitionner d’être un producteur d’hydrogène pour l’Europe, avec un mix adéquat d’énergie nucléaire et d’énergies renouvelables. Or, dans son état actuel, la politique européenne de l’énergie le lui interdit de fait.

4) La sécurité énergétique doit cesser d’être une incantation, mais doit (re-) devenir un objectif.

La responsabilité conférée à l’Union d’assurer la sécurité énergétique est une autre contrepartie à l’élargissement des compétences de l’Union dans le domaine de l’énergie. Or elle a gravement négligé cet objectif. Là encore, la solution est simple : il faut que l’Union s’assigne et assigne aux États membres des objectifs quantitatifs de réduction du déficit d’énergie primaire.

Et en préalable, il faut choisir un bon indicateur de mesure de la dépendance. Elle doit être mesurée par la valeur des importations, et non par leur contenu énergétique. Il n’est en effet pas du tout équivalent d’importer une tep hydrogène directement utilisable dont la valeur ajoutée est extra-européenne, et une tep d’uranium qui nécessite d’importantes opérations de transformation en Europe (conversion et enrichissement) dont le coût est d’un ordre de grandeur égal à celui du minerai. Le coût de l’uranium représente moins de 10 % du coût d’un kWh nucléaire, alors que le coût du gaz représente 80 % du kWh gaz. En d’autres termes, le doublement du prix de l’uranium n’affecte que marginalement le prix de l’électricité nucléaire. C’est donc en valeur du solde commercial, et non du solde énergétique que l’Union doit fixer un objectif d’indépendance énergétique ; et elle doit viser l’amélioration de l’indépendance et non accepter sa dégradation.

5) En guise de conclusion

La France par le traité de Lisbonne a confié sa politique énergétique à l’Union européenne, tout en se réservant le choix de son mix énergétique et en exigeant de l’Union qu’elle assure la sécurité d’approvisionnement. Les termes de cet accord ne sont cependant pas respectés par l’Union.

La solution est simple ; dans le strict respect des traités, il faut obtenir que l’Union se concentre sur l’objectif qui lui est assigné : décarboner le secteur de l’énergie, en laissant aux États membres le choix des moyens.



Les limites physiques du développement de l’éolien

 Document basé principalement sur des présentations et conférences  de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué du BRGM,  un article de Geraldine Woessner.

1) L’éolien et particulièrement l’éolien maritime est particulièrement gourmand en matériaux, surtout en métaux critiques et terres rares.  Ce goulot d’étranglement concerne aussi bien les métaux "historiques" (Cu…) que "nouveaux" (Li, Mn, Co…).

Pour rappel, sur l’acier, les développements programmés de l’éolien off shore impliqueraient, pour de socles en acier, que l’on y consacre une quantité équivalent à celle actuellement consacrée à la production automobile ( OPESCT).

La demande en matériaux et singulièrement en métaux de l’éolien enre de plus en compétition vive avec les demandes de décarbonation de la mobilité ( voiture électriques) et les demandes de la transition numérique.



2) Un défi immense dont il faut prendre conscience 

2a) En qualité : de plus en plus d'éléments chimiques sont concernés par des pénuries possibles voire certaines 


En quantité : le scenario développement durable de l’Agence Internationale de l’Energie implique qu’il faudrait extraire plus de ressources minérales d'ici 2050 que depuis le début de l'humanité. Ceci concerne principalement le lithium, le graphite, le cobalt, le nickel, les métaux rares

Se poseront des conflits d’usages : les métaux ne servent pas que pour l’énergie, la transition numérique aussi sera gourmande en métaux. Il faut prendre en compte le développement d'internet et de ses usages, avec un potentiel de croissance encore important en Afrique. Il a été estimé que les technologies digitales exigeraient 4,5% de l’énergie mondiale et pourrait jusqu'à 21% de la consommation électrique en 2030.

