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mercredi 9 septembre 2020

Les enjeux de l’Hydrogène : le rapport de l’Académie des technologies ! 2) transport, stockage, utilisation



Transport : Du fait de cette rapidité et de cette relative simplicité, le déploiement des réseaux d’hydrogène pourrait être assez rapide

Du fait de sa très faible densité, l’hydrogène doit être conditionné pour permettre d’en assurer le transport et le stockage. Ce conditionnement peut se faire par compression, liquéfaction, mais aussi par adsorption réversible de l’hydrogène par des corps solides plus facilement manipulables.

Transport par gazoduc :

Les gazoducs dédiés à l’hydrogène ne sont pas significativement différents des gazoducs dédiés au méthane. Ils sont réalisés en aciers classiques ou en polymère composites. Cependant, l’hydrogène tend à fragiliser le métal du tuyau et celui des soudures. Les pressions de service varient selon les réseaux entre 21 mbars et 3 à 4 bars pour la distribution et 60 à 100 bars pour le transport. Les diamètres varient entre 10 mm et 300 mm. L’adaptation du réseau de distribution du méthane au transport de l’hydrogène semble possible pour le transport d’un mélange méthane-hydrogène - baptisé Hythane™ par Engie - dans une proportion qui varie de 11% à 12,5%. Des recherches européennes ont conclu que la concentration en hydrogène peut atteindre 20 % sans problème particulier. Cependant, si du côté utilisateur on a besoin de l’hydrogène pur, il faut un procédé de séparation qui est coûteux et rend le transport d’hydrogène sous forme de mélange peu attractif.

Pour éviter le phénomène de fragilisation du métal des gazoducs, l’acier doit être un acier doux. Beaucoup de canalisations de GRTgaz sont de ce type mais les plus récentes sont en acier allié dont le comportement doit être validé préalablement au transport d’hydrogène. Le transport d’hydrogène pur par gazoduc est développé dans certaines parties du monde, les États-Unis ont un réseau de plus de 2 600 km, dont une grande partie entre le Texas et la Louisiane. L’Europe du Nord dispose d’un réseau de gazoducs d’hydrogène de 1 600 km, dont plus de 610 km en Belgique, opéré et pour l’essentiel possédé par Air Liquide. La France produit et utilise 922 000 tonnes d’hydrogène par an et dispose de plusieurs réseaux privés de transport d’hydrogène, de plus de 300 km de longueur.

La longueur du réseau européen de gazoducs destiné au transport de gaz naturel mesure environ 200 000 km. Il continue de se développer vers les champs gaziers russes, Kazakh etc. Il est beaucoup moins cher de transporter de l’énergie sous forme gazeuse que sous forme d’électricité. Par ailleurs, le développement de ces réseaux rencontre peu d’opposition, du moins jusqu’à maintenant, et est perçu moins négativement par les populations concernées que les lignes électriques 400 kV. Par ailleurs les “tubes” peuvent être ensouillés dans des fonds marins sans discontinuité.

À court terme, le taux de 6 % en volume d’hydrogène est atteignable en mélange dans la plupart des réseaux, hors présence d’ouvrages ou d’installations sensibles chez les clients. À horizon 2030, les opérateurs recommandent de fixer une capacité cible d’intégration d’hydrogène en mélange dans les réseaux à 10 %, puis 20 % au-delà, afin d’anticiper l’adaptation des équipements notamment à l’aval.
Une partie du réseau gazier pourrait être dédiée à l’hydrogène plutôt qu’au méthane, mais cela soulève des questions technologiques difficiles. C’est une hypothèse que Gazprom en Russie évoque, sachant toutefois qu’il reste des questions ouvertes sur la compatibilité des matériaux : on connait le comportement des réseaux jusqu’à une teneur de 20% d’hydrogène, au-dessus des démonstrateurs locaux, les opérateurs de transports et de distribution travaillent de concert au sein du GERG (Groupement européen de la Recherche sur le Gaz) avec les projets HYReady et ThyGA, mais leur tenue à 100% reste à valider et sera variable selon les pays et l’âge des réseaux.

