Promesse non tenue, déclin en vue
En 2000, l’Europe inquiète de sa désindustrialisation et de sa perte de compétitivité, a adopté l’Agenda de Lisbonne promettant de conscrer 3% du PIB à la recherche. En 2007 encore, tous les candidats à l’élection présidentielle promettaient de s’y conformer. Promesse non tenue, et de beaucoup : pour la France , 2.26% du PIB en 2010. Encore (pour combien de temps ?) cinquième puissance économique, la France est quatorzième pour son effort de recherche ; alors que la recherche et l’innovation sont plus que jamais les conditions de la croissance, comment pouvons nous espérer redresser notre industrie et notre économie ?
Cette faiblesse de l’investissement en recherche et développement est essentiellement due à l’anémie de la recherche privée. La part du public (0.76% du PIB) est dans la moyenne de l’OCDE, celle du privé est plus basse (1.3% contre 1.9 aux USA et 1.7 en Allemagne, 2.5 en Suède et au Japon par exemple).
Le small business act à la Française
Il est donc indispensable de développer la recherche et l’innovation dans les PME, en particulier par la synergie avec la recherche publique et la valorisation et le transfert de ces techniques et découvertes. La situation est similaire à celle qui a conduit au Small Business act aux USA, en 1980, lorsque le gouvernement fédéral s’est aperçu qu’il était à la tête de 30.000 brevets dont seulement 5% éteint commercialement exploités. Pour créer les PME innovantes qui nous manquent, il faut s’inspirer de ces recettes, notamment transférer la propriété intellectuelle moyennant redevances en cas de succès, réserver aux PME les marchés publics inférieurs à un certain montant (100.000 dollars aux US) ou les marchés auxquels au moins deux PME peuvent répondre, faire en sorte que tous les marchés inférieurs à 1 million de dollars donnent lieu à des plans de sous-traitance avec engagement d’en confier une partie aux PME, obliger les agences de recherche à externaliser une partie de leur recherche aux PME
L’Etat doit favoriser la créations de clusters d’innovation, relancer les pôles de compétitivités, augmenter de beaucoup les collaborations triparties entre laboratoires publics, PME et grandes entreprises. Le Crédit d’Impôt rechercher doit aussi être réorienté dans cette direction. Les grands groupes doivent cesser de traiter les PME comme des sous-traitants corvéables à merci et s’engager dans des politiques de collaborations ; Airbus vient de le comprendre en allongeant ses durées de commandes fermes à six mois et plus, ce qui permet plus de visibilité et un meilleur accès au financement bancaire pour les sous-traitants.
Réforme du financement : « SBIR et Chapter S »
A cela doit s’ajouter une réforme du financement des phases d’amorçage, que le capital risque ne sait pas assumer. Cela passe par la création d’un important programme public de capital amorçage sur la modèle du SBIR (Small business investment research), mais aussi par un encouragement à l’investissement privé sur le modèle du « Subchapter S », adapté aux sociétés innovantes nouvelles. Dans les Subchapter S, la responsabilité de l’actionnaire est limitée au montant de ses actions et les pertes courantes, dans la phase de création, sont transférées aux actionnaires qui peuvent déduire ces pertes de leurs revenus. L’Etat, au lieu de subventionner directement une entreprise innovante en création, subventionne des partenaires privés qui y investissent, ce qui se révèle souvent plus efficace et moins coûteux pour les finances publiques
Il faut un ministère de la recherche et de l’Industrie
Pour rattraper son retard en investissement dans l’innovation et la recherche privée, la France doit donc mener une politique volontariste d’industrialisation, de valorisation de la recherche publique, d’encouragement aux sociétés innovantes et aux collaborations entre institutions publiques, grands groupes et PME. Le financement des jeunes sociétés innovantes doit être revu, une politique de commandes publiques doit les favoriser. A cette condition, la France pourra maintenir son rang, ses industries, ses emplois, et voir naître des Amgen (médicaments, créé en 1980, 1400 employés aujourd’hui) , Quakcomm (téléphonie mobile, 1985, 9000 employés) ou Genzyme ( test génétiques,1981, 8000 employés)
Pour mener cette politique d’innovation, il faut retrouver l’ambition de 1981 et créer un ministère de la Recherche et de l’Industrie.
De fait, le développement de la politique de valorisation de la recherche publique fut un des grands axes de la politique en matière de recherche des premiers gouvernements socialistes, avec notamment Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Recherche et de l'Industrie (1981-1983), et la loi de programmation et d’orientation de 1982, qui institua la valorisation comme une des missions de la recherche publique.