Pages

jeudi 20 avril 2017

Vers une tyrannie Judiciaire (4) : Bayrou mis en examen

Promis, ce sera le dernier post que je consacrerai à cette étrange campagne (inquiétante réminiscence- l’étrange défaite !) avant de me reconcentrer sur mes sujets favoris, sur la culture, la science, la recherche scientifique…

Il y a décidément dans l’air un certain côté farce, avec cette nouvelle passée assez  inaperçue : François Bayrou, mis en examen. Bon certes, c’est pas gravissime, juste une petite mise en examen pour diffamation envers une association promouvant la musique chez les enfants et qu’il a accusée de  ne pas être aussi dénuée de but lucratif qu’elle le prétendait. Mais c’est quand même une mise en examen !

C’est ballot ! déjà que s’il avait eu l’énergie de son ex copain Lassalle, il pourrait être favori de la présidentielle, et qu’il ne pourra pas même être ministre de Macron. Car on n’ose supposer que le chevalier blanc Bayrou ignorera avec superbe ses leçons d’honnêteté  et ses engagements à démissionner tous élus mis en examen.  Restera-t-il même Maire de Pau ?

Mais plus sérieusement, en dehors de cette petite leçon à qui prétendait laver plus blanc que blanc, ce fait supplémentaire me permet d’illustrer une fois de plus  la dérive vers une tyrannie judiciaire en France, de m’en inquiéter et de m’en indigner. Le pouvoir politique se trouve progressivement réduit à l’impuissance par le pouvoir économique d’une part, par la tyrannie judiciaire d’autre part, et c’est la meilleure recette pour une explosion.

Rappelons que la séparation des pouvoirs c’est l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir politique, mais aussi l’indépendance du pouvoir politique par rapport au pouvoir judiciaire. Que c’est la tyrannie judiciaire (les bœufs tigres des parlements dénoncés par Voltaire) qui est responsable de l’affaire Calas et du massacre du pauvre chevalier de la Barre, et non le pouvoir royal qui n’avait plus rien d’absolu – et que la paralysie du pouvoir royal et de la société par la tyrannie judiciaire a révolté les intellectuels des Lumières et  a été l’une des causes  de la Révolution.

Au risque de choquer, oui, désolé, c’est une des conditions essentielles de la démocratie que les Parlementaires disposent librement des fonds alloués dans le cadre de leur mandat, sans contrôle judiciaire, quitte à en répondre devant l’opinion publique. Dans les affaires Fillon, le Canard Enchainé a fait magnifiquement son travail, mais l’institution judiciaire a commis une forfaiture. Et dans l’affaire des attachés parlementaires du Front National, il me semble que le Parlement Européen a un léger problème de démocratie et refuse de comprendre que oui, des gens puissent être élus au Parlement Européen et être opposés à sa politique voire à son existence, et que c’est la loi de la démocratie qu’ils soient traités comme les autres représentants des peuples- tout comme en France, le gouvernement finance les  partis de l’opposition selon la loi commune – et qui peut croire un instant que seuls le Front National et l’UKIP, parmi tous les partis bizarroïdes ont utilisé à leur guise et selon les vœux mêmes de leurs électeurs leurs attachés parlementaires.


Qui ne voit qu’entre ces affaires d’aujourd’hui et les immenses scandales d’autrefois, la mise en coupe réglée de la Mairie de Paris et de la Région Ile de France par le RPR, Urba Gracco etc, ou même plus récemment le surdépassement cynique des plafonds des campagnes électorales, il n’y a rien de commun, et que la justice, bien inefficace et bien tendre envers les voyous d’autrefois se montre bien ardente aujourd’hui- toujours aussi courageuse, mais désormais tyrannique.


mardi 18 avril 2017

Emmanuel Macron et la rente immobilière

De la taxe sur les loyers fictifs…

Taxer les « loyers fictifs » revient à considérer que l’Etat doit être neutre quant au choix – parfois contraint- que font les contribuables d’être locataires ou propriétaires. Il existerait une injustice entre locataires et propriétaires ayant terminé de rembourser leur logement, les premiers devant régler un loyer chaque mois quand les seconds occupent gratuitement leur logement. Nombre d’économistes avancent donc l’idée de remettre en place une taxe correspondant aux prélèvements sociaux que paieraient les propriétaires s’ils étaient locataires. Vous avez fini de rembourser vos emprunts, vous êtes devenu propriétaire et bien vous continuerez à payer.
Cette idée de loyers fictifs a notamment été avancée  en août 2012 par le think tank Cartes sur table à destination du nouveau pouvoir socialiste. Fin 2016, une note de l’OCDE, puis un nouveau rapport, cette fois de France Stratégie, organisme alors piloté par l’économiste Jean Pisani-Ferry, évoquent à nouveau cette piste. Début janvier, Jean Pisani-Ferry annonce qu’il rejoint l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron.
Depuis, celui-ci a clairement démenti vouloir mettre en œuvre le « loyer fictif ».  Dont acte ! Mais dans un balancement très Macronien, ses déclarations contre la « rente immobilière » dont bénéficieraient les propriétaires, sa volonté de « privilégier le risque face à la rente » et  de faire de l’ISF un impôt sur la « rente immobilière » en en enlevant les placements mobiliers sont légitimement inquiété les propriétaires et tous ceux qui souhaitent le devenir.

…vers la supertaxe foncière

Face à l’incendie, M. Macrona affirmé qu’ il n’est pas question d’augmenter la fiscalité sur l’immobilier, que  le barème et le taux resteraient les mêmes, que l’abattement sur la résidence présidence principale serait maintenu mais que l’assiette serait plus faible.
Le site Cyceon a notamment évoqué la création d’une « super-taxe foncière » qui démonterait l’existante et remplacerait à terme à la fois la TH et l’ISF. Cette hypothèse a été validée par des déclarations de Renaud Dutreil, ancien ministre de Chirac et devenu homme d’affaires et soutien d’Emmanuel Macron, à l’occasion du Grand O devant les Notaires de France : « J’admets que l’immobilier dont la valeur est plus stable, dont l’assiette est moins sujette à des variations soit conjoncturelles soit liées à la valeur des biens, puisse être taxé comme c’est le cas aux Etats-Unis par une super-taxe foncière puisque c’est ce que va devenir l’ISF sous Macron. »

Au final, on en reviendrait donc à une fiscalité immobilière alourdie au bénéfice d’une fiscalité allégée sur le reste. Une fiscalité qui frappera les classes moyennes supérieures et non la grande richesse, beaucoup plus mobile. Une fiscalité qui frappera encore plus un immobilier déjà largement taxé. Alors que la France manque de manière critique de logements et qu’il faudrait au contraire beaucoup construire et encourager l’investissement immobilier locatif !