Le développement des hydrogénoducs est assez rapide parce que c’est une technologie assez simple et que le déploiement d’un gazoduc est généralement perçu positivement par les populations concernées. Au Royaume-Uni le remplacement de tout le réseau en acier par des matériaux composites, en cours depuis quelques années pour des raisons de sécurité est déjà réalisé à plus de la moitié, et le rend compatible avec l’hydrogène. Du fait de cette rapidité et de cette relative simplicité, le déploiement des réseaux d’hydrogène pourrait être assez rapide.

Transport routier,  ferroviaire, naval  de l’hydrogène

L’hydrogène peut être transporté vers son point d’utilisation dans des bouteilles cylindriques en acier réunies en racks sous une pression de 200 à 250 bars. Un camion semi-remorque de 33 tonnes chargé de bouteilles cylindriques en acier transporte 300 kg d’hydrogène. Il transporte au retour 33 tonnes à vide, puisque le poids de l’hydrogène transporté n’est pas significatif comparé au poids total du camion avec les racks de bouteilles d’acier vides.
Ce mode de transport est en train d’évoluer grâce au développement des réservoirs d’hydrogène embarqué pour les usages en mobilité dans les véhicules de tous types. Le groupe Linde a ainsi développé des remorques groupant 100 éléments de stockage et transportant 1 100 kg d’hydrogène.

La France dispose avec GTT d’un champion mondial dans le transport de gaz liquéfié à très basse température. Près d’un méthanier sur deux qui circulent dans le monde ont été construit sous licence GTT. Il conviendrait de motiver et de soutenir cette société dans le développement d’une solution dédiée au transport d’hydrogène liquide.

Stockage solide de l’hydrogène : Il est possible de stocker l’hydrogène à l’état solide ou liquide. Certains composés absorbent l’hydrogène et peuvent le restituer. Les hydrures métalliques permettent une densité volumique de stockage supérieure à celle de l’hydrogène liquide. L’absorption de l’hydrogène est réalisée à une pression de quelques dizaines de bars. « La réaction de désorption est endothermique et auto limitante : en cas de fuite accidentelle, la température du réservoir chute rapidement jusqu’à la température d’équilibre, interrompant le dégagement d’hydrogène. »  

Stockage liquide de l’hydrogène : Une autre voie développée au Japon utilise la voie du cycle réversible de la réaction d’hydrogénation du toluène en méthylcyclohexane : c’est-à-dire transport de ce liquide bon marché, puis déshydrogénation en présence d’un catalyseur pour relâcher de l’hydrogène.  Cette solution restera toutefois réservée à des transactions entre professionnels en raison de la très grande toxicité du toluène et du méthylcyclohexane pour la vie aquatique.  AREVA et la société allemande Hydrogenious travaillent séparément sur l’hydrogénation et la déshydrogénation d’une huile (dibenzotoluène).

Stockage souterrain :  Une des études pionnières sur ce sujet, menée aux États-Unis par le Gaz Technology Institute20, avait conclu que les cavités salines étaient le mode de stockage le plus approprié en comparaison des autres réservoirs géologiques (aquifères et gisements d’hydrocarbures épuisés) et que de grandes quantités de gaz pouvaient en toute sécurité être stockées en raison des volumes disponibles et des pressions de stockage élevées. La possibilité de manipuler des grands débits avec des cycles d’injection/soutirage rapides font des cavités salines l’option la plus satisfaisante.

De l’hydrogène est stocké dans plusieurs cavités à Teesside (Royaume-Uni) depuis 1972, dans des cavités près de la côte du golfe du Texas depuis 1983, ainsi qu’en Allemagne. Ces expériences in situ attestent de la faisabilité du stockage de l’hydrogène en cavités salines sur de longues périodes de temps et sans la survenue d’événements accidentels.

Le projet européen HyUnder, « Évaluation du potentiel, des acteurs, et d’un modèle économique pour le stockage massif d’hydrogène en Europe », auquel ont participé l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, la France, la Roumanie et le Royaume-Uni a présenté un rapport en 2014. Il conclut à la faisabilité de la solution du stockage d’hydrogène en cavité saline quand la géologie s’y prête et indique un ordre de grandeur de prix de 40-60 €/m3 pour une cavité de plus de 500 000 m3 soit environ 0,5 €/kg

