Zinc Finger, CRISPR-Cas9,
Talen- La nouvelle révolution des NBT
La génétique a fait ces dernières années d’énormes progrès. Trois enzymes
récemment découvertes, les nucléase à
doigt de zinc (ZFN), les nucléases effectrices de type activateur de
transcription (TALEN) et surtout CRISPR-Cas9 (enzymes jouant un rôle dans
l’immunité bactérienne) permettent maintenant d’éditer de façon précise le génome
(l’ADN) d’une cellule, de la couper en certains endroits sélectionnés, de
changer la place d’un gène et son niveau d’expression, de corriger un éventuel
défaut. Leur utilisation en médecine pour soigner des maladies génétiques, bien que complexes s’avère déjà prometteuse et
donnera un espoir à des malades qu’on ne
savait à présent ni guérir, ni même soulager.
Leur utilisation en agriculture est plus simple. Elles permettent de créer
des variétés soit plus résistantes à certaines maladies (un million de morts
dus au mildiou en Irlande pendant la grande famine de 1845-1848), une meilleure
adaptation à de nouvelles conditions climatiques (tiens, ça on risque maintenant
d’en avoir vraiment besoin), ou bien augmentant leurs qualités nutritionnelles.
Ainsi, CrispR_Cas 9 a permis de créer une variété de maïs résistante à la
nécrose létale du maïs et de de
favoriser l'expression d'un gène connu pour accroître la tolérance du maïs à la
sécheresse en remplaçant le promoteur associé par un promoteur augmentant sa
fréquence d'expression. Les TALENs sont utilisées pour développer la résistance
du riz aux bactéries xanthomonas et également pour inactiver un gène en partie responsable
de la synthèse d'acides gras chez le soja, augmentant ainsi la part des acides
mono-insaturés et réduisant celle des acides gras saturés, améliorant ainsi la
qualité nutritionnelle de l'huile extraite de la variété de soja concernée.
Ces nouvelles techniques sont regroupées sous le nom de NBT (New Breeding
Techniques), pour les différencier du génie génétique et de la notion d’organismes
génétiquement modifiés. Il s’agit certes de techniques de génétiques, mais dans
ces cas, il n’y pas d’insertion de gènes extérieurs, seulement une
réorganisation pouvant réprimer ou au contraire augmenter l’action de certains
gènes déjà présents. Ces techniques reproduisent fidèlement les phénomènes de
mutation (mutagénèse) à l’origine de la sélection par croisement, telles que
les pratiquent de manière immémoriale éleveurs et cultivateurs. Simplement, l’empirisme
est remplacé par une démarche plus sûre, plus rationnelle, plus efficace, ce qui nous permettra de répondre en temps utiles
aux défis qui se posent. Par exemple, il
a fallu plus de vingt ans aux chercheurs de l’INRA pour créer par croisements
interspécifiques une vigne résistante au mildiou, ce qui laisse largement le
temps aux catastrophes et aux ruines de se produire ; les techniques
actuelles le permettraient en moins de trois ans.
Il faut clarifier la directive
sur les OGM pour bénéficier des nouvelles techniques de mutagenèse
Or, la Cour de justice de l’UE a
récemment assimilé ces nouveaux organismes NBT à des OGM, alors que ce sont des
organismes dont le génome a été altéré sans y insérer un ADN étranger. Pour l’ex-député Jean-Yves Le Déaut et la
sénatrice Catherine Procaccia, ex président et actuelle vice –présidente de l’Office
Parlementaire des choix scientifiques et technologiques, il est urgent de
clarifier la directive pour bénéficier des nouvelles techniques de mutagénèse.