mercredi 12 avril 2017

Nucléaire allemand, nucléaire chinois .. et français ? (Fessenheim2)

Allemagne : Sortie du nucléaire, dépendance au charbon, abandon des objectifs climatiques

Une fois n’est pas coutume, un long article assez critique dans le Monde du 15/03/2016 :Nucléaire : le défi coûteux d’Angela Merkel : La sortie de l’atome, promise après la catastrophe de Fuskushima, et le recours au charbon éloignent l’Allemagne de ses objectifs de réduction de ses émissions carbonées.

extraits :

« La conférence de presse du 15 mars 2011 restera comme un de ces tournants dans l’histoire du mandat d’Angela Merkel. Moins de trois jours après l’accident de Fukushima, au Japon, la chancelière confirmait la surprenante décision annoncée la veille au soir : les sept centrales nucléaires d’Allemagne les plus âgées plus une, victime de pannes, seront immédiatement arrêtées pour trois mois, et le tournant énergétique vers le renouvelable sera accéléré.
La mine déconfite, les six présidents des régions concernées par les fermetures de réacteurs, confirment sans enthousiasme ce tournant radical dans la politique énergétique sur laquelle ils avaient fait campagne. Berlin avait, quelques mois auparavant, prolongé la durée de vie des centrales les plus anciennes au motif de la sécurité de l’approvisionnement…
Etait-il seulement politique, ce revirement, dans le contexte d’une année électorale délicate pour elle ? Ou correspondait-il à une conviction profonde de la chancelière de saisir une chance historique, comparable à celle d’accueillir les réfugiés en août 2015 ?
Bilan contrasté
Le 30 mai 2011, c’est une Angela Merkel combative qui revient devant les journalistes pour parachever cette nouvelle stratégie : l’Allemagne sortira définitivement du nucléaire en 2022. L’objectif, annonce-t-elle, est de développer les énergies renouvelables afin qu’elles couvrent 35 % des besoins en électricité d’ici à 2020.
A cette date, ces besoins devront être réduits de 10 % par rapport à 2008 et les émissions de gaz à effet de serre être 40 % inférieurs à ce qu’ils étaient en 1990. Bien sûr, tout en garantissant une grande stabilité de l’approvisionnement, indispensable pour une nation industrielle comme l’Allemagne.
Six ans plus tard, le bilan de cette politique phare de la chancelière est pour le moins contrasté. Le programme d’arrêt des centrales nucléaires, plébiscité par une large partie de la population, suit bien son cours. Le nucléaire ne couvre plus que 13,1 % de la consommation d’électricité, contre 14,1 % en 2015.
L’Allemagne a par ailleurs si bien développé ses énergies renouvelables qu’elles représentent désormais la première source d’électricité du pays, et couvrent 32,3 % de la consommation d’énergie. Elles devraient donc atteindre sans problème les 35 % du mix énergétique d’ici à 2020, grâce à une politique d’encouragement très coûteuse pour les ménages et les entreprises.
En revanche, les autres objectifs sont considérés par les experts comme hors d’atteinte : ni l(efficacité énergétique, ni la réduction des gaz à effets de serre ne devraient pouvoir se situer aux niveaux annoncés. Pour la « chancelière du climat, c’est un échec patent ». .. Les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en 20126 passant de 908 à 916 millions de tonnes équivalent CO2. Pour remplir ses objectifs, l’Allemagne devrait émissions de 41 à 82 millions de tonnes chaque année jusqu’en 2020, ce qui est considéré comme impossible.
Et surtout, la sortie du nucléaire a évidemment renforcé le charbon et la très polluante et très inefficiente lignite pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables – La production des centrale à houille couvre 17% du mix énergétique, et les centrales à lignite 23.1% !!
En fait l’Allemagne est sous une véritable dépendance au charbon encore renforcée par le programme de sortie du nucléaire, à ce point que l’Allemagne préfère encore continuer à produire et à vendre de l’électricité provenant du charbon, même à perte , plutôt que les arrêter- c’est aussi une conséquence de la déficience totale du marché européen des « droits à polluer ». Nous nous désolons souvent des blocages français, mais mes Allemands n’ont rien à nous envier en ce domaine. L’Allemagne est culturellement attachée au charbon, les syndicats allemands et le parti social –démocrate chantent encore lors de leur congrès des chants liés au charbon. Dans le nucléaire, il n’y a jamais eu autant d’emploi que dans le charbon, c’est l’inverse d’en France »- et la structure fédéral avec le poids des états charbonniers comme la Rhénanie du nord-Westphalie a abouti à un blocage non seulement économique, mais aussi politique.
Bref l’Allemagne, en renonçant au nucléaire a aussi renoncé à ses objectifs climatiques, au Traité de Paris, et à la lutte contre la pollution atmosphérique- et nous en savons quelque chose- bref Merckel serait pire que Trump.

La Chine prend au sérieux les objectifs climatiques : une politique ambitieuse et nucléaire

Pendant ce temps- là, la Chine a annoncé que Pékin fermait sa dernière centrale à charbon, le dernière des quatre qui ont été formées depuis 2013 La pollution aux particules fines a baissé d’environ 25% depuis 2014- même si la pollution reste catastrophique (dix fois supérieur aux recommandations de l’OMS) , le régime chinois s’engage résolument dans la lutte contre la pollution ( le Premier Ministre Li Kequian a pris pour slogan rendons le ciel de  nouveau bleu)  et lutte contre le réchauffement climatique et pour remplir ses engagements du traité de Paris.
Pour cela, la Chine essaye de développer rapidement des alternatives aux énergies carbonées et compte sur le nucléaire et sur le solaire pour y parvenir. Les objectifs sont de réduire à 62 % la part du charbon dans le mix énergétique (69 % en 2013), d’augmenter la part des combustibles non fossiles à 15 % (9,8 % en 2013), d’atteindre une puissance hydroélectrique installée de 350 GWe (280 GWe en 2013) ; d’atteindre une puissance éolienne installée de 200 GWe (77 GWe en 2013) ; d’atteindre une puissance photovoltaïque installée de 100 GWe (16 GWe en 2013) ;d’atteindre une puissance nucléaire installée de 58 GWe (18 GWe en 2013, ce qui représenterait jusqu’à 4 à 5 % de la production électrique).
 Les scénarios énergétiques officiels donnent donc une place de choix au nucléaire et confirment l’ambition du programme de développement associé tout en l’amplifiant : à moyen terme, tripler la capacité installée d’ici 2020 tout en maintenant une capacité en construction à 30 GWe, et à long terme, fermer le cycle du combustible en mettant en service une usine de traitement-recyclage et un réacteur expérimental à neutrons rapides avec un objectif de déploiement industriel rapide à moyen terme. La Chine, qui aujourd’hui représente 40 % des réacteurs en construction dans le monde, devrait dépasser, la Corée du Sud et la Russie en termes de production d’électricité d’origine nucléaire d’ici la fin de l’année de 2015, et les États-Unis en termes de nombre de réacteurs en exploitation d’ici 2030, tout un symbole. 

