Un vrai brulot contre la politique énergétique européenne, courageux, indispensable, bienvenu
Extraits :
1)Un mauvais
choix des objectifs, l’exclusion du nucléaire et la sécurité d’alimentation sacrifiée
Ce
n’est pas la mise en œuvre de la politique européenne de l’énergie qui a échoué
: pour l’essentiel les objectifs sur lesquels l’Union s’est focalisée ont été
atteints. L’échec global résulte donc d’un mauvais choix des objectifs,
et d’une mauvaise articulation entre eux.
Ne
se contentant pas de définir des objectifs de décarbonation, la Politique
européenne définissait LE moyen : développer les énergies renouvelables et
éliminer progressivement de facto le nucléaire en refusant de le qualifier
comme énergie décarbonée. Cette exclusion contrevient d’ailleurs à une
disposition essentielle du traité de Lisbonne : « La politique énergétique de
l’Union n’affecte pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions
d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes
sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique
».
Un
deuxième défaut rédhibitoire : les moyens imposés ne permettent pas d’atteindre
simultanément l’objectif de réduction des émissions et l’objectif de sécurité
d’approvisionnement ; ils requièrent une importation massive d’hydrogène.
Après
la dépendance au gaz naturel russe, on organise la dépendance envers des pays
non identifiés, d’où sera importé de l’hydrogène produit et transporté avec des
technologies non définies (hydrogène liquide, méthanol, ammoniac)
2)
Au lieu de reconnaître l’échec de la politique en place, on amplifie sa mise en
œuvre
Ainsi,
la Directive RED III qui fait l’objet d’un consensus entre les trois organes
européens (Commission, Conseil, Parlement préconise
Accroître
la part des énergies renouvelables (32 % en 2030 selon la directive RED II ;
42,5 % et si possible 45 % selon la directive RED III). Le Parlement, conscient
qu’un tel rehaussement de l’objectif très près de la date fixée pour
l’atteindre est illusoire, avait donc introduit une disposition permettant de
produire de l’hydrogène dit « vert » à partir d’électricité issue de la
combustion du charbon ou du gaz ! Cet amendement a heureusement été abandonné.
•
Organiser les importations d’hydrogène. Selon les vœux du Parlement, chaque
État membre devrait présenter à la Commission sa stratégie d’importation ! On
renoncerait ainsi explicitement au principe de subsidiarité et au principe de
sécurité.
Au
total, au lieu de reconnaître l’échec de la politique en place, on amplifie sa
mise en œuvre. Que
faudrait-il faire pour ne pas persévérer dans l’erreur ? La question est
abordée dans les paragraphes suivants.
3)
Les solutions : principe de subsidiarité, objectif de décarbonation, fin de
la discrimination contre le nucléaire
Revenir
au principe de subsidiarité : les États décident de leur mix ; seul l’objectif
de décarbonation est imposé.
Par
une réglementation d’exception (règlement délégué [3]), la Commission a admis
que le nucléaire soit provisoirement (!) toléré. De nouveaux projets, et le
prolongement de vie d’installations existantes, pourront ainsi accéder aux
mêmes financements que les énergies renouvelables.
Mais
le nucléaire reste discriminé par rapport aux énergies renouvelables. La
production nucléaire n’entre pas dans l’évaluation de l’atteinte des objectifs
de production de la Commission,
et ne bénéficie pas des soutiens mis en place pour les énergies renouvelables.
De facto, ceci est contraire au principe de subsidiarité et à la reconnaissance
que les États membres ont le libre choix de leur mix énergétique. Les
objectifs de décarbonation devraient fixer les pourcentages d’électricité
bas-carbone et non les pourcentages d’électricité.
L’Académie
des technologies propose très simplement que les textes européens et leurs
déclinaisons nationales fixent non pas des objectifs d’énergie renouvelables,
mais des objectifs d’énergie décarbonée ce qui devrait être incontestablement l’objectif réel
dans le cadre de la meilleure efficacité possible dans la lutte contre le
changement climatique
C’est
à l’industrie nucléaire de prouver sa compétitivité. Mais il est permis de
penser qu’elle saura, comme l’énergie solaire ou éolienne, profiter d’économies
d’échelle si elle peut se développer dans un cadre serein permettant de
bénéficier de commandes en série.
Or
les installations nucléaires sont réalisées avec de la valeur ajoutée
essentiellement européenne, et un recours limité à des matériaux critiques
(essentiellement cuivre et nickel, en quantité assez faible). Elle produit de
l’énergie décarbonée et améliore la sécurité d’approvisionnement énergétique.
En
substitution ou en complément d’une politique de l’hydrogène fondée sur les
importations, la France peut ambitionner d’être un producteur d’hydrogène pour
l’Europe, avec un mix adéquat d’énergie nucléaire et d’énergies renouvelables.
Or, dans son état actuel, la politique européenne de l’énergie le lui interdit
de fait.
4)
La sécurité énergétique doit cesser d’être une incantation, mais doit (re-)
devenir un objectif.
La
responsabilité conférée à l’Union d’assurer la sécurité énergétique est une
autre contrepartie à l’élargissement des compétences de l’Union dans le domaine
de l’énergie. Or elle a gravement négligé cet objectif. Là encore, la solution
est simple : il faut que l’Union s’assigne et assigne aux États membres des
objectifs quantitatifs de réduction du déficit d’énergie primaire.
Et
en préalable, il faut choisir un bon indicateur de mesure de la dépendance.
Elle doit être mesurée par la valeur des importations, et non par leur contenu
énergétique. Il n’est en effet pas du tout équivalent d’importer une tep
hydrogène directement utilisable dont la valeur ajoutée est extra-européenne,
et une tep d’uranium qui nécessite d’importantes opérations de transformation
en Europe (conversion et enrichissement) dont le coût est d’un ordre de
grandeur égal à celui du minerai. Le coût de l’uranium représente moins de 10 %
du coût d’un kWh nucléaire, alors que le coût du gaz représente 80 % du kWh
gaz. En d’autres termes, le doublement du prix de l’uranium n’affecte que
marginalement le prix de l’électricité nucléaire. C’est donc en valeur du
solde commercial, et non du solde énergétique que l’Union doit fixer un
objectif d’indépendance énergétique ; et elle doit viser l’amélioration de
l’indépendance et non accepter sa dégradation.
5)
En guise de conclusion
La
France par le traité de Lisbonne a confié sa politique énergétique à l’Union
européenne, tout en se réservant le choix de son mix énergétique et en exigeant
de l’Union qu’elle assure la sécurité d’approvisionnement. Les termes de cet
accord ne sont cependant pas respectés par l’Union.
La
solution est simple ; dans le strict respect des traités, il faut obtenir que
l’Union se concentre sur l’objectif qui lui est assigné : décarboner le secteur
de l’énergie, en laissant aux États membres le choix des moyens.
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