Il faut cependant noter que le stockage souterrain de l’hydrogène se distingue des autres stockages souterrains de gaz par un certain nombre de points : 1) l’hydrogène présente une grande mobilité qui induit une possibilité plus importante de fuite, que ce soit à travers le sel, les équipements et la tête de puits ; 2) du fait de sa réactivité chimique, l’hydrogène peut se recombiner avec beaucoup d’éléments dans le sous-sol et ne pas rester disponible sous forme gazeuse dans le stockage ; 3) la réaction chimique ou biochimique potentielle de l’hydrogène avec les équipements des puits peut entraîner leur fragilisation ; 4) dans certaines conditions dans les aquifères, l’hydrogène peut entraîner des réactions microbiennes conduisant à une modification de la composition du gaz stocké ;5)  le risque d’explosion ou d’inflammation peut être supérieur à celui du gaz naturel ; l’endommagement des parois de la cavité peut être amplifié par l’augmentation de la fréquence des cycles de pression. 6) Ces risques ne remettent pas en question la faisabilité du stockage souterrain de l’hydrogène puisque les sites opérationnels existants depuis trente ans n’ont pas connu d’accident majeur.

Cependant, une des conditions indispensables du développement et de l’acceptabilité du stockage souterrain de l’hydrogène, dans un contexte sociétal peu propice aux usages du sous-sol, est l’identification le plus en amont possible et l’évaluation de ces risques permettant des mesures de réduction ou de maîtrise appropriées pour rendre ces risques acceptables (notamment des mesures d’auscultation).

Un autre enjeu du stockage souterrain de l’hydrogène est qu’il n’existe pas à ce jour, sur le plan de la sécurité et de l’environnement, de cadre législatif et réglementaire spécifique à ce type d’activité, en particulier celui propre à la réalisation d’essais visant à vérifier l’intégrité des ouvrages et des installations associées

Utilisations de l’hydrogène

Généralités

Les usages potentiels de l’hydrogène énergie sont multiples ; à titre d’exemples : 1)  utilisation directe en injection dans les réseaux de gaz ; 2)  conversion de l’hydrogène en méthane de synthèse en le combinant avec du CO2 ; 3) utilisation d’hydrogène dans des installations de biogaz pour en améliorer le rendement) ou en e-fuels (kérosène, etc.) ; 4) utilisation pour les mobilités dans des véhicules : l’hydrogène est converti en électricité via des piles à combustible (PAC). Ces applications peuvent concerner les transports terrestres lourds, les transports fluviaux ou maritimes, les transports légers Longue distance, etc. La production d’électricité dans les piles à combustible ne génère que de l’eau, et donc ni gaz nocif ni particules fines . 5) stockage d’électricité renouvelable intermittente et transformation en électricité dans des PAC stationnaires, pour l’alimentation de bâtiments ou quartiers, ou pour alimenter le réseau de transport d’électricité (Power-to-Power).

Les mobilités :

La mobilité à base d’hydrogène apporte une autonomie que ne permet pas la mobilité électrique exclusivement à base de batterie. Certaines mobilités (bateaux, trains, camions et bus) ne peuvent être décarbonées par des batteries électriques dont la densité massique et volumique d’énergie est trop faible.

Il est raisonnable de penser que la mobilité hydrogène ne se développera dans un premier temps qu’à partir d’un nombre limité de points de distribution, réservant de fait son usage aux transports lourds et à des flottes locales. Enfin, la traction ferroviaire et les navires (sur de courtes distances, mais aussi en stationnaire au port) pourront recourir à l’hydrogène en substitution des hydrocarbures et notamment du fioul lourd.

L’Académie recommande que la distribution de l'hydrogène pour les mobilités fasse l'objet d'une politique nationale à l'instar de l’Allemagne. La priorité va au transport lourd (camions, bus et cars, ferroviaire, transport fluvial et maritime) et aux flottes locales urbaines et périurbaines. Il convient de mettre en place une structure de coordination nationale des acteurs publics et privés de tous les secteurs industriels de l’hydrogène. L'équipement des grandes capitales régionales au voisinage, notamment des centres de logistique doit être privilégié. Le réseau se développera ultérieurement le long des principaux corridors et au fur et à mesure du développement d’un parc de véhicules à hydrogène. Une attention particulière doit être portée aux enjeux de sécurité.