A l’échelon 2030-2035, il va falloir choisir entre le téléphone portable ou l’ordinateur, et l’éolien !

Que ce soit le scénario modéré  (STEPS Stated Policies Scenario, scenario à 3°C) de l’AIE ou le scenario SDS ( Développement durable) plus ambitieux, ça ne passe pas pour le cuivre, le lithium, le cobalt à l’échelle 2030-2035

3) Le cas spécifique du cuivre : 

Le cuivre est indispensable à tous les moyens de la transition climatique   on observere déjà une volatilité important des cours, des tensions grandissantes sur l’approvisionnement. Les réeerves restent importantes mais difficiles à mettre sur le marché : gisements moins concentrés, time-to-market long, tensions sociétales grandissantes sur les conditions d’exploitation ;

Et rappelons que tous les moyens de production électrique ne sont pas équivalent quant au cuivre. Des production peu concentrées comme l’éolien et le soliare exigent bien davantage de réseau, donc de cuivre  que des moyens plus concentrés comme le nucléaire. L’extension du réseau pose aussi en elle-même de vrais problèmes d’acceptation sociale, cf. Energiewende

Il y a de sérieux doutes sur le fait que la demande de  cuivre soit durable au vu de la forte volatilité des prix depuis 2000 et la courbe de production.

4) Le cas spécifique des terres rares

L’éolien off shore nécessite des aimants permanents particulièrement gorrmands en terre rares et métaux critiques. Ce marché des terres rares est très concentré en Chine qui, depuis Deng Xiaoping  en a fait un axe stratégique de son développement (1992 : le Moyen Orient a le pétrole, la Chine a les terres rare).

Le temps est loin où la France avait le quasi monopole du traitement des  terres rares  à La Rochelle dans un  site fondé en 1948 par Rhodia ( Société Française des Terres Rares) !

Les conditions d’exploitations en Chine, autrefois désastreuses ( cf Guillaume Pitron, la guerre des métaux rares) ont considérablement évoluées, avec le fin des exploitations illégales,  une diminution nette de l’impact environnemental, l’amélioration des rendements

Et surtout la Chine a très efficacement remonté la chaine de valeur avec la fabrication des aimants, etc.

De façon générale, la production des métaux et matériaux nécessaires à la transition énergétique est beaucoup plus concentrée que celle des fossiles

Ceux qui ont aimé la dépendance en gaz russe, vont adorer la dépendance chinoise en métaux rares.




5) Eolien et dépendance chinoise

 L’éolien, et surtout l’éolien off shore pose de graves problèmes de dépendance en ce qui concerne les métaux et matériaux critiques, mais aussi l’ensemble de la chaine de valeur aux éléments des éoliennes. Cette dépendance est encore plus forte pour l’éolien off shore, en raison de la nécessité d’aimeats permanents dans les moteurs.

Au niveau mondial, il est prévu une augmentation importante du parc installé (par 8) d’ici 2050 avec une croissance annuelle multipliée par 5, une croissance fortement  tirée par la Chine en termes industriels et de développement.

De fait, en matière d’éolien, et surtout d’éolien off shore, la Chine domine globalement le marché des matières premières comme celui des composants.


6)Pour l’Europe spécifiquement, des goulots d’étranglements critiques

Voir sur ce sujet The State of the European Wind Energy Supply Chain, Rystad Energy report in cooperation with WindEurope,

 Demande européenne d’acier pour l’éolien en mer et production


Demande européenne de terres rares  pour l’éolien en mer et production


Demande européenne de turbines pour l’off shore  et production 

La  capacité de production actuelle d’éoliennes de plus de >12 MW ( typiquement celles pour l’éolien off shore ) en Europe est inférieure à 2 GW, nettement inférieure à la demande en 2026 et 2030 d’environ 12 GW et 29 GW, respectivement. Et la Chine s’impose de plus en plus, tandis que les turbiniers européens, pris dans une course au gigantisme, sont en mauvaise forme économique.



