Allemagne :
Sortie du nucléaire, dépendance au charbon, abandon des objectifs climatiques
Une fois n’est pas
coutume, un long article assez critique dans le Monde du 15/03/2016 :Nucléaire : le défi coûteux d’Angela
Merkel : La sortie de l’atome, promise après la catastrophe de Fuskushima,
et le recours au charbon éloignent l’Allemagne de ses objectifs de réduction de
ses émissions carbonées.
extraits :
« La conférence
de presse du 15 mars 2011 restera comme un de ces tournants dans l’histoire du
mandat d’Angela Merkel. Moins de trois jours après l’accident de Fukushima, au
Japon, la chancelière confirmait la surprenante décision annoncée la veille au
soir : les sept centrales nucléaires d’Allemagne les plus âgées plus une,
victime de pannes, seront immédiatement arrêtées pour trois mois, et le
tournant énergétique vers le renouvelable sera accéléré.
La mine déconfite,
les six présidents des régions concernées par les fermetures de réacteurs,
confirment sans enthousiasme ce tournant radical dans la politique énergétique
sur laquelle ils avaient fait campagne. Berlin avait, quelques mois auparavant,
prolongé la durée de vie des centrales les plus anciennes au motif de la
sécurité de l’approvisionnement…
Etait-il seulement
politique, ce revirement, dans le contexte d’une année électorale délicate pour
elle ? Ou correspondait-il à une conviction profonde de la chancelière de
saisir une chance historique, comparable à celle d’accueillir les réfugiés en
août 2015 ?
Bilan contrasté
Le 30 mai 2011,
c’est une Angela Merkel combative qui revient devant les journalistes pour
parachever cette nouvelle stratégie : l’Allemagne sortira définitivement du
nucléaire en 2022. L’objectif, annonce-t-elle, est de développer les énergies
renouvelables afin qu’elles couvrent 35 % des besoins en électricité d’ici à
2020.
A cette date, ces
besoins devront être réduits de 10 % par rapport à 2008 et les émissions de gaz
à effet de serre être 40 % inférieurs à ce qu’ils étaient en 1990. Bien sûr,
tout en garantissant une grande stabilité de l’approvisionnement, indispensable
pour une nation industrielle comme l’Allemagne.
Six
ans plus tard, le bilan de cette politique phare de la chancelière est pour le
moins contrasté.
Le programme d’arrêt des centrales nucléaires, plébiscité par une large partie
de la population, suit bien son cours. Le nucléaire ne couvre plus que 13,1 %
de la consommation d’électricité, contre 14,1 % en 2015.
L’Allemagne a par
ailleurs si bien développé ses énergies renouvelables qu’elles représentent
désormais la première source d’électricité du pays, et couvrent 32,3 % de la
consommation d’énergie. Elles devraient donc atteindre sans problème les 35 %
du mix énergétique d’ici à 2020, grâce à une politique d’encouragement très
coûteuse pour les ménages et les entreprises.
En revanche, les
autres objectifs sont considérés par les experts comme hors d’atteinte :
ni l(efficacité énergétique, ni la réduction des gaz à effets de serre ne devraient
pouvoir se situer aux niveaux annoncés. Pour la « chancelière du climat, c’est
un échec patent ». .. Les émissions de gaz à effet de serre sont reparties
à la hausse en 20126 passant de 908 à 916 millions de tonnes équivalent CO2.
Pour remplir ses objectifs, l’Allemagne devrait émissions de 41 à 82 millions
de tonnes chaque année jusqu’en 2020, ce qui est considéré comme impossible.
Et surtout, la
sortie du nucléaire a évidemment renforcé le charbon et la très polluante et
très inefficiente lignite pour compenser l’intermittence des énergies
renouvelables – La production des centrale à houille couvre 17% du mix
énergétique, et les centrales à lignite 23.1% !!
En fait l’Allemagne est
sous une véritable dépendance au charbon encore renforcée par le programme de
sortie du nucléaire, à ce point que l’Allemagne préfère encore continuer à
produire et à vendre de l’électricité provenant du charbon, même à perte , plutôt
que les arrêter- c’est aussi une conséquence de la déficience totale du marché
européen des « droits à polluer ». Nous nous désolons souvent des
blocages français, mais mes Allemands n’ont rien à nous envier en ce domaine. L’Allemagne
est culturellement attachée au charbon, les syndicats allemands et le parti
social –démocrate chantent encore lors de leur congrès des chants liés au
charbon. Dans le nucléaire, il n’y a jamais eu autant d’emploi que dans le
charbon, c’est l’inverse d’en France »- et la structure fédéral avec le
poids des états charbonniers comme la Rhénanie du nord-Westphalie a abouti à un
blocage non seulement économique, mais aussi politique.
Bref l’Allemagne, en
renonçant au nucléaire a aussi renoncé à ses objectifs climatiques, au Traité
de Paris, et à la lutte contre la pollution atmosphérique- et nous en savons
quelque chose- bref Merckel serait pire que Trump.
La
Chine prend au sérieux les objectifs climatiques : une politique
ambitieuse et nucléaire
Pendant ce temps-
là, la Chine a annoncé que Pékin fermait sa dernière centrale à charbon, le
dernière des quatre qui ont été formées depuis 2013 La pollution aux particules
fines a baissé d’environ 25% depuis 2014- même si la pollution reste
catastrophique (dix fois supérieur aux recommandations de l’OMS) , le régime
chinois s’engage résolument dans la lutte contre la pollution ( le Premier
Ministre Li Kequian a pris pour slogan rendons le ciel de nouveau bleu)
et lutte contre le réchauffement climatique et pour remplir ses
engagements du traité de Paris.
Pour cela, la Chine essaye de
développer rapidement des alternatives aux énergies carbonées et compte sur le
nucléaire et sur le solaire pour y parvenir. Les objectifs sont de réduire à 62 % la part du charbon dans le mix
énergétique (69 % en 2013), d’augmenter la part des combustibles non fossiles à
15 % (9,8 % en 2013), d’atteindre une puissance hydroélectrique installée de
350 GWe (280 GWe en 2013) ; d’atteindre une puissance éolienne installée
de 200 GWe (77 GWe en 2013) ; d’atteindre une puissance photovoltaïque
installée de 100 GWe (16 GWe en 2013) ;d’atteindre une puissance
nucléaire installée de 58 GWe (18 GWe en 2013, ce qui représenterait jusqu’à 4
à 5 % de la production électrique).
Les scénarios énergétiques officiels donnent
donc une place de choix au nucléaire et confirment l’ambition du programme de
développement associé tout en l’amplifiant : à moyen terme, tripler la
capacité installée d’ici 2020 tout en maintenant une capacité en construction à
30 GWe, et à long terme, fermer le cycle du combustible en mettant en service
une usine de traitement-recyclage et un réacteur expérimental à neutrons
rapides avec un objectif de déploiement industriel rapide à moyen terme. La Chine, qui
aujourd’hui représente 40 % des réacteurs en construction dans le monde,
devrait dépasser, la Corée du Sud et la Russie en termes de production
d’électricité d’origine nucléaire d’ici la fin de l’année de 2015, et les
États-Unis en termes de nombre de réacteurs en exploitation d’ici 2030, tout un
symbole.
Ce
nucléaire chinois représente de sérieux défis, que la France participera à
résoudre. Et nous voyons qui est dans le camp du passé, du renoncement à combattre
la pollution et le réchauffement climatique, et qui est dans le camp du futur,
de la responsabilité climatique et environnementale et de futur. De ce point de
vue, tous les candidats à l’élection présidentielle ne se valent pas- qui veut
fermer Fessenheim ou pas ?