Ce nucléaire chinois représente de sérieux défis, que la France participera à résoudre. Et nous voyons qui est dans le camp du passé, du renoncement à combattre la pollution et le réchauffement climatique, et qui est dans le camp du futur, de la responsabilité climatique et environnementale et de futur. De ce point de vue, tous les candidats à l’élection présidentielle ne se valent pas- qui veut fermer Fessenheim ou pas ?


mardi 11 avril 2017

Fessenheim : décision rationnelle contre pressions politiciennes

Fessenheim pas fermé !

Malgré la pression mise par Ségolène Royal, le gouvernement ne pourra pas lancer le processus de fermeture de la centrale. Le processus de fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) ne sera pas lancé avant la fin du mandat de François Hollande, comme le souhaitaient le président de la République et surtout sa ministre de l'Énergie. Ségolène Royal a perdu son bras de fer, au terme du conseil d'administration sous très haute tension qui s'est déroulé jeudi après-midi au siège d'EDF, avenue de Wagram à Paris. La réunion a été longue, houleuse même selon plusieurs sources du dossier. Elle a mis fin à quarante-huit heures d'un inutile bras de fer, puisqu'elle s'est conclue sur un compromis de façade qui était sur la table dès lundi mais que le gouvernement avait initialement refusé.
Les administrateurs ont voté le principe de la fermeture de Fessenheim. Ce qui permet à la ministre de saluer «enfin une bonne décision», qu'elle entend acter «juridiquement dans les prochains jours». Mais ils ont assorti cette décision de conditions telles que la fermeture reste assez incertaine :  d' une part, Fessenheim ne s'arrêtera qu'au moment de l'entrée en service de l'EPR de Flamanville 3, dont EDF prévoit le raccordement au réseau fin 2018. Surtout, la fermeture de la centrale alsacienne devra être nécessaire pour respecter le plafond, prévu dans la loi de transition énergétique, de la capacité de production nucléaire à son niveau actuel.
Ainsi, si d'autres réacteurs du parc EDF devaient être déclarés inaptes au service, Fessenheim pourrait donc sauver la mise. Ce qui n'est pas une hypothèse d'école, au vu des inspections en cours par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur plusieurs installations, comme à Paluel, ainsi que sur la cuve de Flamanville qui attend un feu vert cet été.
À l'arrivée, la fermeture de Fessenheim ne sera «irréversible» que si les conditions précitées sont remplies, a précisé EDF jeudi soir dans un communiqué. Auquel cas l'entreprise adressera une demande d'abrogation d'exploitation du site alsacien «dans les six mois précédant la mise en service de l'EPR de Flamanville 3».
Ségolène Royal a fait semblant de se réjouir et s’est dépêché de faire signer un décret dont elle a fait semblant de croire qu’il s’agissait d’une "formidable avancée". Le texte du décret le rend pourtant extraordinairement fragile étant donné les conditions ci-dessus qu’il entérine et notamment, contrairement à ce que voulait le ministre,  renonce à fermer Fessenheim "à l'échéance prévue" de 2018

Résistance des administrateurs indépendants, des syndicats et du management 

Les administrateurs indépendants, justement garants de l'intérêt social de l'entreprise face à l'actionnaire majoritaire d'EDF qu'est l'État, n'en avaient manifestement pas la même conception que la ministre. La ministre avait mis une forte pression, en appelant à la responsabilité de chacun des administrateurs, au point peut-être d'en braquer davantage certains. Une source proche du dossier dénonçait jeudi une pression «inacceptable». En réalité, les administrateurs indépendants n'ont jamais eu la moindre velléité de voter en faveur de la fermeture sans conditions de l'installation et l'ont répété, par oral, en début de conseil jeudi. Depuis le début, ils s'insurgent contre le calendrier, jugeant qu'une décision aussi structurante pour l'avenir de l'entreprise ne peut pas être prise quelques semaines avant les élections présidentielles et législatives. Certains d'entre eux considèrent que l'arrêt de Fessenheim, s'il est décidé brutalement et malgré le protocole d'indemnisation qui a été conclu, risque de fragiliser le modèle industriel de l'entreprise.
Bravo donc aux administrateurs, aux syndicats, au management qui a fait prévaloir l’intérêt de l’entreprise et des français sur une décision politicienne destinée à un quarteron d’écologistes. Et les syndicats sont bien décidés à continuer à veiller : Laurent Raynaud, de la Fédération CGT Mines Énergie, prévient : «La bataille de Fessenheim va continuer. Nous sommes à l'aube d'un scrutin présidentiel et les positions des différents candidats vis-à-vis de la fermeture méritent d'être clarifiées.» François Fillon et Marine Le Pen se sont prononcés pour le maintien de la centrale, contre, Hamon et Mélenchon ainsi que Macron- qui, dans un balancement très macronien pr&étend cependant défendre la filière nucléaire

2050 : quelles énergies pour nos enfants ? (Pierre Papon, Le Pommier, 2017)

Pourtant, il fut un temps (lorsqu’ils ne recherchaient pas désespérément les voix des écologistes les plus radicaux)  où pratiquement tous les socialistes soutenaient le nucléaire comme nécessaire  d‘indépendance énergétique de la France et énergie décarbonée, la seule à même pour des dizaines d’année encore de permettre à nos sociétés tout simplement de vivre toit en luttant contre le réchauffement climatique. Peut en témoigner Pierre Papon, ex-professeur de thermodynamique à l’ESPCI, ancien directeur général du CNRS et ex-Pdg de l’IFREMER, qui vient de publier (au Pommier) un nouvel essai : « 2050 : quelles énergies pour nos enfants ? » 

Extraits :

Quels sont les principaux enjeux énergétiques qui sont devant nous ?