7) Autres problématiques fortes de l’éolien off shore

7a) Une sensibilité forte à l’inflation sur les matières premières

7b) Une production erratique qui constitue une une vraie menace pour la stabilité  des réseaux

Mathieu Hochet, spécialiste « Offshore wind » chez TotalEnergies : « Lorsque les énergies renouvelables, généralement intermittentes, représenteront plus de 50 % du mix électrique, il sera particulièrement délicat de rétablir la tension sur le réseau en cas de black-out »

7c) Des coûts de production élevés (spécialement pour l’éolien en mer)

Et rappelons que pour l’éolien en mer flottant, qui est censé représenter jusqu’à une part importante de l’éolien en mer en France (jusqu’à 50%), la technique n’est pas matpure et les coûts ne sont pas connus 

Grégoire de Saivre, Total Energies : « Estimer les coûts de construction d’une filière qui n’est pas mature sur une période de  8 à dix  ans ; impossible c’est une boule de cristal »

Et ça se voit sur les prix de l’électricité

8) Une équation énergétique douteuse

Et même le bilan énergétique est très très discutable ( même si les EROI sont difficiles à estimer et peuvent évoluer, l’écart d’ordre de grandeur est considérable)


9) La dépendance en matériaux, quelles solutions ? 

Le passage d'une dépendance aux énergies fossiles à une dépendance aux ressources minérales et à de nouvelles dépendances géopolitiques peut être mitigé, pas à l’horizon 2030, mais à l’horizon 2050. On peut aussi espérer que pour la France et pour un nombre important de pays européens en 2050, la relance du nucléaire allègera les risques de cette dépence aux métaux, au moins pour la production d’énergie.

Il faut d’abord que les dirigeants politiques en prennent conscience   L’exécutif français  a ainsi commandité le rapport Varin sur la « sécurisation de l'approvisionnement en matières premières »

Des comités stratégiques de filières (Automobile, Nouveaux systèmes énergétiques, Mines et Métallurgie) ont été créés.  Il y a aussi eu  la constitution, auprès du BRGM et en lien étroit avec le Comité stratégique de la Filière Mines et Métallurgies, d’un observatoire des métaux critiques , rassemblant les moyens correspondants des industriels et des administrations, et réunissant des fonds privés et publics (OFREMI) et la nomination d’un délégué interministériel coordonnant les actions des administrations dans la mise en œuvre des décisions prises, en y associant étroitement les industriels. Egalement en cours, la traduction dans une norme ou un label, certifiable , du concept de « mine responsable », au niveau européen.

L'Europe a de grandes ressources métalliques minières pour les métaux qu'elle n'exploite plus suffisamment, la France étant l'un des plus mauvais élèves tant pour les mines de métaux  ( 0 en exploitation ?) que  pour l'exploration de ses ressources ( limitée à 300 mètre au-dessous du sol.)

La relance d'activité minière en Europe et en France est critique et ne supprimera toute dépendance aux métaux mais l'allégera significativement. Il faut expliquer que la mine du XXIème siècle n'a plus rien à voir avec celle de Zola et qu'il est possible ( et obligatoire) d'ouvrir des exploitations minières respectueuses de l'environnement et  de la santé. En ce qui concerne l'acceptabilité,  M. Poinssot estime qu'en France l'opinion publique peut basculer rapidement et favorablement sur ce sujet, comme elle l'a fait pour le nucléaire. L'exmple de la mine de lithium en projet  à Échassière est encourageant, laccueil du voisinage est plutôt bon. Mais "il ne faut pas se rater" 

 

10) Et déjà une compétition féroce : Eolien en mer :une pénurie de matériaux menace les ambitions françaises, La Tribune, 17 mai 2023 : Le coup de tonnerre de Tennet 