Ils ont signé dans Le Monde du 21/08/2018
une tribune courageuse et assez détonante intitulée Il faut clarifier la directive sur les OGM. Extraits :
Etats et Commission des responsabilités non assumées : « Depuis près de dix ans, l’incertitude
prévaut dans l’Union européenne sur la qualification juridique des nouvelles
biotechnologies (New Breedings Techniques, NBT). En droit européen, la
« directive 2001/18 » exempte les techniques de mutagénèse de ces
dispositions, considérant que pour ces techniques, « la sécurité
est avérée depuis longtemps ». C’est ce que précise un récent arrêt de
la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) tout en soulignant que la
législation de l’Union n’a pas été modifiée au regard de l’évolution de ces
techniques.
En repassant ce dossier épineux à des
comités d’experts successifs, puis maintenant au juge européen, la Commission
et les Etats membres n’ont pas assumé leurs responsabilités car ce n’est pas au
juge de définir la politique de l’Union européenne sur un sujet aussi
important. Il s’agit d’une décision de nature politique, qui relève de la
compétence de la Commission européenne, en lien avec les Etats et leurs comités
d’experts »
Sur les OGM : « L’activisme d’associations qui depuis plus de vingt ans ont frappé l’opinion
publique en parlant de risques sanitaires a petit à petit produit ses effets, y
compris dans l’arrêt de la Cour Européenne de Justice. Pourtant aujourd’hui,
avec vingt ans de recul, les agences nationales, européennes, internationales, les
académies concluent toutes à l'absence de risques sanitaires. Les responsables
politiques et les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans ont
souvent reculé ou démissionné et petit à petit le dossier OGM s’est enlisé.
Cela risque de recommencer avec les nouvelles technologies »
« Les NBT
constituent une révolution, puisqu’elles sont à la fois simples, rapides, précises
puissantes, peu coûteuses, universelles et très prometteuses, notamment dans
les domaines de la médecine et de l’agriculture. C’est une ère post-OGM qui
s(annonce pour l’agriculture. »
« Il
serait paradoxal que, comme pour les OGM, l’Union Européenne et ses Etats membres
s’accommodent du départ des chercheurs vers ces pays (USA, Chine, Brésil…) et
de l‘importation de produits issus de ces techniques venant de ces pays, tout
en interdisant sur notre territoire la recherche, l’expérimentation et la
culture. Une nouvelle fois, l’Europe va être pénalisée. »
« Avec
la prolifération de la fausse science, c’est la nature même du progrès qui est
remise en cause. Cette évolution inquiétante prend sa source dans la confusion
de plus en plus marquée entre ce qui relève des savoirs issus d’une démarche
scientifique rigoureuse et ce qui relève de croyances ou de manipulations. En
fait, n’est-il pas plus dangereux de manipuler les esprits que de modifier les
gènes ».
On ne saurait
mieux dire, et bravo à Jean-Yves Le Déaut et à Catherine Procaccia, et espérons
qu’ils seront entendus.
Tiens, au
fait, où est passé le Président de l’Office Parlementaire des choix scientifiques
et technologiques, Cedric Villani ? Perdu corps et surtout âme ? Allons,
on a maintenant bien compris qu’il préfère à la vérité et au courage de tortueuses
stratégies politiques, et que le savant a été remplacé par un politicien plus sinueux
que les professionnels de l‘ancien monde, et qu’il ne prendra aucun risque pour
assumer des positions qui risqueraient de déplaire à Jupiter et autres olympiens
et de nuire à ses ambitions personnelles. Dommage, c’est une grande déception.
16 chromosomes réduits à un seul !
Le même numéro du Monde (21/08) annonce
une nouvelle scientifique qui montre bien que nous allons encore vers bien des surprises
et de nouveaux progrès en biologie : les 16 chromosomes d’une levure de
bière ont été raboutés en deux chromosomes par une équipe américaine, et en un
seul par une équipe chinoise, et cela sans compromettre la viabilité de la
levure ! En dehors du défi scientifique et technique, cela aussi annonce
une autre ère pour les OGM simples. Car les OGM dont le génome a été ainsi
réaménagé ne peuvent plus se croiser avec les organismes souches, et tout
risque de contamination se trouverait ainsi évité !
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