J’identifie trois défis. Le premier est l’accès équitable à l’énergie pour tous les habitants de la planète. Il y a environ un 1,3 milliard personnes qui n’ont pas l’électricité, 2,5 milliards qui ont une énergie frustre et polluante pour leurs moyens domestiques. Ne pas répondre aux besoins de tous les habitants est un facteur, à terme, déstabilisant pour l’équilibre du monde, en particulier en Afrique et en Asie avec des perspectives de développement démographique importantes qui peuvent aboutir à des crises sociales, économiques et internationales et à des mouvements de migration.
Le deuxième enjeu, qui est assez évident même s’il reste des climato sceptiques, est le réchauffement climatique. Le troisième défi est plus modéré : la disponibilité des ressources énergétiques.
De nombreux scénarios prévoient un fort développement de l’énergie nucléaire à l’échelle mondiale.

Quel est, selon-vous, l’avenir de la filière ?

Après les évènements type Fukushima, l’avenir passe avant tout par les moyens de sûreté des réacteurs actuels et ceux à construire.
Ensuite, je pars d’un constat : l’énergie nucléaire est incontestablement un moyen pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, et, pour la plupart des pays, dont la France, un moyen d’assurer l’indépendance énergétique du pays même si nous devons importer l’uranium. Problème : c’est une énergie très capitalistique et les arbitrages à venir sur la production d’électricité sur les différentes filières seront à faire sur le coût du kilowattheure. Je pense que le nucléaire, du coup, peut rebondir avec d’autres filières qui seraient moins chères et plus sûres comme celle supposée au thorium qui produirait moins de déchets.

Ma position sur le cas de la France est pragmatique. Il faut faire feu de tout bois. Un pays comme la France, qui a les capacités techniques et industrielles de faire du nucléaire, aurait tort de s’en priver, bien entendu en vérifiant que les conditions de sûreté des réacteurs soient très claires.


vendredi 7 avril 2017

Carnets de science- une belle revue !

Une nouvelle revue du CNRS pour la vulgarisation scientifique

Une nouvelle revue vient de naître, consacrée à la recherche scientifique, revue éditée par le CNRS, et un très grand bravo pour la variété des articles, pour une rédaction claire et passionnante, à la fois de haute volée et compréhensible par tous,  pour une présentation soignée et une iconographie abondante et superbe -

Quelques exemples parmi les plus attractifs :- le point sur une des découvertes majeures de l’année, la première détection des ondes gravitationnelles prédites par Einstein, par la collaboration américano européenne Ligo-Virgo (Nicolas Baker) – Un reportage sur le laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieure Kastler-Brossel d’où sont issus trois générations de Prix Nobel ( Kastler, Cohen- Tannoudji, Haroche) (Marie Mabrouk) – une nouvelle histoire de la psychologie (Olivier Houdé, qui dirige le laboratoire CNRS de psychologie de la Sorbonne) qui part de…Platon et de ses idées innées, dont la  notion de permanence de l’ objet est un exemple actuellement travaillé – un dialogue entre les deux plus récentes médailles Field française Villani (2010) et Avila (2014) : « Le fait qu’il y ait une histoire des mathématiques en France attire les chercheurs de partout »-Avila «  Les mathématiques ont été créées pour résoudre des problèmes du monde qui nous entoure » -Villani – un (trop)  bref historique du mystérieux mouvement Bourbaki (Sylvain Guilbaud)

Même dans un domaine proche de celui où j’exerce, la section le siècle du vivant m’a intéressé, appris ou réappris des choses et remis en perspective les nouvelles avancées de la biologie  qu’elle  vulgarise ( ce n’est pas du tout un gros mot) intelligemment et avec de superbes illustrations. «  Ces dernières années, des bonds de géants technologiques ont abouti à d’incroyables découvertes : de la vie dans les endroits les plus hostiles de la planète, une population de microbes logées dans nos intestins,  l’existence d’une matière noire du vivant ou la mise au point d’une technique simplissime pour remplacer des morceaux de gênes ». Au hasard des articles (De nouveaux territoires à explorer- Catherine Jessus ; Le Vivant a sa matière noire- Martin Koppe), Comment nos cellules ont appris à respirer-  Kheira Bettayeb), des ciseaux génétiques pour le cerveau- Léa Galanopoulo) : une image superbe par imagerie I RM des réseaux de substance blanche dans le cerveau humain ; 85 % des micro-organismes vivant sur terre seraient encore ignorés par les biologistes et 85% des microbes connues ne sont pas cultivables ; e rôle de la fore intestinal - le microbiome dans la cirrhose, le diabètes, certains cancers et maladies cardiovasculaires, la possibilité en comprenant comment la cellule a acquis ses mitochondries de pratiquer un génie génétique d’une autre ampleur permettant de transférer d’un coup un nombre très important de gènes, voire des structures cellulaires entières.

Et dans le domaine historique, une interview passionnante de Serge Gruzinski (La mondialisation est née à la Renaissance) sur le métissage historique, particulièrement dans la période qu’il a le plus étudiée, la conquête de l’Amérique : «  Au XVIème siècle, des nobles amérindiens apprennent le latin dans des collèges fondés par les autorités coloniales, ils se forment à la scolastique, aux règles du droit européen et à la pensée aristotélicienne »


Bravo donc, et longue vie à une excellente revue qu’on annonce semestrielle. Une petite question, un léger regret peut-être : cette revue écrite, éditée, diffusée par le CNRS, elle mériterait peut-être de devenir une vitrine de l’ensemble de la recherche publique  française. Je sais bien que tout le monde, les politiques, les industriels, les universités, les autres grands organismes de recherche..l’Europe, en veut au CNRS mais quand même ! De toute façon, longue vie à Carnets de Sciences !




jeudi 6 avril 2017

La philosophie russe et le positivisme

Avec un (petit) peu de retard, un remarquable dossier consacré à la Philosophie russe et le positivisme dans Archives de Philosophie, tome 79, cahier 2avril-juin 2016.