Au-delà, on peut penser au transport routier longue distance pour lequel les batteries ne constituent pas une solution viable. Quelques points de distribution sur les axes les plus fréquentés pourraient contribuer à décarboner un secteur qui contribue largement aux émissions de carbone.

Cependant au vu du nombre de véhicules envisagés, il est clair que les équipementiers et fournisseurs de systèmes ne pourront se contenter du marché français, mais devront viser un marché mondial : les politiques de soutien doivent être conduites avec cette vision. Le benchmark international permet d’appréhender la variété des approches des différents pays occidentaux et asiatiques, dont la Corée du Sud qui est particulièrement ambitieuse.

Enfin, les trains (cf. Alstom) voire les bateaux (sur de courtes distances) pourraient recourir à l’hydrogène sans nécessiter dans un premier temps le déploiement d’un grand nombre de points de distribution.




Une utilisation astucieuse : le prolongateur d‘autonomie : Renault produit depuis fin 2019 des véhicules utilitaires légers à batterie électrique, avec un prolongateur d’autonomie à l’hydrogène, dont le coeur est une pile à combustible de petite puissance (5 kW, 20 % à 25 % de ce qui serait nécessaire pour assurer la propulsion normale du véhicule). Le prolongateur permet de recharger la batterie y compris lorsque le véhicule est à l’arrêt. Le Kangoo passe d'une autonomie de 230 km dans la version électrique à batteries à 370 km pour la version hydrogène. Le Master atteint une autonomie de 350 km contre 120 km sans hydrogène.


Autres curiosités : Les voitures à hydrogène sont homologuées en France depuis décembre 2011. Les pompiers du département de la Manche sont dotés de véhicules à hydrogène pour leurs interventions journalières.

A l’heure actuelle, personne ne sait comment se fera la distribution entre le marché des véhicules électriques 100 % batterie et celui des véhicules électriques hybrides batterie/hydrogène.

Un verrou : la distribution de l’hydrogène : Le développement des mobilités hydrogène requiert la distribution du carburant aux utilisateurs. Les mobilités individuelles demandent un réseau très maillé : il y a en France environ 11 000 points de distribution de carburants. Même en acceptant un maillage réduit à 20 km par 20 km, il faudrait 2 500 points de distribution.

Or, les stations de distribution d’hydrogène nécessitent des investissements sensiblement supérieurs à un million d’euros, et doivent soit être alimentés – par camions actuellement, éventuellement par gazoduc à terme –, soit produire sur place leur hydrogène par électrolyse (elles sont alors plus chères d’environ 80%). Au-delà des quelques démonstrateurs existants, de telles installations ne peuvent être rentabilisées qu’avec des volumes distribués importants. Le développement d’un réseau, préalable à la vente des véhicules, ne peut guère se concevoir sans soutien public.

De façon assez unanime également, les pays passés en revue considèrent que le meilleur candidat à l’utilisation de l’hydrogène est la mobilité. Ceux qui ont été les plus dynamiques ont cependant été confrontés au développement des infrastructures. Tous les pays convergent vers l’équipement de grands centres régionaux avec une dizaine ou une quinzaine de stations de distribution d’hydrogène dans chaque centre, mais certains reportent l’équipement systématique de corridors hydrogène reliant les centres. Un exemple très cohérent d’une telle politique est actuellement en oeuvre en Allemagne avec le projet d’équipement d’une centaine de stations d’approvisionnement de véhicules en hydrogène. À cette fin, les principaux acteurs du marché allemand (Air Liquide, Daimler, Linde, OMV, Shell et Total), avec le soutien des constructeurs automobiles (BMW, Honda, Hyundai, Toyota et Volkswagen) et du gouvernement allemand se sont regroupés en un consortium unique H2 Mobility. Ils achèvent l’équipement des principales villes (Hambourg, Berlin, Rhin-Ruhr, Frankfort, Nuremberg, Stuttgart et Munich) en anticipant la demande ; un nombre plus limité de stations est installé entre ces sites. L’essentiel de l’approvisionnement est réalisé par transports routiers avec de l’hydrogène gris.