Dans ce contexte, « la stratégie entre gestionnaires de réseaux européen relève plus de la compétition que de la coopération » a confié Regis Boigegrain (RTE). Il ne faut pas être naïfs et il faut en tenir compte dans notre stratégie industrielle ».. Pour l’heure, RTE doit surtout faire face à la stratégie très agressive de Tennet, le gestionnaire du réseau néerlandais et d’une grande partie du réseau allemand qui «  passé une commande absolument gigantesque » accaparant considérablement les capacités de production es fournisseurs. Le 5 mai, le gestionnaire a en effet signé pour 5.5 milliards d’euros de de câbles. Il a également fait l’acquisition d’une station électrique de 20000 tonnes, , un monstre industriel ( peu ou prou le tiers de l’arche de La Défense en volume) que peu navires dans le monde sont en mesure de transporter. « Tennet, ça a été un coup de tonnerre pour l’ensemble des gestionnaires de réseau européens »

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/eolien-en-mer-une-penurie-de-materiaux-menace-les-ambitions-francaises-

Références :

https://www.brgm.fr/sites/default/files/documents/2022-11/evenement-conference-metaux-strategiques-2022-02-23-pres-c-poinssot.pdf

https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/seminaire/la-transition-energetique-aujourd-hui-et-demain/approvisionnement-en-metaux-critiques-le-nouveau-defi-de-la-transition-energetique

https://www.lepoint.fr/dossiers/hors-serie/energie-petrole-nucleaire-renouvelables-geopolitique/batteries-le-clash-des-metaux-rares-27-10-2022-2495471_4637.php#:~:text=Selon%20nos%20%C3%A9valuations%2C%20construites%20%C3%A0,4%20%25%20des%20terres%20rares.%20%C2%BB


jeudi 25 mai 2023

Quelques petits problèmes sur la consultation CNDP Débat Penly

 Certaines voix (et certaines vraiment inattendues) semblent mettre en cause l’attitude des pronucléaires dans  le debat Penly de la CNDP, à propos de la programmation de 6 EPR2. Alors, on refait, non pas le match ( c’est fichu et bien saboté !), mais le point.



1) Les déclarations de Chantal  Jouanno  avant et au début du débat

Le Monde , 18 octobre

« Faut-il blâmer le public qui a constaté que les enseignements du débat de 2005 avaient été ignorés dans la loi du 28 juin 2006 sur la gestion des matières et déchets radioactifs, qui écartait toute autre solution que l’enfouissement en couches géologiques profondes ? Ou ne faudrait-il pas plutôt pointer du doigt les responsables politiques qui sont restés sourds aux enseignements du débat public ? »

« Le débat public de 2005 sur la gestion des déchets radioactifs a démontré que le seul compromis possible pour traiter les déchets radioactifs était de maintenir ouvertes toutes les solutions possibles, et pas uniquement l’enfouissement en couches géologiques

« Le débat public n’est plus une succession de grandes réunions où la parole est séquestrée par les plus forts »

Or, le débat public sur les déchets (PNMGDR)  a été un échec. De multiples réunions ont été profondément perturbées, celle de Lille, la plus centrale,  a dû être annulée . Et les affirmations ci-dessus sont essentiellement fausses

Interview  dans le très antinucléaire Reporterre, 17 janvier 2023

 « En raison de frais financiers plus lourds sur l’investissement nucléaire, les sources renouvelables sont beaucoup plus intéressantes que les EPR. »

Le moins qu’on puisse dire est que ces déclarations pouvaient inquiéter sur l’impartialité de la CNDP et la qualité du débat qu’elle organisait. Les militants du Voix du Nucléaire qui ont alerté sur les réseaux sociaux étaient parfaitement fondés à le faire. Pour ma part, je considère que Mme  Jouanno aurait dû démissionner. 

Et déjà se met en évidence un défaut majeur de la CNDP, sur laquelle elle ne veut rien entendre : la connaissance scientifique n’est qu’une opinion parmi d’autres.