Introduction de Jérome Laurent :

« Au XIXeme siècle, le positivisme a occupé une place considérable dans la pensée russe. Si la sociologie, avec Kovalevski et Lavrov, y naît tout naturellement grâce à l’influence d’Auguste Comte, la plupart des philosophes, après une période de fascination, s’en détachent et se constituent contre ce qui est perçu comme un matérialisme ; à l’époque soviétique, en revanche, le positivisme est l’une des rares pensées non marxistes à être diffusées, notamment grâce à l’intérêt que lui prête le théoricien Alexandre Bogdanov (1873-1928).
L’engouement pour le positivisme est comparable dans les années 1830-1860 à celui pour Hegel, puis pour Marx : ce sont les grandes philosophies de l’histoire qui passionnent l’intelligentsia »

La voie de Piotr Lavrov. Sociologie comtienne et connaissance historique (Anastasia Yastrebtseva)

NB Piotr Lavrovitch Lavrov  (14 juin 1823, l'Empire russe - 6 février 1900, Paris) est un écrivain russe, mathématicien, philosophe et sociologue, colonel qui fut destitué en raison de ses affinités avec les socialistes révolutionnaires et fut contraint de s'exiler en France en 1870.
Sur l’influence de Comte sur la première sociologie russe : « on appelle souvent l’École sociologique russe « École subjective de sociologie ». Cette terminologie impropre empêche cependant d’en comprendre adéquatement l’originalité. Les sociologues russes ont en effet emprunté la méthode dite « subjective »,non pas à l’hégélien allemand B. Bauer, sur lequel G. Plekhanov a mis l’accent dans son ouvrage La question du développement de la vision moniste sur l’histoire, mais au Système de politique positive de Comte ».
La fidélité à la doctrine de Comte s’exprime aussi dans cette citation du sociologue russe Lavrov : « la sociologie requiert l’union de la méthode objective, utilisée pour la découverte des données factuelles dans leur dépendance et leur succession, et de la méthode subjective qui sert à la définition des buts auxquels doit correspondre l’ordre social et en vue desquels les personnalités doivent diriger les réformes sociales »

L’idée d’humanité chez Auguste Comte Vladimir Soloviev, traduit du russe par Rambert Nicolas

Vladimir Sergueïevitch Soloviev né à Moscou le 28 janvier (16 janvier) 1853 et mort à Ouskoïe près de Moscou le 13 août (31 juillet) 1900, philosophe et poète russe. Passa du matérialisme au positivisme, puis revint à une spiritualité religieuse. « Il redevient brusquement chrétien, à un peu plus de vingt ans, mais tout en étant assez proche de la figure du narodnik brossée par Ivan Tourgueniev : une jeune personne radicale, positiviste, aimant le peuple et voulant l'éduquer, assimilée progressivement aux terroristes » (Wikipedia). Il est l’un des rares s’être intéressée à la Religion de l’Humanité, qui lui a inspiré de belles réflexions cf. notamment Leçons sur la Divino-humanité

Soloviev parle « d’honorer une vieille dette  que j’ai contractée à l’égard de cet éminent penseur (Auguste Comte). Il y a plus de vingt ans de cela, il m’était venu à l’esprit, à cet endroit même, d’inaugurer ma carrière publique par une attaque virulente contre la philosophie positiviste. Je n’ai pas de raison d’en parler ici. D’une part, le positivisme à l’époque était chez nous une mode ; et comme cela arrive souvent, de mode sensée elle devint une idolâtrie, aveugle et intolérante à l’égard des « penseurs rétifs »… « Comte – et c’est en ceci que consiste son plus grand mérite et sa plus grande gloire – a indiqué, avec plus de clarté, de résolution et d’amplitude qu’aucun autre de ces prédécesseurs, cet « autre », à savoir l’intégralité collective qui, dans son être intérieur et pas simplement de façon externe, dépasse chaque homme et le complète tant idéalement que de façon parfaitement réelle. Il a indiqué l’humanité comme une unité positive vivante qui nous embrasse. Il a indiqué le Grand-Être par excellence » 
« Aucun autre des philosophes célèbres de par le monde ne s’approcha si près de l’ambition de ressusciter les morts »

Et également un article sur G. Wybouroff, qui rencontra le positivisme en Russie puis vint en France où il succéda à Pierre Laffitte, le principal disciple de Comte à la chaire d’Histoire générale des sciences » du Collège de France.- en fait une véritable chaire de Positivisme.  (Laurent Clauzade, « Grégoire Wyrouboff : Penser la Russie. Essais de sociologie positive appliquée ? », Archives de Philosophie 2016/2 (Tome 79), p. 297-316.)


Un regret : la revue traite très peu de l’arrivée du positivisme en Russie- il est ainsi mentionné que dès  1898 l’Université de Saint-Pétersbourg était un « haut lieu du positivisme ». On apprend ainsi, que dès 1892,qu’un ouvrage sur La philosophie positive et l’unité de la science, paru en 1892 a été récompensé par un prix  institué en 1889 par un positiviste russe, Dmitri Arkadievitch Stolypine (1818-1893), auteur d’articles sur la production agricole, disciple d’Auguste Comte, qui publia une série d’articles dans Le Nord (1858-1860) sur l’émancipation des serfs ( Lettres sur l’émancipation des serfs ) et s’intéressa à la structure sociale du mir, la commune collective traditionnelle russe(( partisan de la propriété individuelle , il reconnaît que la commune a pu avoir sa raison d’être dans le passé, mais que maintenant elle « n’a point l’importance d’avenir que certains esprits ont voulu lui attribuer »)



lundi 3 avril 2017

Modernité de Rumford ; les cheminées de Rumford en 2017

Rumford, champion des économies d’énergies et de la lutte contre la pollution

Je viens de publier la première biographie en français de Benjamin Thompson, Comte Rumford (Rumford, le scandaleux bienfaiteur d'Harvard, Editions de la Bisquine. collection Une vie, une époque). J’ y raconte la vie extraordinaire de ce fils d’un fermier des colonies américaines mais faisant le choix de l’Angleterre durant la Guerre d’Indépendance,  – un temps espion et mercenaire brutal, il connut une ascension sociale singulière et devint en Europe le Comte Rumford, Ministre de la Guerre en Bavière, et membre de l’Institut en France pour ses découvertes scientifiques- nous lui devons aussi la théorie moderne de la chaleur comme mouvement moléculaire. Industriel philanthrope, mais aussi bienfaiteur misanthrope, politique et scientifique, expérimentateur génial, il se passionna pour les applications pratiques de ses théories; on lui doit une nouvelle conception des cheminées, le chauffage central à la vapeur, les cafetières et les cuisinières modernes. Réformateur social plus qu’énergique, il éradiqua la mendicité à Munich et y créa les Jardins Anglais en 1789 – premier grand parc public urbain au cœur des villes – et élabora les « soupes à la Rumford » qui sauvèrent de la famine nombre d’européens pauvres.
Et surtout ,c’est un point précis que j’aimerais illustrer ici, une sorte d’actualité de Rumford car, en surfant sur internet, je me suis aperçu que Rumford était toujours présent par ses cheminées, toujours moderne et écologique

Extrait de L’Essai sur l’amélioration des cheminées (1796)

« L’énorme gâchis de combustible à Londres peut être estimé par le vaste et sombre nuage qui couvre continuellement cette grande  métropole et  souvent même assombrit la campagne environnante bien au-delà des limites de la ville. Car ce nuage dense est composé presque entièrement de charbon non consumé. Il a volé des ailes aux innombrables feux de cette grande ville, il s’est échappé par les cheminées, il s’est élevé dans les airs, jusqu'au moment où, ayant perdu la chaleur qui le rendait volatile, il retombe en une pluie de poussière noire très fine qui obscurcit l’atmosphère et transforme souvent le jour le plus clair en ténèbres plus sombres que la sombre Egypte.
Chaque fois que j’arrive à Londres, je ne peux voir ce nuage noir suspendu au-dessus de la cité sans rêver de trouver un moyen de calculer la quantité de charbon qui le compose. Si l’on pouvait s’en faire une idée, je suis sûr qu’un phénomène si frappant éveillerait la curiosité et susciterait l’étonnement de toutes les couches de la société, et peut-être se préoccuperait-on d’un sujet d’économie auquel jusqu’à présent il n’a été accordé que si peu d’attention ».