L’État de Californie soutient un projet similaire le long de la N One, de Seattle, San Francisco et la Silicon Valley, à Los Angeles, etc. Mais l’investissement dans les stations intermédiaires est ralenti dans l’attente de la naissance de la demande. Chine, Japon et Californie ont des objectifs similaires d’un million de véhicules à hydrogène en 2030 (500 000 pour la Corée), sans commune mesure avec l’objectif français (quelques dizaines de milliers). On peut cependant s’interroger sur leur réalisme. La Chine par exemple a décidé d’arrêter de subventionner au niveau étatique les véhicules à hydrogène dès 2021

Plusieurs pays (Chine, Norvège, Suisse) ont annoncé des plans ambitieux de transports routiers lourds avec des véhicules tracteurs à hydrogène et piles à combustible. Quelques grands constructeurs (Hyundai, Toyota, Cummins) ainsi que des starts up (Nikola) ont une offre. Il en est de même pour les transports collectifs par bus.

Perspectives, conclusions et recommandations de l' Académie des Technologies

Perspective : L’Académie des technologies dévoile son rapport présentant les grands enjeux de l’hydrogène pour la transition écologique et le développement industriel. Elle émet quatorze recommandations regroupées en quatre thèmes et définit des priorités aux usages de l’hydrogène décarboné en prenant en compte les aspects économiques souvent négligés. Elle préconise le développement d’une industrie française et européenne couvrant toute la chaîne de la production à l’utilisation de l’hydrogène en visant les marchés mondiaux. Enfin elle recommande l’accroissement de l’effort de Recherche et Développement.

Le secteur de l’hydrogène emploie aujourd’hui près de 2 000 personnes en France. Selon l’étude McKinsey, sur le développement de l’hydrogène pour l’économie française, les perspectives pour le développement de la filière hydrogène en France sont les suivantes. Environ 8,5 Md€ de chiffre d’affaires annuel en 2030 et 40 Md€ en 2050 – Un potentiel à l’export de 6,5 Md€ d’ici 2030 – Plus de 40 000 emplois dans le secteur en 2030 et plus de 150 000 emplois en 2050 – 10 à 12 Mt CO2 en moins en 2030 et 55 Mt en 2050.

Les principales recommandations sont les suivantes .

- Privilégier et promouvoir les applications de l’hydrogène en considérant le coût de la tonne de carbone évitée
 -  Assurer prioritairement une production décentralisée d’hydrogène par électrolyse pour les usages industriels diffus en substitution des productions centralisées et émettrices de CO2.

 - Développer l’usage de l’hydrogène pour les transports lourds et les flottes locales urbaines et périurbaines en équipant les grandes capitales régionales, tout en veillant aux enjeux de sécurité.

 - Encourager l’injection d’hydrogène décarboné dans les réseaux de gaz pour soutenir la demande et bénéficier ainsi d’économies d’échelle dans la production.

 - Développer des démonstrateurs industriels de systèmes de stockage et de distribution 100 % hydrogène notamment pour l’approvisionnement énergétique des zones non interconnectées (ZNI).

 -  Assurer la cohérence des opérations de démonstration initiées par les territoires.

- Développer des outils d’analyse système et des scénarios d'ensemble, couplant notamment le secteur électrique et le secteur gazier.

Sécuriser l’utilisation de l’hydrogène en poursuivant les travaux normatifs et réglementaires au niveau européen.

- Mettre en place à l’échelle européenne une certification d’origine de l’hydrogène exclusivement fondée sur les émissions de CO2 lors de sa production (ce qui n’est pas le cas actuellement).

 - Promouvoir une industrie française et européenne de la chaîne de l’hydrogène. Promouvoir de façon volontariste une filière industrielle française et européenne Électrolyseur/Pile à combustible à partir de l’écosystème déjà dynamique et soutenir les entreprises de toute la filière par l’amplification de prises de participation, soutiens en fonds propres, aides remboursables, aides à la trésorerie.

 - Ne pas négliger la production par voie reformage/CCUS en associant les acteurs français d’envergure internationale.

 - Valoriser les opérations de démonstration en veillant à ce qu’elles n’aient pas comme principale conséquence l'importation d'équipements produits en Asie ou en Amérique du Nord.