2) Pour la CNDP, seules les organisations militantes antinucléaires sont légitimes ?

Comme organisations militantes, seules les organisations militantes antinucléaires (Negawatt, Greenpeace, Sortir du nucléaire, RAC , Global Chance), étaient invités par la CNPD. Ni Les Voix du Nucléaire, ni Patrimoine nucléaire et climat, ni Sauvons le climat, ni le Cérémé, ni Ecologistes pour le Nucléaire, etc.  n’étaient  invités. Ni d’ailleurs des autorités scientifiques indépendantes comme l’Académie des Sciences et l’Académie des Technologies qui se sont exprimées clairement sur le sujet.

Il a fallu beaucoup insister, mais de manière très officielle et très correcte, pour que les Voix du Nucléaire puissent intervenir, et en  "portion » très  congrue par rapport aux organisations anti nuc. (on doit pouvoir trouver des décomptes)

Ceci pose d'ailleurs un vrai problème :  alors que l'opinion française est majoritairement favorable au nucléaire, n’est-ce pas accorder un poids excessif à un point de vue minoritaire mais très militant, ce qui fausse le débat ?

De façon plus générale, au sein de beaucoup d’instances officielles, cette visibilité, cette surreprésentation accordée à certaines ONG au détriment d’autres ou de partenaires plus institutionnels a  été critiquée par certains syndicats lors de la Commission Schellenberger ( réunion n°30, 25 janvier 2023)

Le caractère déséquilibré  des invités et des interventions au profit d'organisations antinucléaires a pour effet que le débat devient une source  de  fake news ahurissantes comme l'eau de refroidissement des centrales restituée "dans des conditions de dégradation impossibles" qui ne sont pas démenties en direct.

3) Et après la partialité, la malhonnêteté

Lors d’un débat ( 12 janvier 2023) organisé en zoom uniquement (compte-tenu de la dégradation des conditions du débat) sur les conséquences sur le travail et l’emploi, l’intervenant expert  chargé des emplois était M. Quirion présenté comme expert CNRS/CIRAD.  Il a fallu s’y reprendre à trois fois sur le chat ( et être menacé de déconnexion)  en demandant que soit également précisée sa qualité de président du très anti-nucléaire Rassemblement Action Climat. L’organisateur a bien pris la parole pour indiquer que M. Quirion était également président du RAC  (Rassemblement Action Climat)  sans indiquer qu'il s'agissait d'une organisation anti-nucléaire et a précisé qu’il parlait en tant qu’expert CNRS. Vu la divergence de ce qu’il présentait avec d’autres données, on peut en douter…mais rappelons que la CNDP a mordicus refusé tout idée de fact checking, que ce soit en ligne ni  a posteiori.

Rebelotte quelques jours plus tard avec une réunion consacrée au financement. L’organisation  Global Chance, dont l'une des vedettes est l'inénarrable B. Laponche) a été présentée comme experte sur les problèmes de financement sans préciser qu’elle est une organisation militante anti nucléaire revendiquée. Global Chance  a pu aligner ses allégations présentées comme des expertises  sans aucun avertissement (cette fois, les interventions sur le chat n’ont été suivies d’aucun effet).

Est-ce cela que la CNDP juge comme des incorrections ? Nous n’en aurions alors pas vraiment la même définition.

4) Des conditions du débat

A Paris, par exemple, le 8 novembre, il fallait, pour pénétrer dans la salle, franchir un comité d’accueil aimablement composé par les collectifs anti-Bure, anti- Piscine La Hague, Sortir du Nucléaire. Les mêmes ont pénétré dans la salle et exigé un temps de parole au début de la réunion qui leur a été accordé. Lors de la réunion, certains se promenaient dans la salle et plaquaient violemment sur les tables des paquets de tracts. Au moins, la réunion a-t-elle pu se tenir .