Les cheminées à la Rumford, en 2017

Et maintenant l’excellente publicité d’un vendeur québécois de cheminée (http://foyersrenaissance.co), Compagnies de Cheminées Industrielles (icc-rsf.com), Saint-Jean Québec
Le modèle Renaissance Rumford MC fut le tout premier à être certifié comme foyer à âtre ouvert à combustion propre. Sa conception est celle d’un authentique foyer Rumford, ce qui lui donne cette hauteur plus importante qu’un foyer traditionnel. La forme d’un foyer Rumford est connue pour son niveau de performance inégalé. Notre conception brevetée du Rumford réunit les composants d’un foyer Rumford traditionnel aux atouts d’une ingénierie spécialisée, d’une fabrication rigoureuse et de matériaux haut de gamme.

Le modèle Renaissance Rumford MC est le seul foyer au monde à remporter un prix de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Il a aussi gagné des prix à l’IIDEX (exposition internationale du design) et on a décerné à sa conception brevetée le prix de l’innovation Vesta, prestigieux prix de l’industrie des foyers.


L’avantage d'un Rumford

Tout foyer Rumford authentique épouse une forme précise caractérisée par une boîte à feu peu profonde, des parois angulaires et un avaloir chantourné. En créant un flux d’air laminaire dans le conduit de la cheminée, l’avaloir chantourné du modèle Rumford en réduit la turbulence dans la boîte à feu, ce qui favorise un tirage robuste et permet un allumage facile évitant toute fumée dans la maison.

Faible niveau d'émission inégalé


Foyers Renaissance réinvente les foyers à âtre ouvert pour le XXIemùe siècle grâce à des foyers décoratifs offrant un niveau d’émissions si faible qu’aucune fumée n’est visible dans les deux minutes suivant l’allumage.


Donc, Rumford est toujours d’actualité !



Un progrès majeur pour les diabétiques : les capteurs de glucose en continu

Le laboratoire Abbott  a inventé des capteurs de glucose en continu. Composés d’une pastille jetable de la taille d’une pièce de 2 euros qui se fiche sur le haut du bras, ils contiennent une puce permettant de lire le taux de glucose dans le sang à l’aide d’un scanner de poche équipé d’un petit écran. Gérard Raymond, le président de l'Association française des diabétiques (AFD) explique  : « C'est une innovation capitale, car on n'a plus besoin de se piquer quatre ou cinq fois par jour le bout du doigt pour contrôler sa glycémie. La surveillance est permanente, non invasive, et vous pouvez véritablement devenir acteur de votre santé, souligne-t-il. Plus besoin de piqûres et de bandelettes. Mieux encore que de  de faciliter la vie des diabétiques, ce nouveau dispositif améliore leur santé en permettant la mesure en continu du glucose : les femmes enceintes et les enfants, dont le diabète est souvent difficile à équilibrer, sont les premiers à pouvoir profiter de cette méthode. Plusieurs études indiquent que les fluctuations glycémiques dans l’enfance, qu’elles soient dans le sens d’hyper- ou d’hypoglycémies, entraînent des modifications cérébrales. Il existe 20000 enfants diabétiques en France, dont la moitié sont déjà équipés de pompe. Permettant de visualiser la concentration à un instant donné, mais aussi sur toute une période, ces capteurs donnent par exemple, au réveil, la courbe des 8 dernières heures et renseigne sur les hypoglycémies et hyperglycémies nocturnes.

Mais des progrès refusés aux diabétiques français

Ces nouveaux  dispositifs sont déjà remboursés aux Pays-Bas, en Suède, en Slovénie, en Italie. Et en France ?  une demande de prise en charge en procédure accélérée !!! a été déposée,
… en 2010, au titre du forfait innovation. I semble qu(elle se soit perdue dans les méandres administratifs et les demandes d’études complémentaires sans fin", reprochent les associations- En fait l’Assurance Maladie traine des pieds pour éviter le remboursement.   Les industriels demandent aujourd’hui une inscription au remboursement par le circuit traditionnel, en espérant que la procédure sera plus rapide.
De fait, la plupart des services de diabétologie utilisent déjà ces capteurs, sur leurs fonds propres. Ils en équipent leurs patients pendant quelques semaines, dans un but pédagogique, pour leur apprendre à réguler le débit de leur pompe, ou diagnostique, pour repérer la survenue d’hypoglycémies. Il semble que 25.000 patients aient adopté le glucomètre et paient de leur poche les consommables (les puces). Mais quelque 300.000 Français qui ne peuvent se le permettre continuent à mesurer leur taux de sucre en se piquant le doigt et en déposant la goutte de sang sur une bandelette-traitement plus pénible, moins fiable, moins précis – mais remboursé
Cette situation s’éternise, au désespoir des patients, en raison d’un bras de fer entre l‘industriel et l’assurance-maladie. Abbott commercialise déjà en France son produit à 1.500 euros par an, quand le payeur public demande pas loin de 650 euros par an, c'est-à-dire le tarif des dispositifs dominants aujourd'hui- ce qui signifie tout simplement que l’innovation thérapeutique ne serait pas récompensée. Mes associations de malades estiment cependant que même au prix demandé par Abbott, le système de santé français serait encore largement  bénéficiaire si l’on prend en compte les interventions du Samu, les journées d’hospitalisation et les arrêts de travail évités.
Certains ne se privent pas de dénoncer les « abus » des laboratoires pharmaceutiques, mais c’est ignorer les faramineuses dépenses en recherche pour trouver de nouveaux traitements contre le diabète, depuis des dizaines d’années, en vain. Alors, si l’innovation thérapeutique n’est pas récompensée à juste prix, elle s’arrêtera tout simplement- déjà les dépenses de recherche des big pharma diminuent et celles-ci les externalisent. Après il existe sans doute des  marges de négociations qui doivent prendre en compte des accords prix-volumes ( plus le traitement est prescrit, plus son coût diminue) et des négociations groupées entre pays européens comparables seraient sans doute utiles ; il faut aussi tenir compte que la concurrence et l’apparition d’autres acteurs feront à terme baisser les prix, ce qui implique qu’il est normal que le premier inventeur bénéficie d’une juste rétribution de son invention.