Qqs mesures plus spécifiques :

Mesure 13 : développement au travers du Programme d’investissement d’avenir de véhicules français lourds/de grande autonomie à hydrogène et des composants associés et de systèmes de production et de stockage de l’hydrogène ;

Mesure 14 : programme de recherche via l’Agence nationale de la recherche pour s’attaquer aux ruptures technologiques ;

Mesure 15 : offre de formation spécifique ;

Mesure 16 : création d’un centre international de qualification/certification de composants H2 haute pression ;

Mesure 17 : définir la place de l’hydrogène dans le rail pour verdir le ferroviaire ;

Mesure 18 : engagements réciproques entreprises-pouvoirs publics pour l’élaboration des engagements pour la croissance verte grâce aux comités stratégiques de filière.

Préparer l’avenir par un effort français et européen accru de R&D. Amplifier la recherche et développement, particulièrement sur les technologies à maturité intermédiaire, en soutien au lancement de la filière et à l’émergence de groupes industriels à ambition mondiale.

Stratégie industrielle : Quelques champions français de l’hydrogène

Stratégie :  Moins financer les intégrateurs, mieux financer des acteurs qui inventent et fabriquent des composants essentiels

Les dispositifs de soutien financier sont orientés vers les acteurs industriels qui émettent des gaz à effet de serre dans le domaine industriel (cimenterie notamment), le domaine du transport et le domaine de l’électricité. C’est une politique orientée vers les intégrateurs (souvent au comportement d’acheteurs) sur le territoire de la France.

L’expérience industrielle de notre pays a permis de constater que les politiques de ce type risquaient d’induire le développement des importations en ne conservant sur notre territoire que le montage des équipements et une part de la gestion. La recherche nationale se trouve alors peu exploitée.

L’Académie souhaite que la France fasse porter ses efforts sur les acteurs industriels qui produisent et fabriquent des composants essentiels (électrolyseurs …) ou élémentaires à valeur ajoutée ou stratégique (membrane, catalyseur…), c’est-à-dire des constructeurs ou encore fabricants des composants de la chaîne de valeur de l’hydrogène, avec pour objectif de développer leurs activités sur le marché mondial. L’Académie souhaite que ces constructeurs et fabricants soient favorisés et pas seulement les intégrateurs, souvent des grands groupes qui lors des opérations de démonstration ou de pré-déploiement intègrent les sous-traitants les moins-disant (politique d’achat), ou s’associent avec des partenaires dans le cadre de consortiums au détriment de fournisseurs ou partenaires français ou européens.

Dans cette approche, il n’est pas obligatoire de développer l’ensemble de la chaîne industrielle. Il peut être préférable de choisir certains composants essentiels ou éléments de cette chaine de valeur pour lesquels la France peut générer un avantage compétitif sur le marché mondial. Une possibilité est de sélectionner les technologies pour lesquels des acteurs industriels français disposent d’atouts et de soutenir leur développement quel que soit le niveau d’avancement de la technologie en mettant les moyens pour accélérer les processus de mise en service industriel.

Quelques champions français

. Les électrolyseurs (L’électrolyseur est au cœur de la chaine de valeur. Deux fabricants français sont présents sur le marché :

McPhy (dont EDF vient de prendre 21 % du capital) avec une gamme d’électrolyseurs alcalins de 4, 20, 100 MW et au-delà (fabrication en Allemagne pour les grandes puissances). Mc Phy a opté pour une technologie mature mais dont la réalisation pour les fortes puissances reste un défi.

Areva H2Gen (actionnaires : AREVA SE, Ademe, Smart Energies, - de 20 salariés) propose des électrolyseurs de type PEM.

En Europe, le norvégien NEL Hydrogen Electrolyser, une division de NEL ASA, est no1 mondial. Sont également présents le britannique ITM POWER, les allemands Thyssenkrupp et Siemens et Hydrogenics, société canadienne dans laquelle Air Liquide vient de prendre une participation de 18,6 % et, plus récemment Cummins qui en a pris la majorité aux côtés d’actionnaires chinois.

Sylfen (spin off du CEA) prépare l’avènement des électrolyseurs Haute température (850°C) qui permettent d’accroître le rendement et peuvent être employés de façon réversible en pile à combustible.

Ergosup développe une technologie d’électrolyseurs à haute pression avec électrochimie du zinc..

Applications stationnaires (piles à combustibles...) Pour les applications stationnaires, le marché est dominé, notamment, par les japonais Panasonic, Toshiba...