Ca ne semble pas beaucoup gêner M Michel Badré qui a déclaré : « Le chahut au cours de réunions, comme lors du débat sur le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), dont j’ai été membre de la CPDP, ça fait partie du droit de manifester, tant qu’on n’en vient pas aux mains. »

https://www.lagazettedescommunes.com/831161/nucleaire-ou-pas-il-y-a-toujours-plusieurs-reponses-possibles-a-une-question/

Pour le PNGMDR, lors des réunions les plus importantes, aucune présentation n’a pu avoir lieu normalement, aucun partisan du nucléaire n’a pu avoir droit à la parole sans craindre pour sa sécurité.

Cette  conception du débat est assez curieuse et problématique, tout le monde n’est pas à l’aise pour s’exprimer dans ces conditions. Il me semble qu’au contraire les organisations qui se livrent à ces agissements devraient a minima être bannies de débats futurs…

 Est-il utile de mentionner que c’est toujours le même côté ( antinucléaire) qui est en cause, et que je mets quiconque au défi de trouver une réunion de la CNDP qui ait été si peu que ce soit perturbée par des militants pronucléaires, ou a fortiori empêchée ?

5) Le dérapage complet : quand la CNDP sabote son propre débat

Le 18 janvier 2023, le Sénat introduisait un article dans la loi accélération du nucléaire supprimant le plafond de 50% de nucléaire dans le mix électrique. La CNDP réagissait par un communiqué très vif signé de Chantal Jouanno et Michel Badré :

« Une telle mesure, anticipant de quelques mois un débat relevant du projet de loi de programmation énergétique, ne change rien aux délais de réalisation éventuelle d’un programme de relance du nucléaire: les enjeux d’ingénierie, de formation et d’emploi ou de mise en place du financement, sans aucun doute les plus déterminants sur le calendrier de réalisation, ne relèvent en rien de cette anticipation mineure. Elle revient en revanche à considérer comme sans intérêt pour définir la stratégie énergétique les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours. »

https://www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-01/230118-CP-PJL-CNDP.pdf

Une telle réaction a été évidemment comprise par tous les groupements antinucléaires comme une légitimation de leurs actions et de leurs méthodes pour s’opposer au débat ou s’en retirer pour ceux qui l’avaient accepté et voyaient, séances après séances, que leurs arguments ne portaient pas.  A signaler que le vice- président EELV de la communauté urbaine de Lyon, M.  Philippe Guelpa-Bonaro, appelait à manifester contre le débat prévu à Lyon le 2 février.  Etrange attitude pour un élu face à un débat public institutionnel, non ?https://twitter.com/FilGB/status/1620707270228348928.

De fait, aucune des réunions programmées ensuite n’a pu se tenir, à commencer par celle de Lille du 26 janvier. A noter l’étrange passivité de Mme Jouanno et M Badré, qui n’ont pas dénoncé ce qui constituait quand même des atteintes aux libertés fondamentales d'information, d'expression et de consultation des citoyens et ont réservé leur ire aux Sénateurs ; ce qui interroge sur leur conception de la démocratie et de l’organisation des  pouvoirs (Auguste Comte, Comte, « pour conseiller, il faut ne pouvoir jamais commander »)

6) Le bilan interdit et pourtant indispensable

Le 27 février 2023, la CNDP clôturait le débat par en quelque sorte, un débat sur le débat, ce qui était plutôt intelligent et aurait pu être utile.

Aurait pu, si1) curieusement, il n’avait pas  été annoncé à tous les participants par vidéo qu’aucune mise en cause de la présidente de la CNDP ne serait toléré (ce qui limitait  quelque peu les débats et si 2)   l’on n’avait pas assisté à un déni de la Présidente Mme  Jouanno , voire à des mensonges caractérisés sur le thème  le débat se déroulait sans problème majeur jusqu’au 24 janvier, après c‘est la responsablité du Sénat s’il a dérapé.

« je le répète, le débat public n’a été ni interrompu, ni suspendu ».