Mais de plus en plus la France se distingue par des retards et des entraves à la mise à disposition des produits innovants, à la colère justifiée des patients. C’est la conséquence logique d’une absence de politique du médicament et pharmaceutique en général , voire, au contraire, d’une politique qui les sacrifie systématiquement en priorité dans le financement de la santé. C’est dommage, car un médicament ou un dispositif médical efficace, c’est beaucoup moins cher que des hospitalisations. Combien ces traitements anti-ulcères  ont-ils fait gagner, en confort de vie aux patients, et à l ‘assurance maladie en opérations évités ?

dimanche 2 avril 2017

Perplexités présidentielles (4) – la question du travail



« Uberisation » Uber et Heetch le cas des transports urbains

On ne s’y attend pas forcément, mais c’est dans les Echos (16 mars 2017) que l’on peut trouver les arguments les plus convaincants contre l‘uberisation- ou, du moins, pour sa régulation. La tribune libre (Jean-Charles Simon, Facta) rend compte de la condamnation de Heetch, très lourde financièrement et interdisant pratiquement son activité en France pour trois chefs :  complicité d’exercice illégal de la profession de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels ; et il s’en réjouit.
Les arguments de M. Simon sont les suivants : il s’agit d’une distorsion grave de concurrence dans la mesure ou Heetch fournissait un service, qui, contrairement aux autres intervenants du secteur, ne faisait l‘objet d’aucun prélèvement obligatoire : impôt sur le revenu ou les sociétés, cotisations sociales, TVA.  Tous les pays ont jugé important de fixer des limites à l’exercice de la profession de taxi : véhicules répondant à des normes, chauffeurs formés, assurés, sûrs, sans casiers judicaires. Les autorités locales et nationales sont fondées à contrôler, par exemple par un système de  quota,  le nombre de ces usagers à grande fréquence des voies publiques, dont la multiplication anarchique aurait des conséquences en matière de pollution et d’encombrement. Enfin, l’Etat a le droit et même le devoir d’intervenir pour éviter la paupérisation de toute une profession. De fait, Uber POP a déjà dû s’arrêter de fonctionner, de gré ou de force dans la quasi-totalité des grandes villes où il fonctionnait ; et quant aux promesses d’enrichissement, on sait ce qu’elles ont donné pour de faux vrais salariés non déclarés, aux revenus de misère et contraint même, par leur voiture, de participer au capital de la société qui les exploite.
Alors non, l’uberisation tant vantée par certains candidats n’est certainement pas une solution aux problèmes du chômage et du travail. Elle est plutôt synonyme de déprofessionalisation, de déqualification et d’exploitation.   

Les changements du travail : le travail ne doit jamais manquer

Reste que les changements du travail, l’impact des pressions libérales (peut-être parfois justifiées) à la dérégulation, la concurrence accrue des travailleurs pour des emplois qui semblent de plus en plus rares, les conséquences des technologies numériques et robotiques imposent une réflexion en profondeur sur le travail et son avenir. Et il est assez étrange que le seul candidat qui propose cette réflexion et qui la porte dans le débat présidentiel, Benoît Hamon donc, soit en quasi–perdition et ceci bien qu’il représente théoriquement et schématiquement, le parti des salariés. C’est étonnant, et un peu désespérant.
 Il y a cependant quelques explications logiques. Même si Benoît Hamon s’y intéresse depuis longtemps, cette réflexion sur le travail et son futur  est apparue soudainement à la veille de l’élection, sans avoir été débattue dans la société,  par les partis politiques, les syndicats. Une des pistes proposées,  le revenu universel a été mal présentée, très contestée et ambigüe : s’agit-il d’un nouvel espace de protection sociale, d’une nouvelle liberté réelle permettant de remettre un peu d’égalité entre demandeurs et offreurs d’emploi, ou simplement d’un minimum social amélioré. Faute de débats et d’explications préliminaires, elle été ressentie comme utopique ou comme une renonciation : nous ne pouvons créer des emplois, nous donnerons un salaire de survie. Faute de préparation, son ambition a fondu comme neige au printemps, un printemps meurtrier pour le candidat socialiste.
Et pourtant, l’avenir du travail ne peut être laissé aux seuls libéraux , qui finiront par expliquer que, puisque le travail est devenu une ressource rare, il faudra payer pour avoir un emploi…Le travail n’est pas un marché, et une réflexion dont les partis politiques, surtout ceux de sensibilité social démocrate, les syndicats, la société sera nécessaire sur ce sujet…quel que soit le score de Benoît Hamon ; qu’il ne se décourage pas de porter ce débat.

Le positiviste que je suis ne peut que reprendre l’injonction d’Auguste Comte aux pouvoirs temporels (politique et patriciat industriel) : « le travail ne doit jamais manquer », des préconisations positivistes qui ont influencé le républicanisme en France, avec notamment le préambule de la Constitution de 1946 : "Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi". Reste à savoir, et, pour partie, à décider,  ce que deviendront dans nos sociétés en mutation le travail et l’emploi.

samedi 1 avril 2017

Perplexité présidentielles (3)- le cas Macron et le dialogue social

Mais que pense donc M. Macron ?

A M. Macron, je reconnais une intelligence hors du commun, et une capacité à faire des erreurs une fois et une seule fois et à ne pas les reproduire. Alors il faudra qu’il tire une leçon de l’échange qui l’a opposé à Marine Le Pen lors du débat des cinq principaux candidats.   Interrogé sur les questions de politique internationale, M. Macron, au terme d'une longue intervention assez déconstruite, a été tacjé par Mme Le Pen: « Vous avez un talent fou, vous arrivez à parler sept minutes, je suis incapable de résumer votre pensée, vous n'avez rien dit, c'est le vide absolu, sidéral », 

Et, en effet, en écoutant ses discours, beaucoup de grandes envolées assez creuses et aussi beaucoup de contradictions : une colonisation qualifiée de crime contre l’humanité suivi d’un « je vous aime » lancé à des pieds noirs révoltés ; un « il n’y a pas de culture française, mais des cultures en France » suivi d’un article dans la Figaro pour expliquer sa conception de la culture française dont le fondement serait une  « ouverture sans pareil ». Un service militaire « parce que ce n'est pas le rôle de l'école que de tenir un discours fort sur les valeurs de la République » ; oui, mais un service militaire d’un mois (!) et la défense d’une école républicaine (on en est heureux !)