Hydrogène de France (HdF) :  Hydrogène de France a signé le 9 Décembre 2019 un accord avec le canadien Ballard Power Systems (actionnaire chinois), basé à Vancouver et producteur de PAC depuis 40 ans (pour un un transfert de technologie – en l’occurrence sous solution PEM* –Concrètement, l’opération pourrait donner naissance à une usine opérationnelle en 2022 avec 50 MW de capacité de production espérée en 2025 et une centaine d’employés. Un projet à 15 M€, où l’achat des coeurs de pile Ballard pèse lourd. Par ailleurs l’ambition est de faire du co-développement avec Ballard.

AREVA SE (Helion) : Depuis juillet 2019, AREVA SE opère sous le nom de marque Helion Hydrogen Power, afin de capitaliser (30 brevets) sur « vingt ans d’expérience et un savoir-faire reconnu dans le domaine de l’hydrogène et de la pile à combustible ».
Applications mobilité (piles, réservoir...)  

Michelin et Faurecia (contrôlé par PSA) ont formé Symbio une coentreprise  dédiée à la fabrication de modules hydrogène à intégrer dans des véhicules de différentes puissances. Symbio fournit déjà les piles à combustible des Kangoo ZE et des Renault Master. L’investissement prévu est de 140 millions Euros et l’objectif de chiffre d’affaire de 1,5 milliards en 2030. La société a 200 salariés

Safra est une société albigeoise qui conçoit et construit des bus avec toutes sortes de motorisations notamment électriques et en particulier hydrogène avec une pile à combustible Symbio). Avec son modèle de bus à hydrogène BUSINOVA, Safra a gagné plusieurs appels d’offres (Syndicat de transport Artois-Gohelle, Versailles, Le Mans, aéroport de Toulouse, Auxerre).

Plastic Omnium (PO) a acquis une expertise dans le domaine des réservoirs sous pression et notamment des réservoirs 700 bars, en prenant le contrôle d’Optimum CPV en Allemagne, et en gestion et contrôle de l’énergie dans les systèmes embarqués par l’acquisition de Swiss

Hydrogen. En 2016, PO a créé une coentreprise avec la société israélienne Celltech. PO a déjà reçu des commandes pour des réservoirs 300 bars pour des bus et a obtenu la certification de ses réservoirs 700 bars.

Mahytec propose des solutions de stockage d’hydrogène comprimé et solide ainsi que des packs intégrés électrolyseur,réservoir et pile à combustible.

Stelia Aerospace Composites a homologué une nouvelle génération de réservoirs très haute pression en fibre de carbone. De plus, Stelia a conclu un accord exclusif avec Faurecia pour mettre a sa disposition sa propriété intellectuelle et son savoir-faire dans le domaine des réservoirs d’hydrogène en matériaux composites.

Atawey est une start-up française qui propose des stations services  intégrées pour la mobilité hydrogène.

Proviridis met en place des infrastructures innovantes de distribution de carburants et énergies propres permettant de répondre à la fois aux enjeux environnementaux et aux contraintes économiques des consommateurs : GNV, Biométhane, hydrogène et électricité.

Aaqius développe un concept de recharge pour mobilité légère à l’aide de « canettes » type canette de soda.

Alcrys spécialiste français de la haute pression, Alcrys® réinvente la régulation des gaz avec une technologie exclusive : Alcrysafe®. Alcrysafe est une technologie qui permet de composer des équipements haute pression à la manière de Lego, en assemblant des corps cubiques et des cartouches fonctionnelles

Ad-Venta est une jeune société française innovante spécialisée dans la mise en œuvre des gaz sous pression et tout particulièrement l’hydrogène. Ad-Venta bénéficie de compétences basées sur plus de 40 années d’expérience et fournit à ses clients des solutions clés en main dans les domaines suivants : régulateurs de pression et détendeurs de petite taille, à coûts contraints, sûrs, simples et fiables, dispositifs fluidiques intégrés, Intégration mécanique de fonctions fluidiques.
L’écosystème français décrit ci-dessus même s’il n’est pas exhaustif est considéré comme dynamique ; néanmoins ce sont de très petites sociétés qui, pour se développer ont besoin d’assurer leur propre prospection commerciale au plan mondial (cout élevé) mais aussi l’appui et la crédibilité d’acteurs plus puissant (adossement à des ETI ou groupes). Cet écosystème a aussi besoin d’appels d’offres ciblés en France et en Europe pour les aider à grandir.