Et ceci : « certaines personnes ont souhaité que le débat soit arrêté. Elles ont argumenté qu’il ne servait à rien, que manifestement le public n’avait pas les compétences pour traiter un sujet aussi technique, que seuls les contestataires s’exprimaient et qu’il aurait fallu utiliser la force pour les évacuer. Il n’a jamais été question d’interrompre le débat. Il n’a jamais été question de laisser la force, quelle qu’elle soit, confisquer le débat. »

Non Madame Jouanno, ce ne sont pas les pronucléaires que vous semblez viser qui ont empêché la poursuite du débat, ce ne sont pas eux qui ont perturbé, puis empêché les réunions, ce ne sont pas eux qui ont employé la force, la violence verbale et parfois physique pour intimider leurs opposants, ce ne sont pas eux qui ont mis fin aux débat ! Et il est regrettable que vous ne vous soyez pas interrogée sur votre propre responsabilité

Il est dommage que non seulement vous ayez été incapable de tenir ce débat sur les six nouveaux réacteurs, mais que vous ayez été aussi en quelque sorte interdit ce débat sur le débat qui aurait pu être utile.

A votre décharge, ce n’était pas facile, et, contrairement à ce que vous avez pu laissez penser, le problème n’est pas spécifique au nucléaire. Il est impossible actuellement de tenir un débat utile et informé sur les nanosciences, sur les OGM, sur le glyphosate, sur la politique de l’eau et les bassines, sur les phytosanitaires et plus généralement la politique agricole.

Il y a fondamentalement un problème d’ignorance de la science, de la démarche scientifique même, de ses méthodes et de ses  résultats, des statuts respectifs de la connaissance scientifique et de l’opinion  ( et la fameuse méthode des controverses du très relativiste Latour  que vous vous vantez d’utiliser est quelque peu problématique). D’interaction aussi entre la science et la société, de vulgarisation des connaissances scientifiques, du rôle et de la formation des journalistes scientifiques, de l’information des décideurs .

 Aller, deux pistes de réflexions

 « Le public ne sait pas ce qu’il lui faut, mais il sait parfaitement ce qu’il veut, et personne ne doit s’aviser de le vouloir pour lui » ( Auguste Comte )

« L’air du temps, en accusant la science de n’être qu’un récit parmi d’autres, l’invite à davantage de modestie. On la prie de bien vouloir gentiment "rentrer dans le rang" en acceptant de se mettre sous la coupe de l’opinion…

La philosophie des Lumières défendait l’idée que la souveraineté d’un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les « vérités scientifiques », en particulier, ne relèvent pas d’un vote. La crise sanitaire a toutefois montré avec éclat que nous n’avons guère retenu la leçon, révélant l'ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu’il lui revient d’établir. » (Etienne Klein, le goût du Vrai)



samedi 20 mai 2023

Nucléaire : et quelques hirondelles de plus, Italie et Danemark !

 L’Italie se tourne vers l’énergie nucléaire pour compléter son bouquet énergétique

Investir dans le nucléaire est nécessaire pour que l’Italie poursuive ses objectifs énergétiques et assurerait le respect du principe de la souveraineté énergétique européenne, a déclaré Luca Toccalini, député de la Lega (ID), alors que l’accord de coalition exprime l’intention des partis d’investir dans le nucléaire.

Outre les investissements dans les énergies renouvelables et les partenariats conclus avec les pays d’Afrique du Nord pour l’approvisionnement en gaz, l’Italie souhaite inclure l’énergie nucléaire dans son bouquet énergétique.

« En plus d’être propre et sûr, l’investissement dans l’énergie nucléaire est extrêmement nécessaire pour poursuivre les objectifs stratégiques de la souveraineté énergétique italienne, mais aussi européenne », a déclaré Luca Toccalini du parti populiste Lega (ID) à EURACTIV.