Mais s’il semble y avoir une constante dans le discours et la pratique de Macron, c’est une tonalité très jacobine, centralisatrice, autoritaire et hostile aux pouvoirs intermédiaires et contre-pouvoirs. C’est plutôt dangereux, surtout dans un domaine particulier, celui du dialogue social.

Dialogue social : la CFDT déboussolée par M. Macron : "Tout ne peut pas être géré d’en haut par la loi »

Le Monde rapporte ainsi comment ce syndicat très gentil vis-à-vis de la contre-réforme sociale de la loi travail Macron Valls qu’est la CFDT a été douchée à froid par l’audition du candidat Macron ( La CFDT craint pour le dialogue social, du 25/03/2017). A son secrétaire général Laurent Berger qui affirmait  que « le syndicalisme est porteur de l’intérêt général », « Que nenni, répond M. Macron. « L’intérêt général, a-t-il expliqué le 16 mars, c’est le législateur. Quand on demande aux syndicats de le porter, on les décale car ce n’est pas leur mission. On ne peut pas demander à un syndicat de définir les frontières de la réforme. » Et m’auteur de l’article du Monde, M. Noblecourt, poursuit : « La République contractuelle » de M. Macron est aux antipodes de la démocratie sociale. L’Etat décide, notamment sur la gestion des grands risques, ce qui l’amène à nationaliser le régime paritaire d’assurance-chômage. Les syndicats négocient dans les entreprises et dans les branches, mais la négociation interprofessionnelle disparait.
Alors la CFDT, dans son questionnaire adressé aux principaux candidats s’alarme des candidats qui « remettent en cause le dialogue social » et rappelle que «  la nécessaire construction d’un contrat social nécessite du temps et des lieux de débat et de concertation…Tout ne peut pas être géré d’en haut par la loi »
C’est en effet une attaque sans précédent contre les syndicats et leur rôle que semble préparer Emmanuel Macron. Jean-Claude Mailly, pour Force Ouvrière (FO) a dénoncé un « danger d’abandon de la république sociale », république sociale qui, rappelons-le figure dans la constitution de la République ; il semble que, comme certains autres, M. Macron se soit donné comme rôle de « détricoter le programme du Conseil National de la Résistance ».

F.O : « la gestion par les partenaires sociaux ça fonctionne »,  « le libéralisme économique conduit à l'autoritarisme social 

Dans une remarquable interview à la Tribune (La Tribune, 30/03/2017, Jean-Claude Mailly (FO) : "Macron est prêt à tout pour plaire à l'Allemagne) ; M. Mailly défend le protocole d’accord interprofessionnel conclut le 28 mars sur l’assurance chomage et s’inquiète des conceptions étatistes de  M. Macron  : « Comme toujours dans ce genre de négociation, il faut parvenir à un compromis. Je pense que nous sommes parvenus à un équilibre, ce qui explique notre signature. Prenons les points les plus délicats. Les seniors d'abord, je rappelle que le patronat voulait mettre la barre très haut, en montant de 50 à 59 ans l'âge nécessaire pour percevoir un maximum de 36 mois d'indemnités. C'était inacceptable. Au final, les seniors de 50 à 52 ans seront indemnisés 24 mois, mais six mois supplémentaires s'ils suivent une formation. Ceux de 53 à et 54 ans auront droit à 30 mois, plus six mois en cas de formation. Et à compter de 55 ans, les 36 mois sont maintenus. Sur les contrats courts, nous avons obtenu le maintien de la surcotisation de 0,5% sur les CDD d'usage durant dix-huit mois. Et avec l'augmentation de 0,05% de la cotisation patronale d'assurance chômage, 270 millions d'euros vont entrer dans les caisses de l'Unedic chaque année. Surtout, d'un point de vue plus politique, nous avons montré que la gestion par les partenaires sociaux ça fonctionne, alors que, certains veulent remettre en cause le paritarisme. »
Justement, que pensez-vous du projet d'Emmanuel Macron de faire directement gérer l'assurance chômage par l'Etat ?
Je suis en désaccord complet avec Macron sur ce point. Il veut passer au-dessus de la démocratie sociale. En vérité, Macron ne s'intéresse pas à l'assurance chômage, ce qui le préoccupe, c'est la dette du régime. Macron a un calendrier calé sur les élections allemandes. Il veut montrer à l'Allemagne que la France va mener des réformes structurelles et budgétaires. La dette de l'Unedic étant prise en compte dans le déficit public, tel qu'il a été défini par le traité de Maastricht, il va sabrer dans l'assurance chômage pour que la France repasse sous la barre des 3% de déficit. Il trouve donc que, actuellement, les partenaires sociaux ne font pas assez d'efforts. Mais j'attends de voir. En tout cas, l'attitude de Macron me conforte dans mon idée que le libéralisme économique conduit à l'autoritarisme social.
Et alors ? Vous leur avez indiqué quelles étaient, pour FO, les lignes jaunes à ne pas franchir ?
Exactement, tant sur la méthode et le calendrier que sur le fond des dossiers. Il est insupportable que certains, tel François Fillon, voire Emmanuel Macron, envisagent de recourir aux ordonnances pour passer en force et vite sur les questions sociales.

CFE-CGC : « le dialogue social ça marche,  les dirigeants politiques ne respectent pas le partenariat avec les partenaires sociaux « 

Ajoutons à cela les fortes critiques de la CFE-CGC…contre le programme de M. Fillon, mais qui visent aussi M Macron. M. Hommeril (CFE-CGC)  a souligné que 30.000 accords étaient signés chaque année en entreprise entre les directions et les syndicats. "M. Fillon, allez réviser vos chiffres! Le dialogue social ça marche en entreprise!". Dans son programme, M. Fillon propose de "modifier les règles du dialogue social", notamment en donnant "le dernier mot aux salariés grâce au référendum d'entreprise"; en instituant la liberté de candidature au premier tour des élections professionnelles; en relevant les seuils sociaux et, pour les représentants du personnel, limiter le temps consacré à l'exercice des mandats à 50% du temps de travail : « M. Hommeril rétorque : « Pour développer l'activité syndicale, on ne peut pas se permettre d'être un amateur. On doit avoir un souci de professionnalisme, sinon on est à côté de la plaque et on n'est pas très utile » et il se montre très véhément quand il parle des « dirigeants politiques qui ne respectent pas le partenariat avec les partenaires sociaux ».