 Intégrateurs :  les intégrateurs. De grands groupes ont annoncé un intérêt et présenté une stratégie pour l’hydrogène, mais qui tarde à se concrétiser par des réalisations concrètes car comme montré au chapitre 5 l’économie de l’hydrogène reste en grande partie à inventer.

Air Liquide (AL) qui dispose d’une expertise exceptionnelle sur l’ensemble de la chaine de l’hydrogène : approvisionnement, production, distribution, compression, transport. Que l’hydrogène soit fabriqué par vaporeformage, soit vert ou bleu avec réinjection du CO2 émis, n’est pas la préoccupation centrale pour Air Liquide qui est d’abord le spécialiste mondial de cette molécule.

AL est initiateur de quatre consortiums (Allemagne, Japon, Corée du sud, France) visant à déployer l’infrastructure de recharge hydrogène pour la mobilité. Par ailleurs, AL conduit des projets en Europe (600 taxis hydrogène à Paris, capture de CO2, production d’acier bas carbone en remplaçant en partie le charbon par de l’hydrogène, garanties d’origine de l’hydrogène bas carbone…), en Amérique du Nord (en Californie station de 30 t/jour pour alimenter 35 000 véhicules, au Canada construction du plus grand électrolyseur PEM au monde de 20 MW…) et en Asie (stations-service en Chine…)

EDF a publié chez Lavoisier un livre sur l’hydrogène décarboné et a pris une participation de 21 % dans le capital de McPhy. Elle a créé une filiale Hynamics pour produire et commercialiser de l’hydrogène bas carbone pour l’industrie chimique, verre, agro-alimentaire, transformation des métaux...), les raffineries mais aussi le marché de la mobilité en accompagnant les collectivités territoriales. Les pays visés sont la France, l’Allemagne, les États-Unis, la Chine et les Emirats.  EDF a été retenu pour l’appel à projet mobilité et industrie sur deux projets. On évoque l’installation d’électrolyseurs près de la centrale nucléaire de Penly en Normandie. L’idée souvent présentée par les politiques de l’usage des excès temporaires d’électricité verte pour faire fonctionner des électrolyseurs n’est pas retenue, semble-t-il, par EDF faute de rentabilité raisonnable.

Engie a fait le pari de l’hydrogène pour sa production, commercialisation et sa distribution. Engie via notamment sa filiale Gnvert développe de nouvelles stations de ravitaillement en H2 et totalise 18 stations en exploitation en France à fin 2019. Enfin le projet HyGreen en association avec Air Liquide, dans la vallée de la Durance a pour ambition d’associer 900 MW de PV avec une capacité de 435 MW d’électrolyse et de stockage de l’hydrogène dans les cavités salines de Manosque. Dans le domaine industriel, Engie associé avec Yara et Enaex ont le projet d’introduire de l’hydrogène renouvelable dans la production de NH3. Engie investit aussi dans des start-ups liées à l’H2 comme récemment dans H2SITE 63 qui fabrique des membranes pour la purification de l’H2

Le projet GRHYD (Gestion des réseaux par l’injection d’hydrogène pour décarboner le gaz) est développé près de Dunkerque, pour tester le mélange gaz naturel-hydrogène dans le réseau de distribution, ce mélange a aussi été testé comme carburant dans les bus. Jupiter 1000, projet de Power to Gas, mené par GRTgaz, est installé à Fos sur mer avec deux électrolyseurs de 500 kW chacun, PEM pour l’un, alcalin pour l’autre (200 m3/heure). ENGIE a aussi plusieurs projets mixtes de biogaz 1er génération etTotal s’intéresse à la production d’hydrogène par vaporeformage et stockage du CO2 produit. Cette solution est envisagée en Ecosse, à Dunkerque, en Norvège avec des partenaires industriels. Total est aussi actif dans les stations H2 en Allemagne, au Benelux et bientôt en France. La feuille de route de TOTAL est en cours de redéfinition.

Les grands intégrateurs sont présents notamment par les commandes qu’ils passent et les opérations, certaines de taille significative qu’ils engagent ou annoncent. Ont-ils le rôle d’entrainement de l’industrie française/européenne que l’on pourrait attendre d’eux ?





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