Les partis au gouvernement — le parti post-fasciste Fratelli d’Italia (ECR), Lega (ID) et le parti conservateur Forza Italia (EPP) — avaient déjà exprimé leur intention de revenir à l’investissement dans l’énergie nucléaire dans le programme électoral avec lequel ils ont remporté les élections générales en septembre 2022.

Cette stratégie est également partagée par des partis du centre tels que Italia Viva de l’ex-Premier ministre Matteo Renzi et Azione de l’ex-ministre de l’Économie Carlo Calenda, qui forment ensemble la coalition du « troisième pôle ».

Il y a quelques jours, la Chambre des députés a approuvé la motion de la majorité sur les initiatives énergétiques dans le contexte de la réalisation des objectifs de neutralité climatique, avec une référence particulière à l’énergie nucléaire.

La motion engage le gouvernement à accélérer le processus de décarbonisation de l’Italie et à évaluer l’opportunité d’inclure l’énergie nucléaire dans le mix énergétique national « en tant que source alternative et propre de production d’énergie ».

« L’énergie nucléaire de quatrième génération est aussi sûre que propre », a déclaré Gilberto Pichetto Fratin, ministre de I’Environnement et de la Sécurité énergétique.

« Nous allons maintenant en discuter avec nos partenaires européens et examiner, avec le plus grand soin, comment l’inclure dans le bouquet énergétique national pour les prochaines décennies, afin d’atteindre, également avec la contribution de l’énergie nucléaire, les objectifs de décarbonisation fixés par l’Union européenne, jusqu’à l’objectif final de la neutralité climatique en 2050 »,

Malgré les rapports par ailleurs tendus entre l’Italie et la France, cette dernière a déjà manifesté son intérêt en faveur d’une coopération sur le dossier. En visite officielle à Rome, le 3 mars, le ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, avait évoqué de telles perspectives à des fins industrielles, avec son homologue Adolfo Urso. « C’est la première fois depuis des décennies que le mot “nucléaire” est prononcé dans une déclaration franco-italienne »

 Le 6 mars, l’électricien français EDF officialisait une lettre d’intention signée avec l’italien Ansaldo, développeur de composants et prestataire de services.



Danemark et nucléaire : vers une consultation publique 

Ces deux dernières années, le soutien à l’énergie nucléaire a énormément augmenté dans la plupart des pays européens. Le Danemark ne fait pas exception !

Les derniers sondages d’opinion de Megafon A/S Consulting and Research montrent que 49% de la population danoise voterait oui à l’énergie nucléaire au Danemark ! Seulement 32% voteraient non, et les 19% restants ne se prononcent pas ! 

Les membres du parlement danois ont discuté d’une proposition concernant la création par le gouvernement d’une commission indépendante chargée d’examiner si l’énergie nucléaire devrait faire partie du système énergétique danois!

Étonnamment, le parti écologiste danois @alternativet et le Parti social-libéral @radikale ont soutenu la proposition dans le but d’acquérir davantage de connaissances sur l’énergie nucléaire au Danemark.

Comme prévu, les partis libéraux et de droite ont également soutenu l’organisation d’une consultation @LiberalAlliance, @KonservativeDK, @NyeBorgerlige et  @DanskDf1995

Seuls deux partis @Enhedslisten ( Alliance rouge et verte ) et @Sfpolitik ( Parti populaire socialiste) refusent de considérer l’énergie nucléaire comme une source d’énergie verte. Tous les autres partis ont clairement indiqué soutenir le nucléaire en Europe et , sur la base des arguments du  GIEC, acceptent l’idée  selon laquelle nous avons besoin du nucléaire pour atteindre les objectifs de Paris.

Il n’y a pas eu de vote formel, mais les différents partis ont clairement exprimé leur position et ont recommandé d’établir une consultation publique, au cours de laquelle différents experts et organisations pourront présenter leurs connaissances et opinions sur le sujet, de préférence à un débat parlementaire.