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dimanche 2 avril 2017

Perplexités présidentielles (4) – la question du travail



« Uberisation » Uber et Heetch le cas des transports urbains

On ne s’y attend pas forcément, mais c’est dans les Echos (16 mars 2017) que l’on peut trouver les arguments les plus convaincants contre l‘uberisation- ou, du moins, pour sa régulation. La tribune libre (Jean-Charles Simon, Facta) rend compte de la condamnation de Heetch, très lourde financièrement et interdisant pratiquement son activité en France pour trois chefs :  complicité d’exercice illégal de la profession de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels ; et il s’en réjouit.
Les arguments de M. Simon sont les suivants : il s’agit d’une distorsion grave de concurrence dans la mesure ou Heetch fournissait un service, qui, contrairement aux autres intervenants du secteur, ne faisait l‘objet d’aucun prélèvement obligatoire : impôt sur le revenu ou les sociétés, cotisations sociales, TVA.  Tous les pays ont jugé important de fixer des limites à l’exercice de la profession de taxi : véhicules répondant à des normes, chauffeurs formés, assurés, sûrs, sans casiers judicaires. Les autorités locales et nationales sont fondées à contrôler, par exemple par un système de  quota,  le nombre de ces usagers à grande fréquence des voies publiques, dont la multiplication anarchique aurait des conséquences en matière de pollution et d’encombrement. Enfin, l’Etat a le droit et même le devoir d’intervenir pour éviter la paupérisation de toute une profession. De fait, Uber POP a déjà dû s’arrêter de fonctionner, de gré ou de force dans la quasi-totalité des grandes villes où il fonctionnait ; et quant aux promesses d’enrichissement, on sait ce qu’elles ont donné pour de faux vrais salariés non déclarés, aux revenus de misère et contraint même, par leur voiture, de participer au capital de la société qui les exploite.
Alors non, l’uberisation tant vantée par certains candidats n’est certainement pas une solution aux problèmes du chômage et du travail. Elle est plutôt synonyme de déprofessionalisation, de déqualification et d’exploitation.   

Les changements du travail : le travail ne doit jamais manquer

Reste que les changements du travail, l’impact des pressions libérales (peut-être parfois justifiées) à la dérégulation, la concurrence accrue des travailleurs pour des emplois qui semblent de plus en plus rares, les conséquences des technologies numériques et robotiques imposent une réflexion en profondeur sur le travail et son avenir. Et il est assez étrange que le seul candidat qui propose cette réflexion et qui la porte dans le débat présidentiel, Benoît Hamon donc, soit en quasi–perdition et ceci bien qu’il représente théoriquement et schématiquement, le parti des salariés. C’est étonnant, et un peu désespérant.
 Il y a cependant quelques explications logiques. Même si Benoît Hamon s’y intéresse depuis longtemps, cette réflexion sur le travail et son futur  est apparue soudainement à la veille de l’élection, sans avoir été débattue dans la société,  par les partis politiques, les syndicats. Une des pistes proposées,  le revenu universel a été mal présentée, très contestée et ambigüe : s’agit-il d’un nouvel espace de protection sociale, d’une nouvelle liberté réelle permettant de remettre un peu d’égalité entre demandeurs et offreurs d’emploi, ou simplement d’un minimum social amélioré. Faute de débats et d’explications préliminaires, elle été ressentie comme utopique ou comme une renonciation : nous ne pouvons créer des emplois, nous donnerons un salaire de survie. Faute de préparation, son ambition a fondu comme neige au printemps, un printemps meurtrier pour le candidat socialiste.
Et pourtant, l’avenir du travail ne peut être laissé aux seuls libéraux , qui finiront par expliquer que, puisque le travail est devenu une ressource rare, il faudra payer pour avoir un emploi…Le travail n’est pas un marché, et une réflexion dont les partis politiques, surtout ceux de sensibilité social démocrate, les syndicats, la société sera nécessaire sur ce sujet…quel que soit le score de Benoît Hamon ; qu’il ne se décourage pas de porter ce débat.

Le positiviste que je suis ne peut que reprendre l’injonction d’Auguste Comte aux pouvoirs temporels (politique et patriciat industriel) : « le travail ne doit jamais manquer », des préconisations positivistes qui ont influencé le républicanisme en France, avec notamment le préambule de la Constitution de 1946 : "Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi". Reste à savoir, et, pour partie, à décider,  ce que deviendront dans nos sociétés en mutation le travail et l’emploi.

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